Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article REVOCATIO

REVOCATIO. La révocation est un acte volontaire ou judiciaire qui a pour but d'empêcher un acte juridique, parfois même un jugement de produire ses effets. Dans quelques cas le mot revocare a conservé son acception littérale: il désigne le fait de rappeler une personne d'un lieu dans un autre. Cette revocatio a revu deux applications: c'est d'abord un incident de la procédure de l'action de la loi per sacramentum dans les procès en revendication d'un immeuble [SACRAMENTUM] ; c'est ensuite le droit concédé à certaines personnes de décliner la compétence du magistrat local et de demander le renvoi de leur procès devant le tribunal de leur domicile. -Dans les jeux du cirque, le conducteur d'un quadrige était parfois revocatus', lorsqu'une course était restée indécise2. Les spectateurs exprimaient leur désir de voir recommencer la course en secouant leurs toges 3. Plusieurs inscriptions mentionnent ces rappels'. Un agitator factionis A lbae fut, en douze ans (a. 766-778), rappelé quatre fois 5. acte juridique résulte, en général, d'un changement de volonté chez l'auteur de l'acte. Ce changement est toujours possible dans les actes à cause de mort ; il n'est permis qu'à titre exceptionnel dans les actes entre vifs. A. Actes à cause de mort. Ces actes sont essen tiellement révocables jusqu'au décès de leur auteur : 1° Les fidéicommis sont révoqués de plein droit par une manifestation quelconque de volonté ; aucune forme n'est requise [FIDEICOMMISSUM]. Il n'en est pas de même pour les legs. Les modes de révocation des legs ont été indiqués au mot LEGATUM [III, p. 1046]. 2° Les donations à cause de mort sont révocables au gré du donateur et en cas de prédécès du donataire 6, mais le donateur peut renoncer à la faculté de révoquer La révocation, lorsqu'elle est demandée par le donateur, n'a pas toujours lieu de plein droit; il faut qu'elle ait été faite sous une condition suspensive8. Si elle a été faite sous une condition résolutoire, le donateur n'a qu'une action personnelle pour réclamer au donataire la valeur du bien donné', ou pour obtenir sa libération s'il a fait une simple promesse 70. Cette différence tient à l'effet de la condition résolutoire; les jurisconsultes classiques ne la considèrent pas comme un mode d'extinction des obligations'`, et ils lui refusent, en général, tout effet réel" ; ils estiment que cet effet serait très dangereux pour les tiers qui traiteraient avec le donataire sans savoir que son droit est résoluble. La législation de Justinien, s'inspirant d'une opinion émise par Ulpien 13, n'a pas tenu compte de ce danger ; elle accorde dans tous les cas au donateur le droit de revendiquer le bien donné". Lorsque la donation à cause de mort a consisté en une remise de dette [ACCEPTILATIO], le donateur n'a que la ressource de demander au donataire de s'obliger à nouveau envers lui'5. 3° La révocation d'un testament fut, pendant longtemps, soumise à une condition rigoureuse : la confection d'un nouveau testament' e. Le changement de volonté ne pouvait se manifester d'une autre manière; et lorsque le testateur faisait un second testament, il était toujours censé révoquer le premier. Depuis le 11e siècle de notre ère, il n'en est plus de même : on recherche avant tout l'intention du testateur f7, sans exiger l'emploi d'une forme déterminée. S'il a fait un nouveau testament parce qu'il a cru mort l'héritier institué "1, le testament antérieur reste valable. On ne tient pas compte d'un changement de volonté causé par une erreur. Il en est de même si, après avoir fait un second testament, il l'a détruit pour rendre sa valeur au premier t9 ; on considère comme inexistant un acte qui n'exprime plus les dernières volontés de son auteur. Sous l'influence de la même idée, on n'exige plus la confection d'un nouveau testament : la révocation résulte de tout acte manifestant le changement de volonté Par exemple, le testateur a effacé le nom de l'héritier20, ou bien il a détruit les tablettes du testament 21, On admet également qu'un testament irrégulier en la forme suffit pour révoquer un testament antérieur, lorsqu'il REV 857 REV institue un héritier ab intestat'. Au Bas-Empire on exige, en ce cas, que le changement de volonté soit attesté par cinq témoins'. Au ve siècle, une constitution d'Honorius a introduit dans l'empire d'Occident une innovation singulière ; les testaments qui ont dix ans de date sont révoqués de plein droit 3 ; mais cette décision a été abrogée par Justinien'. B. Actes entre vifs. Les actes juridiques entre vifs sont, en principe, irrévocables. Des exceptions ont été admises pour certains contrats et pour quelques actes comme la donation entre vifs, l'émancipation, l'affranchissement, la renonciation à une succession. Une exception plus générale a été consacrée par l'édit du préteur pour les actes faits en fraude des créanciers. 1° Sont révocables les contrats et conventions formés en considération de la personne ; tels sont le mandat", la société 6, le dépôt 7, la fiducie contractée avec un ami, le précaire Les règles sur la révocation du mandat, du dépôt, de la fiducie ont été indiquées aux mots MANDATUM [III, 2, 1569-1570], DEPOSITUM [II, 1, 105], FIDUCIA [II, 2, 1117]. Quant à la société, elle se dissout par la volonté de l'un des associés ; lorsqu'il n'a plus confiance en ses coassociés, il est libre de se retirer, sauf le cas de dol, et sous réserve de dommages-intérêts s'il y a préjudice pour la société 10 [soclETAS]. La convention de précaire est également révocable au gré du concédant [PRECARtUM]. Le droit de révocation, qui fut à l'origine la conséquence de l'état de dépendance dans lequel le précariste se trouvait vis-à-vis du bailleur, a été maintenu sous l'Empire", lorsque le précaire a reçu des applications nouvelles en matière de gage et de vente à terme. Le bailleur ne peut même pas renoncer temporairement au droit de révocation 12. 2° La donation entre vifs a été pendant longtemps soumise à la règle de l'irrévocabilité. Le donateur avait cependant le droit de refuser d'exécuter la donation lorsqu'elle dépassait le taux fixé par la loi Cincia [LEX CINGLA, p. 1135]. Depuis le In° siècle ap. J.-C., la donation est devenue révocable dans quatre cas: pour inexécution des charges, lorsqu'elle est faite par un patron à son affranchi, pour ingratitude, lorsqu'elle est inofficieuse. Le premier cas de révocation a été exposé au mot MODUS [p. 1959]. Le second cas a été établi en 249 par un rescrit de l'empereur Philippe: la donation faite à un affranchi par son patron est révocable ad nutum i3. Un siècle plus tard, en 355, une constitution de Constance et Constant a restreint le droit de révocation au cas de survenance d'enfant". La révocation pour ingratitude a été établie par Dioclétien au profit du père du donataire1', par Constance au profit de la mère". Elle a été étendue par Valens à tous les ascendants". Justinien l'a accordée à tous les donateurs, mais en déterminant les causes d'ingratitude (injure grave, attentat à la vie du donateur, dommage important causé aux biens)f6. Ce droit de révocation ne peut s'exercer ni contre les tiers, ni contre les héritiers VIII. du donataire. Le donateur ne peut s'en prévaloir qu'à l'encontre du donataire. Sont révocables les donations excessives faites pour éluder la plainte d'inofffciosité10. La coutume impose au testateur l'obligation de laisser une partie au moins de sa fortune à ses proches parents (ascendants, descendants, collatéraux privilégiés) [TESTAMENTUM]. Une certaine quotité leur est réservée20. Cette quotité, laissée d'abord à l'appréciation du tribunal des centumvirs, fut, à l'exemple de la quarte Falcidie, fixée au quart de ce que les parents auraient eu ab intestat" . C'est la quarte légitime. La partie lésée ale droit d'attaquer le testament comme inofficieux et de le faire rescinder. Si pour éviter la rescision, le disposant a fait des donations entre vifs excessives, le légitimaire a, depuis Alexandre-Sévère2", le droit de les faire révoquer pour fraude à la loi, même si le donateur est mort intestat" . Dioclétien a limité le droit de révocation à la quotité qui excède la légitime2', mais il l'accorde même s'il n'y a pas eu fraude à la loi lorsque les enfants sont nés après la donation faite par leur père 26. L'exercice de l'action en révocation est subordonné à plusieurs conditions. Il faut que le légitimaire ait été injustement privé de sa part, qu'il n'ait pas d'autre voie de recours, qu'il n'ait pas approuvé la donation". 3° La renonciation à une succession est révocable dans un seul cas, lorsqu'un héritier a été institué cum cretione. La cretio est un mode solennel d'accepter une succession ; elle consiste en une déclaration verbale qui, à l'époque classique, n'est obligatoire que si elle a été imposée par le testateur. Elle doit être faite dans un délai qui est ordinairement de cent jours. L'héritier qui renonce avant l'expiration de ce délai peut changer de volonté et faire la déclaration prescrite tant que le délai n'est pas écoulé 87. 4° Depuis Constantin, l'émancipation peut être révoquée pour cause d'ingratitude. Cette révocation a pour effet d'attribuer au père les biens du fils ; il recouvre même la propriété des biens qu'il lui a donnés 20 [EMANCIPATIO]. 5° L'affranchissement lui-même est, en quelques cas, révocable. Au temps de Tibère, cette idée n'était pas encore admise : lorsqu'un affranchissement avait été fait en fraude des créanciers, l'action Paulienne était inapplicable. La loi Aelia Sentia tourna la difficulté en décidant que l'affranchissement serait non avenu 29 ; on respectait ainsi la règle qui défend de révoquer un affranchissement régulièrement fait30. Dans la suite, cette manière de voir ne fut pas rigoureusement maintenue Dès la fin du Icr siècle de notre ère, Ariston autorise la revocatio in servitutem d'un esclave affranchi en fraude des droits du fisc 31 Cette opinion fut consacrée plus tard par un rescrit de Sévère et Caracalla 32, et, dès lors, on trouve plusieurs cas de révocation d'un affranchissement [LIBERTUS, p. 1214]. 6° Un sénatus-consulte, rendu sur la proposition d'Hadrien, a révoqué l'usucapion à titre d'héritier que l'ancien droit avait admise pour déterminer l'héritier institué à se hâter de faire adition [usucAPlo]. La révocation a lieu de plein droit par l'autorité de la loi. Désor 108 REV -858REG' mais l'héritier peut exercer la pétition d'hérédité contre celui qui a usucapé un bien héréditaire, et il obtiendra gain de cause comme si l'usucapion n'avait pas eu lieu'. 7° Les actes faits en fraude des créanciers peuvent être révoqués par le préteur. Il s'agit ici non plus d'un changement de volonté de l'auteur de l'acte, mais d'une révocation judiciaire. Dès le temps de Cicéron 2, le préteur a réprimé l'abus de confiance commis par un débiteur insolvable qui aliène un de ses biens au préjudice de ses créanciers. Il promet à ceux-ci l'interdit fraudatoire pour forcer le tiers acquéreur de mauvaise foi à restituer les biens aliénés °. L'interdit doit être demandé dans le délai d'un an utile à dater de la vente A défaut de restitution, le tiers est condamné à payer une indemnité égale à la valeur de la chose au jour de la vente; on y joint, s'il y a lieu, la valeur des fruits". Cette disposition fut généralisée par un autre édit : le préteur promet de révoquer tout acte frauduleux commis par un débiteur'. Il accorde au curateur, chargé de la vente des biens de l'insolvable, et pendant un an à dater de la vente, une action en réparation du préjudice causé. Cette action, appelée Paulienne du nom du préteur qui l'a proposée', est une action en révocation : elle se donne contre le tiers qui a pris part à l'acte. Elle peut même être exercée contre le débiteur qui, ne pouvant exécuter la condamnation, sera enfermé dans une prison privée. L'exercice de l'action Paulienne est subordonné à plusieurs conditions: l'acte dont on demande la révocation doit avoir eu pour effet de diminuer le patrimoine du débiteur' ; il doit être préjudiciable aux créanciers1°. Il faut, en outre, que le débiteur ait su qu'il se rendait insolvable ou qu'il augmentait son insolvabilité", et que le tiers ait été complice de la fraudef2. Cette dernière condition n'est pas exigée pour un acquéreur à titre gratuit; il est toujours obligé dans la limite de son enrichissernent73. Le principe de l'action Paulienne a été maintenu par le droit moderne, et consacré par l'article 1167 du Code civil. Cette action était insuffisante et ne protégeait pas efficacement le créancier en cas d'insolvabilité du défendeur; le préteur combla cette lacune en promettant aux créanciers une ininterjrunt restitutio lorsque l'acte frauduleux est un acte d'aliénation. Les créanciers peuvent revendiquer la chose aliénée, comme s'il n'y avait pas eu transfert de propriété; mais cette restitution n'est possible que contre le tiers à qui le débiteur a livré la Chose LRES'rl'I'UTIO IN 1NTEGRUM] 14. 8° La révocation judiciaire est également admise pour les aliénations entre vifs faites par un affranchi en fraude des droits successoraux de son patron. L'édit du Préteur accorde au patron l'action Fabienne, si l'affranchi a fait un testament. ", l'action Calvisienne dans le cas contraire t0. Le patron ne peut faire révoquer les actes par lesquels l'affranchi a manqué d'acquérir, tels que la répudiation d'une hérédité ou d'un legs 17. Les actions Fabienne et Calvisienne se donnent contre l'acquéreur même de bonne foi'' ; le dol n'est exigé que chez l'aliénateurf9. Ces actions sont d'ailleurs des actions personnelles, arbitraires et perpétuelles20. Si l'acquéreur a luimême aliéné la chose, il est débiteur de la valeur vénale : le patron ne peut jamais réclamer la valeur subjective21. Par exception, si l'aliénation a été faite pour doter une femme, l'action en révocation peut être intentée contre le mari tant qu'il n'a pas restitué la dot22. Mais la dot constituée par l'affranchi à sa fille est irrévocable". Les aliénations à cause de mort faites à des tiers "-" par l'affranchi peuvent toujours être révoquées à la demande du patron : on n'a pas à prouver qu'elles sont frauduleuses 2 Il. RÉVOCATION D'UN JUGEMENT. La sentence rendue par un judex privatus n'est pas susceptible d'étre réformée. En cas de mal jugé, il n'existe pas de voie de recours. L'erreur ou l'injustice du juge sont considérées comme des cas fortuits 2". L'appel n'est admis que contre les décisions des juges délégués par l'empereur. Le défendeur condamné par un juge investi par le préteur du menus judicandi, n'a que la faculté d'arguer de nullité (judicatum negare) le jugement qui lui fait grief et d'en demander la révocation 2'. Les causes de nullité sont assez nombreuses ; il suffit de citer quelques exemples. La sentence est nulle : 1° Lorsque le juge ne statue pas d'une façon précise sur la prétention du demandeur, notamment sur les intérêts de la somme que le défendeur est condamné à payer2". `?° Lorsqu'il a statué sur des questions non comprises dans la formule29, ou bien un jour férié en l'absence des parties30, ou encore sans que le défendeur ait été régulièrement cité"; lorsqu'il a prescrit une chose impossible32, condamné une personne décédée ou incapable 33. 3° Lorsque le juge a été institué par un magistrat incompétent, tel qu'un procurateur impérial qui ne fait pas fonction de gouverneur de province et qui a nommé un juge pour un procès entre particuliers 3". 4° Lorsque le juge est incapable. L'incapacité de remplir la fonction de juge résulte de la nature, de la loi ou de la coutume. Les impubères, les sourds, les muets, les fous qui n'ont pas d'intervalle lucide, sont naturellement incapables. Les citoyens qui n'ont pas rage requis par la loi, ou qui ont encouru une déchéance comme l'exclusion du Sénat, sont incapables légalement. D'après la coutume, sont incapables les femmes et les esclaves, qui ne peuvent pas remplir un office civil3L. 5° Lorsque la sentence a été rendue par le magistrat dans un cas où il aurait dû instituer un ,juge 3". 6° Lorsqu'une affaire a été soumise à plusieurs juges, tels que les récupérateurs, et que l'un d'eux a été absent lors du jugement". La sentence n'est pas régulièrement rendue, car les juges avaient reçu mission de statuer tous ensemble. On ne saurait objecter n. 6 ; 709,n. 5. -27 Cie. p. L''lacco, c. 21, § 49. 28 Ulp. 4 de omn. tribun. 58 ad Ed. -32 Paul. 16 Resp. Eod. 3 pr. 33 Esclave : Papin. Resp. Dig. V, 1, 4f, 1 ; Gord. Cod. Just. III, 1, 6. Pupille non assisté de son tuteur: Paul. Dig. XI,il. 1, 45, 2. Femme qui défend à un judicimn legilimum sans son tuteur Ulp. XI, 21; 27 ; Gains, 1, 184. Papin. 9t Resp. Diq. XI.IX, 1, 13, 1. 36 Paul. 17 ad Ed. Diq. V, 1, 12, 2. 3" Carac. Cod. Just. VII, 45, 4. 31 Cels. 3 nig. Dig. XLII, f, 39. REV 859 REV que ce juge, s'il avait été présent, aurait pu être en désacord avec les autres, et que la sentence rendue par la majorité n'en serait pas moins valable: la loi veut que les juges assistent tous à la délibération et expriment leur avis', cet avis se réduirait-il au serment Bibi non liquere'[JUSJURANDUM, III, p. 775, n. 351. 7° Pour violation de la loi, d'un sénatus-consulte ou d'une constitution impériale La révocation d'un jugement peut être demandée de deux manières : directement, lorsque le défendeur condamné prend l'offensive; indirectement, lorsque, poursuivi par l'action judicali, il conteste la prétention de son adversaire, en soutenant qu'il n'existe pas de jugement valablement rendu contre luiw. Dans l'une et l'autre hypothèse, il encourt la peine du double, en cas d'insuccès. De là le nom de cette procédure : revocatio in duplum0. La révocation d'un jugement peut également être sollicitée par le demandeur lorsque le juge e prononcé l'absolution du défendeur. II renouvellera sa demande devant un nouveau juge ; si son adversaire lui oppose l'exception de chose jugée, il la paralysera par une réplique fondée sur la nullité du jugement. Mais cette faculté ne lui appartient que pendant un certain délai : au bout de dix ans entre présents, vingt ans entre absents, le défendeur absous lui opposera la prescription 6. III. RevocA'rfo DoMUM. Le jus revocandi domum est la faculté accordée à l'habitant d'un municipe ou d une cité provinciale, lorsqu'il est de passage à Rome, de décliner la compétence du préteur Il peut demander à être renvoyé devant le tribunal de son domicile [JURisDI.cTIO, III, 1, 7311. L'exercice de ce droit, qui constitue un véritable privilège, a été rigoureusement limité. Il a d'abord été introduit en faveur des députés (legati) envoyés à Rome par un municipe ou par une cité provinciale. Il leur est accordé pour les obligations contractées avant leur mission' soit dans leur cité, soit dans leur province 8, soit même à Rome'. Le légat, qui a fait dans sa province un pacte de constitut [coasTITUTUA1, I, 2, 14541, ne perd pas le jus revocandi domum lorsqu'il a promis de payer à Rome 10, à moins qu'il n'ait été spécifié qu'il paierait lorsqu'il serait légat 17. Il en est de même s'il a fait à Rome un pacte de constitut pour une dette contractée en province t2. Le légat ne peut être actionné en revendication en raison d'un objet qu'il possède actuellement 13 Il ne peut pas, non plus, être appelé devant un arbitre en raison d'un compromis qu'il a fait à Rome avant sa mission ". Pareillement, on ne peut poursuivre devant le préteur le légat qui a fait, à Rome, adition d'une hérédité qui lui est échue en province", ou bien celui à qui une hérédité a été restituée en vertu d'un fidéicommis 16 Le jurisconsulte Cassius indique la raison de ce privilège des députés : on ne veut pas entraver l'exercice de leur mission. Un sénatus-consulte leur avait défendu de s'occuper d'autre chose]'. L'intérêt des créanciers héré ditaires n'est pas sacrifié; ils ont le droit (l'exiger une satisdation [sATlsDAT1o[ ou, à défaut, ils obtiendront l'envoi en possession de l'hérédité à titre conservatoire" [MISSI() IN POSSESSIONEM, III, 2, 1938, n. 51. Cette mesure n'empêchera nullement le député de remplir sa mission 10. Le jus revocandi domum est refusé au légat : 1° Pour les obligations qu'il a contractées durant sa mission, à Rome 20, en Italie 21, ou même suivant 1'opi nion qui a prévalu, hors de sa province22. Il en est ainsi notamment pour les achats ou autres acquisitions faites pendant son séjour à Rome. L'exercice du privilège aurait ici donné lieu à un abus; le légat aurait pu en profiter pour emporter dans sa province la chose d'autrui21, La règle qui précède a pour conséquence de permettre au légat de cautionner toute espèce d'obligation: il ne peut, en effet, invoquer son privilège pour une obligation contractée en Italie2'°. 2° Pour les obligations qu'il e contractées à Rome avant sa mission, s'il séjourne dans cette ville, une fois sa mission terminée 25.3° Pour l'action en restitution de la dot intentée par la femme du légat, après un divorce signifié à Rome". 4° Pour un recours en garantie contre l'éviction ; le député vendeur invité à défendre l'acltei uur doit se rendre devant le juge saisi de l'action dirigée contre l'acheteur". 5° Lorsque le légat a été cité en justice avant d'avoir reçu sa mission 2". 6° Lorsqu'il exerce lui-même une action devant le préteur, il est censé accepter sa juridiction pour toute demande qui pourrait être formée contre lui 2'. Exception est faite pour le cas où l'action intentée par le légat a pour objet la répression d'un délit (injure, vol, dommage causé contrairement au droit) dont il a été victime. Sans cette exception, il eût été très facile de priver le député de son privilège : il aurait suffi d'exercer contre lui une voie de fait ; ou bien on aurait pu l'outrager impunément". 7° En matière de délits 31. Le tribunal compétent est toujours celui du lieu où le délit a été commis32. Le privilège accordé au légat ne le dispense pas de fournir la caution damai infecti, lorsque sa maison menace de s'écrouler sur le fonds voisin 3 ". A l'inverse, on ne peut lui déférer le serment sur l'existence de la dette dont on lui réclame le paiement 34. Le privilège du légat est attaché à sa personne; il ne peut être invoqué par ses ayants cause". L'application du jus revocandi domum a reçu un tempérament : lorsque le légat est tenu d'une action temporaire sur le point d'être périmée, le préteur permet d'engager le procès, puis après la titis contestatio, l'instance est transférée en province 3G. Mais pour le calcul d'un délai utile comme celui qui est accordé pour demander l'in integrum restitutio, on ne tient pas compte du temps que le provincial a passé à Rome37. Lorsqu'il y a doute sur le point de savoir si le légat ale jus revocandi domum, le préteur statue lui-même après enquête38. Le légat ne peut, en aucun cas, refuser de se présenter devant le préteur pour justifier de sa qualité REX 860 RITA et invoquer son privilège'. L'exercice de ce privilège est d'ailleurs subordonné à la condition de promettre de comparaître en justice au jour fixé par le magistrat. On n'exige pas de satisdation, sans quoi la difficulté de trouver des cautions pourrait empêcher le légat d'user de son privilège 2 [SATISDATIO]. Le jus revocandi domum a été étendu aux habitants des municipes ou des provinces qui ont été mandés à Rome par le prince soit pour un procès s, soit pour rendre des comptes de tutelle; à ceux qui sont venus à Rome pour juger un procès, pour témoigner en justice`, ou même pour interjeter appel d'un jugement'. On ne peut profiter de leur présence à Rome pour les actionner en raison d'une autre affaire ; on ne permet même pas à un mineur de vingt-cinq ans de demander contre eux une in integrum re.slitutio [RESTITUTIO]. IV. REVOCATIO ROMAM. Les habitants de Rome, de passage en Italie ou dans les provinces, pouvaient-ils réciproquement demander le renvoi à Rome des procès qu'on leur intentait devant les magistrats municipaux ou devant les gouverneurs de province? Divers passages de Ciceron prouvent que, dans les provinces, le renvoi à Rome n'était pas obligatoire: il dépendait du pouvoir discrétionnaire du gouverneur de la province. Quant aux magistrats municipaux, la question du renvoi à Rome est mentionnée dans le fragment de loi trouvé à Este [LEX ROSCIA, III, 2, p. 1162]. La loi décide que les litiges entre particuliers, qui auraient été de la compétence des magistrats municipaux avant la loi Roscia, resteront soumis à cette compétence, quelle que soit la valeur du litige : la revocatio Romae (sic) est interdite. La portée de cette règle est discutée : les uns y voient une disposition visant l'avenirs ; d'autres pensent que c'est une mesure transitoire, applicable aux actions déjà nées lors du vote de la lois. ÉDOUARD CUQ.