Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PROFESSIO

PROFESSIO. -Déclaration volontaire ou forcée, qui produit certains effets juridiques. La déclaration est volontaire lorsque, par exemple, un créancier reconnaît avoir été payé par son débiteur. D'après un rescrit de Dioclétien, cette déclaration a une force probante plus grande que celle qui résulte de la remise au débiteur du titre de la créance'. La déclaration volontaire est aussi celle qui résulte implicitement de l'exercice public d'un commerce comme celui de la banque' [ ARGENTARIUS, p. 407], d'un art libéral comme la grammaire, la rhétorique, le droit' [uoxORARIUM, p. 21f], d'une religion reconnue par l'État' ou prohibée 5. Quelques-unes de ces .; professions r sont soumises à la surveillance de l'autorité e; d'autres confèrent certains privilèges 7, La déclaration forcée est imposée par la loi ou par l'autorité dans divers cas. On indiquera ici les plus importants. 1. Déclaration des candidats aux magistratures. VII.. -671 -• PRO II. Déclaration requise pour la validité de certains actes jul idiques. Cette déclaration doit être faite devant un magistrat et enregistrée par le tabularius publïces dans les actes publics. La professio apud acta est exigée au Bas-Empire : 1° Pour les donations. La déclaration doit être consignée sur les actes du gouverneur de la province ou du magistrat local'. Cette formalité, qu'on appelle insinuatio [DONATIO, p. 384], était usitée dès le temps d'Alexandre Sévère': elle a été rendue obligatoire par Constantin 3. Théodose II l'a écartée pour les donations en faveur de mariage qui n'excèdent pas 'ZOO solides': Justinien, pour toutes les donations inférieures à 300, puis à 500 solides ; il l'a supprimée entièrement pour les donations ante nuptias et pour d'autres causes favorables 6. La donation non insinuée est nulle dans la mesure où elle excède le chiffre fixé par la loi. e Pour assurer la conservation des testaments. Cet usage, établi dans les pays de civilisation hellénique, comme le prouvent deux papyrus d'Oxyrhynchos (I, 106, 107) e, l'un de 135, l'autre de 123, fut consacré en Italie par Honorius. Le testament est enregistré dans les actes d'un gouverneur de province ou du magistrat municipal (testamentum apud acta conditum) 3° Pour révoquer un testament qui a plus de dix ans de date. La déclaration apud acta peut être remplacée par une déclaration devant trois témoins' [TESTAMENTL'M]. 4° Pour émanciper un enfant, d'après les constitutions d'Anastase et de Justinien 'EMANCIPATIO, p. 593]. La professio apud acta est également exigée sous le Haut-Empire : 1° Pour constituer un représentant judiciaire, lorsqu'on veut se dispenser des formes requises pour avoir un cognitor 10. L'usage du procurator apud acta existait au temps de Septime Sévère IL [PROCURATIO]. '20 Pour les mutations de propriétés immobilières opérées en Égypte. D'après divers papyrus gréco-égyptiens t2, ces mutations devaient, avant d'être réalisées, être déclarées aux ibéitooé?,«x:c chargés de conserver les rôles de l'impôt 1'. Les archivistes donnaient avis de la déclaration au bureau ois étaient enregistrés les contrats (; xrf,ÇFov), en faisant connaître s'il existait des hypothèques sur l'immeuble. A défaut de déclaration, les préposés au x~etov devaient refuser de prêter leur ministère aux parties contractantes 14. III. Déclaration requise pour être admis à invoquer certains droits. 1' Pour faire valoir une excuse en matière de tutelle ou de curatelle. Cette déclaration doit être faite dans un délai de cinquante jours, à compter du moment où le décret du magistrat ou le testament du père est parvenu à la connaissance du tuteur ou du curateur ". 2° Pour obtenir les capitaux destinés par l'empereur à. l'entretien des enfants pauvres d'Italie, D'après une inscription de V eleia du règne le Trajan, les propriétaires fonciers qui ont besoin d'argent et qui consentent à payer une rente aux enfants pauvres de leur cité, doivent déclarer la somme qu'ils demandent à emprunter, les immeubles qu'ils proposent pour garantir le service de la rente, le taux d'estimation des immeubles, taux qui doit être décuple du tapi talemprunté {ALIMENTARIIPUERI, p. 183]. 3° Pour assurer le paiement d'une amende. D'après une inscription de Myra en Lycie", le fermier qui a le monopole des transports par navires dans le port de cette ville, peut exiger une amende des bateliers qui transportent des marchandises sans sa permission. Le bateau du contrevenant et la cargaison garantissent le paiement de l'amende. Le fermier ne peut s'en emparer : il doit simplement déclarer qu'ils sont confisqués 1B[coMMlssUM, p. 1408], 4° Pour être autorisé à occuper un puits dans la mine de Vipasca ou un emplacement pour y creuser un puits, en vertu de la Tex metallis dicta. La déclaration doit être faite clans les deux jours au fermier des vectigatia de la mine19 [METALLUM, p. 1871]. 5° Pour être autorisé à traiter les scories d'argent ou de cuivre ou à entreprendre un travail quelconque dans les carrières de pierres (lapides lansie). On doit déclarer, dans les trois jours, le nombre d'esclaves et de mercenaires qu'on emploie à ce travail"o 6° Pour avoir le droit de vendre ou d'acheter une part d'un puits de mine. La déclaration doit être faite au proeurator qui metallis praeerit, à peine de nullité de la vente". 7° Pour obtenir le bénéfice promis par un édit de Trajan à celui qui dénonce le fidéicommis tacite fait à son profit. Il y a fidéicommis tacite lorsqu'un héritier promet au testateur rerbalernent ou par écrit de remettre ses biens en tout ou en partie à une personne incapable22 d'après les lois caducaires [CADUCARIAE LEGES, p. 776]. La disposition est caduque, et les biens sont attribués au fisc 23; la loi Papia en réserve toutefois une part au délateur qui dénonce la fraude et la prouve en justice°--'. Pour couper court aux délations, Trajan jugea préférable d'intéresser l'incapable à dévoiler lui-même la fraude par une déclaration aux agents du fisc : le fidéicommissaire a droit à la moitié de la valeur que le testateur avait voulu lui faire parvenir 2'. lin rescrit d'Antonin le Pieux lui a assuré ce bénéfice, alors même que le fidéicommissaire aurait été devancé par le fiduciaire assez indélicat pour manquer à la foi promise et qui aurait dénoncé la fraude avant l'ouverture du testament". 8° Pour obtenir la propriété du pécule en cas d'affranchissement entre vifs. L'esclave doit déclarer à son maître la composition de son pécule (professio peculiï). Tout objet non déclaré reste la propriété du maître 27. 9° Pour déterminer ceux qui sont exclus des distributions de blé d'après la table d'I-léraclès [r RUMENTARIAE LEGES]. IV. Déclaration au cens. Les règles sur laprofessio censualis à home, dans les municipes et dans les provinces, ont été exposées au mot cExsUS (p. 1003, 1009). Il suffira d'ajouter ici les renseignements nouveaux que fournissent sur ces déclarations les papyrus grécoégyptiens récemment publiés. L'un de ces papyrus est PRO 675 PRO de l'époque ptolémaïque et permet de déterminer les origines du cens provincial en Sicile ; les autres sont de l'époque romaine et relatifs à l'Égypte. En Sicile, les contribuables (ara/ores) avaient à faire, au temps de Cicéron, une double déclaration devant les magistrats locaux ' : l'une, prescrite par la lex Hieronica 2 et étendue par les Romains à toute la province; l'autre, dont Cicéron attribue l'introduction à un édit de Verrès. Ces déclarations avaient pour but de faire connaître aux fermiers de la dîme, l'une le nom des contribuables habitant dans leur ressort (professio noininis); l'autre, l'étendue de la propriété de chaque contribuable (professio jugerum) et la mesure de la terre qui était chaque année ensemencée (professio sationum)3. Cette double déclaration est d'origine ptolémaïque : elle avait été empruntée par Hiéron Il, roi de Syracuse,à un règlement établi par son contemporain et ami Ptolémée II. On peut s'en convaincre en rapprochant des passages précités de Cicéron un papyrus daté de la vingt-septième année' de Ptolémée II el, publié par M. Grenfell, sous le nom de Revenue-Caus. En Égypte, à l'époque romaine, une double déclaration est également exigée : l'une est relative aux personnes, l'autre aux choses soumises à l'impôt. La première doit être faite tous les quatorze ans pour l'année écoulée 6, la seconde doit être renouvelée tous les ans pour l'année courante 6. 1° Déclaration des personnes soumises à l'impôt. Cette déclaration est faite par le propriétaire de chaque maison (xar'oïxïan ârroypazr,) Un double exemplaire est envoyé au stratège 8, au scribe royale et aux deux scribes locaux 10, Elle contient : a. L'adresse du propriétaire et la description de la maison et de ses dépendances ". Le déclarant indique son nom, celui de son père, de sa mère, de son grand-père, son pays d'origine, la rue qu'il habite. Mention est faite, le cas échéant, du changement de domicile depuis la dernière déclaration 12. b. L'énumération des personnes habitant ordinairement la maison pendant la dernière année écoulée", alors même qu'elles seraient absentes actuellement. On déclare d'abord les membres de la famille ainsi que les esclaves, puis les locataires s'il y en a. On indique leur nom, leur âge, leur signalement'", leur profession, s'ils sont soumis à l'impôt de capitation et au service militaire. Si la maison est inhabitée, mention en est faite 15. On remarquera que les locataires ne font pas de déclaration : le bailleur seul est tenu de cette obligation. J. César avait établi une règle analogue lorsqu'il lit le dénombrement de la population vicatim, per dominos insularum 16. 2° Déclaration des objets imposables. On exige une déclaration séparée pour chaque groupe d'objets soumis à un Même impôt : e. Maison et dépendances, avec indication du titre d'acquisition (succession, achat), du nom du précédent propriétaire et, s'il y a lieu, des hypothèques qui grèvent 1'immeuble11. b. Terres cultivées (situation, superficie, rendement) 18, c. Animaux(chameaux, moutons, chèvres) °9. Le décla rant fournit un état comparatif des animaux qu'il avait l'année précédente et de ceux qu'il possèdeactuellement20, d. Navires, avec indication de la capacité 21, e. Esclaves, avec mention du nom, de l'âge, du signalement, du titre d'acquisition 22. Le déclarant n'est pas tenu d'estimer la valeur des objets : différence essentielle avec le cens romain 23 Les déclarations étaient contrôlées soit par les magistrats 24, soit par une personne désignée par eux2o. Elles étaient ensuite réunies en un volume et numérotées pour faciliter les recherches et la citation. On indiquait la colonne et le rôle du livre censier. Plusieurs fragments des rôles des contributions sont parvenus jusqu'à nous. M. Wilcken a publié des photographies de déclarations au cens de l'an 189, dans les Comptes rendus des séances de l'Académie de Berlin (9883). Plus récemment, en 1905, M. Vitelli a publié le texte d'une déclaration au cens de l'an 298 ; elle est adressée au censitor conformément à la nouvelle organisation établie par Dioclétien "6. Les livres censiers servaient à des buts très différents, principalement pour l'impôt et pour le recrutement de l'armée. On en faisait des copies ou des extraits27 qui étaient mis à la disposition des magistrats compétents et pouvaient même être consultés par le public 20. Dans un procès relatif à la propriété d'un esclave, on invoque le livre des déclarations xar' o(x.av, comme le plus sûr moyen de preuve 22. V. Déclaration de naissance. Une constitution de Marc-Aurèle prescrit à tout citoyen romain de déclarer le nom et la date de naissance de ses enfants au Préfet du Trésor à Rome, aux tabularii publics dans les provinces30. La professio natalis doit avoir lieu dans les trente jours de la naissance. La déclaration faite par la mère ou par le grand-père devait être enregistrée dans les actes publics 31, mais elle n'était pas obligatoire ; elle s'appliquait sans doute principalement aux enfants illégitimes32. La déclaration du père fait foi en justice" jusqu'à preuve contraire. Une déclaration fausse ou simulée ' n'empêche pas la partie intéressée de prouver l'âge ou l'état d'une personne par témoins (voisins ou autres)", par la production des lettres échangées entre les époux 3", surtout à l'aide de la déclaration faite au cens U7. ll en est de même en cas de perte ou d'omission de la déclaration 38, Si l'on produit des déclarations divergentes, le juge doit rechercher celle qui mérite le plus de confiance. PRO 676 --si PRO L'innovation introduite par Marc-Aurèle eut pour but, d'après Capitolin, de faciliter le jugement des procès relatifs à la liberté (liber ales eausae) Elle a repu de la jurisprudence une portée plus large : dans tous les cas où l'on avait intérêt à établir Page ou l'état d'un citoyen, on eut recours aux actes enregistrés par les officiers publics. Par exemple, pour fixer le jour où un mineur sui furia devenait majeur, ou bien pouvait obtenir la veniez aetatis [MIxoR, 1931, 1932]ÿ pour faire valoir l'excuse de tutelle accordée aux personnes âgées de plus de soixante-dix ans 2 ; pour échapper aux lois caducaires qui ne s'appliquaient pas aux hommes qui avaient moins de vingt-cinq ans ou plus de soixante, aux femmes qui avaient moins de vingt ans ou plus de cinquante'. L'usage de faire enregistrer la naissance des enfants dans les actes publics existait dès le règne de Trajan, au moins en Afrique, mais n'était pas obligatoire. Apulée, dans son Apologie écrite en 146, atteste que le père de sa femme avait déclaré la naissance de son enfant more ceterorum, et qu'il y avait deux exemplaires de cette déclaration, l'un chez lui, l'autre chez le tabularius public. Un usage analogue existait en Égypte, à Alexandrie. Un diptyque en bois, conservé au Musée du Caire (no 29807), prouve que, sous Antonin le Pieux, il y avait à Alexandrie un album des naissances, affiché dans l'atrium magnum (?). On inscrivait sur cet album les naissances dont la déclaration était reçue en dehors de tout procès (?) . titra causarum cognitionem. La déclaration faite par le père contenait le nom et la date de naissance de l'enfant ', On n'a pas de renseignement direct sur la force probante attachée aux déclarations de naissance consignées sur les actes publics en Égypte. D'apres un papyrus de Florence, un habitant d'Alexandrie, âgé de plus de 70 ans, qui demandait à être exempt des inunera, prouva son âge et la date de sa naissance en produisant la copie de son acte d'inscription sur la liste des éphèbes' [EPHEBI, p. 622]. Une déclaration spéciale parait avoir été prescrite de temps à autre, en Égypte, pour la naissance des garçons. Elle servait à compléter le registre des déclarations faites xas'o(xiav, tous les quatorze ans'. On en a trois exemples, deux de l'an 138-139, tin de l'an 183-184, ils s'appliquent à des enfants de deux, quatre et sept ans'. Cette déclaration n'était paso -i. .e dans l'intérêt du fisc, car l'impôt de capitation n'a'•'_nait que les individus âgés d'au moins quatorze ana. M, Wilcken e conjecturé qu'elle était requise pour le recrutement de l'armée Les officiers chargés de l'administration militaire prenaient parfois des garçons au-dessous de quatorze ans : dans les papyrus 324 de Berlin et 18 de Genève, if s'agit de garçons de onze et de treize ans. Puis dans les actes où l'on mentionne des enfants au-dessous de quatorze ans, on a soin de dire. quand ce sont des garçons, s'ils figurent ou non sur la liste de ceux qui sont nés depuis le dernier recensement' . rien de pareil n'est dit pour les filles" VI. Déclaration de décès. _sEn Égypte, la déclaration de décès est adressée par les parents au scribe royal ou aux scribes locaux. Ils le prient d'inscrire le défunt sur la liste des morts, ou de rayer son nom sur la liste des contribuables. Plusieurs de ces déclarations ont été conservées dans les papyrus gréco-égyptiens du ne et du me siècle de notre ère. Elles ont été faites dans l'année et souvent dans le mois du décès. Les parents avaient intérêt à accomplir sans retard cette formalité, pour ne pas être obligés de payer l'impôt mis à la charge du défunt. Les déclarations de décès" étaient réunies dans un registre spécial : le papyrus 11410 de Vienne cite une déclaration inscrite Ô. la page 92. ÉDorAsa Cui).