Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PROTECTORES

PROTECTORES. Les protectores sont les gardes du corps des empereurs à l'époque du Bas-Empire. Un titre entier du Code Théodosien leur est consacré 1; quelques textes littéraires, dus principalement, pour le iv0 siècle, à Ammien Marcellin, qui avait appartenu luimême à cette troupe d'élite3, et une soixantaine d'inscriptions nous font connaître leur rôle, ainsi que les noms et la carrière d'un certain nombre d'entre eux plusieurs représentations figurées mettent leur portrait sous nos yeux'. Les empereurs s'étaient toujours entourés de gardes, chargés exclusivement et à titre privé de veiller sur leur personne. Les protectores ne sont pas, à vrai dire, les héritiers des prétoriens [r'RAETonIANAE COHORTES], qui rem PRO 710 -es PRO tot'ee impériaux était protectol'es déniai latcris A ugusti dipini , protoctor eol'poris , protector Augusti _4 upust f nostri A usjuptop'unr nostrorunt 1C doozin f Lu Code 'l'léodoeien associe aux protectores le,, cimes /arofec'tores doinestii-i ne ',ont qu'une subdivision des ]lrcicCIore.c, la plus considérée et peut-être aussi la plus des fantassins, les pP'otectores dontesticj des cava alors les don,estic t O'qlîftc qui ont les protecloi'es dûmes tent l'existence de (lo,nestic'2 des praefectf ' "acter f o des /iroefrctf I i'iof,c -, des nla(JjStrf i / 'tom 30, du magister o//icforenm't', des coinites et des dures", des fief ou protectol'es clornest ici. Protectorec et pt 0f edlores doinestici sont des soldats30, fortes", dfcatfssia,t'"°, devotjss Gni ° L'empereur pou corps formait tin ordo min consortium", divisé en k',,uod' XIS', p. SOI; O. Seeel,, ,i,os la iIr',lii: cujrIo,., V, o. 1296-1299. 05 d'oS. PRO •--711 PRO déterminé par leur temps de service réel, à la cour ou en mission, déduction faite des absences pour convenance personnelle'. Les decempeinti, qui jouissent de privilèges honorifiques et pécuniaires, ne sont pas les officiers des protectores, mais seulement ceux d'entre eux qui occupent les premières places sur le registre'; au-dessus des decemprimi vient le prilnicerius, qui est, comme le dit Ammien Marcellin, protectorum ordinis primus'; il ne reste en fonction qu'une seule année et reçoit ensuite un commandement comme tribun d'un numerus ; au temps de Justinien le secundicerius, annuel également, assiste le pritnicerius et le remplace à sa sortie de charge 5. Une inscription de Nicomédie cite un actuarius protectorum, commis aux écritures chargé de la rédaction des acta A la tète du corps des protectores et dornestici protectores est placé le cames dornesticoi'unO. La Notitia Dignitatum signale l'existence en Orient et en Occident d'un cognes domesticorum equitum et d'un tomes domesticorum peditum ; mais la plupart des textes ne parlent que d'un tomes unique pour chaque moitié de l'Empire 9; trois fois seulement il est question d'un tomes domesticorum equitum 10, deux fois d'un comas domesticorum peditum" et toujours dans des circonstances exceptionnelles, qui légitimaient un partage momentané des pouvoirs. Le cornes domesticorum est vir clarissimus92, vit' inlustris 13, exempt des charges municipales et militaires'" ; choisi généralement parmi les tribuni des scholae palatines f', il devient ensuite magister militum 1 °. Ses attributions sont à la fois militaires, administratives et politiques ; il a la haute main sur le recrutement, l'avancement et la discipline des protectores": l'empereur le consulte souvent sur les affaires de l'État'', le charge au besoin d'exercer provisoirement un gouvernement provincial40 ou de conduire une expédition guerrière"; c'est l'un des principaux personnages de la cour impériale. La place des protectores dans la hiérarchie militaire tenait aux conditions mèmes de leur recrutement. Ils comprenaient au ive siècle, à partir du règne de Constance semble-t-il, deux éléments : des anciens soldats, qui s'étaient élevés de grade en grade jusqu'à la dignité de protector ou de protector doniesticus, et de jeunes nobles qui faisaient leurs débuts dans ce corps, non pas comme simples protectores, maïs avec le titre plus relevé de protectores dornestici". Au me siècle il n'était question que du premier élément. Nous savons par les inscriptions que ces anciens soldats venaient à l'origine des troupes affectées spécialement au service impérial, gardes du palais, tels que les scutarii, et troupes palatines, Iégionnaires (,lovianii laue,arii, divitenses, fJe adjutri,c) ou auxiliaires'Batavi seniore.s, Reniai) à partir du ve siècle on trouve 1a, mention de protectores et de dornestici pris dans d'autres troupes et appelés par exemple protec°ores de nutaero 1 o'ntigerorum, dornest nunieri Dacorum, etc. ; la garde impériale devait renfermer alors des représentants de tous les corps militaires les protectores étaient, d'après Synesius, « une armée triée dans l'armée ii '1; peut-être même la garde impériale renfermait-elle aussi des représentants de tous les ordres civils : une loi de Justin en 519 reconnait à l'ordre des avocats le droit de nommer chaque année deux de ses membres pour servir l'un parmi les dornestici equites, l'autre parmi les dornestici pedites2° Les inscriptions du me siècle nous disent de quel grade étaient les soldats appelés parmi les protectores et quels postes on leur confiait au sortir de ce corps : ils avaient rempli précédemment les fonctions de centurions ordinarii d'une légion, c'est-à-dire centurions des premières centuries, ou quelque autre équivalente 24 ; ils devenaient ensuite tribuns d'une légion ou d'une cohorte prétorienne, ou préfets de légion; le protector était donc l'égal d'un centurion primipile. Au Jve siècle les protectores se recrutent parmi les principes'', qui correspondent aux anciens ordinarii, et deviennent ultérieurement tribuns nu préfets ; leur condition n'a pas change". Ce corps, selon l'expression de Mommsen, jouait le rôle d'un véritable séminaire destiné à former des officiers » ". Les protectores, comme les prirnipiles, font de droit partie de l'ordre équestre; aussi prennent-ils sur les inscriptions le titre de ducenarii "3 ou ceux de viri egregii 29 et viri perfectissirni34,qui désignent différentes subdivisions de la classe des chevaliers". D'autre part, depuis le milieu du Ive siècle, les jeunes gens de naissance sénatoriale, les clarissimi, ont accès dans la garde impériale; le plus ancien exemple que l'on en puisse citer est celui du fils d'un maître de la milice, Herculanus, protector domestirus en 33432 ; l'usage parait s'être alors introduit d'admettre les fils de sénateurs à faire leurs premières armes en qualité de protectores dornestici ; au temps des Antonins ils s'initiaient au métiermilitaire dans les légions, comme tribuns, et obtenaient ensuite des commandements plus importants. Gallien les exclut de l'armée 33 et les remplaça dans les hauts grades par de vieux officiers de carrière ; c'est probablement Constance qui leur permit de nouveau d'entrer au service, niais seulement dans la garde impériale, et sans leur ouvrir encore les PRO 712 PRO emplois supérieurs '. Constantin Porphyrogénète, au v° siècle, d'après les documents du 'vs, nous raconte la cérémonie d'investiture d'un protector, ancien soldat ou jeune noble : le postulant, revêtu de la tunique atrabatique, était introduit devant l'empereur pour l'adorer à genoux et recevoir de ses mains le diplôme de nomination; le prince prononçait la formule : Adorato protector, ou Adorato protector domesticus, selon les cas'-. Les protectores formaient une troupe d'élite, dont chaque soldat avait rang d'officier. Aussi possédaient-ils de grands privilèges. Appartenant à la classe sénatoriale ou à la classe équestre, ils étaient, par le fait même, dispensés de toutes les charges onéreuses et ne pouvaient être mis à la torture. Les protectores ducenarii touchaient, comme leur nom l'indique, une haute paie de `200000 sesterces, c'est-à-dire de 3 600 solidi d'or ; la solde des autres protectores devait être aussi forte, et celle des protectores domestici plus forte encore 3 ; l'ANNONA MJLITABIS s'y ajoutait' ; les domestici avaient droit à une annona quadruple Tous les protectores échappaient à la capitation, ainsi que leurs parents et leurs enfants', et au portorium jusqu'à concurrence d'un droit de quinze solidi Les fils de domestici étaient inscrits sur les registres des scholae et bénéficiaient de l'annone jusqu'au moment de porter les armes'. L'une des prérogatives les plus appréciées des prolectores consistait dans le droit d' « adorer e chaque jour l'empereur' [ADOBATIO. Le titre de protector est réellement une dignité, eiôoç ~ic tdu.xroç /0. L'ancien protector ou domesticus qui avait reçu son congé, honesta missio, et pris sa retraite conservait les mêmes privilèges que pendant son service actif". La qualité de vétéran ex protectore 12, ex protectoribus 53, ex domestico", était conférée par une lettre impériale, epistola testimonialist'. Pour assurer à des officiers ou à des employés civils qui n'avaient pas servi dans la garde impériale les mêmes avantages qu'aux anciens protectores, les empereurs leur décernaient des diplômes d'ex protecloribus honoraires ". Cette faveur était accordée à des sous-officiers de légions17, au cornicularius" et aux numerarii 19 du préfet du prétoire, au cornicularius des gouverneurs civils 20, au princeps du bureau des gouverneurs militaires de Scythie, de Mésie première et seconde et de Dacie 2', au primicerius fabricae ou chef des employés des fabriques impériales ". Elle donnait lieu à de grands abus ; des personnages qui n'y avaient pas droit l'obtenaient par surprise ou gràce à la connivence des fonctionnaires du palais; plusieurs lois révoquent les diplômes indûment octroyés ou restreignent tout au moins les droits de ceux qui les ont reçus dans ces conditions 22. Les protectores portaient un costume spécial et magnifique, décrit par les auteurs". Dix monuments figurés représentent les gardes impériaux 0u• Le plus ancien est une stèle de Nicomédie, avec le portrait d'un protector d'Aurélien, à cheval, un manteau sur les épaules, une lance à la main 2'. Une stèle de Baalbek, portant l'épitaphe d'un protector ducenarius , Aurelius Victor, rédigée par son frère AureIius Baia, également protector ducenarius 28, appartient, comme la précédente, à la deuxième moitié du elfe siècle; un bas-relief, d'un travail assez fruste, accompagne l'inscription : les deux proteclores sont debout, à pied, en costume militaire, la tunique courte serrée à la taille et le manteau noué sur l'épaule. Sur un fragment de verre doré en l'honneur des vicennalia de Dioclétien, Bruzza reconnaît un protector dans un personnage debout auprès de l'empereur; la tête seule est conservée'-'. Un très beau bouclier votif d'argent, découvert à Mérida en 18/fi, nous montre Théodose assis sur un trône, entre Arcadius et Honorius ; de chaque côté se tiennent deux protectores 28 (fig. 3830). A Constantinople, sur les bas-reliefs qui décorent la base de la colonne dédiée à Théodose par ses fils, des gardes entourent pareillement l'empereur (t. I, fig. 36)29. Dans un manuscrit grec de la Genèse orné de peintures du v° siècle, à la Bibliothèque impériale de Vienne, les gardes d'Abimelech et de Pharaon sont figurés sous les traits de ceux que voyait à la cour impériale l'auteur de ces images 3o. Un diptyque consulaire d'Halberstadt, du vs siècle, met sous nos yeux deux empereurs trônant, avec les images symboliques de Rome et de Constantinople, entre deux protectores31. Une tablette d'ivoire, qui sert de reliure à un manuscrit de Munich, provient d'un polyptyque brisé de la seconde moitié du Ive siècle : parmi les figures subsistantes est celle d'un protector PRO 713 PRO (fig. 5831)'. A l'abside de Saint-Vital à Ravenne, dont les mosaïques sont justement célèbres, quatre gardes accompagnent Justinien'. Celui qu'on reconnaît sur le bouclier votif d'argent récemment trouvé à Kertch leur est tout à fait semblable' (fig. à832). Les protectores nous apparaissent toujours imberbes et tête nue, avec les cheveux coupés droit sur le front et retombant sur les côtés; Synesius vante leurs belles chevelures blondes. Leur tunique est courte et flottante , avec manches; Lydus l'appelle saraca ; des broderies d'or et de pourpre la rehaussent [SEGMENTA] , formant des dessins variés. Ils ont au cou un collier, torques, auquel pend la bulles; des bandelettes blanches recouvrent leurs jambes et ils sont chaussés de souliers noirs [CAMPAGOS, fi g. 1661]. Ils étaient armés d'une lance, longue et dorée ou garnie tout au moins de clous d'or, et d'un bouclier circulaire ou ovale, de grandes dimen sions, également doré ou garni de clous d'or et de pierres précieuses; sur les boucliers des protectores de Théodose on distingue des dessins géométriques; sur ceux des VII. gardes impériaux de l'époque postérieure, le monogramme du Christ; c'est avec ce large bouclier que les protectores lateris divini étaient censés mettre le prince à l'abri des coups de l'ennemi. Nous ne savons pas à quel moment disparurent les protectores, toujours désignés'à partir du ve siècle sous le nom de domestici 1. Ils sont encore mentionnés dans les textes littéraires et législatifs du début du vue siècle. Pendant le règne d'Héraclius (610-641) on commence à appeler domestici, serviteurs du prince, tous ceux qui exercent un commandement dans le palais ou dans l'Empire'; alors sans doute les gardes du corps prirent officiellement le titre nouveau d'excubitores, tandis que leurs chefs cessèrent d'être dits cornites domesticorum6, pour devenir les domestici excubitorum7. MAURICE BESNIER.