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RISCUS I'P(axoc) l• Coffre, coffret, fait ou couvert de peau et qui parait avoir été particulièrement à l'usage des femmes, pour serrer des vêtements, des bijoux ou d'autres objets précieux'. D'après Nonus, le même nom pouvait être donné à une cachette pratiquée dans un mur'. E. SACLIo.
RITITS (Oesµds, oépoç?) . Les textes anciens ne nous donnent aucun renseignement sur l'origine ou sur l'étymologie que les grammairiens latins attribuaient au mot ritus. Parmi les modernes, Louis Lanzi avait cru retrouver dans un terme des Tables Eugubines erietu l'origine du latin rites 1; mais M. Bréal voit dans ce terme l'équivalent du verbe latin porricere, dont il ne diffère que par le préfixe' ; il n'y aurait donc rien de commun entre erietu et ritus. D'autres ont essayé, sans grand succès, de rattacher ritus au grec ténu, variante de €(î), coulera. L'étymologie, qui semble aujourd'hui la plus probable, est celle que propose Vanicek: citas serait dérivé comme ratas, ratio, reus, de la racine sanscrite ra, qui exprime l'idée de compte, d'appréciation, d'opinion, d'adaptation, d'accommodement". Le mot rites ne parait pas avoir eu en latin un sens aussi limité que le mot français rite, dans lequel domine nettement l'idée religieuse. Rites était à peu près synonyme de mos, consuetudo, comme le prouve le sens le plus fréquent de l'ablatif rite, que Servius explique simplement par le mot recte". Souvent, quand les écrivains latins veulent donner à ritus le sens de notre mot rite, ils le complètent par un terme caractéristique : rites sacri ficii °, ritus sacrorum7, ritus piandi ", cotnprecationes quae ritu romano fiant', sacra dus facere rite Albanol°, etc.
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A vrai dire, c'est là l'emploi le plus général du mot, et c'est bien ce qui ressort, malgré l'état mutilé du texte, de la définition qu'en donne Servius' : ftitus est romprobuta in administrandis sacri[flciis consuetudo?].... il ita de/iniunt, rituin esse quo sacrificium uti flat [.statututn est?] aut institutus religiosus aut cerimoniis consecratus? Par ritus, il convient donc d'entendre les règles ou lois qu'il fallait observer dans l'accomplissement des actes religieux et, d'une façon plus générale, les actes religieux eux-mêmes, c'est-à-dire les actes par lesquels l'homme manifestait ses sentiments envers la divinité. Aucun mot grec ne répond exactement au mot Titus: celui qui s'en rapproche le plus parait être Oecp.6ç, surtout quand le sens général en est précisé par des épithètes telles que teïoc, gepdç2. Parfois aussi le mot v,uos est employé de façon analogue'.
Les rites étaient très nombreux dans la religion grecque et dans la religion romaine; ils tenaient une grande place dans la vie privée, dans la vie domestique, dans la vie sociale et politique ; leur caractère n'était pas absolument identique en Grèce et en Italie. Sans entrer ici dans le détail de chacun des rites grecs et romains, détail que l'on trouvera dans de nombreux articles de ce dictionnaire, nous voulons essayer de montrer: 1° commenton peut classer les rites grecs et romains; 2° quelle place les rites tenaient dans la vie antique sous ses diverses formes; 3° à quelles conditions extérieures la pratique des rites était subordonnée; 4° enfin, quel a été le caractère particulier et distinctif des rites dans les deux grandes civilisations de l'antiquité classique, c'està-dire en Grèce et à Rome.
sens le plus large du mot, sont les actes religieux par lesquels l'homme manifeste ses sentiments envers la divinité, la classification des rites devra être fondée en principe sur les diverses formes que le sentiment religieux a prises dans l'antiquité. On a vu, à l'article HELIGlo, que les anciens, abstraction faite des différences qui distinguaient à cet égard les Romains des Grecs, cherchaient: 1° à obtenir la faveur, à détourner la colère de la divinité; 2° à connaitre la volonté divine ou, par l'intermédiaire de la divinité, l'avenir; 3° à savoir ce qu'il adviendrait d'eux après la mort,, quelle était la nature de l'âme, et comment ils pouvaient s'approcher le plus de la divinité. De là trois grandes classes de rites, qu'on peut ainsi définir : P les rites propitiatoires ; 2° les rites divinatoires ; 3° les rites des mystères.
A. Les rites propitiatoires. Pour que la divinité pût se montrer propice aux désirs de l'homme, il fallait d'abord qu'elle connùt ces désirs: l'homme les lui indiquait au moyen de la prière (precatio, eûfÀ) 4. La prière était dite à part ou bien elle accompagnait un autre acte religieux, offrande, sacrifice, etc. De même, quand il avait obtenu de la divinité ce qu'il désirait, l'homme lui en exprimait sa reconnaissance verbalement (gratulatio, ër ,:voç). C'étaient là les deux formes les plus fréquentes, les plus simples de la prière. Il y en avait d'autres. Ainsi les Grecs et les Romains priaient les
dieux d'exercer leur puissance, non pas seulement en faveur de celui qui s'adressait à la divinité, mais contre un autre homme ou d'autres hommes nommément désignés : c'était là le rite de l'imprécation (àpd, i apci, r.ai px, deprecatio, e.rsecratio, imprecatio, etc. ; [voir DEvoTlo, p. 114] La devotio, le dévouement (au sens étymologique du mot) de soi-même, n'était qu'un cas particulier de cette forme de prière [DFVOTIO, loc. Cit.]
dans ce cas, on s'offrait soi-même au courroux des dieux pour le détourner soit d'une autre personne, soit plus fréquemment de sa patrie. Lorsque la prière proprement dite était accompagnée d'une promesse, quand l'homme qui implorait la divinité s'engageait d'avance à. lui temoigner sa gratitude par une offrande ou un sacrifice,
la prière devenait un voeu [voTUM, eûfaptc¢iiptov] 7. Dans une certaine mesure aussi le serinent (jusjurandum, lpxoç) était une prière 8 ; on prenait la divinité à témoin, on la priait de punir le parjure [JOSJORANDDM]. Ces rites purement verbaux ne s'accomplissaient pas sans gestes appropriés; les plus usuels de ces gestes était le geste spécial de l'adoration, une légère inclinaison de la tête, parfois un baiser donné à l'image de la divinité qu'on
On peut rattacher à ce premier groupe de rites propitiatoires, prières transmises par la voix, le rite de la de/i;rio, imprécation le plus souvent transmise par écrit et nettement distincte de la devotio'
Mais les anciens n'ont jamais cru que de simples paroles, dites ou écrites, même accompagnées de promesses, fussent assez efficaces pour rendre les divinités propices. Les actes avaient plus d'importance encore que les paroles dans le rituel antique. L'acte religieux par excellence, du moins à l'époque historique, était le don fait par l'homme à la divinité, l'offrande (âv6-fip.a, donum, donarium). On trouvera à l'article DONARIUM tous les renseignements nécessaires sur les simples offrandes, leur caractère, leurs rites (consecratio, dedicatio), leurs diverses espèces, etc. Si l'offrande était le don sous sa forme la plus simple, la libation et le sacrifice, quoique plus complexes, étaient de même des dons de l'homme à la divinité. A certains égards, la libation faisait partie du sacrifice ; elle était un sacrifice sans effusion de sang. Au sens le plus précis et le plus limité du mot, la libatio était le don fait à la divinité des liquides, tels que le vin, le lait, l'huile, que l'on versait sur l'autel, ou encore de l'encens et des parfums qu'on répandait dans les flammes sacrées 10. Le sacrifice (sacri/icium, Ouata) pouvait comporter ou non l'immolation d'un être vivant. Lorsqu'il n'était pas sanglant, il consistait essentiellement dans le don à la divinité de pains, de gâteaux, de fruits, quelquefois aussi de fromages". Le sacrifice sanglant comportait l'immolation d'une victime dont, suivant les cas, les dieux laissaient une partie à la disposition des hommes ou qu'ils réclamaient tout entière [SACRIFICIUM]. Malgré toutes les différences, parfois capitales, qui distinguent entre eux les trois actes de l'offrande, de la libation, du sacrifice, ces actes étaient inspirés, chez les Grecs et les Romains, d'une seule et même idée :
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rendre par des présents plus ou moins considérables ou précieux la divinité propice, obtenir d'elle, grave à ces présents, qu'elle satisfit les désirs des hommes.
Mais à ce rite essentiel certaines conditions étaient indispensables et des rites accessoires s'ajoutaient. La divinité n'accueillait avec faveur les présents des hommes, que s'ils lui étaient offerts par des êtres purs. En règle générale, il fallait se purifier avant d'entrer dans un sanctuaire, avant de procéder ou de prendre part à une offrande, à une libation, à un sacrifice. De là les purifications ou rites purificatoires (x, zpcts, lustratio), dont on trouvera l'énumération et l'étude complète dans l'article LUSTRATIO. Mais, lorsque la tache à effacer était grave, lorsque la souillure à faire disparaître était un crime commis soit envers les hommes soit envers les dieux, la purification prenait un caractère particulier, devenait une expiation ; les rites expiatoires (lustratio, piaeulum) étaient plus minutieux, plus compliqués, plus sévères que les simples purifications'.
D'autre part, quand les multiples conditions requises pour la validité d'un sacrifice se trouvaient remplies, les Grecs et les Romains croyaient augmenter encore l'efficacité de l'acte religieux qu'ils accomplissaient en l'entourant, pour ainsi dire, de cérémonies destinées à honorer la divinité : telle parait être du moins la signification à l'époque historique des processions solennelles, des hymnes, des jeux et concours de toute nature qui précédaient, accompagnaient ou suivaient beaucoup de sacrifices. [Pour les processions sacrées, on les trouvera citées et décrites aux noms des principales fêtes, tels
que BRAURONIA, I, p. 748-749 ; DELIA, II, p. 57 ; ELEUSINIA, lI, p. 567 sq.; PANATIIENAIA, IV, p. 306 sq.; PYTIIIA, IV, p. 792 sq. ; ARGEI, I, p. 405; AMRURRmM, I, p. 226; COMPITALIA, 1, p. 1429, etc. Pour les hymnes, voir IIYMNUS, III, p. 337 sq. Pour les jeux, voir les mots AGONALIA, I, p. 147 sq. ; CERTAMINA, I, p. 1081 sq.; Lum PURLICI, III, p. 1362 sq., ainsi que les noms des grandes fêtes helléniques, ISTIIMIA, NEMEA, OLYMPIA,
Tels étaient les rites propitiatoires le plus généralement observés, ceux dont le caractère peut être déterminé sans hésitation. Mais nous devons, en outre, citer divers rites, soit exceptionnels à l'époque historique, soit d'une nature spéciale, soit encore d'une origine et d'une signification qui ne sont pas sans laisser quelque place au doute. Si le plus souvent les victimes immolées en l'honneur des divinités étaient des animaux, il arrivait parfois cependant qu'on sacrifiai des êtres humains : le rite était célébré en Grèce dans les cultes de Dionysos Omestès, de Zeus Laphystios, de Zeus Lykaios, etc.; il avait parfois, mais non toujours, le caractère d'une cérémonie expiatoire 2. Dans la religion romaine, il parait avoir été plus exceptionnel; les Romains lui attribuaient, à tort ou à raison, une origine grecque [SACRIFICIUM]. C'était encore un genre particulier de sacrifice que le banquet sacré offert aux dieux, appelé par les Grecs OEo;ovts. L'origine des sacrifices humains et des lectisternes remonte sans doute à une époque très reculée, où les conceptions religieuses étaient différentes de celles qui avaient cours pendant la période classique : les uns et
les autres sont des survivances d'un rituel qu'inspiraient des idées tout à fait étrangères à un Athénien du siècle de Périclès, à un Romain contemporain d'Auguste, ou même de Caton l'Ancien. D'autres rites encore se présentent avec la même physionomie: tels ceux de
l'OCTORER EQUI'S. On saisit bien dans les uns et les autres
des traits qui permettent de les considérer, ceux-ci comme propitiatoires, ceux-là comme purificatoires ou expiatoires; mais dans l'ensemble, ils semblent appartenir à une strate religieuse différente de celle qui correspond vraiment aux temps historiques. C'est en les comparant avec certaines coutumes encore populaires parmi les paysans européens ou bien avec des usages encore aujourd'hui observés par des tribus sauvages, que plusieurs mythologues modernes, Mannhardt et Frazer surtout, ont essayé d'expliquer le sens de ces rites
B. Rites divinatoires. Les Grecs et les Romains ne cherchaient pas seulement à se concilier la faveur de la divinité, à obtenir d'elle la satisfaction de leurs désirs. Ils s'efforçaient aussi de connaître d'avance ses desseins ou, par son intermédiaire, l'avenir; ils s'adressaient à elle pour savoir ce qu'il convenait de faire en telle ou telle circonstance donnée. La divination, sous ses multiples formes, a tenu une place considérable dans les religions antiques. Les rites divinatoires n'étaient pas moins nombreux ni moins variés que les rites propitiatoires. 1f a été ou il sera question de ces rites dans des articles spéciaux auxquels nous renvoyons [AUGURES,
PRODIGIA, SIGNUM, TEMPLUM, etC.]. Sur l'ensemble de la
divination antique, son caractère, ses méthodes, son histoire, l'article DIVINATIO fournira tous les renseignements désirables.
C. Rites des mystères. Les cultes à mystères, culte de Déméter à Éleusis, culte des Cabires de Samothrace, culte de Dionysos en Béotie, etc.. comprenaient, outre les rites usuels, purificatoires, expiatoires, propitiatoires, des cérémonies particulières, qui ne se célébraient pas dans les autres cultes. Ce sont ces rites spéciaux, dont nous formons une catégorie à part, sous le nom de rites des mystères. L'acte essentiel, fondamental, duquel dérivent ces rites, c'est l'initiation, la révélation à un groupe limité de fidèles d'un secret caché jalousement aux profanes. La nature, l'aspect extérieur, le contenu, en un mot le fond et la forme du secret étaient variables : à Éleusis par exemple, on montrait aux initiés des objets, on leur faisait entendre des paroles ou des formules, on leur faisait, voir des actes représentés dramatiquement [ELEUSINIA]. Les rites des mystères sont naturellement ceux dont les détails sont le moins connus; les initiés n'ont point rompu le silence qui leur était imposé; quant aux railleries des sceptiques comme Lucien, et aux attaques passionnées des chrétiens, il est prudent de n'y accorder qu'une confiance très mesurée. Des quelques renseignements dignes de foi, qui sont épars dans les documents et les auteurs anciens, on peut conclure, croyons-nous, que le plus souvent la révélation des
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mystères avait pour objet: f0 la mise en action, sous la forme d'un drame sacré, du mythe ou d'un épisode du mythe de la divinité; 2° la destinée de l'aine humaine, surtout après la mort ; 3° comme conséquence de cette révélation, un enseignement, beaucoup moins eschatologique et moral que pratique, si l'on peut s'exprimer ainsi, sur les Enfers ; cet enseignement u avait pour objet de mettre l'homme en état de se tirer d'affaire lorsqu'il arriverait dans la demeure d'Hadès' ».
D'autre part, on a vu, è l'article RELICIO, que les anciens connurent le désir de s'approcher le plus près possible de la divinité, au point de s'assimiler avec elle. C'est de ce désir que procèdent certains rites de cultes à mystères, tels que l'omophagie [oMOpuACIA] du culte de Dionysos, l'absorption du cycéon dans le culte éleusinien [CVCAEON, ELEUSINIA, p. 569 sq. ], peut-être certains banquets sacrés, dans lesquels s'opérait, d'après plusieurs mythologues modernes, une véritable communion des fidèles avec la divinité 2; peut-être aussi les danses, transports et orgiasmes bachiques.
dans la vie antique une place considérable; ils étaient mêlés à tous les actes de l'homme, à toutes les circonstances habituelles ou inattendues de son existence.
Dans la vie individuelle et domestique, qu'il est assez malaisé de distinguer complètement l'une de l'autre, puisque l'homme vit plutôt en famille qu'isolé, les actes religieux étaient pour ainsi dire incessants. La naissance, le passage de l'enfance à liège adulte, le mariage, la mort étaient chez les anciens accompagnés de rites spéciaux [pour la Grèce, AMPRIDROMIA; EpuEBUS, p. 625;
polir Rome, outre les renseignements réunis dans l'ar
p. 1656 sq., ToGA].
La vie quotidienne en était de même toute remplie. Le matin, à chacun de ses repas, le soir, le Grec faisait une libation sur l'autel d'Hestia, la déesse du foyer; chaque jour, t' les vieux Romains et plus tard ceux qui étaient restés fidèles aux moeurs antiques, faisaient, avec leurs enfants et leurs esclaves, la prière du matin et offraient un sacrifice à table » 3. Avant de se mettre au travail, on invoquait le patron de sa corporation. A la campagne, tous les actes essentiels de la vie rurale, sous sa forme agricole et pastorale, étaient précédés de rites
les calendriers rustiques, les inscriptions, les auteurs tels que Caton, Ovide, Columelle nous font connaître les cérémonies multiples qu'il fallait célébrer dans les champs pour s'assurer une bonne récolte, pour attirer sur ses moissons, sur ses troupeaux, sur ses granges, sur ses étables, la protection et la faveur des divinités, pour en détourner les mauvaises influences et les catastrophes". C'est précisément la multiplicité de ces rites, de ces prières, de ces libations, de ces sacrifices, qui explique la présence dans chaque demeure grecque ou romaine d'autels, de niches occupées par des images divines, même de petites chapelles ou d'oratoires [ARA, DOMUS, LARARIUI]; qui explique aussi le nombre considérable de sanctuaires, le plus souvent très modestes, dont
la campagne était remplie, ou mieux encore le caractère sacré attribué à tant de hauteurs, à tant de grottes, à tant
SACRAE, TEMPLUM, etc.]. A Rome, chaque partie de la maison, chaque opération agricole était nommée dans les indigitamenta ou dans les formules sacerdotales [INDIGITAMENTA, p. 471-472]. Enfin, outre les actes courants, habituels, réguliers de la vie quotidienne, individuelle et domestique, certains événements exceptionnels, un départ, un retour, l'arrivée d'une bonne nouvelle, une convalescence, une récolte particulièrement bonne, etc., étaient l'occasion d'actes religieux, de rites.
Il est inutile, après la lumineuse démonstration de Fustel de Coulanges, d'insister sur le caractère religieux du lien par lequel les Grecs et les Romains se sentaient rattachés à leurs ancêtres'. Ce caractère nous fait mieux comprendre la place que tenaient dans la vie antique les rites du culte des ecol arxtiaéot et des esol µr1'rpwol ; la fréquence de ceux qu'on célébrait, soit en l'honneur de la déesse du foyer, soit sur les flammes mêmes du foyer, [FOCUS, VESTA]; les invocations incessantes au Zeus Herkeios, au Zeus htésios, aux Pénates, aux Lares; certaines cérémonies enfin, qui attestent l'existence d'un culte domestique des morts [LEMURES].
La famille n'était que le plus étroit des groupes sociaux ou politiques dont l'individu faisait partie dans l'antiquité. Les rites ne jouaient pas un rôle moins important dans le yivoç grec et la gens romaine [GENS], dans la phratrie grecque [APATURIA, PURATRIA] et la curie romaine [(TRIA, p. 1627], dans les diverses associations ou corporations de la Grèce et de Rome [COLLEGIUM,
aucun de ces groupements, quels qu'en fussent l'origine et le caractère, ne manquait d'être fondé sur la religion ou cimenté par elle, il en résultait que les actes religieux formaient une partie essentielle de leur vie collective.
Quant à la cité ou l'État, on peut dire que rien ne s'y faisait sans l'accomplissement de quelque rite. La vie de la cité était, à ce point de vue, calquée sur celle de l'individu ou de la famille : des actes religieux précédaient ou accompagnaient tous les actes publics. Il y avait un foyer de l'État, comme il y avait dans chaque maison un foyer domestique : ce foyer était en Attique le Prytanée [PRYTANEUM], à Rome le temple de Vesta [VESTA]. Les corps constitués, tels que la Boulê d'Athènes et le Sénat romain, les assemblées publiques ne se réunissaient jamais sans que la séance s'ouvrît par un acte religieux, prière, invocation, sacrifice, prise des auspices
PICIA, p. 583-584]. Le Sénat romain ne pouvait être convoqué que dans un endroit inauguré ou templum Pois pICIA, loc. cil ; SENATUS, TEMPLUM]. Aucun magistrat de Grèce ou de Rome n'entrait en fonctions sans offrir un sacrifice et sans prêter serment [.USJURANDUM, p. 757 (Grèce), p. 770 (Rome) ; MAGISTRATUS, p. 1534]. A Rome, tout magistrat devait d'abord procéder à la cérémonie particulière appelée la prise d'auspices [AUSPICIA, loc. cit.]. Une cérémonie religieuse était célébrée au début de toute entreprise importante, par exemple quand
l'armée partait pour une expédition : qui ne connaît les lignes fameuses où Thucydide mentionne les prières, les libations, les hymnes qui accompagnèrent le départ de la flotte athénienne pour la Sicile'? Tout consul romain, avant d'aller prendre le commandement des légions, faisait quelque voeu à la divinité [voTOM] ; ces voeux étaient spécialement appelés vota nuncupata. Nous pourrions multiplier sans fin les exemples : qu'il suffise d'avoir mis ici en lumière que la vie antique sous toutes ses formes, individuelle, domestique, sociale, politique, privée ou publique, était marquée à chaque instant par un rite, tantôt très simple, comme la prière, l'invocation, la libation, tantôt solennel, comme le serment des magistrats, la prise des auspices, les sacrifices offerts au nom de l'État pour remercier la divinité d'une victoire décisive ou d'une paix avantageuse. De même que les dieux eux-mêmes, les rites surgissaient partout, à tout instant, dans la vie des Grecs et des Romains.
pratique incessante de rites si nombreux était-elle soumise à des conditions impérieuses de temps et de lieu ? Etait-elle strictementréservée à certaines personnes, interdite à toutes les autres ? Cette question est fort complexe, en raison du nombre et de la variété des rites. Elle comporte non pas une seule, mais de multiples réponses.
Le temps. Il semble bien que la prière, le voeu, le serment, l'imprécation, et, d'une manière générale, les rites propitiatoires de caractère individuel et privé, tels que l'offrande simple et la libation, pouvaient être pratiqués, sauf cas exceptionnels, n'importe quel jour et à n'importe quelle heure de la journée. Rien dans les documents ne nous indique qu'une limitation ait été apportée en cette matière à la libre initiative des individus. Il n'en était pas de mème pour certains rites de la religion domestique, ni pour les rites de caractère public ou collectif. Chez les Romains, le sacrifice quotidien offert aux Lares n'avait lieu que pendant le repas ; les Lemuria devaient être célébrés après minuit [LEMORES]. Quant aux rites du culte public, ils se composaient, en Grèce et à Rome, à la fois de cérémonies dont les dates étaient fixées d'avance, de fêtes fixes, de cérémonies, dont les dates variaient chaque année, de fêtes mobiles, -même de cérémonies imprévues, déterminées par des circonstances fortuites, telles que l'apparition de prodiges, un danger pressant, le départ d'une flotte ou d'une armée, etc. [FERIAE]. A Rome, « l'indication des fêtes mobiles et extraordinaires, dit Marquardt, était l'affaire des consuls, et, en leur absence, celle dupraetor urbanus z n. C'était donc des magistrats civils, non les pontifes, qui fixaient d'avance les dates de ces fêtes. Au contraire, le calendrier, qui indiquait les fêtes fixes, était confectionné par les pontifes, qui avaient la charge de veiller à l'observation des jours de fète. N'y a-t-il pas, dans cette différence même, la preuve que certaines cérémonies religieuses étaient plus particulièrement soumises à de rigoureuses conditions de temps? 11 y avait, à ce point de vue, une grande variété parmi les rites et les fêtes. Si le paysan attique était libre d'adresser une prière ou d'offrir quelques fruits à une divinité champêtre quand il le voulait, le myste d'Éleusis ne
pouvait assister aux mystères de Déméter et de Coré qu'aux dates fixées par le rituel.
Le lieu. En apparence, la condition de lieu semble plus rigoureuse : la plus grande partie des rites se pratiquent sur le foyer, dans les sacella, lararia, et sur les autels domestiques, quand il s'agit de cultes privés ou familiaux ; dans les sanctuaires si nombreux et si divers que la Grèce et Rome ont connus, depuis les bois sacrés et les sources jusqu'aux édifices magnifiques comme le Parthénon ou le temple de Jupiter Capitolin, s'il s'agit de cultes publics. A première vue, on ne conçoit guère un sacrifice ou une libation en l'absence d'un autel. D'autre part, puisque les rites sont les procédés employés par l'homme pour atteindre la divinité, ils doivent logiquement être pratiqués de préférence là où la divinité séjourne, dans les lieux qui lui ont été consacrés, devant les images où l'on croit qu'elle aime à résider. Et pourtant, il serait inexact d'affirmer que les anciens n'ont prié, invoqué les dieux, offert des libations, même de véritables sacrifices, que dans des sanctuaires ou sur des autels. Des chevaux et des taureaux, pour être sacrifiés à Poseidon, étaient précipités dans les flots' ; c'est au même dieu qu'Alexandre fait une libation en plein Hellespont. De même, maintes offrandes, dédiées aux divinités fluviales, étaient simplement jetées dans les rivières `. Des rites, comme l'aiora, se célébraient dans les vergers, sous les arbres [AIORA]. Même chez les Romains, où la notion du teinplum parait avoir été d'une si rigoureuse précision, le rite de la devotio pouvait se pratiquer sans condition de lieu, sur un champ de bataille par exemple et en pleine mêlée; divers rites agraires, recommandés par Caton, se célébraient in Silva 5, ou dans le champ même qu'il fallait lustrage '. S'il est historiquement vrai de dire que la plupart des actes religieux se consommaient dans des lieux consacrés, il ne faut pas en conclure qu'il y eût là une obligation rituelle absolue : nombreux sont les cas contraires qu'on pourrait énumérer. Il n'y a là d'ailleurs rien qui doive surprendre; les sanctuaires étaient sur la terre les demeures préférées, mais non exclusives, de la divinité. Zeus était partout dans le ciel diurne, et son éclair jaillissait de toutes les parties de l'atmosphère; Poseidon était partout dans la mer calme ou irritée; Cérès résidait dans tous les sillons, Silvain dans tous les bois et dans tous les jardins.
Les personnes. En règle générale, les anciens n'ont point pensé que les rites dussent être célébrés par des personnages revêtus d'un caractère particulier permanent, et spécialement préparés, par une initiation plus ou moins longue, aux fonctions rituelles et religieuses. On a souvent remarqué qu'il n'y avait pas eu en Grèce ni à Rome de classe sacerdotale [SACERDOS]. Les rites du culte domestique étaient pratiqués par le pater familias; dans certains cas, à son défaut, par un esclave de la famille 7. Le culte public était célébré par des magistrats, et les prêtres proprement dits n'y intervenaient, suivant l'expression de Marquardt, qu'à titre d'experts : « il le fallait, car les sacrifices les plus usuels étaient accomplis eux-mêmes suivant des règles minutieuses qu'il n'était pas possible d'observer sans une connaissance très pré
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cise des rites et sans une expérience consommée' ». Mais ce qu'il faut noter, c'est que dans la cérémonie religieuse, dans le rite célébré au nom de la cité, pro populo, le véritable représentant de la cité, l'intermédiaire entre les hommes et la divinité, c'est le magistrat, t'archonte à Athènes, le consul à Rome, mais non l'ic oiç ou le sacerdos. Les seuls cultes, où les prêtres aient tenu peut-être une place analogue à celle qu'occupent les prêtres dans nos sociétés modernes, sont les cultes à mystères : chargés des révélations sacrées, ils enseignaient, sinon un dogme, du moins des formules destinées à rassurer l'homme sur la destinée de son âme après la mort. Encore convient-il de ne pas trop appuyer sur l'analogie que nous signalons; car, les Grands Mystères d'Éleusis terminés, jusqu'à leur prochaine célébration, les membres du sacerdoce éleusinien vivaient de la même vie que leurs compatriotes.
Sans être des prêtres proprement dits, les devins, augures, aruspices, pratiquaient les rites divinatoires. Là encore, pour reprendre l'ingénieuse expression de Marquardt, nous nous trouvons en présence d'experts, plutôt que d'hommes exclusivement chargés de ces rites, exclusivement compétents pour les pratiquer. A Delphes, c'était bien la Pythie qui rendait l'oracle; mais c'étaient les prêtres du temple qui l'interprétaient. Il en était de même à Dodone, à Épidaure, etc. [DIVINATIO, ORACULUM]. A Rome même, où les augures jouaient un rôle si considérable dans le culte public, les magistrats étaient officiellement investis du droit de prendre les auspices, de la spectio ; ce qui incombait spécialement à l'augure, était la nuntiatio [AUGURES].
En résumé, les conditions de temps, de lieu, de personne, paraissent n'avoir été rituellement impératives ni en Grèce, ni à nome: en fait, elles étaient observées beaucoup moins dans le culte privé que dans le culte public, et l'on se ferait une idée incomplète de la dévotion grecque et romaine, si l'on s'en tenait aux rites qui étaient pratiqués à dates fixes, dans des lieux consacrés ou des sanctuaires bâtis, par des personnages portant le titre de prêtres ou un titre analogue. Il n'y avait point de jour sans rites; tout lieu pouvait être le théâtre d'un acte religieux ; tout homme, à condition qu'il fût pur, pouvait pratiquer les rites de sa religion.
est évident que, par essence et par définition, tout rituel se compose de règles qu'il faut observer. Toutefois les sentiments, avec lesquels on se conforme au rituel, peuvent varier ; le respect, qu'on professe pour les rites, peut être très strict, très étroit, hostile à toute modification même extérieure de la règle; au contraire, ce respect peut s'allier avec l'expression spontanée d'une pensée intérieure. Il y avait, à ce point de vue, une différence sensible entre la Grèce et Rome. Il ne semble pas, par exemple, que les Grecs aient eu, pour la lettre même de leurs prières, de leurs formules rituelles, de leurs hymnes, le respect absolu que les Romains gardèrent
pour les leurs, au point d'en arriver à ne plus comprendre eux-mêmes leurs antiques carmina [CARMEN, p. 922]. « Il est à noter, écrit justement Chantepie de la Saussaye que pour les Grecs la prière n'a pas été uniquement une chose rituelle, mais qu'ils l'ont enrichie d'idées et de sentiments religieux. Peu de peuples nous ont laissé, dans la prière, autant de manifestations de piété intérieure que les Grecs. Les Spartiates priaient les dieux de leur faire don de ce qui était bon et beau ; Pythagore et Socrate enseignaient qu'il fallait leur demander le bien ; Platon décrit la piété se manifestant dans la prière. » A Rome, au contraire, la prière ne perdit jamais complètement son caractère d'incantation magique [CARMEN, p. 922]. Valère Maxime cite, comme un fait exceptionnel et unique, la modification que Scipion Émilien fit apporter au carmen precationis public 3; d'après Aulu-Gelle, les prières, qu'il fallait adresser aux dieux immortels, formaient un recueil qui se trouvait dans les libri sacerdotum populi romani'. En ce qui concerne les libations, les sacrifices, les purifications et expiations, les consultations d'oracles et procédés divinatoires divers, les processions et les jeux, rien n'indique que la Grèce ait cru autant que les Romains à la nécessité d'une impeccable observance : en tout cas, on ne connaît point chez les Grecs de notion ni de rite qui soient comparables à la notion et au rite du piaculum romain [PIACULUM], quand ce terme est employé pour désigner quelque dérogation, souvent imperceptible, aux règles du rituel. Les rites purificatoires ou expiatoires du culte grec étaient destinés à effacer des souillures matérielles ou morales, mais non, semble-t-il, des maladresses ou des oublis rituels. D'ailleurs, Plutarque, qui connaissait fort bien la religion grecque, cite, comme un des caractères particuliers de la religion romaine, le soin et la ténacité avec lesquels les Romains recommençaient jusqu'à trente fois les cérémonies dans lesquelles ils croyaient avoir remarqué quelque défaut ou quelque obstacle'. Il ressort, avec évidence, du passage de Plutarque, que la même rigueur n'existait pas en Grèce. Si donc les rites n'étaient pas moins nombreux dans la religion grecque que dans les cultes romains, s'ils y tenaient une place aussi grande, du moins, d'après tout ce que nous savons, ils pesaient d'un poids moins lourd sur la pensée et sur l'âme, ils ne comprimaient pas ou ils comprimaient beaucoup moins les élans du sentiment religieux. J. ToUTAly.