Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article RETENTIO

RETENTIO. Le mot retinere désigne, en principe, l'attribut du droit de gage [PIGNUS]. La rétention est la faculté accordée au créancier gagiste de garder la chose qui lui a été remise pour sûreté de sa créance, tant que le débiteur n'a pas acquitté sa dette'. La même faculté est accordée au créancier hypothécaire, lorsqu'il a fait usage du jus possidendi et s'est mis en possession de la chose hypothéquée [HYPOTHECA, p. 360, n. 20]. On emploie plus souvent le mot retinere, ou l'expression retentionem habere 2, pour désigner un droit spécial qui existe indépendamment de tout contrat de gage, ou même de toute convention tacite comme celle que l'on sous-entend, à partir du ii° siècle, dans les rapports du locateur d'une maison et du locataire [HYPOTHECA, p. 362, n. 18 et 25]. La rétention est la faculté accordée à un créancier, qui détient une chose appartenant à son débiteur, de refuser de la rendre tant qu'il n'est pas payé. On ne s'occupera ici que de la rétention considérée comme un droit spécial. Le droit de rétention n'est pas admis dans tous les cas où un créancier détient une chose appartenant à son débiteur : on exige, en général, qu'il y ait une corrélation entre la chose retenue et la créance qu'on fait valoir. Un rescrit de Gordien a, par exception, accordé le droit de rétention à un créancier qui a reçu une chose de son débiteur pour sûreté d'une obligation autre que celle dont il réclame l'exécution [HYPOTHECA, p. 360, n. 22]. La jurisprudence a pareillement accordé le droit de rétention au créancier qui a, sciemment, reçu en gage la chose d'autrui. Bien que le gage n'ait pas été valablement constitué, le créancier pourra retenir la chose jusqu'à parfait paiement, si elle devient plus tard lapropriété du débiteur 4. En dehors de ces exceptions, le droit de rétention est admis : 1° dans les contrats synallagmatiques parfaits ou imparfaits tels que la vente, le comrnodat, le gage, et en général dans les actes qui donnent lieu à des prestations réciproques, comme la restitution de la dot en vertu de l'action rei uxoriae et l'indivision; 2° dans les actions réelles en revendication' et en pétition d'hérédité [vINDICATIO]. Dans ces deux séries d'hypothèses, il peut y avoir une créance connexe à la chose retenue par l'ayantdroit. Cette créance a pour objet soit le remboursement de certaines impenses faites par le détenteur de la chose, soit la réparation d'un dommage causé à l'occasion de cette chose, soit enfin une obligation résultant du contrat ou imposée par la loi au profit du détenteur. sesseur, qui a fait des impenses pour la chose qu'il est tenu de restituer, a le droit de rétention à deux conditions : 1° qu'il n'ait pas agi dans une pensée de libéralité, en vue de faire une donation au créanciers ; 2° que la dépense soit nécessaire Les impenses nécessaires sont celles dont l'omission entraînerait la perte ou la détérioration de la choses. Mais on n'en tient compte que si la chose en vaut la peine au moment où elles ont été faites 2. On considère parfois comme une dépense nécessaire celle qui s'applique à des travaux neufs qui doivent servir à la bonne exploitation du fonds : la construction d'une grange pour conserver les récoltes, d'un moulin, d'un four pour cuire le pain '°. La rétention pour impenses a été accordée : 1° Dès le milieu du vie siècle de Rome au vendeur ". Les frais de nourriture de l'esclave vendu sont à la charge de l'acheteur à dater du jour où il a été mis en demeure de prendre livraison [MORA] : le vendeur a le droit de retenir l'esclave jusqu'à ce qu'on lui ait remboursé ces dépenses 2° A l'acheteur en cas de résiliation de la vente pour cause de vices rédhibitoires [REDHLBITORIA ACTlo] : il ne sera pas forcé de rendre la chose avant d'avoir été indemnisé". 3° Au commodataire, mais seulement pour les impenses d'une certaine importance 13, telles que les frais de maladie ou les frais de poursuite d'un esclave fugitif 4° Au créancier gagiste, lors par exemple qu'il a étayé la maison donnée en gage et qui menaçait de s'écrouler " 5° Au dépositaire'', pour les frais de garde de la chose; mais ce droit lui a été retiré par Justinien" [DEPOSITUM, p. 105]. 6° Au mari, lorsqu'après la dissolution du mariage, la femme exerce l'action rei uxoriae pour obtenir la restitution de sa dot". Le mari peut invoquer le droit de rétention, même pour les impenses utiles ou d'amélioration lorsqu'elles ont été faites du consentement de la femme18. Cette solution équitable, contestée encore au siècle d'Auguste, a prévalu au ua siècle: on a pensé qu'il était préférable d'accorder au mari un droit de rétention RET 854 RET que de forcer la femme à vendre un de ses biens, lorsqu'elle n'a pas d'autre moyen de se libérer'. Mais ce droit ne peut être invoqué par l'héritier du mari en cas de legs de la dot [LEGATUM, p. 1043]. Pour les dépenses voluptuaires ou de pur agrément', le mari ne peut s'en faire tenir compte : il n'a que le droit d'enlever ce qui peut lui profiter 4 ; encore faut-il qu'il ne détériore pas le bien dotal. 7° Au communiste qui a fait des dépenses pour la chose indivise 6 [COMMUNI DIVIDUNDO, I, 2, 1411]. Par exception, dans les mines du fisc, lorsque la chose commune est un puits de mine, l'associé qui a fait des dépenses a plus qu'un droit de rétention : d'après une inscription du temps d'Hadrien, récemment découverte à Aljustrel, il acquiert, sous certaines conditions, la part de ceux de ses coassociés qui refusent de contribuer à la dépense'. Cette exception a été étendue par Marc-Aurèle au cas où un associé a fait des réparations nécessaires à la maison commune : si, dans les quatre mois, les autres associés n'ont pas remboursé la dépense avec les intérêts, leur part de propriété est attribuée à l'associé qui a fait les frais 7. 8° Au possesseur d'une chose, lorsqu'il est défendeur à la revendication 8 [vINDICATIO]. Le possesseur de mauvaise foi lui-même a le droit de rétention pour les impenses nécessaires" : le voleur seul est excepté"'. Le possesseur de bonne foi a, de plus, le droit de rétention pour les impenses utiles, lorsque l'amélioration subsiste au moment de la revendication; mais son droit est limité à la plus-value donnée à la chose " : tel est le cas où il a construit sur le terrain d'autrui 12. Quant aux dépenses de luxe, le possesseur de bonne foi est traité comme le mari : il n'a que le jus toilendi. Le droit récent a étendu cette règle au possesseur de mauvaise foi f3. 9° Au possesseur d'une hérédité, défendeur à la pétition d'hérédité. S'il a consolidé une maison héréditaire qui menaçait ruine t4, payé un legs à un individu devenu insolvable 15, érigé un monument funéraire au défunt conformément à une clause du testament 16, il aura le droit de rétention. Ce droit appartient aussi à l'héritier grevé d'un fidéicommis universel, restituable à son décès, lorsqu'il a rebâti à ses frais une maison comprise dans le fidéicommis et détruite par un incendie ". Le droit de rétention appartient à tout possesseur de l'hérédité, non seulement pour les impenses nécessaires, mais aussi, d'après le jurisconsulte Paul 18, pour les impenses utiles. Il a paru contraire à l'équité de permettre à l'héritier de s'enrichir aux dépens d'un possesseur, même de mauvaise foi. Le possesseur de bonne foi d'une hérédité a en outre le droit de rétention pour les impenses voluptuaires, car il n'est tenu de rendre que ce dont il s'est enrichi 19. le temps de Cicéron, le capitaine d'un navire, qui a dû jeter à la mer une partie de la cargaison [NAUFRAGIUM, p. 7], a le droit de retenir les marchandises sauvées, jusqu'au paiement de la contribution [LEX RRODIA, p. 1173]. 2° Le propriétaire qui, après avoir vendu un esclave avec son pécule mais avant de l'avoir livré, est victime d'un vol commis par cet esclave, peut retenir sur le pécule la valeur de l'objet volé, alors même que cet objet aurait péri par cas fortuit 20. 3° Le mari a le droit de rétention sur les biens dotaux pour les détournements commis à son préjudice, et en prévision du divorce, par la femme divorcée 21. TION. 1° Depuis le milieu du n° siècle, le vendeur a le droit de retenir, comme en vertu d'un contrat de gage, l'objet vendu, jusqu'à ce qu'il ait obtenu satisfaction 22. 2° L'héritier institué a le droit de retenir la quarte halcidie sur les biens légués. Alors même qu'il aurait déjà livré une partie des objets légués, il peut retenir sur le reste la totalité de sa quarte" [LEGATUM, p. 1045]. 3° En cas de divorce par la faute de la femme ou de son père, le mari peut retenir sur la dot la quotité que la loi lui accorde suivant le nombre des enfants issus du mariage 24, ou en raison de la conduite de la femme 25 [Dos, p. 396]. Il peut aussi retenir sur la dot la valeur des objets qu'il a donnés à sa femme durant le mariage 26 : la donation entre époux étant interdite, la femme est considérée comme s'étant enrichie injustement aux dépens du mari [DONATIO, p. 3841. Mais depuis le sénatus-consulte de Caracalla, le droit de rétention ne peut plus être invoqué par l'héritier du mari ~'. rétention a été consacré par la pratique judiciaire et, en certains cas, par les lois d'Auguste sur le mariage28 [LEX JULIA, p. 1149]. Il est sanctionné en général par l'office du juge 21. La rétention est admise, en effet, dans des cas où le juge a des pouvoirs assez larges pour tenir compte de la créance invoquée par le défendeur, sans qu'il soit nécessaire d'insérer une exception dans la formule : l'action intentée est une action de bonne foi, ou une pétition d'hérédité que Justinien assimile à une action de bonne foi. Dans la revendication cependant, où le juge a un pouvoir analogue à celui qu'on lui reconnaît dans la pétition d'hérédité, certains textes mentionnent l'exception de dol comme un moyen de faire valoir le droit de rétention 80. Mais il s'agit sans doute de cas où il avait paru nécessaire d'attirer l'attention du juge sur le droit du défendeur 3' : tel est le cas où le demandeur, à qui l'on a signifié avant le procès d'avoir à rembourser les impenses, déclare qu'il ne doit rien de ce chef32. L'exception de dol se rencontre d'ailleurs dans les actions de bonne foi, bien qu'en général elle soit sous-entendue 33 RET 855 REU Le droit de rétention est opposable aux ayants cause du débiteur comme au débiteur lui-même, mais il est sans effet à l'égard des tiers. Ce n'est donc pas un droit réel; il ne confère pas le droit de suite, ni même directement un droit de préférence. Mais les autres créanciers du débiteur ont intérêt à payer celui qui fait usage du droit de rétention, lorsque la chose est d'une valeur supérieure ail montant de la dette. Le droit de rétention n'est pas exclusivement réservé à qui n'a pas d'autre moyen d'obtenir le paiement de ce qui lui est dû. Il se cumule souvent avec une action en justice. Telle est l'action rerum amotarum donnée au mari ', l'action contraire accordée au commodataire, au dépositaire et au créancier gagiste 2. ÉDOUARD GUO. résille. Outre les grands filets de pêche ou de chasse nt il a été question plus haut U a [RETS], d'autres de moindres dimensions et d'un tissu plus serré sont ordinairement désignés par le diminutif reticulum ou reliculus'. Ceux-ci, on le voit par les textes et les monuments, avaient des emplois très divers. Ils servaient à transporter toutes sortes d'objets, provisions2, armes', bagages :le filet, comme le sac, caracté rise dans des peintures le voya geur (fig. 59341 On y plaçait l'attirail du bain (fig. 5935) n et l'on en avait de plus petits (fig. 5936) 5, pour l'éponge, la fiole d'huile ou d'autres accessoires mis à part. Les femmes, au moins chez les Romains, avaient pour contenir leurs cheveux des résilles qui faisaient l'office du cécryphale grec, mais qui ne se confondent pas peintures de Pompéi et d'Herculanum (fig. 5937) x en offrent des exemples. Dans celui qui est ici reproduit la résille est dorée ; ce qui s'accorde avec les passages de plusieurs auteurs, qui parlent de reticula ou retiola aurea 9. Il y avait même de ces filets qui étaient ornés de pierreries f6. En dehors de la coiffure, il n'est question de réseau dans le costume qu'exceptionnellement, si ce n'est au théàtre, où il est attribué aux devins comme un vêtement caractéristique, qui rappelle les bandelettes croisées sur l'omphalos de Delphes [AGRE sement des attaches du CAMPAGas fit donner à ce genre de chaussure, au temps de Gallien, le nom de reticuli ". On a pu voir ailleurs que des filets firent quelquefois partie du harnachement des chevaux 10 [CIRCUS, fig. 15361,. Cicéron 13 appelle reticulum un sachet de lin à fines mailles contenant des feuilles de roses , que Verrès, en Sicile, avait sur lui pour le respirer. Aelius Verus remplit de la même manière des rideaux entourant les lits; il eut des imitateurs. Ces rideaux, que son his torien nomme minutant reticulum11, étaient des moustiquaires [cosor'Eus". Par extension, le même nom fut appliqué à un grillage métallique fermant une fenêtre (fig. 1069, 1070, 29444), ou protégeant un endroit réservé". E. S.GLIO.