Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PRODIKOS

PRODIROS (Hpé txoç). -Nom sous lequel on désignait, à Sparte, le tuteur chargé de veiller sur la personne d'un roi pendant sa minorité et de le remplacer dans toutes ses fonctions. C'était toujours son parent le plus rapproché'. E. S. PROOIT10, PRODOSIA (Ilpoiuoslx). Trahison. Les sociétés antiques ont vécu sous le régime de la guerre civile. Presque partout, la cité est divisée en deux partis ennemis les uns des autres, riches et pauvres, aristocrates et démocrates. Fréquemment la guerre éclate et cette guerre se termine par la ruine d'un des deux partis. Le vainqueur ne connaît guère qu'une façon d'user de la victoire : les massacres ou les expulsions en masse. Le vaincu n'a plus qu'un désir : reconquérir la cité, rentrer dans les droits qu'on lui a arrachés; et tous les moyens lui sont bons contre ceux qui l'ont spolié et expulsé. De tous les moyens, le plus simple est de passer à l'ennemi. Chaque fois que deux armées grecques sont en présence, prèles à engager la lutte, il y a, dans l'une et dans l'autre, un corps de bannis qui combattent contre leurs compatriotes et qui sont les plus acharnés des combattants. Ceci explique comment dans l'antiquité, en Grèce surtout, le crime de trahison comprend à la fois tout acte par lequel un citoyen s'entend avec l'ennemi pour nuire à sa propre patrie, et aussi toute tentative faite par un citoyen pour renverser le gouvernement de son pays. Ces deux délits n'en font qu'un pour les anciens ; le plus souvent, en effet, ils sont liés l'un à l'autre et ils se confondent. C'est dans l'histoire d'Athènes que nous pouvons le mieux étudier ce crime, l'idée que les anciens s'en faisaient et les mesures qu'ils ont prises pour le réprimer. Le premier procès de trahison qui nous soit connu dans Athènes, est celui qui fut intenté à Hipparque, fils de Charmos. Parent de Pisistrate, Hipparque eut, à ce PRO __w 669 PRO titre, le triste privilège d'être le premier qui fut frappé par la loi d'ostracisme ]osTxAxisaos], en /l78. Accusé de trahison (levant le peuple, quelque temps après, il fut condamné à mort par contumace. Un décret fut rendu, qu'un siècle et demi plus tard Lycurgue t faisait lire devant un tribunal : d'après ce décret, la statue d'airain, élevée à Hipparque sur l'Acropole, devait être fondue pour être transformée en une stèle, sur laquelle on devait graver les noms des sacrilèges et des traîtres. Le nom d'Ilipparque y fut, en effet, gravé le premier ; et, après lui, les noms de tous les Athéniens qui furent successivement condamnés pour les deux crimes indiqués. On sait que, sur la plainte des Lacédémoniens, Thémistocle fut impliqué dans la trahison du roi Pausanias. Une eisangélie fut portée contre lui par Léobote, fils d'Alcméon3. L'eisangélie pour crime de trahison ayant été reçue par le Conseil ou par le peuple, l'accusé pouvait être immédiatement arrêté. Des agents, xarv+i✓_;, furent envoyés pour s'assurer de sa personne à Argos, à Corcyre, chez Admète, etc. 11 parvint à s'échapper ; il fut alors condamné par contumace, comme l'avait été Hipparque ; une des conséquences de cette condamnation était que ses restes ne devaient pas être ensevelis en Attiques. Les troubles qui marquèrent la fin de la guerre du Péloponnèse furent l'occasion d'actions judiciaires nombreuses pour crime de haute trahison. Dans celles que nous connaissons se marque bien le caractère particulier que ce crime a pris en Grèce, nous voulons dire l'entente criminelle avec l'étranger dans le but d'amener un changement du régime politique dans la cité. Trois de ces procès sont particulièrement intéressants. Un des plus émouvants fut intenté à un cadavre`. Phrynichos, un des chefs qui dirigèrent le coup d' ;rat. aristocratique des Quatre-Cents, avait été assassiné en pleine place publique '. Quelques jours après, le peuple, étant définitivement vainqueur, décida, sur la proposition de Critias, que, malgré sa mort, il serait mis en accusation, et que, s'il était reconnu coupable. ses biais seraient confisqués, sa maison détruite, son cadavre déterré et jeté hors de l'Attique'. Le décret aurait même porté, si l'on en croit l'orateur Lycurgue, que ceux qui prendraient la défense du treitre subiraient les mêmes peines que lui sil était condamné. Ce qui eut lieu véri tablement, ajoute Lycurgue; car Aristarque et Alexiclès, qui avaient osé défendre Phrynichos, furent rais à mort, et Lycurgue faisait lire devant un tribunal d'héliastes le décret qui avait frappé ces deux Athéniens. Vous sommes portés à croire qu'ici Lycurgue a fait, sciemment une confusion nullement justifiée L L'orateur Antiphon fut mis en accusation avec deux de ses complices, Arebeptolémes et Onomaclès. Nous possédons deux des instruments juridiques de cette affaires, Il y a. d'abord un décret du Conseil des CinqCents, ordonnant et réglant 1.es poursuites. Après avoir entendu le rapport des stratèges disant que les accusés sont allés en ambassade à Lacédémone, dans le but de nuire à l'P' t, qu'ils ont fait le trajet sur un vaisseau ennemi, qu'ils ;nt passé par Décélie., le Conseil décide qu'ils s eilit arrêtés et livrés au tribunal; les stratèges, aidés di dix membres du Conseil à leur choix, présenteront les accusés au tribunal, afin que le jugement puisse être rendu en présence de ces derniers ; les thesmothètes enverront les citations pour le lendemain, et introduiront les accusés, une fois les citations reçues ; l'accusation sera soutenue par les dix membres du Conseil choisis par les stratèges et par quiconque voudra prendre la parole ; celui qui sera condamné par le tribunal sera puni conformément à la loi établie sur les traîtres. Ce décret du Conseil est suivi de l'arrêt de condamnation. 11 porte qu'Archeptolernos et Antiphon (0nomaclés s'était enfui) seront livrés aux Onze, que leurs biens seront confisqués; due leurs maisons seront démolies ; que, sur l'emplacement qu'elles occupaient, des stèles seront élevées, portant cette inscription : a Archeptolemos et Antiphon traîtres » ; que les démarques auront à faire connaître les biens qu'ils possèdent.: qu'il ne sera pas permis d'enterrer les condamnés à Athènes ou dans tout pays occupé par les Athéniens ; qu'eux et leurs enfants, légitimes ou bâtards, seront frappés d'alunie ; que quiconque voudra adopter un des enfants d'Archeptolé-mos ou d'Antiphon sera lui-même frappé d'atinaie ; que ce jugement sera gravé sur une stèle d'airain qui sera placée là où sont exposés les décrets concernant Phry.nichos, lie procès d'Archeptolémos et d'Antiphon fut porté devant un tribunal d'héliastes, c'est au contraire par le peuple que fut jugé le procès le plus retentissant de cette époque, le procès intenté aux stratèges, qui, après leur victoire aux Arginuses, n'avaient pas reé ue'.illi lles. morts et les blessés qui se trouvaient sur les vaisseaux dbsemparés, Nous résumons les faits d'après le récit de Xénophon'. lÿrelnière séance du Conseil de Cinq-Cents.. Les stratèges font leur rapport sur l'affaire; le Conseil ordonne leur arrestation, Première séance de i ecclésia. Les stratèges présentent leur défense, mais brièvement, car on ne leur accorde pas le temps fixé par la loi. Cette défense fait cependant la'nne impression; des citoyens s'offrent comme caution, pour que les stratèges soient mis en liberté provisoire. On procède au vote ; mais il est tard : on ne disting=ue pas bien les mains levées; l'affaire est, renvoyée à une prochaine séance; le Conseil PRO 670 PRO est chargé de régler de quelle façon les accusés seront jugés. Deuxième séance du Conseil. Sur la proposition de Callisthène, le Conseil considère les débats comme clos, quoique Ies accusés n'aient pas eu le temps légal pour présenter leur défense; il décide que le peuple prononcera sur le sort des stratèges par diapséphisis : dans chaque tribu, deux urnes seront déposées, l'une pour les votes de condamnation, l'autre pour les votes d'absolution; en cas de condamnation, la mort avec la confiscation des biens. Deuxième séance de l'ecclésia. Euryptolémos et quelques autres citoyens intentent à Callisthène une Ypa'pi; icaiavdin.mv ; les prytanes déclarent la diapséphisis illégale; mais ils sont, les uns et les autres, menacés d'être compris dans l'accusation et ils cèdent. Euryptolémos prend la parole. Il demande que les accusés soient jugés conformément au décret de Cannonos ou à la loi sur les traîtres et les sacrilèges. Le décret portait que si quelqu'un fait un tort au peuple', il comparaîtra enchaîné devant le peuple, et s'il est condamné, il sera jeté dans le barathron et ses biens seront confisqués. D'après la loi, l'accusé était jugé par un tribunal et s'il était condamné, il était mis à mort, privé de sépulture dans l'Attique et ses biens étaient confisqués. On vote; la proposition d'Euryptolémos demandant que les stratèges soient jugés conformément au décret de Cannonos est adoptée : mais, sur l'opposition de Ménéclès, le vote est déclaré nul; on procède à un nouveau scrutin ; la proposition du Conseil est adoptée; les stratèges sont jugés en conséquence, condamnés et exécutés. Dans toute cette affaire, le rôle du Conseil est considérable. C'est lui qui a l'initiative des plus graves mesures, la mise en arrestation des stratèges et le décret sur la diapséphisis. Quant à la procédure suivie, on suppose une eisangélie visant le crime de trahison2. L'étude de ces procès permet de relever les faits suivants. Les procès de trahison peuvent être introduits par voie d'eisangélies, ils sont jugés par le peuple luimême, ou déférés à un tribunal : dans le premier cas, ce sont les prytanes qui président ; dans le second, les thesmothètes'; la décision, qui règle si l'affaire sera jugée par le peuple ou par un tribunal, est du ressort de l'ecclésia; mais cette assemblée ne peut être saisie de la question que par un décret du Conseil' ; le Conseil a le droit, dans ce décret, de régler la procédure à suivre et de déterminer la peine qui sera infligée, en cas de condamnation '; il y a une loi relative au crime de trahison 6. On pouvait aussi recourir à des lois dont le dispositif exprimé en termes généraux, vagues, était d'autant plus dangereux, par exemple le décret de Cannonos : la formule 9 « si quelqu'un t'ait tort au peuple » peut être rapprochée de la formule de la loi de majesté à Rome. Une mesure comme la diapséphisis, si elle était exceptionnelle, n'était pas illégale; la diapséphisis était employée dans les mesures itt's.vSpl, comme l'ostracisme, le don du droit de cité, la réhabilitation civile; sur ce point, l'illégalité, dans le procès des stratèges, a consisté à appliquer la diapséphisis pour les six accusés à la fois : il aurait fallu un vote pour chacun d'eux. La peine est la mort, avec diverses dispositions tendant à aggraver cette peine. De ces aggravations les unes sont en quelque sorte régulières ; elles accompagnent presque toujours les condamnations à mort, à l'exil ; les autres sont particulières aux crimes de trahison, de sacrilège et de tentative de renversement du gouvernement démocratique. A la première catégorie appartiennent les dispositions suivantes. La peine frappe la famille du condamné. Cette peine est l'atimie pour les enfants légitimes ou illégitimes d'Archeptolémos et d'Antiphon. Il y avait déjà là un adoucissement de la rigueur des lois pénales. Primitivement la famille tout entière du condamné était enveloppée dans la condamnation : il en fut ainsi dans Athènes pour les Alcméonides et les Pisistratides. Pendant longtemps, pour les crimes contre la sure te de l'État, « la règle est que les enfants soient exécutés avec le père coupable »; il en est ainsi ordonné dans la convention imposée par les Athéniens aux Erythréensfl, entre 464 et 457 ; dans le décret de proscription contre Arctimios de Zéléia ", condamné pour trahison entre 457 et 449; il est très probable que les enfants de Thémistocle ont été envoyés en exil au moment de la condamnation de leur père 1''. La confiscation des biens est prononcée contre Phrynichos, Archeptolémos et les stratèges. A partir de l'archontat d'Euclide, la confiscation ne fut plus cumulée avec la peine de mort S3; en effet, on ne trouve les deux peines appliquées simultanément que lorsqu'au crime de trahison se joint le crime de concussion ; la confiscation n'est plus alors une peine cumulative, mais une restitution avec indemnité ; c'est le cas pour le stratège Ergoclès14 condamné en 389, et probablement aussi pour Antimachos, en 373, trésorier du stratège Timothée45. Sont plus particulièrement réservées aux crimes de trahison et de sacrilège les aggravations suivantes dans la pénalité. La destruction de la maison et sur l'emplacement l'érection d'une stèle portant l'inscription : a Un tel, traître ». Cette mesure était, pour les anciens, d'une gravité considérable, car elle entraînait la destruction d'un foyer; le châtiment n'atteignait pas seulement la génération vivante, mais toute la lignée des ancêtres morts et des descendants à naître16; cette peine fut PRO ---671 -PRO appliquée à Phrynichos, à Archeptolémos et à Antiphon. La privation de sépulture en terre athénienne. La peine a été prononcée contre Thémistocle, Phrynichos, Archeptolémos, Antiphon ; elle est mentionnée dans la loi contre les sacrilèges et les traîtres 1 et dans le décret de Cannonos 2; la peine pouvait être appliquée à tous les membres d'une même famille 3. L'érection d'un monument pour perpétuer le souvenir du crime; ce monument, dans Athènes, consistait en une stèle d'airain qui était dressée sur l'Acropole ; elle fut faite, comme nous l'avons dit •, avec le métal de la statue d'Hipparque elle devait contenir les noms des sacrilèges et des traîtres. Outre cette stèle générale de trahison, il y avait des stèles particulières ; ainsi, dans le décret de condamnation contre Archeptolémos et Antiphon, il est dit que la stèle d'airain rappelant leur crime serait placée à côté de celle de Phrynichos 3, Les procès de trahison qui ont servi à notre discussion sont antérieurs à l'archontat d'Euclide. A ce moment, des changements importants se produisent dans la législation athénienne. La promulgation d'une nouvelle loi d'eisangélie doit faire partie de l'ensemble des réformes qui ont signalé cet archontat Nous avons vu qu'il y avait une loi contre la trahison, et que c'est par voie d'eisangélie que les procès de trahison étaient intentés. L'ancienne loi d'eisangélie, déjà mentionnée à propos de Solon, était conçue en termes vagues; car elle avait primitivement pour objet de réprimer des délits que le législateur n'avait pas expressément prévus (EISANGELIA, p. 4981. Les dangers d'une telle loi se montraient tous les joursUne codification fut tentée des cas qui pouvaient mériter la qualification trop vague et trop arbitraire jusque-là d'ètxiia rit tiàv lgrl rov, L'eic«yyeA-txèt vdN..oç visait trois délits : tentative pour renverser le gouvernement démocratique, trahison, corruption des orateurs. La clause relative à la trahison était formulée ainsi : si quelqu'un livre une ville, ou des vaisseaux, ou une armée de terre ou de mer ; ou si quelqu'un se rend chez l'ennemi, sans qu'une mission lui ait été confiée pour cela, ou s'il habite chez l'ennemi, ou s'il reçoit des présents de l'ennemi L'eisangélie pouvait être portée soit devant le Conseil, soit devant le peuple a, Le Conseil saisit Fecclésia de l'affaire, il règle par un décret la procédure à suivre et souvent indique la peine, en cas de condamnation e. L'ecclésia décide si l'affaire sera jugée par le peuple ou par un tribunal. A partir du milieu du ve siècle, c'est à des tribunaux, sauf de très rares exceptions, qu'ont été toujours déférés les procès de trahison". Pour tous les crimes d'État, le Conseil a le droit de faire arrêter l'inculpé ou d'exiger qu'il fournisse des cautions ; s'il s'agit de haute trahison, l'arrestation est obligatoire°' ; cependant elle n'avait pas toujours lieu12. La procédure suivie quand le peuple décide de juger lui-même ne nous est connue que par le procès des stratèges de .106 ; les prytanes président. Pour les affaires portées devant un tribunal, la procédure est à peu près celle qui a été indiquée pour le procès d'Archeptolémos et d'Antiphon ; les thesmothètes président. Nous savons par Hypéride l'abus singulier qu'on fit de cette loi". On en vint à considérer comme un acte de haute trahison le fait d'avoir quitté la patrie au moment oà un danger la menaçait. Après Chéronée, l'Aréopage fit arrêter et condamna à mort ceux qui avaient abandonné Athènes"; bien plus, un aréopagite, Autolycos, aurait été condamné à mort pour avoir éloigné sa femme et ses enfants, tout en restant lui-même à son poste 9e, Sept ou huit ans après la défaite, quand le danger était passé et que les passions étaient calmées, Léocrate, accusé par Lycurgue, pour s'être enfui à Rhodes, à l'annonce de la défaite, ne fut acquitté que par une voix de majorité te. Un décret du peuple avait déclaré traîtres tous ceux qui se dérobaient aux dangers courus par la patrie"; quelques années auparavant, au moment où l'on craignait une invasion de l'Attique, le peuple avait aussi décrété la même peine contre ceux qui passeraient la nuit hors des murs d'Athènes7e. Toutes les condamnations que nous avons mentionnées contre ceux qui ont quitté Athènes au moment du danger, s'appuyaient-elles sur la loi contre la trahison ou sur la loi d'eisangélie? II est facile de voir que non, Lycurgue ne peut trouver dans la législation athénienne aucun texte qui s'applique à Léocrate. Il le reconnaît luimême quand il dit que le crime est trop grand pour que les lois aient prévu un chàtiment contre lui"; et il ajoute : « Il faut, Athéniens, que vous soyez aujourd'hui non seulement des juges, mais encore des législateurs2°. » Cette loi qui n'existe pas pour condamner l'accusé, Lycurgue demande donc au tribunal de la créer et de l'appliquer. A nos veux, Léocrate ne serait coupable que d'une faute morale, la lâcheté, Pour Lycurgue, ce départ d'Athènes au moment du danger tombe sous les coups de toutes les lois pénales de la législation athénienne' ; c'est un crime qui implique tous les crimes, ceux de trahison, de lèse-démocratie, d'impiété, de désertion, d'insoumission 22. Contre la trahison de véritables mesures révolutionnaires sont réclamées par Dinar-que ; le traître n'a pas droit aux formes tutélaires de la justice L3 ; Lycurgue dit qu'il vaut mieux voir périr un homme sur le soupçon d'un tel dessein que d'en connaître la PRO --672 ---PRO réalité quand on sera tombé dans la servitude'. On peut dire que c'est là le sentiment général en Grèce. Le traître est mis hors la loi. Le tuer est une action méritoire dont on est récompensé'. Les pylagores de Delphes mirent à prix la tête d'Ephialte, le traître des Thermopyles, et les Athéniens récompensèrent son meurtrier a ; en vertu du décret de Démophante, qui reproduisait d'ailleurs une vieille formule de serment, tout Athénien devait jurer solennellement de tu©r les tyrans et les traîtres ; l'impunité et des récompenses étaient assurés à quiconque aurait frappé ces criminels'; les Thébains acquittent les meurtriers d'Euphron, car ils sont convaincus que tous les hommes prononceraient la peine de mort contre les sacrilèges, les traîtres et les tyrans 3. Cependant la trahison dans Athènes n'est pas toujours punie de mort : nous constatons que plus d'une fois des peines plus douces ont été prononcées contre ce crime. L'historien Thucydide fut condamné à l'exil pour avoir laissé prendre Amphipolis; il semble bien que le chef d'accusation était la trahison'. Timothée, accusé pour le mème crime, fut frappé d'une amende de cent talents' ; mais pour d'autres accusés, l'amende est abaissée à dix 3 et même à trois talents'. Pour expliquer cette différence dans la pénalité, fautil supposer que les orateurs ont étendu le sens du mot trahison à des actes auxquels la loi ne donnait pas cette qualification, ou bien le législateur avait-il établi une distinction entre la haute trahison et 1a trahison ordinaire " p? Il faut observer d'ailleurs que, si le crime de trahison était très fréquent en Grèce, les accusations de trahison étaient encore plus fréquentes. C'est une arme dont les hommes politiques, dans Athènes surtout, usaient et abusaient contre leurs adversaires. Démosthène fut mis sept fois en accusation par le seul Aristogiton : le crime de trahison devait tenir une grande place dans tous ces procès. Il est permis de supposer que les Athéniens ont fini par être blasés sur ce genre d'accusation 1'-. Tous les faits que nous venons de citer se rapportent à la lutte d'Athènes contre Philippe. L'Aréopage intervient dans quelques-uns de ces procès. Dinarque dit que Démosthène fit attribuer à ce corps des pouvoirs judiciaires extraordinaires" et il cite plusieurs condamnations pour trahison prononcées par ce tribunal, entre autres celles de Charmas" et d'Antiphon. Ce dernier avait offert à Philippe d'incendier la flotte et les arsenaux du Pirée ; découvert et arrêté par Démosthène, il fut traîné devant l'ecclésia ; mais là, glaire à l'intervention d'Eschine, il fut acquitté et il aurait échappé au supplice, si l'Aréopage ne L'avait fait arrêter de nouveau et ne l'avait livré à un tribunal d'héliastes qui le soumit à la torture et le condamna à mort 24. Pour les autres pays grecs, nous connaissons des faits de trahison nombreux, mais nous n'avons que de très rares informations sur la législation relative à ce crime, sur la procédure qui était appliquée. Les cas de trahison ne sont pas rares à Sparte. Le plus célèbre est celui du roi Pausanias. D'après Ies récits qui nous sont parvenus, les éphores agissent seuls : seuls ils font l'enquête, ils préparent l'arrestation du roi, et, quand elle a manqué, ils prennent seuls les mesures nécessaires pour amener la mort du roi enfermé dans un temple 16. Cependant c'est le Sénat seul qui connaissait des affaires criminelles et qui pouvait prononcer la peine de mort coutre les citoyensi"..Il est question, au contraire, de jugement pour Lysanoridas, qui avait mal défendu la Cadmée' Est-ce une accusation de trahison qui fut intentée au roi Agis pour avoir mené trop mollement les opérations contre les Argiens en 418? s'il avait été condamné, la peine étaitune amende de 1 000 drachmes et la destruction de sa maison 13. Pour le roi Pleistoanax, accusé de s'être laissé corrompre par Périclès, l'amende fut de 13 talents19. Lycurgue mentionne une loi de Sparte qui punissait de mort ceux qui se dérobent au moment où 1a patrie est en danger ". En Macédoine, les affaires de haute trahison présentent des particularités intéressantes. D'après les anciens usages du pays, la trahison, comme tous les grands crimes, était jugée par l'armée elle-même, qui était constituée en tribunal : en cas de condamnation, Ies soldats exécutaient eux-mêmes la sentence, qui était la mort par la lapidation oit à coups de lance; enfin la vieille pratique de la solidarité de la famille existait encore du temps d'Alexandre : tous les parents du traître étaient enveloppés dans la condamnation 21. Pour la prodifio chez les Romains, voir MAJESTAS, PROEt)RL lIlcooi (u . Préséance, droit à la pre mière place dans une circonstance quelconque, comme l'avaient, par exemple, les rois de Sparte dans tout repas de sacrifice'. A Athènes et dans d'autres cités grecques, le nom de 7. onlp(a désignait à la fois la place occupée et la fonction PRO -673 - remplie par ceux qui avaient à diriger à leur tour les débats du Sénat ou de l'Assemblée du peuple [Boutai:, p. 740; EIsIsLESI L, p. 5'21; EPr [A'rLS, p. 702], ou encore celle des nomothètes [NOMOS, p. 100]. La proedria est aussi le droit d'assister à une place d'honneur à tous Ies concours, jeux, représentations scéniques donnés par une cité'. Ce privilège appartenait à certains personnages à raison des fonctions ou des sacerdoces dont ils étaient revêtus, comme en témoignent les inscriptions gravées sur les sièges de marbre qui leur étaient réservés au théâtre de Dionysos à Athènes', et qui désignent ceux qui les devaient occuper [TREATRUM]. On a retrouvé à Lesbos un siège semblable sur lequel est gravé le mot IIPOEAPIA3 [fig. 5799) et le nom de Potamon, fils de Lesbonax, rhéteur renommé. Les cités accordaient la proédrie, soit à un de leurs citoyens qui l'avait mérité par quelque service ou bienfait et quelquefois à. ses descendants 4, soit à quelque étranger auquel elle avait sujet d'être reconnaissante 6, et particulièrement à des proxènes : la mention en est très fréquente dans les décrets de proxénie [PROXENIA] ; soit encore des envoyés d'un autre ;tat °, ou à l'ensemble des citoyens de cet État ami E. SACLam accordée à un citoyen afin qu'il puisse se faire rembourser l'avance faite par lui pour le paiement des liturgies à la symmoria à laquelle il appartient [LEITOURGIA, sacrifice éleusinien' offert pour la prospérité des fruits de la terre, avant l'époque du labour, 7rob ~o~ ào6Tsu. Il paraît donc se placer au mieux dans le mois Boédromion (sept.-oct.). L'autre nom que, d'après Ilésychius, on donnait à ce même sacrifice, Ilpoxoxgoéptx, s'accorde avec cette hypothèse, l'apparition matinale de l'étoile Arcturus étant du 19-20 septembre'. Les Proerosia se rattachent à la série des sacrifices offerts pour attirer la protection de la divinité sur les fruits de la terre [PROCRARISTERIA, PROLOGIA], Mais, offert PRO à Éleusis, il est cependant, non pas local ou athénien, mais panhellénique. Il l'est d'abord par son origine légendaire ; il fut, nous est-il racontés, institué sur l'ordre du dieu de Delphes pour remédier à une famine qui désolait toute la Grèce, et même, au dire de quelques textes, le monde entier [EIRESIONÉI. Et il l'est par ses effets : c'est pour tous les Grecs que les Athéniens offrent le sacrifice, comme toutes les villes grecques aussi sont invitées à participer chaque année à l'envoi des à zpyat aux déesses d'Éleusis°. C'est, au dire des rhéteurs7, un des titres (l'Athènes à la reconnaissance des autres cités. Le nom même enfin de Ilpoapx.o'opta, tiré d'un calendrier stellaire commun àtous lespaysans grecs, nous est peut-être une preuve de la popularité et de 1 importance de la fête au regard de tout le monde hellénique s. D'après A. Mommsen, le sacrifice des Proerosia faisait partie intégrante de la fête des EmxusINIA, qui se distinguait elle-même des grands mystères d'Éleusis ". Et en effet cette fête des Eleusinia, au témoignage des inscriptions °, ne peut se placer qu'au début de Boédromion. Il est dès lors difficile de ne pas mettre le sacrifice des Proerosia en rapport avec elle. Les choses se seraient passées à Éleusis dans l'ordre suivant S1 les envoyés des villes grecques, porteurs des ..riz cti, arrivés à Éleusis à la fin de Métagitnion, auraient assisté à la fête des Eleusinia, terminée par le sacrifice des Proerosia, puis aux grands mystères, pour retourner ensuite chez eux ensemencer leurs champs, assurés de la protection des deux grandes déesses. Ému: Calmit.