Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ROTA

ROTA ITpo7ds), roue. -I. Roue de char ou de voiture. [Voir cuRRUS, p. 1635, pour tout ce qui concerne la roue des chars de guerre' ; PLAUSTRUM, pour la roue pleine et pour la roue munie de croisillons se coupant à angles droits2.] Des roues antiques à rayons sont actuellement conservées dans plusieurs collections de l'Europe 9 ; elles sont toutes en bronze et d'une construction identique, quoiqu'elles proviennent de régions très éloignées les unes des autres. Celle que représente la figure 5959 a été trouvée à Nîmes4. Elle a été fondue d'une seule pièce (diamètre 49 centimètres). Sur tout son pourtour est creusée une gorge profonde, dans laquelle venait, sans aucun doute, s'emboîter une jante en bois cerclée de fer. Des trous pratiqués sur les faces latérales de la gorge donnaient passage aux clous qui servaient à fixer la jante aujourd'hui disparue. Cette disposition était certainement très répandue et très ancienne ; car on peut l'observer sur les monuments figurés non seulement de la Grèce, mais de l'Orient, où sont représentés des chars ; les têtes des clous, plus ou moins décoratives, y sont souvent très apparentes'. On remarquera dans la roue de Nîmes la longueur du moyeu (34 centimètres) par rapport à la hauteur totale; les rayons sont creux. Des cercles en fer et des débris de jantes similaires ont été recueillis sur les bords du Rhin aussi bien qu'en Étrurie Ils nous offrent un point de comparaison intéressant avec les roues qui ont été retrouvées dans le sol de la Gaule'. II. Instrument de supplice. Le patient était étendu à plat sur une roue, les quatre membres attachés aux rayons par des cor des 8. Il est probable que le supplice consistait surtout à les de telle sorte que les membres fussent tirés en sens contraire, et même déboîtés ; il devait y avoir des degrés dans la tension ; de là vient que la roue était employée principalement pour mettre à la question. Cependant, comme c'était un instrument simple et commode, qui livrait le patient au bourreau dans une immobilité absolue, on aggravait souvent le supplice en y ajoutant beaucoup d'autres châtiments corporels, tels que le fouet [FLA tonnade, le feu (ignis), c'est-àdire les torches promenées sur la surface de la et le coup de grâce, l'égorgement final par l'épée 1e. Les Grecs pratiquèrent de bonne heure cette manière de rouer C'est, sans aucun doute, le supplice de la roue qui a inspiré l'idée du châtiment infligé à Ixion dans les Enfers; les figures 5960 et 5961, qui reproduisent des peintures de vases, représentent Ixion dans l'attitude du patient attaché à la roue : dans l'une par des poignées et des écrous 12; dans l'autre, au moyen de cordes ". Ixion , disent tes poètes, était entraîné par le tourbillon des vents dans un mouvement éternel de rotation". Dans la réalité, on devait, en effet, imprimer à la roue un mouvement circulaire autour de l'axe, de manière à augmenter par la congestion la douleur des extrémités tendues'. D'autre part, ce supplice différait de celui que l'on pratiquait encore en France, sous le même nom, jusqu'au milieu du xvnlr siècle; d'après nos anciennes lois, le condamné que l'on rouait devait avoir les os rompus à coups de barres de fer : raffinement de torture qui rendait la mort plus atroce. Chez les Grecs, au contraire, la roue n'entraînait pas nécessairement la mort. Le but semble avoir été surtout d'étirer les muscles jusqu'à provoquer une souffrance intolérable sans mettre en danger la vie du patiente. Aussi est-il très rare de voir appliquer à la roue un condamné qui doit expier son crime par la mort'. C'est, en général, un moyen d'arracher des aveux à un prévenu ou à un témoin4, et, pour cette raison, c'est par excellence un supplice fait pour les esclaves. II est peu probable que les Grecs l'aient jamais infligé à un citoyen, pas plus qu'aucun autre genre de torture [TORMENTA] ; du moins, la tradition ne nous en a conservé aucun exemple 6. Les Romains n'ont connu le supplice de la roue que par les Grecs; ils l'appelaient « un supplice grec » et s'ils l'ont pratiqué eux-mêmes, ils ne l'ont pratiqué que très tard, à la fin de l'Empire 6. On raconte que l'empereur Étagabale faisait attacher ses parasites sur une roue hydraulique, rota aquaria [MACHINA], qui tournait dans l'eau ; il les appelait par dérision « ses amis Ixioniques » 7. Ce récit même prouve que c'était là une fantaisie inspirée par la légende grecque. En réalité, les upplice de la roue chez les Romains n'apparaît pour la première fois que dans le récit des souffrances endurées par les confesseurs de la foi chrétienne'. III. Roue hydraulique (rota aquaria) [MACHINA, p. 14467'; METALLA, p. 1859, 1860]. IV. Roue de potier (rota fzgzllaris)10 [FIGLINUM opus, p. 1121, 1122, fig. 3033, 3034]. La figure de la roue a eu dans l'art des peuples anciens un sens symbolique; attribuée, par exemple, à la Fortune, à l'Occasion ou à Némésis [FORTUNA, KAIROS, NEMESIS], elle exprime la rapidité avec laquelle se succèdent les vicissitudes de la destinée humaine. Sans parler ici du dieu gallo-romain, qui a pour attribut une roue", on pourrait mentionner toute une catégorie de monuments, trouvés en Grèce et en Italie, sur lesquels est figurée la roue symbolique; mais les explications qu'on en a données sont jusqu'ici assez confuses et n'emportent pas la conviction 12. Pour la roue servant aux enchantements, voir nuoMBUs