Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article QUIRINUS

QUIRINUS, QUIRINALIA. Quoique les témoignages divers relatifs à Quininus, dieu romain, et à la fête des Quininalia, célébrée le 17 février en son honneur, ne remontent pas au delà de la Première Guerre Punique, il n'est pas douteux qu'ils reposent sur une tradition très ancienne et que l'origine en est contemporaine de l'établissement des trois tribus qui, autour du Palatin, ont constitué la nationalité romaine. Quirinus était alors le nom ou plus probablement le vocable d'un dieu sabin, patron de la tribu des Titienses et semblable à Mars avec lequel il fut ensuite identifié'. Les anciens déjà discutaient sur l'origine de son nom : les uns le mettaient en rapport avec Cures, ville de la Sabine située au nord de Home, sur la frontière du Latium; les autres avec caria, nom désignant la division des tribus primitives dont Quirinus aurait été le protecteur; «autres, enfin, avec Quiris, qui, en langue sabellique, signifiait lance et qui a formé Quintes, titre d'honneur donné aux citoyens qui avaient le privilège de porter les armes . Toutes ces interprétations ont leurs partisans chez les modernes qui les justifient, soit par la linguistique, soit par l'histoire °. La plus plausible parait être la dernière ; la lance était, en effet, l'attribut ordinaire de Quirinus, comme elle est celui de Mars et aussi de Janus, qui tous deux sont appe 807 QUI lés Quirinus °. À une exception près , tous les interprètes, tant anciens que modernes, le considèrent comme le Mars des Sabins absorbé, par l'unification politique de Home, dans la personnalité du Mars latin, lequel s'annexa ii titre de vocable le nom de son similaire. Finalement, ce vocable lui-même se détacha pour passer à Romulus; mais toujours il semble avoir exprimé la nature guerrière des divinités qui l'ont porté et il reste inséparable aussi bien de l'organisation des Curies que du nom des Quirites'. Quininus a formé Quirinalis, adjectif qui désigne tantôt un des trois grands Flammes [FLAMEN, p. 1164] tantôt la résidence primitive de la tribu des Titienses, redevable de son nom au roi Titus Tatius le Sabin '° Cette colline, toutefois, ne fut ainsi désignée que postérieureruent ér la division de la ville par régions sous Servius Tullius, où elle s'appelait simplement Couina 11, Dans la vallée qui la sépare du Viminal, et faisant face à cette dernière, existait un sanctuaire de Quirinus dont l'antiquité est attestée pal la place qu'il occupe parmi les sta tions où s'arrêtait la procession des Argées 'REGEl]. C'est 12 ce sanctuaire qui donna son appellation à la colline tout entière; le changement, suivant toute probabilité, se fit au ni' siècle av. J-C. '. A cette époque, et plus anciennement encore, Quininus, avec le titre de Pater, figurait dans des formules d'invocation aux dieux appelés collec tivement lndi,qetes :Jane, Jup iter, ilions, Pater Quinine, Beilona, etc. A quelle époque Quirinus, au lieu de désigner un dieu distinct ou de s'appliquer en tant que vocable, au Mars des Sabins, comme Go'adivus appartient à celui des Ramnes, a-t-il été donné aussi à Romulus'? S'il était prouvé qu'une inscription de Pompéi où le fondateur de Rome, fils de Mars, est appelé Quininus, est la reproduction de celle qui ornait le piédestal de la statue que ce dieu avait au Capitole, on pourrait faire remonter l'identification au Ive siècle av. J .-C. 1G; ruais la chose est simplement probable. Deux autres inscriptions, l'une de l'an 36 av. J-C., l'autre de 20-4 ou de 191, ont été trouvées ensemble : in Itortis Quit'inalibus ponti/iciis 17 Sur la première, Mars est invoqué sans vocable, la seconde lui donne celui de Quio'inus l'identification parai ts'être effectuée dans l'intervalle. C'est au cours de la Deuxième Guerre Punique que le poète Ennius chanta l'apothéose de Ro QUI 808 QUO mulus' , couramment exploitée seulement par les poètes du siècle d'Auguste2: on peut en induire que, sous l'influence de la mythologie hellénique qui finit d'assimiler Mars à l'Arès des Grecs, le vocable de Quirinus devint la propriété du héros indigène Romulus, fils de Mars. Alors les divinités, tant du vieux Quirinus des Sabins que du Mars romain désigné par ce vocable, ne furent plus que des souvenirs archéologiques. Mommsen, d'ailleurs, a dit avec raison que, sauf l'inscription de l'an 204, il n'y a aucun témoignage positif pour affirmer la substitution de Mars lui-même au Quirinus primitif'. La fête des Quirinalia, qui tombait au 17 février, période où commençait à souffler le Favonius et dont on datait le printemps en Italie 4, coïncidait avec le dernier jour des FORNACALIA, celui que l'on nommait la Fête ces, Fous : Stultorum Feriae. Nous renvoyons à cet article pour les rapports que cette fête aavec l'organisation des Curies. Nous n'avons aucun détail sur les pratiques propres aux Quirinalia. Ovide les rattache à la fondation du temple qui donna son nom à la colline du Quirinal '. Quant à la dédicace, elle était l'objet d'une fête spéciale fixée au 19 juin7. L'édifice, un des plus anciens de Rome, avait été restauré en 293 av. J.-C. par L. Papirius Cursor, qui en avait fait un monument magnifique pour l'époque' ; tombé en ruines comme beaucoup d'autres sanctuaires consacrés aux dieux primitifs, il fut relevé par Auguste en l'an 16 av. J.-C. 9. Quirinus avait, à Rome, d'autres temples, un notamment auprès de la porte qui lui était redevable de son nom "G. Il n'existe aucune représentation figurée de Quirinus ; seule sa tète fut représentée sur des monnaies de la gens Memmia et son nom se trouve sur des monnaies de la gens Fabia qui, à l'époque de l'invasion gauloise, offrait des sacrifices au dieu sur le Quirinal ". On ne trouve pas de trace de ce culte ailleurs en Italie, encore moins dans les lointaines provinces. J.-A. HILD.