Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PROSCRIPTIO

PROSCRIPTIO. On entendait à proprement parler par proscriptiol'affichage qui annonçait la vente publique et aux enchères des biens d'un débiteur Plus tard, comme les peines capitales entraînaient tacitement la confiscation [PUBLICATIO] et par conséquent l'adjudication des biens des condamnés, la signification du mot proscriptio s'étendit à tous les chàtiments de cette nature et spécialement à l'exil [CONFISCATIO, EXsILIPM], et l'on nomma proscrits les exilés '. Mais cette expression a été surtout employée par les auteurs classiques pour désigner les mesures prétendues de salut public, par lesquelles ceux qui, comme Sylla et les seconds triumvirs, avaient usurpé la dictature, frappaient en masse leurs ennemis de mort et de confiscation générale; ils prétendaient appliquer ainsi les anciens principes sur la mise hors la loi permettait de tuer impunément. En effet, les noms des proscrits se trouvaient portés sur des listes affichées au Forum. Avant Sylla, bien des désordres et des massacres avaient ensanglanté les rues de Rome, mais jamais la proscription ne s'était montrée avec cette forme régulière, qui organisait l'assassinat, avec primes offertes aux assassins et aux délateurs, et mettait en quelque sorte tout un parti en coupes réglées, par la publication successive de nombreuses listes de proscrits, au gré de la haine ou de la rapacité des proscripteurs, ou de leurs complices. Ce fut après son retour d'Asie, que Sylla émit ses listes et promit pour chaque tète une prime de deux talents Appien nous apprend que la première liste contenait les noms de quarante sénateurs et de seize cents chevaliers ; de nouvelles tabulae proscriptionis se succédèrent sans interruption, et portèrent le nombre des condamnés à un chiffre incroyable Sylla frappa d'infamie et priva du droit de cité les fils et petits-fils des proscrits ; de plus, il prononça la peine de mort contre ceux qui auraient sauvé ces derniers ou leur auraient donné asile. Ces mesures atteignirent surtout l'ordre équestre, contre lequel se faisait la révolution nouvelle; de plus, elles s'étendirent à tous les partisans de Marius, et aux cités d'Italie qui avaient soutenu sa cause ou celle de son fils; leurs maisons on leurs territoires confisqués furent partagés entre les vétérans de Sylla 6. Souvent aussi les biens des proscrits, au lieu d'être vendus, étaient attribués directement aux amis du dictateur 6; et, de plus, il les dispensa parfois de l'âge exigé pour les dignités'. Ces différentes dispositions sont connues sous le nom de loi Cornelia deproscriptioneel proscriptis, bien qu'elles n'aient pas été votées régulièrement par le peuple ; mais Sylla, en se faisant nommer dictateur perpétuel, dans les comices centuries, par l'interrex Valerius Flaccus, fit ratifier tous ses actes antérieurs, qui obtinrent ainsi force légale. Ce fut l'objet de la loi Valeria ou Cornelia de 672 ou 678 de Rome Quelquefois les prisonniers faits dans les guerres civiles étaient vendus par les vainqueurs, mais, jamais on n'admit, en temps normal, la validité de ces aliénations, et Ulpien nous apprend que ceux des citoyens ainsi vendus qui étaient ensuite l'objet d'une manumission n'étaient pas considérés comme des affranchis Une autre proscription, non moins sanglante, futdécrétée par les triumvirs Octave, Antoine et Lépide, à la suite de la conférence tenue en 710 de Rome, clans une île près de Modène, afin de partager entre eux l'autorité souveraine, d'assurer par leur entente l'assouvissement de leurs vengeances et de remplir leurs coffres par la confiscation des biens de leurs ennemis f0. Appien prétend 11 que plus de trois cents sénateurs et de deux mille chevaliers furent compris dans les listes fatales. Sous l'Empire, les princes qui, en vertu de la loi PRO 692 PRO regia, réunissaient sur leur tête les pouvoirs de consul, de censeur, de tribun, de grand pontife, etc., jugèrent par eux-mêmes ou firent juger par le Sénat ou les nouveaux magistrats, leurs adversaires politiques, et la proscription se cacha sous la forme judiciaire, ou quelquefois même fut dépouillée de tout prétexte légal. G. HUMBERT.