Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PRAETORIUM

PRAETORIUM. On a déjà expliqué à l'article cASTSA le sens du mot praetorium et la différence qui existe entre ce terme et celui de principia. Des découvertes et des travaux récents ayant jeté un nouveau jour sur la question, il est nécessaire d'y revenir ici brièvement. On verra par la suite de cet article comment il est impossible de traiter à part chacun de ces termes. Dans la langue militaire et lorsqu'il était question de camps de marche, tels que ceux qu'a décrits Polybe pour l'époque républicaine et Hygin pour la période impériale, on donnait le nom de principia à la partie, voisine de la via principalis, qui formait le centre du camp'. D'un côté s'étendait un grand espace, réservé au général en chef, au milieu duquel on établissait sa tente. Comme à, l'époque où ces usages s'étaient introduits le général ne portait pas encore le titre de consul, mais celui de praetor, le local qui lui était attribué dans le camp reçut le nom de praetorium, qu'il garda toujours malgré les changements apportés dans la suite aux choses de l'armée 2. Devant le praetorium, à droite pour qui le regardait, mais toujours du mème côté de la via principalis, on plaçait l'auguratorium oùle général prenait les auspices 3 ; à gauche le tribunal où lui et ses officiers rendaient la justice 4 ; en face de l'entrée on dressait l'autel où il offrait les sacrifices'. Sur les côtés on faisait camper les soldats destinés à monter la garde auprès du commandant et aussi ceux qui composaient son état-major (officia/es); on comprend qu'il eût besoin de les avoir sous la main pour les facilités de l'administration Ce qu'était ce praetorium, il est assez difficile de s'en rendre compte. Lorsque l'habitation du général consistait en une tente mobile, celle-ci ne devait guère différer des autres que par sa grandeur ; tout au plus pouvait-on la rendre plus confortable, par exemple en couvrant le sol de tapis ou, comme César, de pavements de mosaïque portatifs'. Mais si à une tente on substituait une construction plus durable, ainsi qu'il devait se produire dans les camps d'hiver, comment celle-ci était-elle faite? Il est très malaisé de se le représenter. Josèphe 6 parlant du praetorium écrit qu'il était s i axEitnA,jawv et paraît vouloir dire qu'il avait l'apparence d'un temple, à moins qu'il ne fasse allusion par là à l'autel et à l'augurale qui lui donnait un caractère sacré °. Varron parlant des cours ouvertes (cavaedium) laissées au milieu d'une maison ajoutef6: in hoc locus si nullus r elictus erat sub divo qui esset, dicebatur testudo ab testitudinis similitudine ut est in praetorio in castris, ce qui permettrait de supposer que le prétoire était un édifice avec une cour voûtée ; mais tout ceci est bien incertain. L'autre côté de la via principalis était bordé par le quartier destiné au campement des officiers supérieurs et où l'on avait aménagé un espace ou des espaces demi-circulaires appelés scola ; on y venait au rapport, en face de l'aigle et des enseignes, prendre des ordres pour le service du camp ". C'est cet ensemble qui portait le nom de principia ; le praetorium n'en était qu'une partie, mais la partie la plus importante. Ces principes de castramétation étaient encore appliqués à l'époque impériale , ainsi que le prouvent, par exemple, les deux camps qu'établit, au temps des Flaviens, Flavius Silva, légat de Vespasien à Masada près de la mer Morte 12. M. von Domaszewski y a relevé des restes de l'habitation du commandant, avec un grand triclinium, du tribunal, de l'auguratorium et de la scola qui leur faisait face f3. Quand les camps temporaires se transformaient en camps permanents, véritables forteresses élevées sur les frontières de l'Empire, on restait, naturellement, d'abord fidèle aux principes énoncés plus haut ; puis avec le temps, avec les modifications des institutions militaires ou les besoins que créait une occupation prolongée, de grands changements s'introduisirent dans ces dispositions : ce qui tout d'abord'n'était que la demeure du général tendit à absorber tout le reste. Au centre du camp on rencontre généralement, à l'époque postérieure, un grand édifice composé d'une série de chambres groupées autour d'une ou plusieurs pièces centrales ; et comme cet ensemble occupe la place réservée dans les camps de marche au praetorium, on a pris l'habitude de le désigner par ce terme, qu'il s'agisse d'un camp légionnaire ou d'un petit fortin comme ceux qui s'échelonnaient sur le limes du Rhin et du Danube. Certains savants ont bien protesté contre cet usage; ils se refusent à appliquer le titre de praetorium à des constructions où le général ne loge pas f4, ou qui, si elles contiennent des habitations, n'abritaient que de modestes chefs de poste ". Cependant, tout différent qu'il soit du praetorium primitif, ce groupe de constructions n'en est pas moins le successeur de l'ancien, et, ne serait-ce que pour la clarté, il est permis de lui conserver, ce que nous ferons ici, la dénomination courante. Le type le plus complet d'un ensemble de cette nature nous est donné par le camp de Lambèse, en Afrique. J'en ai publié le plan dans les Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions ° et M. Gsell l'a donné ensuite à son tour, en le complétant d'après ses relevés (fig. 5791) ". Il se compose de trois parties : une salle d'entrée (A), d'aspect monumental, c'est celle à laquelle on donne couramment le nom de praetorium'' ; derrière, une grande cour (B) entourée à droite et à gauche de bâtiments et séparée de la suivante par une plate-forme accostée de deux escaliers latéraux ; enfin une deuxième cour (C) que M. Domaszewski appelle la « cour sacrée » à cause de l'édifice qui s'élève au fond (4). Il y reconnaît, et tout le monde avec lui, la chapelle où l'on déposait les enseignes 19 [LEGIO, SIGNA'. A côté existaient une suite de chambres, en partie terminées en absides, qui contenaient les bureaux des différents services et qui, à partir de SeptimeSévère, furent transformées en chapelles par les divers collèges militaires qui se formèrent alors [SCOLA] 2°. Ainsi la salle `f, qui était l'offcium des tribuns, devint le sanctuaire des auxiliaires de ces officiers (cornicularii et benefbciarii); la salle 1, qui constituait le tabularium legionis, était occupée par le collège des cornicularius, PHA actarius, librarii et exacti legionis, etc. En avant de ces chapelles régnait une colonnade décorée de bases de statues impériales La cour antérieure, d'après M. Domaszewski, aurait constitué les magasins (armamentaria) 2; en fait, on y a trouvé, dans la salle 8, le règlement d'un collège des' armorurn custodes', à sa place antique, scellée dans le mur, ce qui indique que là aussi ces sous-officiers avaient un sanctuaire ; dans la pièce qui formait l'angle nord existait un dépôt de projectiles'. Nous retrouvons cette division en trois parties (salle d'entrée, cour ou, comme on tend à l'appeler, atrium, et cour sacrée) dans les camps un peu importants que nous offrent les différentes provinces de l'Empire : dans d'autres la salle d'entrée n'existe pas; quelquefois même les deux cours sont confondues en une. Il suffira de citer quelques exemples. Le camp de Saalburg bei llomburg (fig. 57912.) offre les trois parties précitées :une grande entrée qui occupe toute la largeur du monument et qui est traversée par la via prineipalis (A), une première cour atrium (B).avec des fontaines, et une seconde ornée de colonnades au fond de laquelle s'ouvre la chapelle des enseignes 5. Les différentes chambres latérales sont beaucoup moins bien marquées, dans l'état actuel , qu'à Lambèse. Du même type sont les forteresses de Welzheim 6, d'lJnterbôbingen 7, d'Aalen 9 et de Butzbach sur le limes du Rhin. VII. PRA On constate ta présence de deux cours, mais sans salle d'entrée dans les camps de Noavesium 10, d'Arnshurg (fig. 5793) " et de Hunzelj2, sur le Rhin, dans celui de Carnuntum, sur le Danube 13, dans ceux du limes de Grande-Bretagne comme Bremenium 14 et le fortin romain de Hardknott' S, et avec des proportions moindres dans le camp de Daganiya, en Arabie (fig. 5790' La forteresse de Theilenhofen sur le Blin (fig. 5795(", celle de Bueh 1 s ou encore celle de Murrhardt 19 donnent. au contraire, un type de praetorium avec une salle d'entrée assez développée et une seule cour derrière, entourée de magasins, la pièce du fond servant de chapelle pour les signa. M. Domaszewski a montré'-n, en rapprochant de ces di sposi Lions architecturales le récit d'une fête militaire dans un camp d'Egypte 21, quelle était la vie des sol dats en pareil cas dans le praetorium et aux environs immédiats 2a Le mot praelorium a encore, chez les auteurs ou dans les inscriptions , d'autres sens que celui qui vient d'être exposé 2t. Le praetorium étant, par définition, le quartier générai du commandant en chef, lorsque l'empereur devint théoriquement le général par excellence, l'imperator permanent, sa résidence prit le nom de praetorium. C'est ainsi un édit à Baies, relativement à la cité des Anauni, le libelle ainsi : Idibus Martis, Bais, in praetorio 24. Mais comme d'habitude le prince résidait à Rome, il y eut à côté de praetoria chan 81. PUA PRA geant avec les déplacements du prince et attachés, pour ainsi dire, à sa personne, et de ses différents palais d'Italie, un praetorium fixe dans la capitale. C'est ce praetorium à la tête duquel étaient les préfets du pré toire (praefecti praetorio) et que la garde impériale (praetoriani) était spécialement chargée de garder. Eire appelé à servir au quartier général de Rome étant la même chose que d'être enrôlé parmi les prétoriens, le mot praetorium finit par prendre à peu près la même valeur que le terme praetorinnus, doit certaines expressions comme mis'su.S praetorio ', trajer_ies in praetorium2, translatas in praetorio 3. Mais, même alors, le mot continua à être employé comme auparavant dans le sens de «résidence du gouverneur «' et particulièrement de « logement réservé au gouverneur dans ses déplacements». L'épigraphie n'ignore pas cette signification', et lorsque nous lisons sur une inscription' : tabernae et praetoria per vins rnilitore.s, il faut comprendre qu'il s'agit là de deux sortes de gites d'étape, les labernae destinés aux voyageurs ordinaires et les pruderie faits pour les gens de marque. C'est là l'origine de ces nombreuses stations, signalées par les itinéraires anciens et où figure le mot praetorium. Par une dernière extension, le mot devint synonyme de maison riche, palais, et même de maison d'habitation opposée aux constructions agricoles : «praetoria voluplal i lanlum deservientla»'. Le praetorium, édifice de luxe, se distingue de la villa, bâtisse d'utilité'. R. CAGna1.