Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PROCURATOR

PROCURATOR. Le terme de procurator, comme l'indique sa formation, s'applique à toute personne chargée, à la place d'une autre, de veiller à quelque affaire, de prendre soin de quelque intérêt'. Dans la langue du droit civil, il signifie « procureur, avoué n, c'est-à-dire le représentant, librement choisi par un plaideur, qui se substituait à lui, en vertu d'une convention verbale ou écrite, et qui prenait l'affaire à son compte 2. Les auteurs distinguent nettement le procurator du cognitor3. Celui-ci devait être constitué devant le tribunal par le plaideur lui-même et pour un cas particulier, tandis que le procurator pouvait recevoir sa commission d'un absent et pour toutes les causes qui l'intéressaient'. Dans la langue courante ou dans le langage administratif on entendait par procurateur l'homme de confiance à qui l'on remettait le soin de vous remplacer dans la gérance d'une exploitation agricole, dans la direction d'une affaire commerciale. Procurateur est le client qui, en l'absence de son patron, s'occupe de ses intérêts 6 ; le mandataire qui surveille les biens d'un ami, qui touche ses revenus, qui dirige leur emploi et qui assure la prospérité de sa fortunes ; l'intendant, conseil et fondé de pouvoirs d'une femme qui n'est point en communauté de biens avec son mari' ; c'est surtout l'affranchi ou l'esclave que le maître prend comme directeur de ses propriétés' et met à la tête de toute sa famille serviles, celui qu'il charge d'un service particulier dans sa maison (cellier f', voitures volière 12), ou d'une mission de confiance t3. Les procurateurs de cette espèce ont été très nombreux dans les grandes familles romaines à toutes les époques ; ils l'étaient, en particulier, à la fin de la République et au début de l'Empire. L'empereur en avait comme les autres, pour gérer sa fortune privée. Lorsque, par suite de la révolution qui s'opéra alors, il devint le maître d'une partie de l'Empire, avec une caisse à lui appartenant et enrichie par des impôts particuliers [FISCLS, PATRIMONIUM], avec des provinces qui lui constituaient un domaine propre [PROVINCIA], avec un train de maison et une dômesticité très considérables, il est naturel qu'il ait employé, pour l'administration de cette fortune, les méthodes usitées alors et placé chaque branche et même chaque subdivision sous la direction d'hommes de confiance nommés procurateurs. Il était naturel aussi qu'il employàt à ces fonctions ceux que les particuliers en chargeaient, c'est-à-dire ses affranchis", qu'il pouvait plus étroitement diriger et surveiller. Mais, en même temps, il réorganisait l'ordre équestre et tenait à lui attribuer une place importante en face de l'ordre sénatorial, dépossédé d'une partie de ses prérogatives; pour y parvenir, il était nécessaire d'assurer aux chevaliers des fonctions [EQUITES]; d'eux aussi i1 fit des procurateurs, leur confiant la direction de certaines administrations et leur attribuant le titre de procuratores Augusti, tandis que les autres procurateurs, ceux qui n'étaient que des affranchis, étaient dits procuratores sans autre adjonction'. Par là, il établissait une distinction entre son service personnel et le service de l'État : les postes confiés aux affranchis l'étaient à des mandataires directs du prince, les autres à des fonctionnaires officiels. Les premiers empereurs restèrent fidèles à cette conception du fondateur de l'Empire : jusqu'à Néron, la plupart des postes de procurateurs étaient entre les mains d'affranchis; le premier, Othon essaya de réagir56; Vitellius" fut plus tranchant; à l'époque PRO 663 -PRO flavienne les places étaient encore partagées entre les deux catégories (libertini, equites romani)' ; enfin, sous Hadrien, la distinction disparut et l'ordre équestre fut mis en possession de toutes les situations de procurateurs [EQLLTES; 2, à l'exception des places relativement intimes du palais impérial, qui restèrent confiées à des hommes d'origine servile 3. Si l'on considère la nature de leurs fonctions, on peut diviser les procurateurs en plusieurs catégories : 1° Intendants de la maison impériale : Procurator patrimonii 4 rationis privatae 6, castrensis ou /isci castrensis', thesaurorum7, voluptatum ', etc. 2° Chefs de la chancellerie et de la comptabilité à Rome: Procurator ab epistulis °, a libellis10 , u studiis't a cognitiionibus12, a rnernoria °, a rationibus 4, etc. 3° Directeurs de divers services à Rome : Procurator lliniciae'', aquarum", opt'rum publicorant", ad silices'", vtiarum70, ludi magni20, luth matutini2., 4° Administrateurs du fisc dans les provinces impériales : Lugdunensis et Aquitania, Belgica et utraque Germaniu, Dacia, Britannia, Lusitania, Ilispania, Tarraconensis, Pannonia, Dalmatia, tlloesia, Syria, Cappadocia, Cilicia, Armenia, Arabia, Numidia, Bithynia et Pontus, Puniphylia", ou dans les provinces sénatoriales (à côté du questeur, chargé des intérêts de l'aerarium) : Asia, A f'rica, Gallla, Xarbo-nensis, Sardinia, Sicilia, Achaia, Baetica, hlacedoniu, Cypru.s' 3° Gouverneurs des provinces dites procuratoriennes [ FROVINCIAl : Alpes Cottiae et mari itiniae 28, Corsic¢ 27 Epires2", Judaea'°, Liburnin , Muuretcanin Caesariensis °1 et Tingitana 32, Illesopotamia 33, Moesia et Treballia u, Xoricurn a", Osrhoene u, Paetia 37, Sardinia 38, auxquelles il faut ajouter quelques autres provinces qui, pour un temps seulement et par suite de circonstances graves, furent traitées comme procuratoriennes, par exemple la Bithynie au premier siècle ", ou la Pamphylie L0. Ces gouverneurs, qui joignaient aux fonctions financières de leurs collègues l'autorité et les pouvoirs d'un gouverneur civil et militaire, portaient le titre caractéristique de procurator et praeses 41, procurator pro legato 42. 6° Chefs de services financiers ou même administratifs en dehors de Rome : Procurator hereditatium73, XX hereditati.um", portorii4, annonae", portes47, atimentoruin 5, metallorum4°, marmorum50, vectigalium ", ad diocesin Ale,xandriae'2, juridicus Aegyptiu3, Neaspoleos et Aiausolei 64, regionis, tractus". Sans compter un certain nombre d'autres procurateurs civils ou militaires qui portaient plus spécialement le titre de pRAEFECTrs et dont il a été question à cet article. Carrière des procurateurs. Nous avons indiqué à l'article EQUITES quelles étaient les qualités requises pour être admis au nombre des procurateurs et quels postes militaires ou civils il fallait avoiroccupés. Nous n'y reviendrons pas ici. Celui que, toutes conditions préliminaires remplies, l'empereur voulait faire entrer ainsi dans la carrière recevait un brevet (codicillas) u, qui témoignait de sa nomination comme fonctionnaire impérial, de son ordinatio 57. Il prenait rang parmi les procurateurs de dernière classe, Car il y avait entre les divers postes des degrés hiérarchiques auxquels correspondaient des variations de traitements. Assurément la distinction entre ces différentes classes de proeuratèles n'était pas aussi strictement établie que celle qui existait entre les différents degrés de la carrière sénatoriale : la volonté ou la bienveillance de l'empereur jouait en cela un rôle prédominant ; néanmoins il semble bien que l'on puisse saisir les grandes lignes de la classification des fonctions procuratoriennes, surtout depuis les réformes d'Iiadrien 6". Le principe d'un traitement pour les procurateurs chevaliers remonte certainement à l'empereur Auguste mais ce traitement était moins élevé sous lui et sous ses successeurs immédiats qu'il ne le devint ensuite. Du temps de l'empereur Claude, où les fonctions les plus importantes de l'administration impériale à Rome étaient entre les mains des affanchis, lesquels ne touchaient pas de traitements d'État, mais des rémunérations laissées à la générosité de leur maitre, il parait probable que la somme annuelle la plus forte allouée à un procurateur chevalier ne dépassait pas 200000 sesterces, puisque l'on voit des personnages de ce rang obtenir les ornements consulaires G0. Il n'y avait alors et il n'y eut sans doute pendant quelque temps encore que deux classes de procurateurs, ceux qui étaient payés 200000 sesterces et ceux qui n'en touchaient que 100000. Les choses changèrent au début du ne siècle. Depuis lors les procurateurs étaient répartis en quatre classes"' : procurateurs à 300000 sesterces (ad IIS CCC milia( e, à 200000 sesterces (ad IIS CC rn lia f 3, à 100000 sesterces (ad IIS C Inilia) , à 60000 sesterces (ad LIS LX ondin) M. Hirschfeld e essayé de répartir entre ces quatre catégories les différentes procurateles connues. Les résultats auxquels il est parvenu sont les suivants °6 : Étaient classés parmi les fonctionnaires payés 300000 sesterces les procurateurs attachés plus particulièrement, à Rome, aux finances et au secrétariat de l'empereur, s'est-à-dire, au ne siècle, le procurator a PRO ---661 ---PRO rationibust, ultérieurement Ies procurateurs roi privatae2, ab epistulis latinis, a libellis, a mernoria 3, a studiis, acensibus, e cognition ibus et peut-êtrelemagister soi sumac um r'atoonum 4. Aucun procurateur provincial n'arrivait à un traitement aussi élevé ; les plus considérables ne touchaient que 100000 sesterces. Il faut noter, d'ailleurs, que l'importance de la charge ne résultait pas de celle de la province, ni du rang du gouverneur qui était à la tête, mais de la nature de la fonction ; ainsi un procurateur-praeses d'une petite province pouvait être égal en rang au procurateur purement financier d'une province sénatoriale consulaire s.De plus, il arrivait qu'une province prit exceptionnellement une importance considérable par suite de circonstances spéciales ; le procurateur qui y était alors en fonctions profitait de cette plus-values ; enfin on a des exemples de procurateurs qui obtenaient sur place un avancement, lequel alors était donné à la personne, comme récompense de services particuliers, et non à la charge qu'elle occupait". Ces réserves faîtes, on trouve cités dans les inscriptions comme appointés à 100000 sesterces les procurateurs des provinces suivantes : Étaient classés parmi les procurateurs de cette catégorie les procurateurs de Rome' : rationis castrensis, stationis hereditatium, summarum rationum, vehiculorum (par viam Flaminiam), et les procurateurs provinciaux : idiologus Alexandriae, a anuseo, 1111 publicorurn A fricae (?). Appartenaient à la catégorie des procurateurs à 100 090 sesterces ceux des provinces suivantes 46 Alpes Grées. et certains fonctionnaires résidant à Rome ou dans les provinces" : proc. alimentorum, proc, aquarum, subpraefectusernnonae, juridicusAinxandriae, proc. biblio thecarupn, proc, ad census, consilarius Aug., proc. hereditatiurn patrimonii, proc. lods magni, proc. metallorurn, proc. rnonetae, proc. oper-um pubticorum, proc. paerirnonii, proc. Pelusi, proc. privatae (dans certains districts), proc. summi choragi, proc. usiacus, proc. vehiculotum, proc. XX lieredïtatium. La classe inférieure (60 000 sesterces) contenait quelques procurateurs provinciaux (Alpes Grées, Crète et Cyrène, Chypre, Cilicie, Épire, Mésopotamie, Osrhoène) 12, et les auxiliaires ou sous-directeurs des administrations impériales 13 : adjutores studiorum, proc. vehiculorum (en province), proc. alimentorum (dans les divers districts particuliers), proc. ad annonam Ostiis, proc. bibliothecarum, proc. rationis privatae (dans les petits districts), proc. XX heredïtatium (en province), proc. iudorum (id.), proc. ad min iciam, adjutor praefect. annonne, adjutor ad census, proc. a regionibus, proc. viarum, proc. ludi mat utini, proc. Neaspolos etlllausolei Alexandriae, subprocuratores, etc. L'élévation du traitement servit d'assez bonne heure à spécifier les différentes classes de procurateurs. Suétone parle déjà de procuratores ducenariï t'4; comme titre officiel cette appellation n'apparaitqu'à la fin du ne siècle ; elle devient fréquente au me"; les inscriptions mentionnent courammentdes trecenarii (CCC), des ducenarii (CC), des centenarii (C) et des sexagenarii (LX) ", si bien que cette façon de désigner les fonctionnaires continua à être usitée, même lorsqu'elle eut cessé de répondre à la réalité du traitement ". Les ducenarii et les centenarii subsistèrent après Constantin et ses réformes ts ; les sexagenarii disparurent avec lui, et les trecenarii n'existaient peut-être déjà plus à son époque". La durée des fonctions des procurateurs n'était pas fixe, mais dépendait essentiellement de la volonté impériale et des circonstances. Ainsi Ponce Pilate resta pendant dix ans procurateur de Judée 20 et Valerius Gratus pendant onze ans 21 ; un personnage du nom de C. Oetavins Sagitta demeura quatre ans procurateur de Vindelicie et de Rétie, dix ans procurateur d'Espagne et deux ans en Syrie". Certains empereurs avaient, au contraire, pour principe de ne laisser les procurateurs que fort, peu de temps dans le même poste; Alexandre-Sévère leur laissait à peine le temps d'achever une année 2a. Naturellement le mandat d'un procurateur cessait d'office avec la mort du prince qui l'avait choisi ; il lui fallait une nouvelle nomination pour conserver son poste ; sans quoi il était considéré comme révoqué". Il arrivait parfois que, le gouverneur d'une province venant à mourir ou à s'absenter au cours de son commandement, on devait pourvoir à l'intérim sans retard. Dans les provinces impériales, il était assez naturel qu'on fit appel en pareil cas au procurateur en fonction : alors, celui-ci était appelé procurator vice praesidis, opens vices praesidis, partibus praesidis ftengens. Les PRO --665 --PRO exemples du fait sont assez nombreux' ; ils appartiennent surtout au ni° siècle, ainsi que le remarque M. Ilirsehfeld Dans les provinces du Sénat, ii existait pour l'État un autre procédé qui était de confier le gouvernement à. un légat ou au questeur du proconsul décédé ou absent [LI'OATUS] ; procédé plus correct, puisque ainsi l'empereur évitait de se mêler par son représentant des affaires réservées au Sénat. Néanmoins on a, de procurateurs remplaçant des proconsuls, un exemple du temps de Domitien' et un certain nombre d'autres appartenant au in" siècle`', alors que le souverain n'avait plus pour les sénateurs les ménagements que gardaient les princes des deux premiers siècles. 11 ne faut pas confondre ces procurateurs vice praesidis avec le procurator pro legato que citent certains textes épigraphiques; ceux-là sont des procurateurs chargés de commandements extraordinaires mais non intérimaires; tel est le procurator Augustor. et pro lecd. provincial Raetiai et Vindolic. et Va/lis Poenin., que nous signale une inscription du début de l'Empire 3, et le procurator pro legato de lingitane qui, sans doute dans un moment de trouble, avait reçu des pouvoirs militaires extraordinaires'. Attributions des procurateurs. Pour étudier les fonctions confiées' aux procurateurs, il faut distinguer les procurateurs gouverneurs de province et les procurateurs purement financiers. f° On peut dire que ceux-ci n'avaient qu'une mission, celle de veiller à la perception de l'impôt ou des impôts à l'administration desquels ils étaient attachés. S'agit-il de procurateurs préposés à une province entière, sénatoriale ou impériale, ils sont chargés de tenir la main à la levée des taxes qui reviennent au lise; ainsi, pour le tributum, s'ils ne le perçoivent pas eux-mornes par leurs agents directs', ils font en sorte que les intermédiaires ne fassent ni tort au trésor, ni violence aux contribuables a ÏTaise Ti ai]. Les procurateurs spécialisés à des impôts particuliers ont une besogne de même nature. Par exemple, les procuratores portorii devaient, au temps où l'impôt était loué à des fermiers, surveiller la gestion de ces fermiers et intervenir au besoin entre eux et les voyageurs °; e l'époque oh les fermiers n'existaient plus, faire encaisser les droits de portorium par les esclaves et Ies affranchis impériaux qui étaient sous leurs ordres POaTOalt`M]i0. Ily avait dans le détail autant de devoirs techniques qu'il existait de sortes d'impôts a faire rentrer; ce sont des développements dans lesquels on ne saurait entrer ici. Chargés d'encaisser les recettes, ils avaient aussi pour mission de faire face aux dépenses, quand l'argent était employé sur place. C'est ainsi qu'ils devaient pourvoir à la solde des troupes d'occupation dans les provinces impériales ", sans doute aussi, à leur approvisionnement 12. La nécessité de faire rentrer exactement l'impôt néces e'11. sitait naturellement pour eux une certaine juridiction'. Tout d'abord on avait suivi la procédure civile ordinaire: la cause était portée par le procurateur devant le préteur° à ttoule, devant le gouverneur en province, et jugée par des jurés ". Mais Claude, afin de simplifier les choses, décida et fit décider par un sénatus-consulte que la, juridiction civile en matière fiscale serait attribuée aux procurateurs impériaux, jugeant chacun dans son ressort''_ Ce privilège leur fut maintenu dans la suite10. Maïs cette juridiction avait, comme l'a très bien noté M. Leerivain'7, un caractère particulier. Le procurateur ne pouvait pas infliger d'amende 1e, ni condamner à une peine", ni décider sur les questions d'état soulevées par un procès". De même il ne pouvait séquestrer les biens des condamnés qu'après la sentence rendue par la justice ordinaire 2'. Ces restrictions furent, d'ailleurs, souventviolees en pratique; aussi, en fait, les procurateurs exerçaient-ils une juridiction presque exorbitante: «Ils règlent eux-mêmes, dit M. Lécrivain, toutes les formalités judiciaires relatives à la vente des biens du fisc et au recouvrement des sommes qui lui sont dues "; quand un meurtrier meurt avant le jugement, c'est le procurateur qui décide si le fisc a droit aux biens qu'il a laissés 213. S'il y a dans un procès fiscal des questions connexes, il les juge et il donne des actions comme le préteur ". L'application des lois caducaires embrassant presque tout le droit civil, il met la main sur une partie essentielle de la justice. II n'y a pas de limites à. ses usurpations : les empereurs doivent Iui interdire formellement d'établir des poursuites criminelles en vertu de la Lem Fabie et de donner des juges à des particuliers pour des affaires purement civiles 2r; aussi a-t-il souvent avec les juges ordinaires des conflits dont on retrouve la trace dans des textes de lois ". h" Les procurateurs, gouverneurs de provinces, avaient naturellement des pouvoirs beaucoup plus grands, puisqu'a leurs attributions financières ils joignaient les pouvoirs administratifs accordés aux autres praesides. C'est ainsi qu'ils jouissaient d'une juridiction civile plus étendue "7. Dès l'époque d'Auguste le procurateur de Judée possède la juridiction criminelle sur les non-citoyens se ; pour l'exercer sur les citoyens, il lui fallait à lui et aux autres une délégation spéciale de l'empereur, qui porte le nom de jus ggladii ". On trouve souvent la mention de ce titre, pour les gouverneurs de provinces procuratoriennes, au me siècle30. Au reste, à cette époque, cette prérogative était accordée d'une façon générale à tous les gouverneurs de provinces : gui universas provinnias regunt jus gladii Ieabent, dit Ulpieu ai Mais ce qui les distinguait surtout des autres procurateurs, c'était le pouvoir militaire don t ils étaient revêtus. Ils étaient commandants de corps d'armée, comme les légats des provinces impériales ; ils n en différaient que par un point, à la vérité assez important : les troupes S4 PRO rangées sous leurs ordres étaient des auxiliaires, non des légionnaires et des milices provinciales. Ainsi la Maurétanie, au début du ue siècle, était occupée par au moins trois ailes et deux cohortes sans compter les Maures irréguliers' ; le Noricum, en 69, par au moins une aile, huit cohortes et les troupes indigènes': en 265, par quatre ailes et quatorze cohortes' ; la Rétie, en 107, avait quatre ailes et onze cohortes', etc. °. Seule, l'Égypte faisait exception et possédait une garnison de citoyens légionnaires.On a expliqué ailleurs la raison Gouverneurs militaires et civils, les procurateurs des provinces procuratoriennes y exerçaient la même autorité que les légats impériaux ou les proconsuls. Nous les voyons, sur les inscriptions, intervenir pour tout ce qui touche à la sécurité ou au bien-être de la contrée qu'ils ont à administrer; ils font établir les routes militaires et commerciales à travers le pays °, réparer celles qui ont souffert', fortifier les points faibles et les localités mal défendues e, faire bâtir des aqueducs 9, présider à la délimitation de territoires contestést0, etc. Auxiliaires des procurateurs. Les procurateurs gouverneurs de provinces avaient auprès d'eux des beneflciarii, comme tous les commandants de troupes et des stratores". On rencontre également des bénéficiaires à côté des procurateurs financiers dans les provinces impériales prétoriennes ouconsulairesf°, comme aussi des corniculaires'`. Il est probable qu'il n'en était pas de même pour les procurateurs opérant dans les provinces sénatoriales1°. Mais, d'autre part, les procurateurs financiers ne pouvaient guère assurer la rentrée des impôts sans avoir recours, dans certains cas, à la force armée. En pareille circonstance ils s'adressaient au gouverneur près duquel ils étaient accrédités, aussi bien dans les provinces impériales que dans les provinces sénatoriales. Ce fut le cas d'un procurateur de Bithynie qui, ayant besoin de soldats pour aller chercher des blés, en demanda àMincie Jeune "; c'est le cas du procurateur de Carthage, qui avait assurément à sa disposition des soldats empruntés à la garnison de cette ville, laquelle était rangée sous les ordres du proconsul. On a trouvé, dans les ruines de Carthage, parmi les épitaphes du cimetière des officiales adjoints au procurateur, des tombes de soldats, principalement de soldats de la cohorte urbaine détachée en Afrique ", qui était probablement chargée depuis le ne siècle d'aider à la rentrée des impôts, et que le procurateur pouvait envoyer dans l'intérieur du pays pour vaincre les résistances 18. De même il y avait à Lyon une autre cohorte urbaine, attachée à l'atelier monétaire et au procurateur qui le dirigeait" ; elle est appelée dans une inscription Coh. X 6'II Lugduniensis ad monetam20 ; de même dans 666 PRO chaque mine était cantonné un détachement militaire chargé de la police ; il n'est pas douteux qu'il fût placé sous les ordres du procurateur". On trouve aussi, assez souvent, à côté des procurateurs, gouverneurs de provinces ou financiers, un subprocurater (4v)TE (rooaoç), mais seulement dans les provinces impériales 22 Au dessous se plaçaient les affranchis ou esclaves impériaux employés aux bureaux, qui se rencontrent dans toutes les parties de l'administration impériale ; tabularii, commentarienses, librarii, arcarii et dispensatures, ceux-ci toujours de condition servile, avec leurs vicarii [orriClALEs]20, On peut en dresser la liste complète pour le procurateur de Carthage, grâce aux épitaphes découvertes dans le cimetière qui leur était réservé 24. On trouve mentionnées les fonctions suivantes : tabularius (affranchi), adjutor tabularii (id. et esclave), custos tabularii (esclave), librarius (id.), notaHus (id.), adjutor a commentariis (id.), adjutor a cognitionibus (id.), mensor agrarius (id.), chorographus (id.), saltuarius (id.), cursor (id.), tabellarius (id.), pedisequus (id.), dispensator (id.), cubicularius (id.), paedagogus (esclave ou affranchi), medicus (esclave), philosophas (affranchi), praeco (esclave), nomenclator (id.), supra ,jumentis (id.), aedituus (id.), custos Larum (id.). Il n'y a pas lieu de s'étendre ici sur chacune de ces classes de fonctionnaires ; la plupart d'entre eux ont donné lieu à des articles spéciaux. Titres honorifiques. Aucun insigne n'était accordé aux procurateurs, triais ils avaient droit à un titre honorifique; ils étaient dits, suivant leur rang, vir eminentis simus ( oyo,Tv-oç), virperfeutissimus (ôt«erap.d.a.oç)ou vir egregius (xp.to.o6). Le titre d'éminentissime était réservé au préfet du prétoire et ultérieurement à d'autres préfets militaires2° [PRAEFECTus PRAETORI0j. Celui de vir perfectissimus (V. P.), qui apparaît vers le commencement du lu° siècle sur les inscriptions 96, appartenait aux préfets de rang équestre depuis la préfecture de la flotte jusqu'à celle de l'annone 27, et aux procurateurs qui ont été classés plus haut dans la catégorie des trecenarii, c'està-dire le rationalis du fisc 28, les procurateurs ab epistulis latinis 29, a cognitionibus30, a studiis 31, a libellis" et sans doute aussi a memoria. Dans la seconde partie du lue siècle et au Ive siècle les praeses de province obtinrent aussi le droit de porter ce titre". Les autres procurateurs, probablement depuis le règne de Mare-Aurèle étaient dits vir egregius (V. E.). Après leur mort on leur donnait le titre de egregiae memoriae vir (E. M. V.). Leur femme prenait aussi l'appellation de femina egregia 3°, xpa.(Q.rq 36 ; leurs enfants, celle de puer egregius 37, A partir du aie siècle, le terme de procurator tend3' à PRO 667 --PRO faire place à celui de rationalis, surtout pour les procuratèles les plus élevées de l'ordre financier'. Il se rencontre encore dans la Notice des Dignités pour les départements suivants : monetae 2, bafia , gynaecia 4, linyfia 5, res privata6 et saltus7. R. CAGNÂT.