Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article RHOMBUS

RHOMBES ( 'P6!.1.6 os, Le nom de rhombe, qui est en géométrie celui d'un corps composé de deux cônes réunis par des bases égales', a été donné à divers objets se rapprochant de cette forme qui les rend plus aptes à tourner (94,60)): tels une quenouille ou un fuseau [FUSES], une toupie [TuRBo]. De même, le treuil autour duquel s'enroule la corde qui sert à tirer les seaux d'un puits, au lieu d'être cylindrique, est renflé en son milieu et aminci vers ses extrémités, dans quelques représentations antiques [PUTEUS, fig. 3695]. II semble qu'une idée superstitieuse ait été attachée par les anciens au mouvement de rotation que cette forme facilite. En Italie, dans les campagnes, il était détendu aux femmes, au temps de Pline 2, de se promener sur les chemins en faisant pirouetter leurs fuseaux : on croyait qu'elles pouvaient par là compromettre le succès des récoltes. Le mot rhornbus se rencontre surtout employé par les auteurs pour désigner un instrument de sortilège. Des peintures de vases grecs nous montrent en quoi il consistait. C'est une petite roue munie d'un double cordon, qui rappelle un jouet autrefois à la mode, variété du a diable » ; les cordons qui la traversent en s'enroulant et se déroulant tour à tour, quand ou en tire les extrémités, lui impri ment par leur torsion un mouvement rapide qui la fait ronfler et siffler'. La position des mains est clairement indiquée dans plusieurs peintures (fig. 5940; cf. fig. 4862)2, où l'on voit la roue mise en mouvement; on en distingue mieux les détails, le bord perlé ou dentelé, les rais ou les cercles concentriques qui en remplissent, le tour dans celles où elle est figurée au repos' (fig. 5941). S'il s'agit d'un simple jeu peut-être dans quelques-unes des scènes ainsi représentées, il n'est pas douteux que dans d'autres on a voulu rappeler le sortilège dont usaient les femmes ou les magiciennes auxquelles elles avaient recours , croyant par le tournoiement du rhombe , accompagné de paroles ou d'incantations, pouvoir appeler à elles des plus grandes distances un amant rebelle 4. Le rltontbus est aussi appelé iynx (uyS). Ce nom désigne tantôt l'objet dont il vient d'être parlé, tantôt un oiseau s, Iynx, fille d'Écho, avait été changée, disait-on, en cet oiseau par Héra, qui voulut la punir d'avoir, à l'aide de philtres, détourné vers Io, ou vers elle-même, l'amour de Zeus. Après sa métamorphose elle gardait pour contraindre les coeurs un pouvoir dont la magie s'empara en l'ajoutant à celui de la roues. 'Iuy, est devenu dans la langue courante un nom commun appliqué à tout ce qui a le don de séduire et d'entraîner, au charme de la parole ou de la poésie aussi bien qu'à l'attrait de la beauté et aux incantations 7. Il est possible que l'oiseau et le rhombe ne soient dans beaucoup de peintures que des symboles assez vagues des enchantements de l'amour, mais dans quelques-unes, leur signification est précise : par exemple lorsqu'on voit la roue mise en mouvement par une jeune mariée ou par une des femmes qui font partie du cortège nuptial « cf. fig. 4862), et quand elle est mise dans les mains d'Éros (fig. 5940) ou dans celles d Aphrodite 9, qui, la première, dit Pindare, apporta de l'Olympe aux hommes « l'oiseau qui rend fou, p.aty«S' ipvty », et l'attacha aux quatre rais de la roue 10 Dans la figure 5941 ", une jeune femme laisse pendre le rhombe immobile; ses mains sont chargées de présents; l'Amour la couronne; un jeune homme, assis à quelque distance, se tourne vers elle et saisit l'oiseau par une cordelette attachée à sa patte. L'explication fournie par les vases peints concorde avec les termes dont se servent plusieurs auteurs quand ils décrivent la roue tournant sous l'action de fils ou de cordons (tiiti, licier) 12; d'après d'autres, il semble qu'on lui donnait en la frappant l'impulsion (7tEpapEpeï; xtv,iaEtç) qui la faisait tourner et résonner; on la fouettait comme un sabot d'enfant 13 (cf. fig. 3087). En effet, comme on le verra ailleurs, ce jouet, le TURBO, a aussi été employé dans les enchantements; les noms turbo, rllombus, vent l'un pour l'autre. Le mot rhombe désigne encore un autre objet ressemblant à celui dont il vient d'être parlé, en ce qu'il tourne et qu'il résonne, mais ayant une destination et un aspect différents. Des auteurs le mentionnent avec le tympanum comme un instrument en usage dans les mystères de Bacchus, de Cotytto et de la Mère des dieux 14. C'est, dit l'un, une planchette (cev(Stov) que l'on agite en l'air pour lui faire faire du bruit15 (on peut penser à une crécelle); pour d'autres 10, il est en bronze, en or ou même taillé dans une pierre fine. Sa forme n'est pas nécessairement celle du rhombe, mais aussi bien celle de la sphère, du cylindre; il peut même être triangulaire. Peut-être possédons-nous encore deux spécimens de ces objets : l'un d'eux (fig. 5942) est au Musée du Louvre". Comme on peut le voir, il consiste en une boîte creuse faite de deux cupules rapprochées par leur bord ; la surface bombée en est ornée de reliefs représentant de chaque côté deux personnages assis tenant des thyrses. Cette boîte pivote, comme le rhombe, qu'un commentateur appelle arpépo; ou aTptlptu%o; 18, autour d'une tige dont les bouts sont posés sur les branches d'une petite fourche placée au sommet d'une mince colonnette servant de manche. On devait donc tenir l'instrument et l'agiter comme un sistre ou comme un hochet [CREPITA VIII. 109 RHO 865 RHY d'originethraco-illyrienne°, que la Grèce ne semble pas avoir connue avant la période macédonienne. Bien que les mercenaires aient dù répandre son nom jusqu'à Alexandrie dès le début du me siècle, époque où les Septante se sont approprié ce vocable pour traduire l'arme que leur dieu des Armées avait empruntée aux héros babyloniens3, ce n'est qu'en 221 qu'on trouve une mention de la rhomphaia rattachée à un fait historique'. En 200, la grandeur de cette arme en rend l'usage impossible aux auxiliaires thraces de Philippe V engagés sur des pentes boisées tandis que, en 167, dans la plaine de Pydna, balancée sur l'épaule droite des Thraces de l'avant-garde de Persée, elle jette la terreur dans l'armée romaine'. C'est alors qu'Ennius parait l'avoir latinisée sous la forme rumpia dans des vers relatifs à la guerre istrique de 1787, vers qui servirent sans doute de modèle à Valerius Flaccus lorsqu'il décrit l'armement des Bastarnes, peuplade celtique qui avait pu adopter la rumpia pendant son long séjour en Illyrie'. L'arme semble, en effet, s'être maintenue longtemps chez les indigènes de cette région'; de là, elle fut introduite à Rome, d'abord, avec la peltè et la Sica, par les esclaves et gladiateurs, tel ce Birria qui perce d'un coup de rumpia l'épaule de Clodius t0, puis, comme les matliobarbuli, par les légions de l'lllyricumtl. De là, elle passa à Byzance où l'on trouve un corps spécial qui lui doit son nom de rhomphaiophoroi12. Bien que de provenances si diverses ces textes s'accordent pour décrire la rhomphaia comme une pique longue d'au moins 2 mètres 13, dont la moitié formée par une lourde lame à deux tranchants f4. Ce fer, puissant et acéré, que TiteLive et Isidore paraissent identifier à la framée, devait n'être qu'un grand coutelas, la harpé ou la Sica des Thraces, adapté à une hampe solide 15. Allongée, la hampe donnait naissance à une faux en forme de rhom phaia comme celle dont Cléomène fit usage en 221 pour couper les moissons d'Argos ; réduite, elle emmanchait ce fauchard qui, pouvant servir d'estoc ou de jet, a permis, dès l'antiquité, de voir dans la rhomphaia un sabre plutôt qu'une pique. A,-J. REINACII.