Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PROSERPINA

PROSERPINA (IIEprEf6v-ri). I. Déméter et sa fille Coré-Perséphone apparaissent, tout au moins à l'époque classique, sous la forme d'un couple indissolublement uni. Les expressions mêmes qui servent à désigner les a deux déesses » ai 2 o avx: ai II6Tvtat, sont un signe de cette unité mythologique'. Les lieux de culte sont les mêmes; les épithètes et les attributs s'échangent; les fonctions divines de l'une sont aussi celles de l'autre; dans l'art enfin elles apparaissent souvent réunies, et il arrive que leurs types soient semblables au point qu'il n'est pas toujours facile d'établir entre les deux représentations une distinction bien sûre et bien nette. C'est ce qui explique que les mythologues, même les plus récents, n'aient pas songé à faire de Coré-Perséphone une étude particulière et indépendante, et qu'ils aient toujours exposé sous une même rubrique l'état de nos connaissances sur les deux grandes divinités éleusiniennes2. II est impossible de traiter du caractère et du culte de Déméter sans traiter du même coup de la plupart des questions que soulève l'étude de Coré-Perséphone. C'est ce qui a été fait ici à l'article CERES. Le présent article n'en doit être considéré que comme un complément, à propos de chaque question particulière, il convient de s'y reporter. Telle partie du sujet, la répartition géographique du culte, est traitée si complètement dans cet article que nous n'aurons pas du tout à y revenir; telle autre, le mythe de l'enlèvement de Perséphone et de son séjour chez Hadès, assez longuement pour que nous n'ayons que peu de détails à ajouter. Nous insisterons davantage sur les questions que le long développement de l'article CERES n'a pas épuisées : ainsi le caractère primitif de Perséphone, et son rapport exact, aux différentes époques, à Déméter'; ainsi les représentations artistiques de Perséphone et des légendes où elle joue le premier rôle. Nous devons laisser tout à fait de côté l'étude des mystères d'Éleusis, qui sont cependant, dans la Grèce classique, le centre même de tout le culte de Perséphone [ELELSINIA et MYSTERIA]. Le nom. Ses formes. Le nom de Perséphone se présente à nous, dans les textes, les inscriptions et les monuments, sous des formes très diverses'. Le second élément composant du nom apparaît tantôt sous la forme Brut; il y a un très grand nombre d'autres exemples. Autres dénominations: MAsne l'article cases. 2 Pour ne citer que les plus récents, Preller dans sa Griech. 1Nythol. Bloch dans l'article Kora du Lem/ton de Roselier; Decharme, dans la Myth. de la Gr. ant. ; Grappe, dans son ouvrage nouvellement paru, Griech. Myth. und Religiongesch. 3 None nous appuierons surtout, dans l'exposé de cette question, sur les travaux de M. Foucart sur les Mystères d'Eleusis, et sur l'ouvrage récent de Gruppe. 5. Cf. également le nom de la tète de Perséphone à Cyzique, pueaxpuarru. -12 Aesch, cat. II, 21; li, 699. Sur les dénominations de Perséphone dans l'épigraphie attique, cf. Meislerhans, Gramm. d. att. Inschr.2 p. 76, 79. 15 Exemples très nombreux ; fdvrl ou pivctx, tantôt sous la forme cpzaaa ou fIX.TTz. A côté de ITEpac f6v' (chez Homère ItEpaef6vfta5) qui est la forme commune, on trouve bcprop'nj dans des textes poétiques 6 et des inscriptions funéraires', II-r1pf6vri 8, en Laconie IIvisEf6vEta 9. Les formes en fâgaa (faTTn) sont plus spécialement attiques, comme l'indique le grammairien Moeris 10 (DEpp EpaTTn 'ATT:x iç, IlEprE fdV71 'EX)i' vtxOls. Le sanctuaire de Perséphone sur l'agora du Céramique s'appelait le àc pE fzTTtov 11. Les poètes attiques emploient de préférence la forme HEpai faaem" ou 4E?a4zo-al '3; les inscriptions ont é cppcfaTTa f4, quand ces documents ne désignent pas la déesse sous le nom deh6p-r,l6. Sur les vases peints on trouve, à côté de (DopestpâTTn f6, la forme il)Ep6fnTTa"; sur l'un d'eux, Hcpaé9nTa". Étymologie". Pas plus que celui d'aucune des divinités helléniques, le nom de Perséphone ne peut être encore expliqué avec pleine certitude. Les interprétations données par les anciens, quand elles ne sont pas de pure fantaisie, sont au moins très arbitraires. Nous en signalons quelques-unes en note 20. Les mythologues modernes ne sont pas moins partagés dans leurs explications. Il paraît à présent assez généralement admis que le second élément du nom de Perséphone dérive non pas de la racine de fovEiiol 2t, mais bien de celle de fa(vol, et implique l'idée de lumière 23. Toute la difficulté gît dans le premier élément du nom. Pour Zeyss 23 et Firster24, c'est à la racine de ivipOEty qu'il faut le rattacher, et Perséphone serait ainsi la divinité destructrice de la lumière, la déesse des ténèbres infernales. Mais il est douteux que le premier élément composant du nom soit une racine verbale, et d'autre part certains traits du caractère de Perséphone (celui-ci entre autres qu'elle est considérée quelquefois comme une divinité lunaire, aussi bien qu'Artémis) paraissent contredire une telle explication. Sonne 25, suivi par Bloch 96 et plus récemment par Gruppe 27, voit dans le premier élément du mot une forme adverbiale. HEpas?6vrl serait une épithète analogue par sa composition à l'épithète d'Athéna Focvof6v-q 26 et llEpeé faaaaserait une forme exactement constituée comme Trllfaaaa29. Le premier mot, un hypothétique adverbe 7;Epac, se rattacherait à la même racine que HEpcxég, le nom du héros Persée, c'est-àdire, d'après Sonne 30, à une racine sanscrite ayant le sens d' a éclatlumin eux ». Le rapprochement de HEpacfdvrl et de HEperE•iç n'est d'ailleurs pas une idée exclusivement Épithètes. Les épithètes qu'on trouve accolées dans les textes au nom de Perséphone sont très nombreuses. La plus fréquente est celle de Kdprl c Titnet Tpos, ou simplement et plus loin fig. 5820. 18 Sur le vase del Vasto, dans Strube, Bilderkreis. v. El. pl. m. 19 Cf. entre autres Fürster, Op. cit. p. 277 ; Gruppe, Op. cit. p. 1181, n. 6. _. 20 Certains dérivaient le nom de te,,s et ptern: cf. Porph. De abstin. IV, 16; d'autres, lui donnant une signification agraire, de oéparr et car,;: cf. Cornut. c. 28; ou if iris et fins« : cf. Fies. s. v. Ihpes6tuera. D'autres encore, qui voyaient avant tout chez Perséphone la déesse infernale, de 'Ire. et oo.sOsrv; cf. Etym. mage. s. v. tRepeeptvn. Un teste de Plutarque, Is. et. Os. 66, d'après lequel Perséphone serait la divinité qui porte la lumière, : estpe;, est plus près des explications modernes. 21 Cependant encore Preller-Robert, Griech. Myth. p. 801, d'après la fausse analogie de Trerct',n. 22 Cf. Weleker, Griech. Gtitterl. 1, p. 393 ; F%rster, Op. cit. L. c. 25 Pans Roscher, Lexik. II, p. 1288. 27 Gruppe, L. c. 28 Sur la confusion qui a fait donner à cette épithète, dont le sens est « au regard terrible n, celui de o tueuse de la Gorgouo », cf. Gruppe, Griech. Myth. p. 1209, a. 2. 29 De même Tn4ép.agoç et Tntoxlea de e6l.s ; cf. Bugmanu, Gr. Gr. p. 169. 30 Sonne, L. c. Cf. aussi Costanzi, Riv, di stor. ant. 1895, p. 37 sq. 81 11 se PRO 693 PRO Kdpri i. Elle constitue pour la déesse, à l'époque classique, un nom qui la désigne par lui seul ; c'est l'appellation qu'on trouve par exemple dans les décrets attiques'. Le nom de Kdpri est naturellement employé surtout quand il s'agit de la fille de Déméter, et celui de IIepaEpee r, quand il est parlé de l'épouse d'Hadès', suivant la remarque de Proclus. Mais la règle n'a rien d'absolu, et c'est Perséphone qu'est dénommée la jeune déesse sur les vases éleusiniens, qui la montrent auprès de sa mère'. L'énumération des plus communes parmi les autres épithètes de Perséphone trouvera mieux sa place quand nous parlerons de ses attributions. On en trouvera d'ailleurs la liste complète dans le recueil de Bruchmann 5. Caractère primitif de la déesse, et son évolution. Quel a été le caractère primitif de la déesse, et de quelle manière a-t-il évolué jusqu'au temps où s'est constituée la mythologie classique? La question est peu traitée et encore mal éclaircie. Pour les mythographes 6, Perséphone est essentiellement la tille de Déméter. Elle l'a toujours été, et ils ne conçoivent guère d'é poque où cette association de la mère et de la fille n'ait pas existé, où Perséphone ait eu une existence distincte de celle de la vieille divinité achéenne, Mais d'autre part Coré, sous le nom de Perséphone, est l'épouse d'Hadès et la reine des enfers. Le mythe du rapt, d'après lequel Hadès aurait ravi la jeune vierge, l'aurait emmenée à ses côtés dans le royaume des ombres, d'où sa mère n'aurait pu la reconquérir que pour une partie de l'année seulement, explique la coexistence en Perséphone de ces deux personnalités distinctes. Et tout devient clair si l'on voit en Coré la personnification de la végétation, fille de la Terre, qui, toute une partie de l'année, recouvre le sol de sa luxuriante parure, et, toute une autre, disparaît dans ses profondeurs. Mais dans cette conception commune du caractère et du rôle de Perséphone le mythe du sol apparaît comme une invention toute factice destinée à raccorder entre elles deux conceptions très différentes d'une même personne divine. Or ce mythe, au contraire occupe une place si éminente dans l'histoire de Perséphone et contient tant de traits d'une haute antiquité qu'il doit tenir étroitement à la nature même de la divinité qui y joue le premier rôle, et l'expliquer en partie. D'autre part, le fait que résident en Perséphone deux personnalités distinctes est constaté, mais non du tout expliqué. A coup sûr l'association de Déméter et de Coré remonte à une haute antiquité. Des terres cuites qui datent du vie ou même du vu' siècle représentent déjà (fig. 5614) le couple divin, tel qu'on le connaît à l'époque classique Mais le texte des poèmes homériques, comme l'ont remarqué Rohde et Bloch', montre qu'on ne saurait concevoir Perséphone comme ayant été de tout temps à la fois fille de Déméter et épouse d'Hadès, et, dans le deux cas, symbole de la vie végétative. L'indissolubilité du couple Déméter et Coré-Perséphone, que l'on constate à l'époque classique et même auparavant, ne semble pas avoir existé aux temps les plus anciens de la religion grecque. S'il est facile de s'y méprendre, c'est que l'époque où les documents, textes littéraires et monuments figurés, commencent à se multiplier sur la religion grecque, est précisément celle où le culte d'Éleusis devient, de local, attique et panhellénique f0, et où la forme qu'y prennent Déméter et Coré-Perséphone rejette dans l'ombre tout le passé des deux divinités. Mais dans les poèmes homériques ni Déméter et Perséphone n'ont de rapports entre elles, ni Perséphone n'a le caractère d'une divinité agraire ; elle est uniquement déesse infernale et reine des ombres. Tous les passages de ces poèmes où Perséphone est mentionnée la définissent ainsi " : c'est la terrible souveraine, €ratv-q, du royaume souterrain. L'un des deux passages où elle est donnée comme fille de Déméter est une interpolation tardive 12 ; l'autre fait partie de la Nekyia de l'Odyssée", apport également récent. Même à une époque très postérieure, il subsiste encore dans la tradition un souvenir d'une Perséphone fille d'une autre que Déméter; chez Apollodore", Perséphone est fille de Zeus et du Styx. Il y a plus. Là même où le couple divin de la mère et de la fille semble le plus indissoluble, à Éleusis, il semble qu'il n'ait pas existé de toute antiquité. Un des points établis par M Foucart dans ses travaux sur les mystères d'Éleusis 15 est qu'à une époque très reculée le couple éleusinien était composé, à côté de la « déesse e, Ae, d'un « dieu e, Otdç lf, à l'exclusion d'une divinité-fille. Depuis longtemps, à l'époque classique, le culte du dieu et de la déesse avait été supplanté par celui de Déméter et de Coré; mais il n'était pas complètement oublié, et un monument du let siècle av. J.-C. 17, consacré précisément aux deux déesses, rappelle encore le souvenir d'un temps où l'une d'elles n'existait pas dans le culte éleusinien. A l'époque préhomérique donc, il n'y avait point de Coré ; et Perséphone, tout à fait indépendante de Déméter, était, dans l'imagination populaire, exclusivement la reine des morts. Mais l'étymologie, indiquée plus haut, qui paraît la plus satisfaisante pour expliquer le nom de la déesse, ne semble pas s'accorder exactement avec un tel rôle. Et pour remonter plus haut encore, pour déterminer le caractère vraiment primordial et essentiel de Perséphone, il n'est plus de recours possible qu'à des constructions hypothétiques comme celle imaginée par PRO 694--PRO M. Gruppe '. Nous n'y insisterons pas. Aussi bien la question importante est celle-ci. S'il est établi qu'à l'époque préhomérique et homérique Perséphone, déesse des enfers, est sans rapports avec Déméter, et que cependant, dès avant l'époque classique, Coré-Perséphone apparaît comme une fille étroitement unie à sa mère, comment s'est opéré le rapprochement? D'abord, à une époque encore reculée, Déméter, en tant que déesse agraire, s'est dédoublée en mère et en fille 2 ; à partir de ce jour il y a eu une Kopri às xvl'po;. Les dédoublements de ce genre ne sont pas rares dans l'histoire de la religion grecque ; on peut se reporter sur ce point aux explications présentées à l'article cERES (p. 1048). Cette transformation s'est opérée, dans le culte éleusinien, avant le xi' siècle; car la triade éleusinienne, Déméter, Coré et Zeus Eubouleus, se rencontre dans plusieurs des Cyclades colonisées par des Ioniens partis de l'Attique à cette époque 3. Comme la divinité mère était la terre elle-même, la divinité fille fut la végétation qui en sort, avec ses alternatives de croissance et de dépérissement. La dernière phase de l'évolution a consisté dans l'identification, avec cette Coré fille de Déméter, de la très antique Perséphone. La rencontre n'a pu se faire que sur un terrain commun à toutes les deux. Or Déméter a toujours été divinité chthonienne et même infernale aussi bien qu'agraire' ; si cet élément de sa nature divine, à l'époque classique, avait perdu toute importance, du moins le souvenir en était-il resté : de là une expression comme ès' A-tloÜç à la place de iv AYC,ou 5 ; et nous savons par Plutarque que les morts, à Athènes, étaient quelquefois désignés par le nom de Arl(t.7'cpetot e. C'est sans doute dans ce domaine particulier de son activité que sa fille Coré s'est identifiée avec la déesse infernale Perséphone, par l'effet d'un processus que nous n'avons aucun moyen de restituer dans son détail. Le mythe du rapt de Perséphone, qui préexistait à la fusion des deux divinités, lui a survécu. Mais il a pris une forme et une signification nouvelles, en s'enrichissant du personnage de Déméter et en s'accommodant à la nature de Coré. Coré-Perséphone n'a plus été seulement la vierge ravie par le dieu des ombres, puis délivrée de l'Hadès par l'effort d'une autre divinité. Ç'a été la fille de la terre féconde, qui, chaque année, disparaît pendant quelques mois dans les profondeurs du sol pour remonter à sa surface quand le printemps ramène la floraison de la vie végétale. Cette transformation, cet élargissement du mythe lors de l'identification définitive de Perséphone avec la fille de Déméter explique que les poèmes homériques, qui lui sont antérieurs ou qui l'ignorent, ne connaissent que le fait même du rapt, et non point celui du retour périodique de la jeune déesse sur la terre'. Cette légende, une fois fixée par la poésie sacrée (hymne homérique à Déméter), a pris dans la mythologie grecque classique une importance considérable. Elle est devenue le centre du culte des grandes déesses. Le groupement des deux divinités était ancien déjà. La popularité du mythe l'a rendu vraiment indissoluble ; 1 Cf. Grappe, Op. cit. p. 867. L'histoire de Perséphone est, pour M. Grappe, une légende parmi beaucoup d'antres semblables, où l'on voit une femme enlevée par le dieu infernal ravisseur d'âmes, et délivrée ensuite de l'Hadès par un autre personnage divin. 1,a légende de Danaé, où Persée (à rapprocher le nom de Perséphone), le héros lumineux, joue le rôle d'Hermès, est un autre exemple de celte forme de mythes. En dernière analyse, Perséphone serait « l'âme délivrée du séjour infernal, et de nouveau brillante sous les rayons du soleil ii. 2 Cf. et c'est ainsi que, par l'influence grandissante du sanctuaire éleusinien, il a conquis le monde grec tout entier, si bien qu'on n'y trouve plus, à l'époque classique et dans le culte officiel, aucune trace nette d'un culte rendu à Perséphone seule, sans que cette divinité apparaisse comme une simple associée du culte de Déméter. Le culte de Coré-Perséphone ayant suivi en général, à l'époque classique, puis à l'époque gréco-romaine, les destinées du culte éleusinien, nous renvoyons sur ce point à l'article ELEUSINIA. Mentionnons seulement les altérations et les identifications nouvelles qui sont venues le compliquer. La première, qui remonte haut, est l'identification de Perséphone avec les déesses lunaires 8. Elle peut avoir eu pour cause la croyance, sans doute populaire, qu'on retrouve chez Pythagore, chez les Orphiques', chez Plutarque f0, à un séjour des morts non dans le royaume infernal, mais dans la lune. D'ailleurs l'idée de nuit et de lumière nocturne se lie assez naturellement à l'idée du royaume des morts. Chez Épicharme déjà, d'après Varron ", Perséphone portait le surnom de Séléné. Les deux déesses lunaires, Hécate et Artémis [DIANA, IIÉIiATÈ], sont souvent, même dans la littérature classique, désignées comme filles de Déméter au même titre que Perséphone12. Artémis a des épithètes communes avec elle. D'après un scoliaste de Théocrite ", c'est Hécate qui est dépêchée par Zeus vers FIadès pour réclamer le retour de Perséphone sur la terre. Toutes ces confusions se résument chez les Orphiques en un syncrétisme des trois divinités, Artémis, Hécate et Perséphone" [MANA]. Une inscription d'Asie mineure postérieure à l'ère chrétienne parla d'une Koépr EeÀr,vq à côté d'un "HAoétov `H),toç'5. Quant à la place que tient dans la théologie orphique Perséphone, épouse violentée de Zeus et mère de Dionysos-Zagreus, on se reportera à l'article ()RPHEOs;sur les rapports de Perséphone avec Dionysos et d'autres divinités du cycle éleusinien, à l'article ELEUSINIA (p. 549). Une dernière identification est à signaler : quand, à l'époque alexandrine, la personnalité de Déméter fut rapprochée de celle de Cybèle, une des divinités phrygiennes du cycle de la mère des dieux, Mise 16, se rapprocha en même temps de Coré-Perséphone : ainsi il nous est parlé, dans Hérodas", d'un x'iOoôo; ,•;l; Mtar;, et une inscription 18 nous apprend l'existence à Pergame d'une prêtresse de Mise Corè.De même des médailles de Cyzique avec la tête de Corés portent à l'avers une tète de lion, attribut de Cybèle (fig. 5815). Le mythe de l'enlèvement de Coré. L'histoire du mythe de l'enlèvement de Coré20 a été faite à l'article cEREs num. p. 453. 20 Pour la bibliographie, voir à la fin de l'article. Les récits anciens les plus détaillés sont, avec l'hymne homérique à Déméter, dans Ovide, PRO 695 PRO (p. 1053 sq.). Quelques détails compléteront la première partie de ce récit. Le rapt de Coré s'accomplit avec le consentement de Zeus' et même sa complicité 2; on le voit dans un texte faire servir la foudre à favoriser l'entreprise d'Hadès. Une variante poétique isolée attribue à Aphrodite la première idée de l'enlèvement'. Coré est surprise alors que, loin du monde, dans la compagnie des Océanides 4 et des Nymphes et, parmi les divinités supérieures, d'Artémis et d'Athéna ", elle s'occupe à tisser ou se distrait au chant des sirènes'. Le lieu du rapt varie suivant les textes; on trouve ainsi mentionnés le Né71ov r.€liov dans l'hymne homérique, identifié par F(irster 3 avec la plaine de Nysa en Carie, et qui pour d'autres n'est qu'un lieu imaginaire ; le bord de l'Océan, dans les textes orphiques'; Éleusis d'après un scoliaste de Sophocle"; I{renides", postérieurement Philippoi, chez Appien; la Crète, d'après Bacchylidet2; Cyzique, selon Properce"; enfin, suivant un grand nombre de textes, la Sicile ", centre important du culte des grandes déesses, et en Sicile Syracuse", l'Enna'f ou Euna'7. Pendant que l'attention de Coré et de ses compagnes est toute retenue par la cueillette des fleurs (le narcisse est particulièrement nommé dans la légende attique]', la violette dans la légende sicilienne)", Hadès, sur son char attelé de quatre chevaux, dont des textes donnent les noms 20, ravit Perséphone et l'emmène au séjour infernal. La seconde partie du mythe, la quête de Déméter, ses voyages à travers le monde, son séjour à Éleusis, intéresse l'histoire de Déméter et du culte éleusinien plutôt que celle propre de Coré-Perséphone. On en trouvera à l'article CERES (p. 1055) la narration complète, avec la mention des variantes que les patriotismes locaux introduisirent dans la légende. Il en est de même de la troisième partie du récit mythique, la mission d'Iris et des autres dieux auprès de Déméter irritée, celle d'Hermès auprès d'Hadès, et le retour, l'âvoioç de Coré, qui, pour avoir accepté de la main de son époux infernal une pomme ou une grenade, devra passer, selon la version la plus naturelle, conservée seulement chez Homère et chez Apollodore21, deux tiers de l'année auprès de sa mère, et un tiers auprès d'Hadès ; selon la version sicilienne et alexandrine V2, la moitié de l'année auprès de chacun des deux. Le mythe de l'enlèvement de Coré a été le centre du culte des deux déesses, non seulement à Éleusis, mais dans toutes les villes oit l'on célébrait des fêtes en l'honneur de Déméter et de sa fille. On trouvera aux divers articles concernant ces fêtes, ELEUSINIA, ANTHESPHORIA, sur la place qu'y tenait le souvenir ou même la représentation mimétique de tout ou partie de la légende. Sa place n'a pas été moins considérable dans la littérature. Les traits essentiels en étaient fixés dans l'hymne homérique à Déméter; mais jusqu'à la fin de la littérature grecque elle a sollicité l'imagination des poètes, comme aussi d'ailleurs les commentaires des philosophes. L'étude de l'histoire poétique et philosophique du mythe sortirait du cadre de cet article ; elle a été faite par Fêrster23 On trouvera mentionnés plus loin et classés quelquesuns des monuments figurés qui le représentent. Attributions de Coré-Perséphone. Coré-Perséphone possède, très nettement distinctes, des attributions qui conviennent à la déesse de la vie végétale, et d'autres qui sont le fait de la déesse des morts. Et il faut remarquer que si le culte officiel et particulièrement le culte éleusinien ont plutôt tendu à effacer la Perséphone épouse d'Hadès devant la Perséphone-Coré fille de Déméter, l'imagination populaire semble n'avoir pas suivi ce mouvement et avoir gardé très vivante la notion de la Perséphone infernale, telle qu'elle apparaît chez Homère2S. C'est ainsi que cette Coré éleusinienne, dont le culte est si répandu, dont le nom se rencontre si souvent dans les textes littéraires ou épigraphiques, apparaît à tout prendre, en dehors d'Éteusis, comme une personnalité assez pâle dès qu'on veut serrer de près son rôle et ses attributions. Ces attributions ne diffèrent pas de celles de sa mère [CERES). Mais on ne retrouve pas, accolées au nom de Coré, les multiples épithètes qui marquent les pouvoirs divins de Déméter. Comme sa mère cependant, elle est une divinité auguste et vénérable, üyvri25, oé v~ 26 a~TVla27. Cornrne elle aussi, elle est la protectrice naturelle de la végétation et de tous les fruits de la terre, sous l'épithète x2pno'6po;28; elle est la puissance qui détient et fait croître les germes, Ôdvx(7.1ç 'j a77Eet.1.91ToC foç 29; elle est le printemps même. Elle est également associée à sa mère dans un domaine qui semble devoir être plutôt réservé à cette dernière ; elle est, comme elle, déesse OEoN.oï,dpcç30, protectrice des liens du mariage et, par extension, de toutes les règles de la société humaine ; à Athènes" et en d'autres points du monde grec32 l'expression de Oeox.o?dpob désigne les deux grandes déesses. Comme Déméter enfin, Coré est, d'une manière générale, déesse protectrice et de sauvegarde, awTElpx (fig. 5814) ; il en est ainsi à Sparte33, en Arcadie34, à Cyzique'°, où elle est particulièrement adorée et fétée [PIIEREPHATTIA) sous ce vocable. C'est comme déesse des enfers que Perséphone a la physionomie la plus accusée. Nombreuses et surtout fréquemment répétées sont les épithètes qui la désignent comme telle. Elle est auprès d'Hadès la divinité terrible, É713Glvo(36, la divinité puissante, i f01u.7) 37 aau Paaiar a ", inflexible, AEay5 39, âN.Eiôr,Tdç 0la reine des morts, hommes est son oeuvre ; c'est sur son ordre, xUT x€IEuaty AEanoh ç k4, qu'on descend chez Hadès; Hermès Psychopompe est son messager 45; le tombeau même est la chambre, la maison de Perséphone", et qui va chez les morts va « chez Perséphone " ». Si le caractère de PRO 696 PRO Perséphone déesse des enfers est essentiellement implacable, sa dureté sait cependant à l'occasion fléchir et s'humaniser et il est plus d'une légende (légende d'Alceste ALCESTISJ, légende d'Eurydice (o11PnEusO où on la voit consentir à libérer une des victimes d'Iladès. Il n'en est pas moins vrai que la terrible sévérité de Perséphone ne s'accorde pas avec la grâce auguste de Coré et que l'incohérence même qui se révèle dans le caractère de la fille de Déméter est une preuve de l'irréductible dualité de personnes dont elle est issue. Attributs. L'attribut le plus ordinaire de Coré-Perséphone est la torche, que lui donnent les textes et les monuments figurés. Suries vases pein ts et les bas-reliefs (voir plus loin), la règle générale est que Coré porte la torche et Déméter les épis et le sceptre. Il en va cependant souvent à l'opposé, et la légende représente Déméterporteuse d'une torche lors de sa course errante àla recherche de sa fille. Sur les attributs plus parti culièrement propres à ciste et le calathos, on attributs qui appartiennent spécialement à Aphrodite, la grenade (fig. 5816) et la colombe 3, sont donnés quelquefois à Coré-Perséphone. Perséphone reine des enfers a aussi pour attribut le coq, qui lui était consacré, au dire de Porphyre 4. Sur des bas-reliefs (voir plus loin), tantôt il lui est offert par un adorant, tantôt elle le tient ellemême dans ses mains. Les plantes Ô. signification funèbre, cyprès 7 et asphodèle 6, sont également mises en rapport avec elle. Sur la question des sacrifices offerts à Coré, des animaux qui servaient à ces pratiques, et des rites mêmes de ces sacrifices, nous renvoyons à l'article CERES(p. 1068), où le sujet est traité à propos du culte de Déméter. Lieux de culte. L'expansion du culte de Coré-Perséphone à travers tout le monde grec a été étudiée en grand détail aux articles CERES, p. 1023 sq. et KoREIA; toutes les localités anciennes où l'on trouve, au témoignage des textes, des inscriptions ou des monuments figurés, quelque trace du culte de Coré, ont été énumérées suivant leur répartition géographique. Nous nous contenterons de compléter en note, par quelques additions, cette longue étude Représentations artistiques. Nous ne saurions, sans sortir du cadre de cet article, énumérer tous les monuments figurés où l'on peut voir une représentation de la fille de Déméter. Nous renvoyons pour une étude plus complète à l'ouvrage d'Overbeck', où sont passés en revue un très grand nombre de monuments, à celui de Fôrster 9, au travail de Leo Bloch 10. Nous ne ferons ici qu'appeler l'attention sur quelques monuments nouvellement connus ou étudiés", que marquer l'essentiel du développement des types et qu'indiquer les points en discussion. On se reportera d'autre part, pour tout ce qui dans les monuments figurés concerne Déméter, à l'article CERES. Aussi bien il est rare que sur ces monuments Perséphone paraisse seule. Si nous avons pu essayer de remonter jusqu'à un temps où la personnalité divine de Perséphone était indépendante de celle de Déméter, nous ne pouvons le faire à propos des monuments de l'art. C'est à une époque relativement tardive, et sous l'influence exclusive du culte éleusinien, que le couple de la mère et de la fille a supplanté toutes les formes mythologiques antérieures. Mais cette époque était encore pour l'art, en Grèce, une époque de naissance et de premier développement ; aussi la conception du couple divin règne-t-elle en maîtresse dans les monuments figurés; les plus intéressants et les plus significatifs de ceux où apparaît Perséphone, à savoir les bas-reliefs et les peintures de vases, la montrent toujours à côté de sa mère. tin certain nombre de statues nous offrent une image isolée de Perséphone ; mais il importe de remarquer que les identifications proposées pour ces oeuvres d'art reposent surtout sur l'idée générale qu'on se fait du type convenant à la jeune déesse et que, même fondées sur des comparaisons avec les types des bas-reliefs, elles n'ont pas un caractère d'absolue certitude. D'ailleurs le type plastique de Coré, pas plus que celui de Déméter, ne fut jamais bien nettement défini. Tandis que la poésie homérique présentait aux artistes grecs, pour d'autres divinités, des formes précises où pouvait s'appuyer leur imagination, elle laissait dans le vague l'image de Déméter et celle de sa fille, qui jouent dans le poème un rôle effacé. De ce défaut initial la statuaire de Déméter et de Coré se ressentit toujours. Elles restèrent longtemps pour les peintres et les sculpteurs la mère et la fille, sans autre détermination plastique ; ce n'est qu'à partir du ive siècle que se répand, et pour Déméter seulement, un type plus caractéristique12. Les identifications sont par là même souvent difficiles; nous ne mentionnerons que les plus certaines. A. Textes. Des statues et des groupes statuaires, en assez petit nombre, dont il est parlé dans les textes anciens, et qui représentaient Perséphone, il ne nous reste rien. Ainsi du trône de l'Apollon Amycléen ", du qui la statue de Coré de la villa Albani (voir p. 698) se rat tacherait, à côté de la statue de Déméter de Cherchel, à ce groupe de l'Eleusinion. L'autre groupe est celui qu'on attribuait à Praxitèle le jeune. Pour l'époque postclassique enfin (la date exacte est encore sujet de discussion), Pausanias 9 mentionne et PRO 697 PRO xoanon de Coré à Hélos 1, et des autres que cite Pausanias 2; ainsi de la statue assise de Phlionte 3 ou de celle d'Olympie '', ici et là groupée avec une statue de Déméter. Que des monnaies lydiennes de l'époque impériale, de la Méonie s et de Sardes, reproduisent le type de très anciennes idoles de Coré, c'est ce que prétendait Eckhel 6, mais qui n'est nullement assuré. Pour l'époque classique, deux groupes sont mentionnés où figurait Perséphone. Le premier est le groupe de Déméter, Coré et lacchos dans l'Eleusinion d'Athènes oeuvre de Praxitèle l'ancien. Il faut mentionner ici l'hypothèse de M. Kalkmann 8, d'après décrit l'oeuvre de Damophon de Messène. Ce sculpteur avait exécuté pour le temple de Déméter à Lycosoura un groupe composé de Déméter, de Despoina Perséphone et du Titan Anytos. Perséphone, sur l'épaule de qui s'appuyait sa mère, tenait un sceptre dans la main droite et sur les genoux la ciste mystique. On a retrouvé d'importants fragments de cette oeuvre 10, mais très peu de chose de la statue de Despoina. B. Monuments. Époque archaïque. De l'époque archaïque il ne reste pas de statue où I'on puisse reconnaître Perséphone. Mais on peut avec vraisemblance voir dans les bas-reliefs laconiens archaïques '' expliqués généralement comme représentation des morts héroïsés [HEROS, p. 153], le groupe Hadès-Perséphone. Le plus célèbre de ces bas-reliefs est celui de Chrysapha (fig. 3826), au musée de Berlin 12. Perséphone est représentée trônant près de son époux infernal ; d'une main elle tient son voile et de l'autre une grenade. L'interprétation est fortifiée par le fait qu'on a, de la ville de Locres en Italie, colonie de Sparte et centre important du culte de Perséphone, un relief analogue 13 ; ici (fig. 5817) la déesse est à la droite d'Hadès ; dans la main droite elle tient un coq (qui dans les bas-reliefs laconiens lui est offert par VII. les adorants), dans la main gauche des épis. Il a été question à l'article CERES (p. 1049) des groupes de terre cuite où Déméter et Coré sont figurées l'une à côté de l'autre. De plus, nous avons insisté plus haut sur l'importance d'un groupe en terre cuite du Louvre (fig. 5814). qui représente Déméter et Coré sous forme d'un double xoanon de style très ancien, attestant la réunion des deux déesses, mère et fille, dès une époque reculée ;4. Mais des nombreuses terres cuites archaïques où l'on peut voir la représentation des déesses éleusiniennes, il n'en est guère où un accessoire ou un détail quelconque permettent de reconnaître à coup sûr Coré. Les représentations certaines de Perséphone sont également rares sur les vases archaïques à figures noires.Tantôtlajeune déesse apparaît à côté de sa mère, et presque identique à elle 15; tantôt elle trône dans le palais infernal ". Ailleurs (fig. 5818) elle assiste assise, tenant des épis dans la main gauche, au supplice de Sisyphe roulant son rocher 17. Époque classique, Ve siècle.La sculpture du ve siècle nous offre d'abord le groupe célèbre de Démé ter et de Coré dans la moitié de gauche du fronton oriental du Parthénon 18. On a, d'ailleurs, donné du groupe d'autres interprétations 19. Tout récemment, M. Studniczka a cherché à démontrer que les deux figures sont représentées assises sur la ciste mystique et doivent bien être interprétées comme Déméter et Coré 20. Le sculpteur, sans que la différence soit très tranchée, paraît avoir distingué la fille de la mère par des formes moins puissantes et moins pleines ; en tout cas, sauf Rayet, tous les archéologues désignent comme étant Coré la déesse la plus éloignée du centre du fronton, qui, d'un geste gracieux, appuie le bras gauche sur l'épaule de sa compagne. Avec le groupe du Parthénon, les seules représentations tout à fait certaines de Coré dans la plastique du ve siècle se trouvent sur des bas-reliefs, pour la plupart éleusiniens. Le plus célèbre est le bas-relief Lenormant 11, reproduit à l'article CERES (p. 1073). La question de savoir laquelle des deux divinités qui y sont figurées représente Déméter, et laquelle Coré, n'a pas été sans diviser les archéologues 22. On désigne généralement la figure de droite comme Perséphone 23. Tandis que Déméter présente au jeune Triptolème le grain de 88 PRO 698 PRO blé, symbole de sa mission, Perséphone fait le geste de poser une couronne sur la tète de l'éphèbe; de l'autre main elle porte une torche. Dès la découverte du grand relief d'Éleusis, on a cherché' dans la statuaire contemporaine les oeuvres qu'on pouvait mettre en rapport avec ce monument. Le relief d'Éleusis n'est d'ailleurs pas isolé : on en a découvert une série d'autres, où le type des deux déesses est analogue2. Le plus intéressant a été trouvé à Éleusis même 3 ; on y voit, entre autres personnages, Coré debout, une torche dans chaque main. Citons encore un relief de l'Acropole qui représentait le départ de Triptolème; on y voit Coré dans la même attitude. On peut reconnaître des types de Coré remontant au ve siècle dans un certain nombre de statues des musées d'Europe, cela par la comparaison qu'on en peut faire avec le type des basreliefs. Ainsi une statuette de bronze du muséedeVien ne °, d'aspect encore archaïque, parait représenter la forme la plus ancienne du type, antérieure même aux sculptures du Parthénon. La statue de la villa Albani interprétée autrefois comme une Sappho, serait un exemple du premier développement de ce type de Coré antérieur à Phidias ; dès la découverte du relief Lenormant, Brunn appelait l'attention sur la parenté de la figure de droite avec la statue Albani. Enfin un exemplaire plus avancé encore du même type fait partie d'un groupe de statues de petites dimensions, provenant de la collection Grimani 7, et appartenant toutes au cycle de Déméter ; l'on peut croire qu'elles ornaient un sanctuaire consacré aux déesses d'Éleusis. IVe siècle. Au Ive siècle, le type plastique de Coré est touché par l'évolution générale à la faveur de laquelle les types praxitéliens remplacent les types du ve siècle. C'est encore sur les bas-reliefs qu'on trouve les représentations les plus certaines; ainsi sur le bas-relief trouvé à Éleusis, au Plutonion 8, qui représente (fig. 5819) Triptolème assis sur son char entre les deux déesses; Coré est à gauche, debout, portant deux torches, vêtue, par-dessus le chiton, d'un manteau drapé autour du corps et formant des plis larges et profonds, Plusieurs statues ou statuettes, qui reproduisent ce type, peuvent être désignées comme des statues de Coré et fixent pour nous le type statuaire de la déesse au ive siècle. Les trois exemplaires principaux sont: une statue de la collection Duval, près de Genève °, une statue de Florence 10, enfin une statue de Vienne II, restaurée en Euterpe. Au Ive siècle aussi appartient sans doute l'original d'un groupe qui représentait Déméter sur la ciste mystique, et auprès d'elle Coré debout. Depuis 1876, on a trouvé à Éleusis et à Athènes de nombreuses reproductions de ce groupe, sous forme de reliefs ou de statues de petites dimensions. M. Kern 12, qui a étudié ces monuments, y veut voir les copies d'un groupe consacré dans le sanctuai re d'Éleusis et représentant Déméter et Coré comme déesses des mystères. Nous n'avons pas conservé de statue qui soit pour Coré ce qu'est la statue de Cnide pour Déméter , et nous donne de la jeune déesse une image saisissante et pathétique. La belle tête de la Glyptothèque de Munich, où M. Arndt voulait voir f3 « la vraie fille de la Déméter de Cnide o, n'a pas, M. Furtwàngler l'a démontré'', la provenance qu'on lui attribuait; et rien n'autorise à lui donner le nom de Coré. Vases peints, terres cuites, etc. -Sur les vases peints de l'époque classique, à figures rouges, Perséphone apparaît soit en compagnie de Déméter, soit aux côtés d'Hadès. On trouvera de nombreux exemples du premier groupement dans l'Élite céramographique de De Witte et Lenormant 1°. Sur la plupart de ces vases, Perséphone tient la torche et offre à Triptolème la libation du dépara °. Quelquefois aussi son costume est moins riche et moins orné que celui de sa mère; ainsi sur le beau vase d'Hiéron 17 (fi g. 5820). Sur d'autres vases éleusini eus, Déméter est assise et Coré est debout à côté d'elle, comme dans les groupes étudiés par M. Kern [ELEUSINLA, fig. 2629; voy. aussi CADMOS, fig. 1298]. I1 faut mentionner aussi un autre monument important trouvé à Éleusis, la plaquette consacrée par Ninnion, qu'a publiée M. Svoronos 18, et le, vase de la collection Tiszkiewicz, aujourd'hui au Musée de Lyon t9. Nous PRO 699 PRO citerons enfin la jolie peinture qui montre Triptolème à la charrue, assisté des deux déesses et où Coré tient deux torches'. Le second groupement, Perséphone et Hadès, apparaît sur de nombreux vases de date récente, à personnages multiples, qui mettent sous nos yeux les enfers et leurs habitants '. Souvent Perséphone trône à côté d'Hadès sous une édicule à colonnes3; quelquefois elle est debout auprès de lui Tantôt elle porte le sceptre et le diadème ; tantôt elle tient une torche dans cha Mentionnons encore le beau fond de coupes, avec la représentation du banquet de HÀoûrwv et d1Epp€px'Tx [PLUTO, fig. 3715]. C'est Coré déesse d'Éleusis dont les terres cuites reproduisent le plus souvent les traits. Tantôt la jeune déesse est représentée sévèrement drapée dans sa tunique et les bras collés au corps', tantôt coiffée du polos et tenant d'une main le porc de lustration. Parmi ces terres cuites les unes proviennent d'Éleusis: ainsi (fig. 5821) le bel exemplaire du Louvre'. D'autres ont été trouvées en Béotie, en Sicile 3 ou en Asie Mineure10. Ce type austère est remplacé au ive siècle par un type plus familier et plus gracieux ; les deux déesses forment alors un groupe où se montre clairement la tendresse qui les unit; on trouve même, par exemple sur des terres cuites de Myrina, Coré assise sur les genoux de sa mère (fig.5822)". Beaucoup de monnaies enfin, d'Asie Mineure ou de Sicile, reproduisent les traits des déesses éleusiniennes f 2. Mais il est le plus souvent impossible de déterminer si c'est la tête de Déméter ou celle de Coré que portent ces monnaies. Cependant de beaux tétradrachmes de Syracuse 13, de la fin du Ive siècle, ont l'inscrip tien KOPAI (fig. 5823). Quant aux grandes monnaies de Cyzique" qui portent l'inscription KOPH CIITEIPA KYZIKHNf2N (fig. 5815), elles ressortent en réalité à l'iconographie des impératrices romaines plutôt qu'à celle de Coré. Représentations figurées de l'enlèvement et de l'anodos de Coré. De la période archaïque on ne peut guère citer, comme se rapportant à coup sûr au mythe du rapt de Coré, qu'un relief de terre cuite trouvé à Locres'5. Hadès imberbe tient Coré serrée dans ses bras et se dispose à l'entraîner sur son char. Une amphore de Nola, de style arehaïque f6 ne représente que le thème habituel de la poursuite amou reuse. Mais comme le personnage masculin porte le sceptre et la corne d'abondance, on doit sans doute l'expliquer comme Hadès, et la jeune fille qu'il poursuit comme Perséphone. Les monuments de l'époque classique qui figurent le rapt de Coré sont au contraire nombreux. Le sujet, par ses qualités pittoresques, devait tenter les artistes. Il semble avoir été traité par Praxitèle, qui, au dire de Pline l'Ancien 17 avait représenté Proserpinae raptum, item catagusam . Un tableau du peintre Nicomachos offrait le même sujet ". Les monuments conservés sont de nature très diverse. Un petit fronton de terre cuite de Tanagra, publié par Curtius 1J, représente Hadès enlevant Per séphone qui se défend et étend les bras vers sa mère. D'après M. Mayer 20, des fragments de sculptures, de petites dimensions, trouvées à Éleusis, auraient fait partie également d'un fronton figurant l'enlèvement de Coré. Une peinture murale, trouvée à Kertch et publiée dans l'ouvrage de Férster21, et une mosaïque, trouvée à Rome23, représentent le même sujet; sur cette dernière les chevaux du char d'Hadès ont chacun leur nom. PRO -700PRO Le rapt de Coré est figuré sur de nombreuses monnaies de villes d'Asie'. Sur toutes on voit Hadès, vêtu de l'himation flottant qui entoure sa tête comme d'un nimbe, emportant dans ses bras Coré qui se rejette désespérément en arrière ; Éros est représenté voltigeant audessus des chevaux qui se cabrent, conduits par Hermès. La composition est belle et pleine de mouvement; enraison de sa hardiesse, elle décèle l'imitation d'une peinture plutôt que d'un groupe sculptural. L'enlèvement de Coré est assez rarement représenté sur les vases peints. Parmi ceux qui sont figurés dans l'atlas d'Overbeck, l'un est un très grand vase de Ruvo'-, dont l'un des registres est consacré à la scène du rapt ; à droite on voit trois des compagnes de Perséphone, puis le char monté par elle et par Hadès. Les autres ces reliefs, qu'ont étudiés en détail Férster et Overbeck. Aucun de ces reliefs de sarcophages n'est exactement semblable à l'autre. Mais, à travers les multiples variantes de détails, on peut distinguer trois séries de ces monuments. Dans une première classe se rangent tous les reliefs oit la représentation est dirigée de gauche à droite et où l'attitude d'Athéna et d'Aphrodite est hostile à l'acte d'Hadès. Et cette classe de reliefs se divise en deux séries, suivant que s'y trouve ou non intercalée entre les deux scènes de l'enlèvement et des pérégrinations de Déméter, la scène de la cueillette, l'âxOoaoy(a. Une troisième série est constituée par quelques reliefs où la représentation va de droite à gauche, et où Aphrodite et Athéna paraissent favoriser l'entreprise d'Hadès. Nous décrirons sommairement un exemplaire de chacune de ces séries. La figure 5824 reproduit un des meilleurs exemplaires de la première série 10. Hadès, vêtu d'un manteau qui flotte autour de sa tête comme sur les monnaies d'Asie Mineure, emporte dans ses bras, sur vases représentent simplement le char d'Hadès avec Perséphone, et Déméter qui le suit, portant une torche. Sur l'un d'eux il semble que Coré suive de bonne grâce son époux ; aussi Stephani' voyait représenté là non le mythe de l'enlèvement, mais celui du retour périodique de Coré auprès d'Hadès. Toutes ces peintures sont très médiocres. Beaucoup plus intéressants sont les fragments d'un vase, trouvés à Éleusis, rapprochés et publiés par M. Hartwig G. La scène paraît y avoir été représentée avec une puissance et une force qui rappelle la manière de Brygos. Mais l'ensemble est très mutilé. De gracieuses terres cuites du ive siècle, qui représentent une jeune fille agenouillée, occupée à cueillir et à arroser des fleurs, sont peut-être une traduction familière de la légende de l'âvOoXoy(a, dans le goût habituel des coroplastes de cette époque C'est sur les reliefs de sarcophages de l'époque romaine que le mythe de l'enlèvement de Coré-Perséphone est le plus fréquemment figuré. La signification philosophique qu'avait prise la légende du rapt explique le choix de ce sujet sur de tels monuments, comme aussi sur quelques cippes funéraires 8 et sur des urnes étrusques'. Il suffira de noter ici les traits essentiels de son attelage dont les chevaux s'élancent, conduits par Hermès, Perséphone échevelée, la tête renversée, les bras levés. Sous les chevaux Gaia est étendue à terre ; au-dessus du char vole un Éros. A gauche d'Hadès, Athéna semble vouloir lui disputer sa proie, mais derrière elle Artémis et Aphrodite la retiennent en se saisissant du bord de son bouclier. A l'extrémité gauche du relief on voit Déméter voilée, sur son char attelé de serpents ; près de l'attelage une figure féminine. Le sarcophage de Mazzara en Sicile, reproduit à l'article CERFS (fig. 1300) donne un exemple des reliefs de la seconde série; un troisième tableau est intercalé entre la poursuite de Déméter et l'enlèvement de Coré; on voit la jeune déesse agenouillée, la main droite sur une corbeille que remplit un Éros, et Hadès qui la saisit. La troisième série de reliefs n'est représentée que par un petit nombre de monuments, dont un seul sarcophage complet". Le mouvement de la scène est ici de la droite vers la gauche. D'autre part, Aphrodite et Athéna se montrent, par leur attitude, nettement favorables à l'entreprise d'Hadès. A droite de la scène du rapt est représentée celle de l'âvs oy(a; mais elle est réduite à une seule figure, Coré agenouillée qui pose la main droite sur une corbeille et élève le bras gauche 1 PRO 701 PRO comme pour écarter son ravisseur. Celui-ci n'est pas représenté, et toute la partie droite du relief est occupée par Déméter et son char attelé de serpents, que conduit une figure féminine ailée et que précèdent des Éros. Un sarcophage enfin, conservé à Rome', porte sur une de ses petites faces une représentation complémentaire; on y voit Hadès et Perséphone voilée trônant à côté de lui, et Hermès réclamant le retour sur la terre de la fille de Déméter. Ce sujet est très rarement traité. La scène de la montée, séphone, retournant du royaume d'Hadès sur la terre, est figurée sur divers monuments. Les plus intéressants sont les vases peints. Sur le plus anciennement connu on voit (fig. 5825) Perséphone (Hapawp«tix) sortant de terre et sa luant la lumière'. Près d'elle se tient Hermès (`Hpp.i ); devant elle Hécate ('HxcriTE) portant deux torches; à droite connaît maintenant deux autres peintures de vases attiques qui représentent certainement le même sujet. C'est d'abord un vase de Dresde 3, où l'on voit Perséphone (lepdw«TTn.) dont le corps émerge aux trois quarts du sol, Hermès tenant le bâton du conducteur d'âmes, et trois Silènes dansants. La seconde peinture orne un cratère trouvé à Faléries4; on y voit également Coré sortant aux trois quarts du sol, Hermès et huit Silènes. On peut faire aussi rentrer dans la catégorie des représentations de l'anodos deux peintures dont l'interprétation est plus discutable : sur l'une on voit une femme vêtue d'un chiton °, sortant de terre entre deux Silènes ; sur l'autres (fig. 5826), une femme vue à mi-corps émerge d'une grotte en présence de Pan, de Dionysos et de deux Silènes. MM. Helbig et Frôhner', et après eux M. Hartwig, croientà une représentation de l'anodos ; mais M. C. Robert est d'un avis contraire 3, Douteuse enfin est la signifi cation de deux peintures de va ses de l'Italie méridionales , où l'on voit une tête ou un corps de femme sortir du sol que deux Silènes, armés de marteaux , viennent sans doute d'entr' ouvrir. Comme les humains, par leur travail, font sortir les fruits de la terre, les Silènes ici, par le leur, en feraient sortir Coré. En dehors des peintures de vases, il n'est guère de monuments qui se rapportent à l'anodos de Coré. Le sarcophage de Wiltonhouse, publié par Gerhard 50, représente pourtant, d'après l'opinion commune, ce même sujet; mais ici c'est montée sur un char que Perséphone reparaît à la lumière ". Enfin une terre cuite du Louvre, provenant de la collection Rayet, traduit curieusement la même légende 1L. C'est une statuette coupée aux genoux (fig. 5827); les deux bras « retombent le long des flancs, comme si le personnage sortait réellement d'une ouverture étroite,d'une sorte de puits pratiqué en terre... La jeune déesse surgit, semblable à une fleur merveilleuse, et son attitude rend d'une façon aussi exacte que possible l'étrangeté de son apparition " II, En Étrurie la Perséphone grecque apparaît, comme déesse des enfers, aux côtés d'Hadès, sous le nom de Phersipnei, sur une peinture murale de la tombe dell'Orco, à Cornéto' ainsi encore sur les PRO -702 PRO tombes Golini à Orviéto (fig. 5828), et Campanari à Vulci A Rome, le culte de Coré-Perséphone pénétra à deux moments de l'histoire religieuse de la cité. En 496 av. J-C. fut introduit, sur l'ordre des livres sibyllins 2, le culte de la triade éleusinienne, Déméter, Dionysos et Coré. Mais, de même que Déméter était assimilée à la déesse italique cmos, et Dio flysOèi au LIBER PATER, Coré prenait les traits de la compagne de ce dernier, la déesse LISERA. Au contraire, le cuite de Perséphone, épouse d'Hadès et reine du monde infernal, resta toujours essentiellement grec. En 249 av. J.-C. les livres sibyllins ordonnèrent de célébrer pendant trois nuits consécutives, en l'honneur de Dis Pater et de Proserpina, les Ludi Tarentini, et de leur offrir des victimes noires (/iostiae furvae), à Dis un taureau, à Proserpine une vache'. Le Tarentum était un emplacement situé dans la partie nordouest du Champ de Mars, près du Tibre; là se trouvait un autel, ara Ditis et Proserpinae, dont des fouilles récentes ont ramené au jour quelques vestiges . Les valent être renouvelés au bout de cent ans. Ce furent, après une réorganisation opérée par Auguste, les jeux séculaires [SAECULÀRES LUDI]. Avant 249, Proserpine parait avoir été tout à fait étrangère à la religion romaine. Son nom même le prouve. Les anciens y voyaient une dérivation de proserpere3. Mais les mythologues et linguistes modernes considèrent généralement le nom de Proserpina comme une simple adaptation latine du nom de Hapuuduy , Sur des monuments d'époque tardive, on voit associée à Dis Pater non pas Proserpine, mais une déesse Aera Cura'. On peut croire que c'est une ancienne divinité italique, que Proserpine aurait supplantée; mais, comme elle n'apparaît qu'à une date avancée, elle peut n'être aussi qu'une création mythologique très postérieure8. Proserpine n'a jamais tenu que peu de place dans la religion romaine. Seuls les textes poétiques la mentionnent fréquemment sous le nom de Juno st(Jgia . averna tO, inferna il; d'autres épithètes encore font ressortir uniquement son rôle de déesse des morts Les dédicaces à Proserpine sont rares dans tout l'ensemble du monde romain EMILE CAtIES.