Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

PURPURA

PURPURA (florl,tîpa). La pourpre. La pourpre était une matière colorante très estimée des anciens', qui la tiraient de certains coquillages marins' répandus sur tout le pourtour de la Méditerranée. Sa réputation tenait à l'éclat de ses tons chatoyants 3 et surtout à sa stabilité ' : les anciens ne connaissaient guère, en dehors d'elle, que des couleurs végétales qui s'atténuent et s'effacent avec le temps, sous l'influence de la lumière ; la pourpre, au contraire, durait indéfiniment sans s'altérer, s'avivait même à la longue et prenait en vieillissant des reflets nouveaux 5. Alexandre le Grand trouva à Suse, dans le trésor de Darius, des étoffes pourprées qui avaient cent PUR 770 PUR quatre-vingt-dix ans d'existence les vêtements bordés de pourpre (1001 Servius Tullius, d'après la légende, avait recouvert la statue de la Fortune, se voyaient encore à home, cinq cents ans plus tard, soue le règne de Tibère Depuis l'antiquité on a cessé de se servir de la pourpre cl 1°' secret di' su fabrication s'est perdu d'ailleurs, les progrès de l'industrie mettent k la disposition des modernes un grand nombre d'autres substances, moins difficiles à préparer et moins coûteuses, qui jouent à meilleur compte un rôle analogue'. Le coquillages à pourpre.Dès la fin du xvIi' siècle, les naturalistes essayèrent d'identifier, d'après tes descriptions des auteur'; grecs et latins, les mollusques qui produisaient la pourpre. Les recherches elles expériences de William Cole°, continuées par Réaumur ', du liamel du Monceau , Deshayes', ont été reprises et complétées de nos jours par de Lacaze-Duthiers , qui est parvenu à recoudre définitivement ce problème. Les coquillages avec lesquels les Phéniciens, les Grecs et les Romains fabriquaient la pourpre, et qu'on voit figurés sur quelques monnaies °, ainsi que sur une pierre gravée ° fig5886 appartenaient à deux espèces distinctes dont l'une et appelée dans les textes hucinu ui, murex, et l'autre rutEaFalp, purpura, pc/agfa . Il résulte des observations faites par de liacaze-Duthiers que deux genres de mollusques gastéropodes fournissent. en effet, du suc purpurigène : le genre Rocher. murex dans la nomenclature des conchyliologistes modernes, et le genre Pourpre. purpura. Les épreuves auxquelles on a soumis en particulier. dans les laboratoires, les murex b/'llu((to)'/S, trllIl('u/lLS. erlnoreus et les purpura /maemoslooia et/o1ji/lus, très abondante dans la Méditerranée, ont (tonne des résultats tout à fait significatifs. D'autre part, aux aborde des villes (lui poesédaientjadis des ateliers 11e pourpre, o Sidon et à T r par exemple ', on rencontre des débris de murex brondaris, de murex trun '0111g et de purpura Ioa i,iaptojnez fig. 3887 accufouies cii grandes mauses les résidus de chacune (le ces espèces occupent le pi u s souvent un eulpld('elflc'slt distinct; elles n'étaient clone pas empioyées indifféremment aux mêmes préparations. Mais il importe de remarquer que le murex OU hUCiuiuIIm de Pline, avec son ouverture ronde 11 pourtour incisé ', ('Ol'l'eIpOnd 011 purpura d'aujourd'hui et que réciproquement la purpura (le Pline, r avec son bec contourné en volute et creusé en canal, et les pointes disposées en rond qui recouvrent sa coquille o correspond au murer actuel depuis l'époque moderne le sens des termes s'est trouvé interverti ; c'est l'une des causes de l'incertitude qui a régné si longtemps sur l'es questions et des confusions ou des erreurs qu'en a commises à leur sujet o Du reste. dans l'antiquité même les deux mots murex et purpura, réservés en principe k des variétés différentes, étaient pris assez souvent l'un ou l'autre clans une acception très large, pour désigner en bloc tous les coquillages li pourpre, de quelque sorte qu'ils fussent. Le mot latin purpura, comme le mot grec rpaàm, avait encore une portée beaucoup plus générale la purpura n'était pas seulement une espèce de coquillage à pourpre, ou l'ensemble de ces coquillages, mais aussi la pourpre à'lle-meme, en tant que substance industrielle et en tant que couleur de usa'sa et do purpura dérivent presque tous les substantifs et adjectifs qui concernent la pêche, la fabrication le commerce et l'utilisation de la pourpre I,. Enfin les mots xouè', 11 coucha ', conrluy/iuui « et ta-sss's os't1'uom qui signifient proprement coquillage, étaient parfois employés, ainsi que leurs dérivés, (tans le sens de coquillage à pourpre et même de couleur de pourpre lia pêche du murer et de la purpura se faisait dans des conditions toutes spl'ciall's. lui la rendaient malaisée. Les auteurs anciens pl'l'tI nden t qu'au moment de la canicule leu coquillages se cachent pendant trente jours ; au printemps, époque de la reproduction, le suc colorant perdait toutes ses propriétés caractéristiques et J 'industrie ne pouvait en tirer parti Il fallait clone se PUB. PUR 771 livrer à la pêche en automne et en hiver, c'est-à-dire en des saisons où les marins n'avaient pas coutume de mettre à la voile : dans l'antiquité l'été fut toujours la saison habituelle de la navigation. 11 s'ensuit que les pêcheries de pourpre n'étaient fréquentées que par des gens du pays, habitants du voisinage immédiat des bancs, tout rendus sur les lieux, ou par des étrangers qui prenaient le parti d'hiverner aux bons endroits, entre deux campagnes d'été'. L'une seconde difficulté de cette pêche, c'est que les coquillages devaient être capturés vivants; ils exhalaient leur suc colorant au moment de leur mort' ; on évitait, en s'en emparant, de les taire périr avant d'être prêt à recueillir le précieux liquide. Au vie siècle après notre ère différents procédés permirent de garder le suc intact pendant cinq ou six mois après la mort de l'animal, sans qu'il s'altérât; il suffisait ensuite de l'humecter d'eau pour le revivifier 3 ; cette invention favorisa l'établissement d'ateliers de pourpre dans l'intérieur des terres, loin des côtes' ; jusqu'alors ils se trouvaient nécessairement à proximité des pêcheries. Des plongeurs allaient détacher les murice.s des rochers sous-marins auxquels ils adhéraient 3. Pour les purpurae on se servait, au témoignage de Pline, de petites nasses à larges mailles dans lesquelles on mettait pour appât des coquillages qui s'ouvrent et se ferment comme les moules : « ces coquillages à demi-morts se raniment et s'entr ouvrent lorsqu'ils sont rendus à la mer ; les purpurae les attaquent et avancent la langue (Pline veut parler de leur trompe) pour les percer; excités par la douleur, ils se referment ; les purpurae se trouvent prises, et, victimes de leur avidité, on les enlève suspendues par la langue" ». Il y a beaucoup d'exagération dans ce récit, mais de Lacaze-Duthiers a constaté, pendant son séjour dans file de Mahon, que les mollusques producteurs de la pourpre passent, parmi les pêcheurs du pays, pour rechercher avidement les coquilles bivalves et s'en repaître; il a recueilli lui-même des coquillages à pourpre dans des trous de rochers où ils s'étaient fixés pour attaquer avec leur trompe les petites pholades qui s'y cachent'. Selon Pollux, les anciens employaient aussi pour la pêche des paniers à étroit orifice, qui laissaient entrer les mollusques, sans leur permettre ensuite de sortir". Itiuriceset purpurae se conservaient vivants dans des nasses d'osier jusqu'à ce qu'on les utilisât ; Pline prétend qu'une fois pris ils se nourrissaient cinquante jours de leur propre salive °, ou plutôt des mousses et varechs qui s'attachent à leurs coquilles. Les pécheurs de pourpre étaient dits en grec ropipupeïç ou ropipupiu-rat t2, en latin muriteguli ou conchyliole guli ". A l'époque du Bas-Empire, ils formaient des corporations étroitement réglementées, collegia" ou fanziliae i0; la pêche des coquillages à pourpre constituait alors un monopole d'Etat. Comme tous les membres de collèges analogues, les nturileguli, bien que de condition libre, étaient soumis à un régime très dur et astreints à des obligations multiples et onéreuses f6. Leurs personnes et leurs biens étaient affectés spécialement au service publie qui leur incombait. Ils construisaient et entretenaient à leurs frais les flottilles dont ils avaient l'usage exclusif" ;ils devaient fournir une quantité fixe de coquillages, canon conchltliorum, et ils en étaient responsables sur leur patrimoine, res ou Meule tales 16. Les enfants des membres de la corporation leur succédaient obligatoirement dans leurs fonctions '°; quiconque épousait la fille d'un murllegulu.s devenait, par le fait même, membre du collège, auquel appartenaient aussi les enfants nés de ces mariages". Un pêcheur de pourpre ne pouvait changer de condition qu'en faisant l'abandon de ses biens et en présentant un remplariant 21. Les acquéreurs de biens provenant de murïleuli étai p ent tenus d'entrer dans la corporation et de verser à l'État la quantité de coquillages en retard que devaient encore les vendeurs ". La fabrication de la pourpre. L'industrie de la pourpre était la ro? upeaTtzi; -", fars purpuraria'". Les mêmes ouvriers, le plus souvent, préparaient la pourpre et teignaient avec elle les étoffes'". Ils se nommaient en grec 1-iooiii,u7Etç26 comme les pêcheurs, ou r ciupoPx ot24 et leurs ateliers zs v'j cïa ou 7rcoyu7nê420Tx2g, Le mot, latin purpurariits'-9, très fréquent dans les inscriptions 3d désignait à la fois les artisans qui fabriquaient la pourpre et les marchands qui en faisaient le commerce ; les affranchis ou descendants d'affranchis d'origine grecque et orientale paraissent avoir été très nombreux parmi eux; leurs ateliers s'appelaient o/Jicinae purpurariae ". Le mot conquiliarius servait quelquefois, pour qualifier les fabricants 32, ainsi que le mot blattierius, quand il s'agissait d'ouvriers qui préparaient l'espèce de pourpre dite Natta", et lexpression ueinister purpurae fucandae3°. D'autre part, les snurileguli et canchyliolegulîque citent les compilations juridiques du lias-Empire n'étaient pas seulement des pêcheurs ; ils travaillaient en outre, comme artisans, dans les ateliers de teinturerie, baphia, où l'on fabriquait les étoffes de pourpre destinées à l'usage personnel des empereurs et à la vente". Les procura/ores baphiorum, placés sous les ordres des comites largitionum, les surveillaient"6; les procurateurs devaient répondre de leurs subordonnés et les princes les faisaient punir de mort s'ils laissaient détériorer les vêtements impériaux 37. L'origine des baphia et des procuretrres baphiorum remonte au tue siècle. Alexandre-Sévère fit mettre dans le commerce, PUR 772 PUR pour la première fois, les étoffes pourprées que produisaient les manufactures impériales ; le praepositus baphiis Aurelius Probus avait inventé une variété particulière de pourpre, Alexandriana ouProbiana purpura, du nom de l'empereur ou du nom de son auteur'. Les baphia devaient relever alors de la ratio purpuraria2, dont nous connaissons à cette époque un procurator pour l'Achaïe, l'Épire et la Thessalie 3. La manufacture impériale de Tyr est mentionnée dès le règne de Dioclétien, avant l'année 3005. En 383, une constitution de Gratien, Valentinien et Théodose fit de la fabrication des pourpres de qualité supérieure un monopole d'État'. Cependant l'industrie privée de la pourpre ne disparut jamais complètement; deux papyrus du vue siècle ap. J.-C. attestent l'existence à cette date dans la ville de This en Haute-Égypte, près d'Abydos, d'une fabrique appartenant à un simple particulier, Aurélios Pachymios6. L'Édit de Dioclétien sur le maximum, dans un passage malheureusement mutilé, fixait le taux des salaires que devaient recevoir les purpurarii ; les prix variaient selon la nature de leur travail et le genre d'étoffes pourprées qu'ils fabriquaient'. Sur un bas-relief conservé au musée de Parme, qui décorait le monument funéraire d'un purpurarius, C. Pupius Cl. .Amicus, les attributs de la profession du défunt sont représentés (fig. 5888), à savoir : une spatule à l'aide de laquelle on agitait le suc colorant, trois vases qui renfermaient de la teinture préparée, une balance, et enfin deux objets de forme singulière, qui sont probablement des paquets de laine brute destinée à être teinte 8. Le suc colorant des coquillages à pourpre, etvOoç9 ou ai8.a fias ", liquor, sanies ou sucus 12, est contenu dans une sorte de glande que de Lacaze-Duthiers, le premier, a pu déterminer anatomiquement; il la définit en ces termes : « une bandelette de teinte blanchâtre, souvent d'un jaune très léger, et placée à la face inférieure du manteau, entre l'intestin et la branchie, plus près de celui-là que de celle-ci, et ne dépassant guère en avant l'anus 13 e. Les anciens croyaient que l'organe producteur de la pourpre se trouvait situé entre le cou et le foie'''. Le suc des murices ou butina se nommait bucinumf3; celui des purpurae ou pelagiae, pelagia ou pelagium 1fi ; on les distinguait très nettement l'un de l'autre ". La question de savoir quelle était leur véritable couleur dans l'antiquité a beaucoup préoccupé les modernes. Les travaux de Lacaze-Duthiers ont prouvé que la matière renfermée dans la glande purpurigène des mollusques gastéropodes du genre Rocher et du genre Pourpre est en elle-même, et tant qu'elle reste à l'abri des rayons du soleil, jaune et non odorante; soumise à l'action de la lumière solaire et de l'humidité, elle subit des transformations photochimiques, dégage une odeur prononcée et passe au violet, par le développement successif du jaune et du bleu, qui, mélangés, donnent du verdâtre, lequel fait place au violet quand le rouge a paru et s'est mêlé au bleui$. lin linge trempé de pourpre et exposé humide à la lumière se comporte comme un papier sensible photographique. En arrêtant ce travail de développement avant qu'il soit achevé, on peut avoir des teintes multiples et très délicates t9, en particulier des verts bleuâtres d'un bel effet". Des nombreux textes littéraires qu'il a rassemblés et commentés, A. Dedekind croit pouvoir conclure que les anciens ont parfaitement connu les variations de la couleur pourpre; il explique le mot 7tupcpGca par la racine indo-germanique bhour, dont l'augmentatif bharbhour signifie : s'agiter fortement, frétiller, expression qui convient très bien aux changements rapides de la substance purpurigène sous l'influence du soleil top?Spa veut dire mouvement rapide et, par suite, pourpre; les adjectifs aoprfuptoç et purpureus indiquent le plus souvent une couleur pourprée, mais ils ont aussi un autre sens, conforme à l'étymologie, et caractérisent l'agitation, la rapidité ; 7op,fuphrl aaç dans Ilomère't, mare purpureum dans Virgile ", ce n'est pas la mer aux vagues rouges, c'est tout simplement la mer agitée L3 Il est remarquable qu'au terme du développement photochimique de la pourpre on n'obtienne normalement, par l'insolation seule, que des violets variables, différant les uns des autres par l'éclat, le ton et l'intensité, mais jamais de rouge absolu"-;. D'autre part, nous savons par Vitruve que le pelagium pouvait être noir, bleu noir, violet ou rouge°5; d'après Aristote et Pline ces quatre couleurs se réduisaient, en réalité, à deux, le noir et le rouge 26, dont les deux autres n'étaient que des combinaisons intermédiaires; quant au bucinum, il avait un aspect éclatant, de nuance écarlate, mais employé seul il s'altérait très vite 21. Ces assertions formelles des auteurs classiques obligent à admettre que la couleur naturelle de la pourpre, qui est le violet, était modifiée et poussée même jusqu'au rouge dans les ateliers antiques par des procédés artificiels dont le détail nous échappe28. La faveur accordée de préférence à telle ou telle teinte PUR 773 PUR devait être surtout une affaire de mode ; les purpurarii se conformaient au goût du jour '. La fréquence des comparaisons établies par les anciens entre le sang et la pourpre tendrait à établir que de bonne heure la nuance rouge foncé avait prévalue. Il n'en reste pas moins que l'on entendait en somme par le mot pourpre, non pas une seule couleur déterminée, mais toute la série des couleurs très diverses extraites des murices et des purpurae et diversement combinées ou transformées. Sur les procédés techniques de la fabrication de la pourpre nous n'avons dans les textes que des indications sommaires et très insuffisantes. La préparation de la substance colorante, bucinum ou pelagium, exigeait un matériel encombrant et compliqué : il fallait d'énormes quantités de coquillages, car chacun d'eux renfermait à peine quelques gouttes de suc3; un atelier en consommait des millions par année; à Sidon, sur la falaise qui domine de 9.5 mètres le port du Sud ou port égyptien, les débris de murex trunculus s'étendent sur des centaines de mètres de longueur et plusieurs mètres d'épaisseur`; il fallait, en outre, des saleries, d'énormes bassines, des fourneaux avec des chaufferies'. Les coquillages, murices ou purpurae, subissaient tous un traitement identique: ceux de petite taille étaient écrasés tout entiers, corps et coquille; on brisait simplement la coquille des plus grands pour en extraire, sans la broyer, la glande purpurigène° ; les mollusques retrouvés à Sidon avaient été ouverts uniformément du même côté, à l'aide d'un instrument tranchant, hachette ou couteau, qui mettait à nu la partie du corps de l'animal que l'on voulait dégager '. La matière colorante ainsi recueillie macérait trois jours avec du sel, à raison d'un sextarius de sel pour cent livres de suc ; puis, après l'avoir fait passer dans l'eau pour la purifier, on la mettai t à bouillir dans des vaisseaux de plomb et on la réduisait à feu doux pendant dix jours environ, en ayant soin d'enlever au fur et à mesure l'écume formée à la surface, les débris de chair et les impuretés qu'elle contenait; cent amphores ou huit mille livres ne devaient pas donner après la cuisson plus de cinq cents livres. Pour juger si le travail de préparation était arrivé à son terme, on plongeait, à titre d'essai, de la laine brute dans les récipients où bouillait la pourpre et l'on n'arrêtait pas la cuisson avant que la teinte obtenue ne parût complètement satisfaisante 8. Les étoffes que les anciens teignaient de pourpre étaient généralement en laine, quelquefois en soies; ils avaient essayé aussi, mais sans succès, de teindre le lin f0 ; dans les vêtements de lin rayés de pourpre dont parlent plusieurs textes, les raies de pourpre étaient faites avec de la laine ". On plongeait la laine et la soie dans le bain colorant à l'état brut, la première avant qu'elle ait été filée, la seconde avant qu'elle ait été tissée te ; c'est d'ail leurs ainsi que les teinturier s opéraient généralement dans l'antiquité, quelle que fût la matière colorante qu'ils utilisassent. On mettait d'abord la laine ou la soie à macérer, macerare 13, dans une décoction d'alun 14 d'anchusa l5 ou de struthion 10, pour la nettoyer complètement, puis elle baignait durant cinq heures dans un vase de métal rempli de pourpre; où elle était ensuite replongée autant de fois et aussi longtemps qu'il le fallait pour qu'elle fût entièrement pénétrée du suc pourpré et qu'elle eût atteint la nuance désirée17. Il parait bien que toutes ces opérations se faisaient à chaud" ; pendant qu'elles se poursuivaient, les ouvriers teinturiers remuaient la laine ou la soie à l'intérieur du vase soit avec leurs mains, qui gardaient la trace indélébile de la couleur, on les reconnaissait à ce signe 19, soit avec un instrument de bois, xux710rov 20, tel que celui qui est figuré sur le monument funéraire de C. Pupius Amicus à Parme (fig. 5888). Le bucinum et le pelagium étaient les pourpres les plus simples, tirées la première des murices, la seconde des purpurae; leur nuance variait selon l'espèce des coquillages que l'on employait, suivant les transformations photochimiques et sans doute aussi suivant les ingrédients additionnels qui intervenaient au cours du travail. En associant ces deux pourpres l'une à l'autre, dans des proportions diverses, les anciens préparaient deux sortes nouvelles de teinture, qu'ils appréciaient beaucoup 21. La pourpre violette, améthyste, ianthine ou hyacinthine, violacea purpura, amethystina, ianthina, hyacinthina, consistait en un mélange de bucinum écarlate et de pelagium tirant sur le noir ; un seul bain suffisait à donner aux étoffes le ton voulu ; pour cinquante livres de laine, il fallait ajouter cent onze livres de pelagium à deux cents de bucinum 22. La pourpre de Tyr ou de Laconie, tyria ou laconica purpura, était rouge foncé, avec des reflets changeants que le soleil faisait valoir ; les étoffes que l'on teignait en cette nuance passaient d'abord dans un bain de pelagium incomplètement cuit et ensuite dans un bain de bucinum ; de là le nom de dibapha qu'on donnait aussi à la pourpre tyrienne ou laconienne`-3. A partir du nie siècle, on rencontre le mot (3À-nt-ri ou blatta, qui désignait à la fois la pourpre hyacinthine et la pourpre tyrienne, c'est-àdire les deux variétés les plus précieuses de toutes24 Primitivement blatta signifiait motte, caillot25, puis spécialement sang figé, enfin, par analogie, le suc de la pourpre n et la laine teinte en pourpre, de nuance foncée 27 ; l'û coônzrir n et l'Etecuç(n.29 ou oxyblatta 3° diffé raient de la blatta proprement dite par leur ton, plus claire pour la première, plus éclatant pour la seconde. La soie teinte en pourpre hyacinthine ou tyrienne s'appelait µsTaçaeair-rn 3', blatta serica 32, sericoblatta °3. P[JR A côté de ces pourpres naturelles, toutes plus ou moins foncées el remarquables par leur inaltérabilité absolue, il y avait des teintures mixtes, dites couleurs concliI enfles, onc'/iytia plus claires et moins stabies, dans lesquelles le suc colorant des purpurae était melé, sans addition de tJu(inuin, e des substances d'autre nature, -' ,it'dicriioteoit (114 se servait surtout pour ces combinaisons d'une sorte dee, prlayiae ou pui'put'ae, appelée yen us ce/eulens s Parmi les ni edice in en ta que l'on ajoutait li ta pourpre afin de l'atténuer ', les auteurs anciens citent l'eau et l'urine e, le miel', la farine de fèves8 et surtout le fucus inarinus ou orseille'. Les couleurs conctlvliennes présentaient les teintes suivantes bleu héliotrope, bleu mauve, jaune de violette d'automne' C'est à lem confection que se rapportent deux textes grecs, d'ailleurs très obscurs publiés au xSuc siècle d'après des manuscrits de la Bibliothèque m'aie de ParIs Par un dernier raffinement, les pul'pu/'arii en arrivèrent enfin è combiner ensemble les différents procédés que nous venons d'énumérer et n faire passer les étoffes dans plusieurs préparations successives de pourpre naturelle, simple ou double, et de couleurs conchlis'nnes Le double bain tyrien pouvait être précédé soit d'un bain de pourpre ianttiine, et l'on avait ainsi le lyriant/nitu/u " ; soit d'un bain de couleurs conebyliennes, et l'on obtenait alors les diverses variétés des pourpres coneh lierines de Tyr ; soit encore d'un bain dans une décoction de la plante appelée ticyrl, qui donnait une teinte écarlate, et c'était la pourpre hysgine, Les e.nt,'ee de production". 1cr, Phéniciens pas saient pour avoir décou'rert la pourpre ; ils semblent aoir garde longtemps le monopole de saftebrication ' Ce sont sans dotite leurs théories, plus ou moins exactes, qui faisaient dire encore a Pline que le mores, vit sept ans et qu il d'ordinaire sept pointes 'n L'invention de la pourpre serait due an hasard ' Pollux raconte qu'ilétaktes, c'est-à-dire Metquart, e grand dieu protecteur des migrations phéniciennes, remarqua in tour que son chien, après avoir mangé des coquillages marins, gardait le museaci fortement coloré; des bru on fit attention aux propriétés des murices et des purpioI oc et l'on s'efforça d'en tirer parti 'n Par un hasard analogue, de Lacaze-Duthiers, cri 1858 , fut frappé de voir que le suc d'un purpura Iiaemastoma donnait une teinte violacée aux vêtements des pêcheurs di' Maillon 2 : cette observation fortuite fut le 105 ïmo ,. . t ce. ,. 'se,-,. r. 383. 30, PIn. IX, 1383 xxxs', 41, Seoer. IJs ocat. ars' 1. 3. 3 P lin. le. :3, ' PIro R, 131' fait remarquer que pour la score pc urp"e cl les couleurs conehsiieanes, la matière première est la mérou ci que I baie lu différence u0ei du snOb,,5,., ier'rperoorentae'. ri Plia. ix, 138. 7 Vi-esav, VIl, 3.1. ('lob 03/'. ra'e.r. il, p. 43:3 R,_0 Pli,,. XXVI, 0.3. 10 Pli'. cl illArnrser, Op. . p 166. L'érpaqjn "r n'est dO,4 pion une pourpre véritable; les substances végétales y licn,reo 3 00e trop grande place. Il était inévitable, par suite, que le rosir de pourpre fui dorsac b,,,, souvent anas caOua à des pro (ails tinctoriaux, lei, que l'orseille, la garance le kermès, le o,srsirx 'par exemple, Vopis,. Antier. 38, sac sis nanseau de carriers" éclatante envoyé par le roi des l'erses à Aurélien), qui n'avaient ries, de cornraurs arec celai ia ors lirait des es rires ri des pur'prseav cf. A Dedekind, Sas' la fausse pourpre des anciens, dans les A rel,, le zou!. ea'périm. i 058, pl. cons use,,,. -53 0f. B. iiriciss ' sscis4 bu, 10e Hroop'alrst100 cIra Gewcet/ieiaaen blessa. Allrr'lls. Leipzig, 1069, p.82-89; Blsi,srner, Die g.'se's'r'tlrchc TheiAigk'esl cisC Ir alloue des blasa A If' r 0,3. Leipzig, 3860, p 131.150 table des matières, au PUR point de départ de ses études si neuves et si fecondes. On u rencontré auprès de Tyr et de Sidon des amas considérables de coquillages o pourpre, qui allestentl'importance des pêcheries du littoral phénicien et des ateliers de teinturerie établis dans ces I illis La pourpre Lyrienne surtout (tait Idlelji'e et estimée , les anciens la considé raient, comme la meilleure rie toute l'Asie Les procédés perfectionnés par lesquels se préparaient ie.5 teintures de luxe, ccn résultaient de ta combinaison de pourpres différentes et de leur mélange avec d'autres substances, avaient été imaginés par les Tyriens ' les avons indiqué plus liant le sens technique très précis, rappelaient cette origine, lies ateliers de Tyr durèrent pendant de longs siècles, même après que la cité eut cessé d'être l'uni' des métropoles du commerce méditerranéen et qu'elle eut perdu sou indépendance: à la fin du premier siècle de l'ère chrétienne ils constituaient, selon l'expression de Pline, son unique richesse et son seul titre de gluire0° Au revers des monnaies impériales romaines frappées à Tyr pendant le me siècle, le murex est représenté fréquemment r'omnls' l'un des produits principaux du pays 'n. Sous le BrssErnpire, il y avait à Tyr un atelier impérial, qui apparaît pour la première fois au temps de Dioclétien1 , Pariai les autres villes de Phénicie qui fabriquaient ries étoffes de pourpre, Sarepta, Caesai'ea, Neapolis, Lpdda et Stéphane de Byzance le port de Doms'. En face des côtes de Tyr et de Sidon, les habitants de l'île do' Chypre se livraient aussi à cette industrie 'n, Les Phéniciens l'avaient fait connaltr'e également à l'Égypte il; on trouve encore a l'époque byzantine un atelier prisé dans la ville de Thi5, près d'Ahydos La recherche des pêcheries de pourpre fut l'un des motifs qui poussèrent les Phéniciens à explorer les côtes de la Méditerranée'', De proche en proche, ils gagnèrent l'Asie Mineure, les lies de la mer Égée, la Grèce propre, puis le bassin occidental de la mer Intérieure ; déjà Ezéduel donnait la pourpre d'Occicieot, qu'ils rapportent des îles d'Eli5cha Partout ils laissaient, comme trace de leur passage, dans 1 topunysnle locale de nombreux noms de provenance sémitique 'n et, à la surface du sol, des amoncellements de coquillages brisés Dans toutes les régions qu'ils avaient sisitéesl industrie de la pourpre resta florissante jusqu'à la fin de l'Empire romain. L'Asie Mineure, qui produisait en grande quantité moi purpura. -17 l'errol et Cirspiez G-. 1. iIi, p 878.882; R. f'iei,ei,man, Gravi,, légende, la découverte coi attribuée s an berger (Ad:. Tut. 11r i r Cassiod. Var. 5: L'/,roo, Pra,r/c. p 79, M. de Bonn;. 20 De Laeo,e Dotlsiers, Op. I. p. 5.7. 21 Cf. ci dosons, p. 775, o 32. Sur la pourpre 'le Sida,,, cf. Haral, iOn li. X. (u, VIii, 456, Ckrn, Me,,. Poedoo il. 10 ; dinodias. lu Iéaf. U. 450, De rapt. Pros. Ara. IV, 462; lioral l"psal. I, 2, li , Tibali, 16', 2,16; dIeu Aies. ; Ii,eron. L.1. Scl,n,rdl, f2p. I. p.188 sr. croit prit n'y avait dans sac 3 l'Orient qu'une seule uraaulas'lsre impériale. celle de Tyr, 10 Tolisra orbi, durcr, 31, -11 Sle3rh, il. O, Us .4 Iexa,sdri,,a leOar,ta eorscisyliala lapelirs sa cr. e,.siessas, p. 771, o, s, -SI Cf. Mavers Dss' l5Icrl,sr 05cr', Bonn-Berlin, 1841-1856, en particulier au PUR PUR PUR 776 PUR îles situées le long du littoral gélule' ; ces purpurariae insulae sont identifiées généralement avec les îles Canaries ; il est plus vraisemblable qu'il faille reconnaître en elles les îlots de la rade de Mogador 2. Le commerce de la pourpre. Les marchands de pourpre s'appelaient chez les Grecs 7oc,fupoa ,)at3, chef les Romains purpurarii, comme les artisans qui la préparaient '° ; mais on trouve aussi en latin les expressions negoliator astis purpurariae 5 et purpurae venditor°. Les boutiques des marchands étaient les tabernae purpurariae 7; on y vendait, au poids8, des flacons de matière colorante, des écheveaux de laine teinte, prête à être filée, et des étoffes pourprées toutes apprêtées 9. La pourpre et les étoffes de pourpre étaient essentiellement des articles de luxe. Leur prix a varié selon les époques et surtout selon la qualité de la teinture. Il fut toujours élevé, à cause des dépenses considérables qu'exigeait la fabrication : achat de la laine ou de la soie à colorer, acquisition et préparation des coquillages, coût des ingrédients divers qu'on ajoutait au suc des murices et des purpurae, sans oublier, pour les sortes les plus recherchées, les frais de transport depuis les centres de production jusqu'aux lieux de vente" Les auteurs anciens nous donnent quelques indications numériques assez précises, malheureusement trop rares". D'après Athénée la pourpre asiatique valait son poids d'argent12. Plutarque fait dire à un ami de Socrate qu'à Athènes un vêtement de pourpre ne coûtait pas plus de trois mines". Les étoffes d'Hermione en Argolide, que renfermait le trésor de Darius à Suse, représentaient une somme de cinq mille talents'`. A Rome, pendant le règne d'Auguste, la pourpre ianthine se payait cent deniers la livre, celle de Tarente un peu plus cher et la pourpre de Tyr deux fois teinte, la plus précieuse, mille deniers15. Martial estime à 10000 sesterces ou 2500 deniers un manteau (lacerna) de pourpre ' et à 100 000 sesterces le vêtement pourpré du préteur aux jeux Megalenses 17. Dion Chrysostome oppose le prix des étoffes de pourpre achetées sur le marché à des Barbares, pour deux ou trois mines, au prix de celles qui formaient le costume officiel des magistrats, lequel ne coûtait pas moins de plusieurs talents 18. Le document le plus important et le plus détaillé que nous possédions à ce sujet est un passage de l'Edit de Dioclétien sur le maximum, en 301 ap. J.-C., dans lequel sont énumérées, par ordre de mérite et de cherté, douze espèces de pourpre, avec la valeur de chacune d'elles" : 1° la N.sTai opaxt'rr), soie teinte en pourpre tyrienne, 150 000 deniers la livre; au temps de Justinien elle vaudra 24 aurei l'once 20 ; la soie blanche coûtait quinze fois moins que la ti.e.a;oUdTrq, 10000 deniers la livre 21 ; 2° la (3iixzzr , laine de nuance foncée teinte en pourpre tyrienne, 50000 deniers la livre, trois fois moins que la soie pourprée; 3° l'i,ro6X 'r , blatta de nuance atténuée, plus claire, 32000 deniers; 4° ô,uTOpia ou oxyblatta, blatta écar Jale, 16 000 deniers ; 5° une sorte particulière désignée par le mot âr)A.ou, pour 7doéç, laine pourprée qui, à la différence des précédentes, toutes dibaphae, n'avait subi qu'un seul bain colorant, 12 000 deniers; 6° rop(pépa Mat),r,c(a S(Fia~oç, véritable pourpre de Milet deux fois teinte, 12000 deniers ; 7° la même, de seconde qualité, 10000 deniers ; 8° la fausse pourpre de Nicée, teinte au coccus, 1 500 deniers; 9°-12° quatre qualités d'ieyivr, (pour 'icytvov), pourpre hysgioe : 600, 500, 400 et 300 deniers. Le commerce de la pourpre, exercé exclusivement à l'origine par les Phéniciens, puis par les Asiatiques d'Asie Mineure et les Grecs, pénétra très tôt à Rome22 et y prit un grand développement. Les empereurs essayèrent d'en limiter l'essor, pour mettre un frein aux progrès du luxe, et aussi pour se réserver le port de certaines étoffes pourprées de qualité supérieure. César et Auguste avaient défendu aux simples particuliers l'usage de la pourpre'-". Néron prit une mesure plus radicale: il interdit absolument la vente de la pourpre tyrienne et de la pourpre améthyste 24 ; l'empereur seul pouvait se servir de l'une et de l'autre; ce sont les deux espèces que l'on réunit plus tard sous le nom général de blatta ; les pourpres communes continuèrent à faire l'objet d'un commerce actif et fructueux. Mais les prohibitions de Néron ne durent pas être longtemps respectées ; l'Edit de Dioclétien fixe le prix maximum des poupres de toute nature, aussi bien de la blatta et. de ses variétés que de l'hysginum. Dès le lite siècle, apparaissent les premières manufactures impériales de pourpre; comme on l'a vu plus haut, elles semblent avoir été instituées sous le règne d'Alexandre-Sévère; les princes ne voulaient plus être tenus de demander à l'industrie privée les étoffes pourprées dont ils avaient besoin personnellement, et, d'autre part, ils étaient désireux d'attirer dans leurs propres caisses les bénéfices considérables que procuraient aux marchands de pourpre la faveur croissante dont jouissait auprès du public cette précieuse matière. Alexandre-Sévère fit mettre en vente les produits des ateliers de l'État2o. Du jour où les empereurs tirèrent profit du commerce de la pourpre, les mesures législatives qui restreignaient sa consommation furent oubliées. Aurélien permet aux matrones les blatteae tunicae 96. Une constitution de 383 réserve aux manufactures impériales la fabrication et la vente de la blatta, mais elle n'empêche pas les particuliers d'acheter cette pourpre, la meilleure de toutes27, à condition, bien entendu, qu'ils s'abstiennent de revêtir un costume entièrement en blatta, qui est réservé au prince26. Une seule catégorie de personnes, les mimes, n'a pas le droit de porter des étoffes tissées de fils de vraie pourpre, alethinocrustae 29 in quibus alii admixtus colori puri rubor muricis inardescitb0. Une constitution de 424 défend à tous les habitants de l'Empire, hommes et femmes, d'user d'étoffes de soie pourprée, même si elles sont simplement tramées avec de la laine teinte par les couleurs conchy PUR 777 PUR tiennes 1 ; Justinien ne maintint cette défense qu'en ce qui concernait les vraies soies pourprées et pour les hommes seulement 2 ; Procope nous donne le prix de la (1,E72;nxt'r-c vendue au public à cette époque par les manufactures impériales qui la fabriquaient En dépit des restrictions particulières et momentanées apportées au commerce de la pourpre, celui-ci resta toujours très florissant ; le nombre des procuratores baphiorum qu'indiquent la Xotitia Dignitalutn dans la moitié occidentale de l'Empire, dont les produits ne valaient pas cependant ceux de la Phénicie et de la Grèce, en témoigne. D'ailleurs, en dehors même des baphia et des magasins de vente qui relevaient de l'administration impériale, le commerce des pourpres de qualité inférieure, comme leur préparation, restait libres. Les usages de la pourpre. La pourpre servait principalement à teindre les étoffes ; on l'employait aussi comme peinture, comme fard et pour colorer les encres. Les peuples orientaux l'ont connue de bonne heure. Les Hébreux distinguaient le thekeleth, pourpre violette, et l'arganzan, pourpre rouge'. Le mot argaman reparaît, avec le mème sens, dans les inscriptions cunéiformes d'Assyrie, qui font allusion à la coutume de donner aux laines, en les teignant, la couleur du sang'. M. Dedekind a retrouvé au musée impérial de Vienne des fragments d'étoffes égyptiennes teintes en pourpre et des planches de cercueils de la xxi° dynastie coloriées en rouge avec la même matière ; la pourpre était désignée dans les papyrus par le mot cay 3 ; Tertullien parle du grand usage qu'en faisaient les anciens rois d'Égypte, comme ceux de Babylonie °. Les Phéniciens la révélèrent aux peuples d'Asie Mineure et aux Grecs. Les poèmes d'Homère nous montrent que dès les origines de la civilisation hellénique elle était en grand honneur 1° ; on teignait en pourpre des vêtements, chlaina", diplax 12 ou ef.âpoçdes couvertures de siège ou de lit16, des draps l' et jusqu'au ballon avec lequel jouaient les Phéaciens à la cour d'Alcinoos 16. L'emploi des vêtements pourprés était réservé aux personnages de haute naissance ; on considérait la pourpre comme la couleur noble et sacrée entre toutes, emblème de la puissance des dieux et de la puissance des rois issus des dieux : idée que tous les peuples anciens ont adoptée et qui s'explique sans doute par le rapprochement de la couleur donnée de préférence aux étoffes pourprées avec la couleur du sang, principe de la vie". En Grèce et dans l'Asie hellénisée, même après que l'industrie et le commerce de la pourpre se 1 Cod. Theod. X, 21, 3. -2 Cod. fast. XI, 8, 4. 3 Procop. L. 1; cf. ci-dessus, p. 776, n' 20. 4 Cf. Schmidt, Op. 1. p. 172-202: commentaire et discussion des textes législatifs du Bas-Empire relatifs au commerce de la pourpre. s Les textes de l'Ancien Testament et des Talmudistes sur cette question ont été élu diés par 1. Bergel, Studiee über die Naturwissensch. Kentnisse der Talmudistes, Leipzig, 1880, p. 49 sq. G Eb. Schrader, Keil-Inschriftliehe Biblio14ele, I, Berlin, 1889, p. 60 sq. (documents du rxe siècle av. 7.-C.). 7 A. Dedekind, Arch. de cool. expè_rim. 1896, p. 481-516. 8 E. von Bcrgmann, Hieratische cesterreich. Kaiserhauses, Vienne, 1886, pl. 1: papyrus hiératique, n° 3033, cité et interprété par A. Dedekind, L. 1. e Terlull. De idol. 18. -. 10 Cf. A. Biedenauer, Bandroerke und Handieerdker in den homer, Zeiten, Erlangen, 1873, p. 83; E. Buchholz, Borner. Reatien, II, 1, Leipzig, 1881, p. 182; 0V. Helbig, L'épopée homérique, trad. fr. Paris, 1894, p. 242. 11 Hom. 11. XXII, 441; Od. IV, 115, 154; XIX, 225, 241. 1211. III, 126. 13 Il. VIII, 22t; Od. VIH, Si; XIII, 108; IV, 298, VII, 337; X, 353. 1511. XXIV, 796. 19 Od. VIII, 373. 17 G. Glotz, L'ordalie dans la Grèce primitive, Paris, 1901, p. 116-117. 18 Cf. A. Steger, Dissertatio de purpura sacras dignitatis iuoigni, Leipzig, 1741, réimprimée par A. Dedekind, Eiu Ileitrag, I, p. 261-328. 19 A Éphèse les descendants d'Androclès, fils VII. furent partout propagés, il resta toujours quelque chose des conceptions primitives 13. La pourpre était l'insigne des familles royalesJ9 et des tyrans '0, des prêtres ', des magistrats 22, des chefs militaires 93. Pour les simples particuliers, il n'était question, en général, d'étoffes pourprées que comme habits de fêtes 14, à moins qu'il ne s'agit d'hommes habitués au luxe le plus raffiné, tels que les habitants de Colophon'-', ou désireux d'attirer à tout prix l'attention, tels que Gorgias 1 , Le caractère religieux et sacré de la pourpre nous fait comprendre le rôle qu'elle jouait dans certaines légendes grecques et dans la vie ordinaire, en tant qu'amulette protecteur, oTç6r:i:ov'-7 : Persée exposé sur les eaux dans un coffre, avec Danaé, est recouvert d'une étoffe de pourpre qui permettra à Zeus de le reconnaitre et de le sauver "3; lorsque Thésée descend sous les flots, pour répondre au défi de Minos et lui prouver sa naissance olivine, il est revêtu par Amphitrite d'un manteau de pourpre qui attesle sa noble origine et, le tend invulnérable '°. La pourpre était consacrée particulièrement aux divinités infernales 3° : aussi servait-elle à envelopper les cadavres 31. L'usage de la pourpre fut introduit très anciennement à Rome, sans doute par l'intermédiaire des Etrusques32 On racontait que Romulus portait aux jeux une trabea pourprée 3s et Tullus Hostilius, la toga praetea'td et le laticlave 3". Le eognonten d'une branche de la gens Furia, celle des Furii Purpureones, était tiré du nom même d'une des espèces de coquillages qui produisaient la pourpre ; sur le revers d'un denier de L. Furius Purpureo, frappé vers 2t' av. J.-C., on voit Diane montée sur un bige au galop à droite et dans le champ un coquillage 3'. Comme en Grèce, le costume orné de pourpre était chez les Romains l'insigne des sacerdoces, des magistratures et des commandements militaires -PALUDAMESTCo1 3f. La tradition réglait rigoureusement les dimensions de la bande, CLAVUS ANGUSTUS ou LATUS selon les cas, de la tunique et de celle qui bordait la toge dite prétexte" [TOGA; ; le mot purpura est employé quelquefois, par métaphore, comme synonyme du consulat [ComsuL j 38 ; la toge des triomphateurs était de pourpre brodée d'or ITBIUMPHes]. Pendant longtemps les pourpres italiques, siciliennes et grecques furent les seules qu'on employât à Rome; celle des ateliers de Tyr n'y parut, comme élément décoratif du costume national, qu'au dernier siècle de la République ; en 63 av. J.-C., l'édile P. Lentulus Spinther porta pour la première fois une praetexta dont la bande était faite de de Codrus, portaient des robes de pourpre (Strah. XIV, p. 632). Les rois de Macédoine n'adoptèrent le vétement de pourpre, à la mode asiatique, qu'après les victoires d'Alexandre sur les l'erses (Justin. XII, 3, 9 ; XVI, 5, l0). Cf. Verg. Geurg. CC. Luc. Dia1. mort. IV, 4; Vit. auct. 12. L'54.ooussl3.i; des prétres d'Éleusis: Lys. C. Audoc. 51 ; Etym, rnagae s. r.; Phot. s. r.; le costume du prêtre de Zeus Sosipolès à Magnésie : Strab. XIV, p. 64S. Cf. Athen. V, p. 211 B, p. 215. 22 Les archontes athéniens en charge : Luc. Anach. 3 ; à Platées : Plut. Arise, 21. 23 Chlamyde de pourpre à Athènes (Aristoph, Pax, 1175); à Syracuse (Dio1. XX, 34, 3); en Macédoine ( Polyb. XI, 18 ; Liv. XXXI, 34). 21 Par exemple : le riche Tarentin Evangélos aux jeux Pythiques (Luc. Adv. indoct. 9). 3e Theop. ap. Alhen. XII, p. 526 C. 25 [w. Al üller, Prieatalterth. dur Griechen, dans le Bandb. der Alte•t.-Wissensch. IV, 1, Hdrdlingen, 1887, p. 423. 27 G. Glotz, Op. 1. p. 117-118. 28 Simon. 4, éd. Bergk, lll, p. 404, II. 29 Bacchyl. XVII, 112. 39 Artemid. Onirocr. 1, 77. 31 Plut. Lyc. 27. Cf. Cic. De leg. ll, 23; Stal. Situ. V, 1, 225. 32 Cf. Dion. Hal. III, 6 ; Flor. I, 5 ; Pli;. VIII, 195 ; Macrob. 1, 6, 7. 33 Plin. IX, 136; Plut. Rom. 14. Plin. L. 1. 35 Mommsen, Hist. de la monn. rom., trad. fr. Paris, 1865-1873, II, p. 241 et p. 266 ; E. Babelon, .Min. de la Républ. rani. 1, p. 521, 17. 36 Cf. Stegcr. Op. 1. 37 Dio Cass, XLIX, 16, 17; LVII, 5, 13, etc. 38 Flor. III, 2l, 67; 98 pourpre tyriennu La beauté de leur coloris mit bien vite it la, !;mode les étoffes de celte provenance, Aussi les efforts faits par les empereurs pour restreindre le luxe croissant des vtements restèrent-ils vains. César ne permit qu'à certaines personnes d'un certain âge et à certains jours de paraître en public avec des concTly/iert ,.e vestes ; Auguste décida que les magistrats seuls e auraient droit'; Néron défendit la vente des pourpres tyrienues et améthystes'. Toutes ces tentatives de limitation n'eurent, semble-t-il, aucun effet durable, et quand s'organisèrent les ateliers impériaux, qui fabriquaient eux-mêmes la pourpre et qui en faisaient le comm ce au bénéfice des princes, l'État fut intéressé tout le remi r à assurer aux produits de ses manufac ture bouchés faciles', Des anciennes prohibitions il ne resta qu'une chose : jamais personne, en dehors des empereurs mêmes, ne fut autorisé à revêtir un costume entièrement composé d'étoffes teintes avec les pourpres les plu belles 9.1rienn s et améthystes ; le eut ment de fileta demeura l'apanage exclusif des dépositaires suprêmes du pouvoir, de ceux qu'on appellera plus tard à Constantinople les Porphyrogénètes : il était le symbole de leur autorité absolue et divine, comme jadis de celle des rois : Romanis induuientunt p+ar°purae insigne est regl'ae t L1ii1talis Ossuniplae° ISIPiOiATOIL. L'expression pur'uram sumer'e' est l'équivalent exact, de cotre locution fr aucaise monter sur le trop rendre hommage la majesté iIt périale se disait adarare pimpant ', l'anniversaire de lac ' iepe ,t. lu prince s'ap gelait nattais r urpurae'. Ou,, iimpie assit porter, comme l'empereur, un costume de ii rift, se rendait coupable de haute trahison 1'; dès (e règne de Caligula, ii en avait entité vie au fils di Juba fi, Ptolémée, roi de Maurétanie, de s'être montré à Rome paré de son vêtement roiyal de pourpre 11. Du moins, à défaut du port de cet iildttineiluart royale, que les souverains se réservaient jalousement, l'emploi de manteaux et de -vêtements divers teints entièrement en pourpre de toute nature et de toute qualité, méme en étoila, ou seulement ornés de bandes et.d garnitures loi pourpre s'était généralisé sous t' Em ru'' dans l~ "1,, Les auteurs font très souvent. mention de enta ami gtiatae", t;? iO,CI, trt,eet(tysti r ar ; on i issi de, couvertures, des tapis, vies coussin 27n-"eu, strag7L/a, etc. Horace met en scène un ries-enrage qui pousse le luxe jusqu'à faire essuyer sa Pible avec des chiffons de pourpre"Les 'relaves ou les affranchis chargés de la garde des mente de pourpre étaient dits u pur°puni 16. Au temps de Domitien, l'une des deux factions du cirque était celle des purpurei, cochers vécus de pourpre" Sur l'emploi de la pourpre par les peintres nous sommes surtout renseignés par Vitruve 14 et par Pline ". On coloriait avec elle les parois des maisons, les tableaux portatifs, les statues ou statuettes polychromes, etc-2o On s'en servait sous forme soit de pâte à demi-liquide, que l'on gardait fraîche dans du miel'', soit de poudre sèche 2e, soit de tablettes de porpurissirrtum ", Le purprurissimitrrt était composé de pourpre et de riveta argente«, sorte de craie avec laquelle les anciens brunissaient l'argent; les p)Urpur'ariï le préparaient en même temps qu'ils teignaient les étoffes : la crête argenter baignait comme la laine dans le suc colorant des coquillages. Son prix variait, d'après sa qualité, de un à trente deniers la livre ; le plus estimé tenait de Pouzzoles ; il s'imbibait plus facilement d'üe;•-t, et de garance que roux de Tyr, de Gaulle et de Laconie, où se fabrie quaient cependant les meilleures pourpre_; celui de Canusium passait pour le moins bon. Les peintres étendaient une couche de "fur]) uni délayée à l'oeuf sur une couche de sandyx ou de bleu, selon qu'ils voulaient obtenir la teinte du minium ou celle de la vraie pourpre. Le purp urissirrtunz tenait une grande place parmi les accessoires de la toilette des Romains et des [Romaines, qui l'utilisaient comme fardpour colorer de rouge leurs joues et. leurs lèvres ". On teignait en pourpre le parchemin de livres précieux écrits en caractères d'or CHRTSOGiAPiIA, p. 1139'1C'est seulement sous le Bas-Empire qu'apparaît à Constantinople l'usage d'une encre colorée en rouge l'aide du suc des coquillages à pourpre"; comme le port des vêtements de Matta, il n'était permis qu'à l'empereur 2e, Un chroniqueur byzantin rapporte que pendant la minorité des princes leurs tuteurs signaient à leur place les actes officiels avec de l'encre de pourpre verte 27; A. Dedekind fait remarquer que pour avoir des teintes vertes, il suffit d'arrêter le développement photochimique de la substance purpurigène avant que celle-ci ait passé au violet ; une pourpre verte est une pourpre qui n'est pas arrivée à maturité : ainsi s'expliquerait son emploi dans les bureaux de la chancellerie impériale quand le prince était encore mineur ' 4YaaalcB BcsxiEm. PFI`EAL. Dans son sens le plus général, le mot uteal (formé de _vuteus pour paierie; désigne la partie du puits qui dépasse le niveau du sol et qu'on a entourée PUT 780 PUT considérable, possèdent souvent des puits' ; de même des établissements publics, comme les palestres'. Le plus grand nombre de puits se trouvent dans les maisons 3 ; ils sont établis dans la cour : lorsqu'on en rencontre un par hasard dans une salle, on peutse demander si cette salle n'était pas à ciel ouvert'. Ils sont soit creusés directemen t dans le roc, comme à lthènes, soit entourés de maçonnerie, plus ou moins grossière, comme à Délos; la section en est carrée, ronde ou elliptique. Le système de fermeture varie : tantôt c'est, au ras du sol, une simple dalle, épaisse, percée d'un trou ', dans laquelle vient quelquefois s'encastrer une plaque fermant l'ouverture 6; tantôt la bouche du puits est entourée d'un massif de maçonnerie', ou d'une margelle de pierre, ronde (fig. 5891) 3 ou carrée', qui peut ètre ornée de moulures et quelquefois de sculptures, guir landes, etc. [PUTEALI 10. Il y en avait de plus simples, qui épargnaient toute construction . Des peintures de vases du ve ou du Ive siècle nous font voir des embouchures de puits (fig. 5892) t1 quine diffèrent pas des grandes jarres, -Blet (DoLiuaI où l'on gardait les provisions devi n ,de grains et d'autres denrées. Parfois le puits s'ouvre dans l'épaisseur d'un mur, et l'orifice est protégé par un encadrement, analogue à celui d'une niche ou d'une fenêtre Comme on le voit dans les figures, les personnes tirent l'eau simplement à l'aide de longues cordes, quelquefois embobinées autour d'un treuil ou d'un béton (fig. 5893)73 et auxquelles un seau est suspendu [cAaus, GAULUS, SITULA]. Le frottement de ces cordes creusait à la longue de profonds sillons, comme on peut l'observer encore sur les margelles qui ont été conservées. Celles-ci portent aussi quelquefois des traces de scellement pour l'installation d'appareils, tels que treuils et poulies, dont on voit les puits pourvus sur des monuments de bas temps (fig. i89't) et dont l'invention est certainement beau coup plus ancienne [M1ACIIINA, p. 14811. Dans une scène de bain (fig. 5895) sur un fond de coupe'', qui n'est guère postérieur aux vases cités plus haut, est figurée, au-dessus d'un réservoir en forme de dolium, une roue (zpoztn(a) sur laquelle passe la corde à puiser (Eu.ovt$; 10 Les seaux qui venaient à tomber dans le puits, étaient repêchés avec des crochets xEsx (ax) i 1 ; dans les jardins ou les champs, on se servait aussi d'une longue barre de bois ou levier portant à une extrémité le seau, à l'autre un contrepoids et basculant sur un arbre ou un pilier : c'est ce que les Grecs ap velov 18 et les Romains toileno [ALACnIVA, p. 11081. Les Grecs, si attentifs à tout ce qui se rapportait au régime des eaux. [AQUAL-oXs(, avaient réglé l'usage des puits par des prescriptions législatives 19 ; à Pergame, les astynomes doivent faire le recensement des puits, veiller à ce qu'aucun ne soit comblé, à ce que les parois en soient étanches 'o. Les Romains ont, eux aussi, utilisé les nappes d'eau PYA 781 souterraines en creusant des puits'. Ces puits desservent les lieux publics ou sacrés', les sclzolae des collèges; ils contribuent à alimenter en eau les maisons ; d'autres sont attenants à des édifices funéraires ". La forme et la profondeur en sont variables; le plus souvent le puits est carré, entouré de maçonnerie en briques, dans laquelle sont creusées des entailles permettant de descendre jusqu'au fond ; les puits en Afrique ont aussi parfois un escalier voûté qui va jusqu'au niveau de l'eau L'orifice est presque toujours entouré d'une margelle [PLTEAL . Les procédés de puisage, comme on l'a dit, sont les mêmes qu'en Grèce; on a trouvé dans la villa des Laberii, à Uthina en Tunisie, une poulie en pierre, montée sur une tige de fer, sur laquelle s'enroulait la corde pour porter les seaux'. Le droit romain connaît aussi les servitudes de puisage, aquae tiaustus [AQLAI Les termes ec_ c, puteus, s'appliquent également aux puits de mine [METALLA] et aux puits servant de regard