Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

RUMEX

RUMEX. 1 Lucil. ap. Fest. s. e. rosses; A. Gel'. X, 25. III, 1 ; cf. Ling. lat. V, 40 (sans tenir compte de la fausse étymologie) : Quod in Isid. Orig. XV, 13, 7 ; cf. Aristot. Polit. 1, :3. L'adverbe rustice a mieux conservé, comme synonyme de inurbane, son sens étymologique. 2 Lucret, V. 1247 ; Virg. Aen. IV, 527; Georg. II, 412 et Serv. Ad h. l.; Isid. Orig. XV, t3, 7. 3 Aristot. Progr. officiel du 27 juillet 1882. 6 Diod. Sic. 1, 14; Leon. Pell. fragm. 3-4 (Fra,gnl. hist. graec. M. Didot, Il, p. 331). -1 Diod. Sic. 1, 14; Plutarch. De kid. et Osir. 1:3 ; Avien. Descr. orbis, 354 ; Serv. Ad Georg. 1, 19. -8 AIp. de Candolle, se basant sur un passage de Bérose et sur une phrase d'Olivier (Voy. dans l'emp. Otho,an, etc., 1807, Ill. p. 460) a prétendu que le blé était originaire de la Mésopotamie (Geogr. bolan. rais. 1855, et Origine des plantes cultiu. 1883, p. 284) et son opinion a été reproduite par des savants archéologues (G. Maspéro, Hist. p. 3). Le témoignage de Bérose a autant de valeur, que les passages d'Honmère (blé sauvage en Italie) ou de Diodore (blé sauvage en Egyple, en Arabie, etc.). Quant à la phrase d'Olivier, tout botaniste peut faire la môme constatation, même à Paris. et Olivier l'avait déjà faite. Alph. de Candolle, après avoir admis l'autorité de la phrase d'Olivier à la page 284 (Orig. des pl. Mt.), la rejette complètement aux pages 292 et 295. En somme, l'origine du blé est inconnue. 9 Dureau de la Malle place à tort celte ville en Palestine. to Diod. Sic. I, 15; Hymn. Home,'. des botanistes modernes 8 ; ce serait d'Asie que les Égyptiens auraient reçu leurs premières notions agronomiques ; Osiris aurait appris la culture des céréales à « Nysa, ville de l'Arabie Heureuse 3, où cet art était en honneur10 ». Ce serait encore à Nysa qu'Osiris aurait trouvé la vigne et bu le premier vin 11. Il est intéressant de remarquer que les Chaldéens faisaient venir leur premier agronome, le dieu Oannès 12, du golfe Persique dont les flots baignent l'Arabie Heureuse 13 et que c'est aussi de cette région que vinrent les Phéniciens pour s'établir dans les vallées du Liban et sur la côte de Syrie ". Quoi qu'il en soit, l'agriculture était déjà florissante en Chaldée, comme en Égypte, longtemps avant le second millénaire 16, époque où les Grecs ne font remonter aucun de leurs vieux mythes"; ce ne serait même que vers le xve siècle que les premiers éléments de la culture des céréales et des arbres fruitiers aurait commencé en Attique, d'où elle se répandit dans le reste de la Grèce 17. Étudiant à nouveau les mystères d'Éleusis, M. P. Fou(mrt conclut que « l'agriculture ne s'est pas développée peu à peu chez les Grecs, et par leurs efforts successifs, mais qu'elle fut introduite d'un seul coup par des étrangers'8 » ; que c'est sous le règne de Pandion, voire même d'Amphictyon, qu'elle fut introduite par des colons ou des fugitifs venus d'Égypte qui apportèrent les cultes d'Isis et d'Osiris en Argolide et en Attique 13 ; que pour conserver le souvenir des bienfaits que leur avaient procurés ces étrangers, les Grecs racontèrent que OsirisDionysos donna un plan de vigne à son hôte Icarios 20 en même temps que Isis-Déméter faisait connaître les céréales à Kéléos d'Éleusis 2t, enseignait l'art de tabouret' à Buzygès 22, celui d'ensemencer à Triptolème 23, et donnait le figuier à Phytalos24. Plusieurs fois, M. P. Foucart est revenu sur la distinction que l'on doit faire entre le Dionysos attique et le Dionysos thébain26; pour grande que soit cette différence au point de vue religieux, elle n'est pas de moindre importance pour l'histoire agricole, car elle nous montre une autre source où les Grecs puisèrent leurs principes agronomiques 25. Les procédés agricoles desÉgyptiens sont trop spéciaux2 p. 21. t3 Beros. ap. Syncetl. p. 28 B, et ap. Euseb. Chrohic. Bipart. (éd. Au ta Herod. I, 1; VII, 89; Justin. XVIII, 33; cf. F. Lenormant, Manuel d'hist. anc. 1869, III, p. 3; G. Maspéro, O. 1. Il, p. 64. 16 Pour la Chaldée, cf. les contrats de 'telle et la table de la loi d'Hammourabi, qui sont au Louvre ; Sclreil, les champs, 30, 31, 30, 37, 38, 39, 40 et 41 pour les jardins, 57 et 58 pour les pâturages, 42-47 pour les fermages, 39, 60 pour la destruction des arbres, 48-S2 pour les emprunts agricoles, 53-56 pour les irrigations. Les monummds funéraires de la v° dynastie égyptienne, comme le mastaba d'Akhou tolep qui est au Louvre, nous fournissent de nombreux renseignements. Cf. G. Maspéro, O. c. I, p. 27 si). 16 J. Brandis, De tenu). graec. antiquiss. ratioue, Bonn. 1857; Euseb. (éd. de Venise, 1818) ; Il, Temp. canopes, p. 63 sq. 17 lsocrat. Paney. XXX I, p. 28 lettre du proc. L. Mestrius Horus (Bull. cor. herl. 1, p. 289) ne donne aucun renseignement sur cette question. 18 P. Foucart, L. c. 19 Apolloder. (Alénh. de l'Ac. des iriser. XXVII, II), 1906, p. 39, 43, 159 sq.; Ilerodot. Il, 171 ; Plin. II. net. VII, 57. 26 Apollod. III, 14, 7, cité par M. Foucart, cf. Diod. Sic. I, 18, qui fait de Triptolème un disciple d'Osiris. 24 I'ausan. I, 37, 2; cf. A,sthot. gr. Append. ep. 169; Philostr. Vit. soph. H. 20: Foucarl., Les de Dionys. p. 3, 19, 55 sq.; cf. Martin Nilasoa, Studio de Dionysies ntlic. Lmsdae, 1.900, p. 85-88. -26 Herodot. ll, 49; Eurip. Bacch. 181. 27 Herodol_ Berlin, 1007. RUS 900 RUS pour qu'on puisse les introduire dans d'autres régions; leur agriculture, adaptée au climat particulier de la vallée du Nil', est uniquement basée sur la crue périodique du fleuve et ses inondations annuelles 2. Il fallait donc aux Grecs d'autres éducateurs et ils les trouvèrent parmi ces Phéniciens qui s'emparèrent, avec Cadmus, de la Béotie 3 vers le temps où Danaus abordait en Grèce'. Peu de pays étaient, alors, mieux cultivés que la terre de Chanaan' ; et les grandes colonies phéniciennes, Chypre 6, Sicile', Byzacènee et Bétique 9, restèrent longtemps des greniers d'abondance, bien que le sol n'y eût rien de cette fertilité naturelle de la Mésopotamie" ou de l'Égypte". C'est que les Phéniciens ont toujours été considérés comme d'habiles ingénieurs" et de savants agronomes", et personne ne sut, comme eux, aménager les eaux" ou les pentes des collines. L'âge d'or de l'agriculture grecque coïncide avec la période homérique", époque où Phéniciens et Hellènes avaient les plus fréquents rapports". Hésiode, bien que considéré par Aristophane" comme le premier agronome, marque déjà la décadence78; il ne craint point de donner des conseils de physiologie intime", mais, comme le remarque Cicéron20, il ne dit rien de la fumure des terres et l'on continuera, en Grèce, jusqu'à nos jours, à dédaigner les engrais ". Cela tient à ce que l'Égypte a toujours exercé le plus grand attrait sur tous les Grecs et que la plupart des savants, comme Thalès, Solon, Hérodote, allèrent y chercher les premiers rudiments scientifiques. Ces notions premières, surtout celles qui concernent l'agriculture, sont erronées, bien que déduites de faits réels. Les inondations du Nil font la fertilité de l'Égypte ; il y a mauvaise récolte toutes les fois que l'eau n'est pas assez abondante et que la crue n'est pas normale 22; de là, cette conclusion, qui se trouve chez Hérodote, que l'eau seule donne la fertilité ; que c'est l'humidité, la pluie qui fait l'abondance ". Théophraste le redira24 après Aristote25, après Hippocrate 26, et ce sera l'un des dogmes d'Épicure 27. Cependant, quand ce philosophe constatera que, malgré des pluies régulières, le sol n'est plus aussi fertile, il formulera sa théorie de la dégénérescence de la terre2B, que les agronomes latins refuseront d'accepter ". Incapables de comprendre les causes de l'épuisement de leurs champs, et en dépit des exemples de la Perse30, les Grecs se borneront à planter des vignes et des oliviers, négligeant, même dans leurs meilleures colonies 31, la culture des céréales pour se faire importateurs du blé ?2, se livrer au commerce, à la navigation 33 et dire avec l'Athénien : « Je n'obtiens rien en travaillant la. terre, mais j'ai tout par la mer 36 » Faisant œuvre d'érudition, Varron, cite dans la préface du De re rustica plus de cinquante agronomes qui auraient écrit, en grec, sur l'agriculture 39. Nous ne pouvons juger ces ouvrages, mais nous avons le témoignage de Xénophon qui prétend que les agronomes de son temps « dissertent merveilleusement en paroles, mais qu'ils n'entendent rien à la pratique36 ». Columelle parle avec respect des anciens ouvrages grecs, mais il ne leur accorde qu'une confiance relative, car « les principes de l'agriculture de nos jours s'écartent des règles suivies dans les temps passés17. » Pline ne dit pas autrement et ses meilleures références sont « Denys, traducteur de Magon, Diophane abréviateur de Denys 38 ». C'est que les Romains se reconnaissaient meilleurs cultivateurs que les Grecs" et s'ils voulaient perfectionner leurs méthodes, ce n'est pas à la Grèce qu'ils demandaient des leçons, mais à Carthage". Quoiqu'il en dise, Virgile, pour ses Géorgiques, doit moins au chantre d'Ascra" qu'à l'Africain Magon". Lorsque l'empereur Constantin Porphyrogénète, « voyant que toute politique se divise en trois parties, le militaire, la religion et l'agriculture" », donna l'ordre de compiler, en grec, les meilleurs préceptes agronomiques, le savant chargé de cet office" ne fit aucune coupure dans les anciens agronomes grecs et se contenta de compulser des Latins, des Africains ou des Syriens". Les Géoponiques ne nous fournissent aucun document sur l'agriculture au siècle de Périclès, mais elles forment un véritable trésor pour les cultivateurs de l'ancien pays de Chanaan, comme le montre la traduction syriaque que l'on en fit dès leur publication L'esprit dorien fut toujours contraire à l'agriculture, et le Crétois n'était pas seul à chanter : « Ma richesse est ma lance, mon glaive et mon beau bouclier ; c'est avec cela que je laboure, que je moissonne, que je fabrique le vin de ma vigne47. » Quant aux Ioniens, des esprits satiriques pouvaient dire qu'ils s'adonnaient de préférence à la riwn, âgar«7x laissant aux naïfs et aux simples la culture des champs ". Doriens et Ioniens s'accordent à regarder comme barbares les trois seuls peuples agricoles de la Grèce, les Éléens, les Thessaliens et les Béotiens 40; RUS 904 RUS même en Béotie, on déclarera que tous les travaux manuels, ceux de l'agriculture compris, sont une honte'. Ce discrédit dans lequel tomba rapidement l'agriculture grecque tient à la nature du sol et surtout aux mauvaises méthodes qui ne permirent jamais aux paysans de lutter contre les importateurs et, partant, de faire front aux usuriers, de s'enrichir et de gagner, par là, l'honneur et la considération que les négociants surent obtenir. Nature et connaissance du sol (wéats y-qç, ôoxtp.x, y ~ç). « C'est lutter contre Dieu, dit Xénophon' que de vouloir cultiver à sa guise, ou selon ses besoins, et non d'après la nature du sol. » Aristote recommande égaiement de rechercher, avant tout, si un terrain est propre à l'élevage, convient aux céréales ou s'il est préférable d'y faire des plantations 3. Mais comment faire cette recherche qu'on nommait -r•1,v tpuaty roc 711, ïô:vxt 4 Xénophon conseille d'imiter les marins qui jugent de la qualité de la terre par ses productions' ; il suffit que Pline ait réfuté ce procédé', admis par Virgile'. Aristote reconnait que la connaissance du sol fait partie de la pratique agricole8; c'est s'en rapporter à l'empirisme que pratiquèrent les Romains et qui valait mieux que les théories des premiers physiciens grecs. Ceux-ci, procédant par synthèse, au lieu d'employer l'analyse qui devint la « méthode habituelle » d'Aristote 0, déclaraient que les choses ont pour principe l'un des quatre éléments. Anaximène choisit l'air10. Son meilleur disciple fut, un siècle plus tard, Hippocrate qui considéra l'air comme source du chaud, du froid, du sec et de l'humide. comme cause des saisons, et celles-ci comme déterminant, par leurs modifications, la nature du sol et sa conformation extérieure1'. D'où sa division des terres en froides7', chaudes1', humides'", et sèches''. C'est réduire toutes les sciences, même la géographie physique et l'agriculture, à la météorologie ; théorie funeste qu'Alexandre de Humboldt essaya de remettre en honneur, mais qui fut combattue par Alph. de Candolle16. A la classification de l'école d'Anaximène, nous devons préférer les épithètes que les poètes donnèrent aux terres fertiles et qu'ils tiraient de leur aspect physique. De toutes les couleurs, le noir est la plus estimée et Déméter 17, comme Gê 13, reçoit le qualificatif dé mélaina'9. C'est également le nom d'un dème de l'Attique 20 dont Stace signale la végétation verdoyante". La terre noire est vantée par Homère", par Hérodote", par les Alexandrins24 et par ceux, d'entre les Latins, qui les ont imités 25. Est-ce parce que le limon du Nil est noi 1, 4, 1. 4 Xen. Oec. XVI, I, Breitonbach, en noie n ce passage, dit : Leophanem de terrae generibus plantis commodae indicantem memorat Theopbrast. De caus. pl. 11, 6 ; Menestorem 1, 26; Schneider, V, Praef. p. 5 sq. „ Ce Léophanès, cité également par Aristote (Gon. an. IV, 1, 2) et par Photius (Cod. 167), parait avoir été physicien plutôt qu'agronome. Nous parlerons plus loin du passage de Théophraste. s Oec. XVI, 5. 6 Plin. H. nat. XVII, 3, 2. 7 Georp. II, 251. 8 Aristot. Polit. 1, 4, 9 Miy.?, xwv lotis.; cf. éd. de Coray, Paris, 1800, 1, p. 71, Lxxvue sq. 12 Edit. c. s. rtaxas 16 Géograph. botaniq. raisonnée, 1855; cf. la note d'AIL Maury dans l'Athenaeum franç. du 19 déc. 1855, p. 1140 sq. De nos jours, M. Olek n repris la théorie de Al. de Humboldt (Pauly-Wissowa, Deal. Encycl. 1891, s. v. Ackerbau, col. 2614 sq.) 17 Paus. VIII, 5, 5 ; 42, 2-6. 18 Solon (éd. Th. ratre 38 ou parce que la contrée grecque la plus fertile fut l'Éolide, dont le sol, dans les cantons voisins de la Troade. se compose d'une argile noire comme l'indiquent les terres cuites de cette région? Nous savons à quoi est due la fertilité de l'Égypte : celle du Nord de l'Éolide provient, non de la couleur du sol, mais de la grande quantité de potasse que drainent les eaux pluviales dans les montagnes granitiques des environs 27. Mais les Grecs ignoraient ce détail, et Léophanès prétendait que toute terre noire est bonne parce qu'elle a la faculté d'absorber le chaud et l'humide '3 : assertion et explication que les Romains 29 et même Pline 30 ne voulurent point admettre, bien qu'ils connussent la pulla campanienne. Une autre épithète très fréquente et associée parfois à jrtÀxyystoç 3f, c'est 7t(etû9t, que les Latins rendaient par pinguis. L'Odyssée vante la terre de Crète comme xaa-il xal r.3tp«32, Pindare célèbre la grasse Sicile, E1XE%(ay 7t(Etpxy 33. Platon se sert du même adjectif pour qualifier une région de l'âge d'or°°, et Théophraste l'accouple à iya6 '5. Cette épithète convient parfaitement aux terres argile-calcaires que l'on trouve dans la grasse plaine de Marathon,'f,taacz Mxoaldy 36, en Béotie et dans presque toute la Thessalie, seuls endroits de la Grèce continentale où l'on signale le granit dans les montagnes environnantes ; mais les Grecs, pour indiquer la fertilité, avaient soin, à l'exemple de l'Iliade31, de joindre à -x(Etpa le correctif N.«),axri, molle ou plutôt meuble. pour mieux distinguer ces terres de l'argile pure, âpyïooç, dont la stérilité est proverbiale et qui n'est bonne qu'à faire des briques ou des terres cuites. Rien ne pousse dans l'argile pure : ~ as r(Eapa 7[4.772v oûôo' ( ufxLéptt ~puaô~, dit fort bien Ménestor cité par Théophraste l"; à peine si dans la glaise, contenant déjà un peu de sable et de chaux, on arrive à faire vivre des arbres; l'argile ne sert qu'à conserver l'humidité du sol, bien que Théophraste dise que son grand inconvénient est de se dessécher 39. Cependant, les Grecs réservaient àla culture des céréales leurs terres argileuses, employant, pour mieux les reconnaître, ce procédé du trou que les Géoponiques attribuent à Diophane4p et que Virgile a si longuement décrit4l : ce dont Pline le blâma indirectement"Exploitation du sol . Propriétaires , fermiers et ouvriers. On a fort peu de renseignements sur le système de la propriété à l'époque homérique, c'est-à-dire antérieure à l'invasion dorienne, et on ne sait si l'indivision des biens était généralisée à la tribu entière ", comme nous le voyons encore dans quelques pays arabes, ou bornée à la famille ainsi que dans notre régime de la IV, 356. 23 12; IV, t98. -Stoph. 1310. s. r. AVV.oso, Eusteh. Ad. Dionys. Per. 239 ; Paraphr. Dionys. Per. V, 174, p. 6 ; cf. Phrynich. Sophist. (éd. Lobeck), p. 29B; Pilipp. (Àoth. Pal. VI, 231, 11; Oppiae. C,yne,q. III, 511. 25 Vieg. Georg. H, 903. 26 Hertel. Il, 12; cf. G. Maspéro, Etud. de myth. et d'arch. épypt. Il, p. 360.27 C'est de ce granit que sont faits les has-reliefs d'Assos conservés au musée du Louvre ; cf. de Chirac, :fluée de sculpt. I I, 2, part. p. 1140 sq. 28 Ap. Theophr. De taus. plant. (éd. Didot), II, 4, p. 198. Sur ce physicien grec, ef. Schneider, Theoph. Er. Op. vo'. IV, p. 126 et 127; Phot. Cod. 167; Arisl.ot. Gen. nous. IV, 1. Œuvres d'll ippocr. éd. Littré, 1, p. 879 sq. 29 Colum. De r. rust. tisque in lotis infeucndoe, est.31 Geopon. ❑, 5, 7. 32 XIX, 173 ; cf. pour la même épithète : /nard. XVUUI, 341 ; XIX, 186, où elle qualifie des aliments. 33 Nem. 1, 21.-34 Critias (éd. Didot), p. 253. Hg. 37 et 10. 3:; H. pl. VU!, 6. 36 Pindar. O!gmp. XII!. 137. 33 XVIII, 511. 38 De taus. pl. II, 4. 39 Ibid. 40 Il, 2, ti. 41 Geor3. Il, 226-437. 42 H. nad. XVII, 3, 3. 43 Cf. Esmein, Nou, renne hist. du droit, 1890, p. 031 sq., thèse combattue par G uiraud, La proie. fmu. en Grèce, 1892, p. 39. On se peut dire trop réservé sur l'application aux institutions grecques d'arguments tirés de l'orfèvrerie homérique. RUS 902 RUS communauté où la femme et les mineurs ne peuvent disposer de leurs biens'. Après avoir affranchi l'Attique de la domination étrangère, Thésée aurait partagé la nation en trois castes 2: les démiurges, artisans et gens de métiers; les géomores ou cultivateurs [GEOMOxoI] et les Eupatrides rEUPATRIDES, Dans les pays où s'établissait une tribu grecque, les terres de culture étaient divisées en lots et tirées au sort pour éviter les contestations et pour que le partage fût sans appel', mais avant ce partage, on avait prélevé la part du dieu' et celle du chef, de l'âva,: celle-ci était généralement située près de la ville car dans les pays grecs, formés de longues mais étroites vallées, les terres cultivables s'échelonnent sur le bord de la rivière, parfois jusqu'à une distance assez grande'. Les propriétés sacrées et royales étaient plus grandes, €,o{oç ,i(v 8, que les autres, bonnes en terres arables, et plantations; elles formaient un TEµevoti ° avec bâtiments pour l'exploitation rurale10. Les analctès prenaient part à tous les travaux agricoles", même aux plus répugnants'2; ils étaient aidés par des mercenaires (tl rtç, loi auxquels on donnait un salaire, la nourriture et le logement', ainsi que par des serviteurs appelés S~ üe; ', que l'on croit esclaves, comme ils l'étaient effectivement à l'époque d'Hésiode, mais qui alors, peut-être, n'étaient que des serfs tributaires" analogues aux Pénestes des Lapithes. L'invasion dorienne modifia ce régime. Les conquérants, selon la coutume grecque pratiquée également par les Athéniens", se partagèrent les biens des vaincus et les tirèrent au sort. Mais voulant former une caste guerrière, ils rétrocédèrent ces lots aux vaincus, qui durent les cultiver sous certaines conditions. émigrèrent, les uns en Attique, d'autres en Asie Mineure, où ils s'appliquèrent tant à l'agriculture qu'on reprocha, proverbialement, aux gens de Cymé de n'avoir point soupçonné que leur ville fût au bord de la mer'". Ceux qui s'étaient établis à Athènes s'adonnèrent au commerce et quelque peu à l'usure vis-à-vis des cultivateurs : d'où la célèbre crise agraire qui ne se termina que par la constitution de Solon [HEKTEMOROI]. Ruinés par des emprunts usuraires, les géomores de l'Attique deviennent serfs, alors qu'ailleurs, à Syracuse, ils formeront, au rvr siècle, l'oligarchie dominante, les xa), La division et la répartition de la propriété immobilière en lots égaux ne peut fatalement se maintenir. Si, comme chez les Spartiates, elle est maintenue par la constitution, on arrive à une misère croissante, car, ainsi que le fait remarquer Aristote20, on ne peut guère réglementer la natalité; on peut encore moins réglementer la mortalité des vieillards et amener une sorte d'équilibre entre les naissances et les décès. Il advint qu'à Sparte on eut quelque chose de comparable à lazadrouga serbe, et que plusieurs frères furent réduits à vivre sur le lotL1 indivis et inaliénable de leur père2'. La production agricole d'un territoire étant limitée, et l'agriculture étant la seule ressource des Lacédémoniens23, ceux-ci ne pouvaient que demander à leurs rois24 ou à la Pythie2a dé nouvelles régions à conquérir et à lotir. Dans l'Attique, Solon avait défendu aux citoyens d'acheter autant de terres qu'on le voudrait2"; la propriété se morçela27 et les domaines de 20 à 30 hectares devinrent l'exception 2". Comme le travail était libre, et que les cultivateurs étaient maîtres de leurs terres, ils cherchèrent à en tirer le meilleur profit tout en y consacrant le moins de temps possible. Astyphile, client d'Isée, doubla la valeur de son patrimoine en y faisant des plantations 2'1, ce qui ne l'empêcha pas de faire les campagnes de Corinthe et de Thessalie, de prendre part à toute la guerre thébaine et de partir comme volontaire à l'armée de Mytilène"°. Ces propriétés de l'Attique étaient autant de terres enlevées à l'agriculture ; jadis, on labourait les pentes du Lycabète 31 ; sous Périclès, nous voyons dans la campagne d'Athènes des maisons de plaisance, des jardins de luxe32, voire même « des propriétés remarquables par la magnificence des édifices et par les raretés qui les embellissent33 ». Les paysans d'Aristophane ne sont pas des laboureurs, mais des vignerons" ou des propriétaires d'oliveraies36 plantant quelques figuiers dans leur petit domaine, 'y ltov 3", et élevant des abeilles qui vont butiner sur l'Hymette. Tous ces petits ruraux se faisaient aider par des serviteurs (AepdaWV", oittT-f1,39) RUS 903 RUS dont quelques-uns sont esclaves, mais dont le plus grand nombre est de condition libre, métèques, lydiens, phrygiens ou autres asiatiques', percevant un salaire librement consenti comme les autres ouvriers' et embauchés généralement le 16 du mois anthestérion ", c'est-à-dire au commencement de l'année tropique. Il ne faudrait pas croire que tous ces propriétaires athéniens, que Thucydide nous représente séjournant à la campagne 4 et vivant « dans les champs » habitaient des maisons isolées, éparpillées dans la campagne. Une loi topologique s'y oppose, le besoin d'eau qui force à se grouper en villages (xwi,.rl, i goçb) les habitants des contrées jurassiques ou crétacées. En Attique, il n'y a pas de cours d'eau permanent"; et dans toute la Grèce, les rivières que l'on peut qualifier de Etvx-i,ç forment l'exception. Les puits fournissent donc la seule eau potable sur laquelle on puisse compter, mais ils sont rares en Attique' et une loi de Solon en réglementait l'usage et en réservait la jouissance aux voisins immédiats 8. On a peu de détails sur les maisons rurales. Hésiode conserve sa récolte dans sa maison °. Hérodote dit qu'en Grèce, les animaux sont séparés de l'endroit où mangent les hommes, contrairement à l'usage égyptien 10. Un inventaire délien, de la ferme de Pyrgos, mentionne une case à esclave, un hangar sans porte, une étable à boeufs sans porte, une écurie sans porte, deux appartements d'hommes sans porte'' ; ce devait être un grand zwplov comme en possédaient les temples. Les biens de mainmorte étaient nombreux en Grèce"; ils commençaient à la fondation de chaque ville 11 et s'augmentaient, après chaque guerre, de la dîme des biens conquis'', parfois même de la totalité, comme après la guerre sacrée, où tout le territoire de Krissa fut consacré à Apollon Delphien 10. Ils s'accroissaient encore des nombreux dons volontaires", ex-voto, legs, etc., et formaient de vastes domaines inaliénables. Pour en tirer profit, on les lotissait et l'exploitation des lots était donnée à bail. Nous possédons plusieurs de ces baux, ordinairement emphytéotiques 17, et ils nous fournissent de nombreux documents sur l'agriculture grecque. De nombreuses entraves, qualifiées de clauses conservatrices, arrêtent l'exploitation progressive et coupent court à tout progrès, à toute amélioration du fonds. Il en résulte que ces terres domaniales furent délaissées, bien que les décrets du peuple qui réglaient toujours, dans les villes grecques, la location des terrains sacrés1', devinssent plus conciliants. Sous l'Empire, Dion Chrysostome reprochant aux Eubéens de négliger leurs terres, leur conseillait d'accorder le droit de cité à tout étranger qui s'engagerait à en cultiver 200 plèthres1°. Alimentation des plantes. Les végétaux ne vivent pas de l'air du temps, comme le croyaient les anciens physiciens, mais ils se nourrissent d'éléments particuliers contenus dans le sol, ainsi qu'Aristote l'a reconnu en partie". Ces éléments nutritifs, au nombre de quatre principaux, ne sont pas absorbés dans les mêmes proportions par tous les genres de plantes, d'où ces règles d'assolement propres à chaque pays. Cette rotation ou cycle, le anutato sidere de Virgile'', l'ordo de Pline24, n'existait pas chez les Grecs, puisque chaque terrain, chaque champ, était réservé à une culture spéciale et invariable. Maintenant ces principes sont encore observés en Grèce et il y a, par exemple, en Thessalie, des terres où, de mémoire d'homme, on n'a récolté que du blé. Pour remédier aux effets épuisants de cette méthode, les Grecs avaient la jachère dite de deux années l'une. Jachère (:ais, aannale'3). -Toute terre consacrée àl'ensemencement est divisée en deux parts égales où l'on sème alternativement chaque année. La moitié du territoire agricole est donc continuellement en jachère. Tous les contrats de location prescrivent d'observer cette règle 2t ; et même, pour éviter les fraudes des fermiers, ces deux soles égales, dans les terres prises en location, sont séparées, encore aujourd'hui, par un chemin. Nouvelle perte bien inutile de terrain, car il n'y a pas un cultivateur grec qui oserait contrevenir à cette coutume" plus ancienne qu'Homère" et qui fut chantée par Pindare". Une jachère bien comprise et bien pratiquée n'a qu'une action : restituer au sol, par les légumineuses qui croissent spontanément", les 38 kilogrammes d'azote que toute récolte de céréales enlève en moyenne à chaque hectare25; mais elle ne peut remplacer les 26 kilogrammes de potasse, les 16 kilogrammes d'acide phosphorique et les 8 kilogrammes de chaux qui ont également servi à l'alimentation de la récolte précédente. Dans certains pays privilégiés, cette restitution s'obtient par l'irrigation d'une eau qui a préalablement drainé ces substances, soit dans les montagnes voisines, comme en Thessalie et en Macédoine, soit, comme en Mésopotamie 3° ou en Égypte, 31 de montagnes très éloignées. Mais, ailleurs, il faut employer des moyens artificiels dont le meilleur, découvert par l'empirisme, est encore le bon fumier de ferme. Fumier (xdapo;). Le terme grec indique assez que cet engrais n'est pas un fumier complet; ce sont simplement des déjections solides. Chartodras32 en a dressé, par ordre de mérite, une liste que Théophraste a reproduite13 ainsi que Pline, qui la cite en guise de praeceptunt ancien 3', car les Romains en contestaient l'excellence36. En première ligne, on plaçait les déjections RUS 901 RUS humaines, notre engrais flamand; comme elles contiennent beaucoup d'azote, et, partant, peuvent provoquer la verse des céréales, on ne les employait que pour la culture potagère ; en Orient, c'est encore l'engrais de choix pour les salades. Dans les champs, on répandait surtout le copros des bêtes de travail, bouses des boeufs (d),etrz)' ou crottins des mulets2 et des chevaux 3, car les animaux de boucherie vivaient en plein air, dans la montagne. Combien en fallait-il par hectare? 11 est stipulé dans un bail' que le fermier emploiera chaque année cent cinquante coutres, contenant chacune quatre tiers de médinine, sous peine d'une amende de 3 oboles par contre ; malheureusement, nous ignorons la superficie des terres à emblaver et même si cet engrais était destiné aux terres de labour et non aux plantations. Quoi qu'il en soit, ce copros, mêlé aux chaumes non moissonnés' et aux mauvaises herbes de la jachère, a toujours constitué l'engrais classique, sinon dès le temps d'Augias, qui passe pour l'avoir inventé', du moins depuis Homère', et le paysan grec n'en a jamais connu d'autres, pas même le parcage 3, puisque tous les contrats de location défendent, sous peine d'amende ou de confiscation, de laisser pâturer les bestiaux dans les terres, même en jachère Cependant, quand le sol, après plusieurs années de culture, avait perdu le peu de potasse qu'il y a dans la terre grecque, et ne pouvait plus fournir d'aliment même aux plantes sauvages, alors on employait un moyen suprême encore en usage dans tout l'Orient on réunissait sur le champ devenu stérile un certain nombre de tas de bois mort, de ramilles, d'herbes sèches et on y mettait le feu 1U (Td roç êaris Ép.7rp'fi9'Oaicrlç"). Ce n'était qu'un palliatif et l'infertilité augmentait chaque année; car les Grecs, avant Épicure, ne pouvait admettre que la terre s'appauvrisse. Ce qu'Hésiode dit à son frère12, ce que tout laboureur recommande à ses enfants, ce n'est pas de fumer le sol, c'est de le creuser de toutes façons et le plus souvent possible 13 ; procédé bon pour la vigne 14 en terre argileuse, mais d'une utilité plus contestable pour la culture des céréales. Travaux agricoles. Labourage (i poalç "). D'après une tradition, basée, peut-être sur une légende" ou sur une étymologie", Déméter aurait ordonné de labourer trois fois les champs avant de les ensemencer"; on en vint à faire des labours surérogatoires ", et Xénophon enseignait, que plus on travaille une jachère, moins on laisse de mauvaises herbes et meilleure est la récolte 2°. Le précepte est bon ; toutes les terres argileuses ou argiles calcaires ne peuvent produire, selon la remarque de Moll, qu'après de nombreux labours ; mais les Grecs avaient le tort d'échelonner ces labours à de trop longs intervalles et le sol se dénitrifiait par les eaux des pluies 21. Pendant les dix mois qui suivaient la récolte, on ne touchait pas à la jachère, qui devenait une véritable friche et portait le nom de rb âpybv 22. Durcie pendant l'été, la terre se ramollissait par les inondations ou les pluies d'hiver. Le premier labour, véritable défrichement, se nommait élit xa),tiu.'r, poûv 23 et se faisait au printemps24, après l'équinoxe du 21 mars 26, alors que le sol commence à sécher et à devenir moins boueux 21, Les Romains désapprouvaient ce système 27, ruais ils jugeaient par le sol et le climat de l'Italie ; en Orient, les terres de labour sont des argiles très compactes, et, sitôt la fin des pluies de mars, la température augmentant rapidement, elles redeviennent très serrées en peu de jours28. Pour faire ce premier labour de défrichement, on employait la char rue composée, 7cvixTbv opo'rpov 29 [ARATRUM], tirée par des boeufs, des boeufs de neuf ans, dit Hésiode 30 ; le conducteur devait avoir l'habileté d'Ulysse et savoir, comme lui, renverser complètement la tranche de terre pour mieux enfouir les herbes de la jachère31. Ce long travail, car on ne peut défricher plus d'un plèthre carré par jour 32, étant achevé, la jachère, Tb âpybv, recevait le nom de guéret, véos, vervactum33, et les ouvriers allaient ailleurs faire la moisson. La moisson terminée, on revenait au véoç pour le second labour ou labour d'été 3', qui se faisait avec la petite charrue, l'araire, ou aâ'rdyuov «porpov3o [ARATRUM], tirée par des boeufs ou des mulets 36, mais de préférence par des mulets qui ont le pas plus vif" et avec lesquels on peut faire des sillons plus étroits 38. Grand avantage, puisque ce second labour se faisait transversalement au premier 39 et avait pour but principal de briser les grosses mottes d'argile. Xénophon donne une seconde raison de ce deuxième labour : détruire les mauvaises herbes; aussi le faisait-il exécuter au milieu du jour, en plein soleil d'été L0. Le troisième labour, ou labour de semailles, se faisait également avec l'araire qui agit par écartement et non par renversement; ce qui suffisait, puisque, le sol étant défoncé et purgé de ses mauvaises herbes, it ne fallait VIII. 114 RUS 905 RUS que creuser un sillon pour enterrer le grain. Ce troisième labour était précédé de la fête agricole des PROEROSIA, 7tpb 7oû âp67poo', et avait lieu après les premières pluies de septembre 2 qui coïncident avec le passage des grues '. Hésiode donne encore une autre date, le coucher des Pléiades qu'il place à l'équinoxe d'automne mais qui se produit plus tard dans d'autres régions'. Xénophon tranchait les divergences d'opinion des auteurs en disant qu'il faut attendre l'ordre de la divinité, c'est-à-dire les premières pluies, pour ne pas semer dans une terre sèche', pluies qui n'avaient lieu qu'en novembre, d'après Cicéron Semailles (a726poç). De suite, après ce troisième labour, on se mait. Hésiode ne donne aucun détail sur l'opération, il n'en parle pas, bien qu'elle soit indiquée par le sens : le culti vateur conduit ses boeufs à l'aiguillon, tient en main le manche de la charrue, èzétar, et fait son labour, âpoTOç; en arrière, inaOav, vient un serviteur qui recouvre la semence avec un hoyau, !..taxa-fi (fig. 5968) 9. De ce pas sage (vers 469-471), on a conclu que âpoTOç signifiait semailles10. Il se peut que la charrue d'Hésiode fût munie d'un semoir disposé de manière que le grain tombàt dans la raie ouverte par le soc. La combinaison est assez simple et fut souvent proposée jusqu'à l'invention de l'ancien sarnbrador de Lucatello Quoi qu'il en soit, on semait, d'ordinaire, à la volée (fig. o969) "-, et Xénophon Fig. 5969. Semeur. exigeait que le semeur eût la main aussi souple qu'un cithariste; l'habileté consistait à proportionner la quantité de graines avec la qualité de la terre. On devait semer dru dans les bonnes terres et clair dans un sol moins fertile: pratique infirmée par nos usages et nos théories 13. Le grain répandu sur le sol serait dévoré par les oiseaux 14 si on ne le recouvrait de terre ; on peut le faire avec un hoyau ou une claie de rameaux épineux. Toutes ces opérations devaient s'accomplir entre le coucher matinal des Pléiades et celui de la Couronne c'est-à-dire entre le 20 octobre et le '25' novembre 1', et être terminées avant la fête de Zeus I'eipy6ç Une semaine après les semailles, la plante commence à germer13 et les premières feuilles apparaissent, » ç yevop évrç 19, à la fin de la seconde semaine. La végétation continue jusqu'à ce que la température moyenne de l'air descende à + 5°. Alors, et pendant tout l'hiver, les céréales restent en herbe 20. Xénophon recommande de choisir ce temps pour remédier aux fautes du semeur; il pensait, comme nos cultivateurs, que la plus mauvaise herbepour leblé, c'est le blé, et il conseillait d'éclaircir les endroits où les semailles avaient été trop épaisses°f. Sarclage (axa),eia). Cette opération se faisait à ]a fin de l'hiver, quand la terre commence à se ressuyer. Hérodote prétend que les Égyptiens s'en dispensaient2°. En Grèce, c'était un travail multiple qui répond à la fois à l'assainissement, au hersage, au roulage, au binage, etc. et qui avait pour but d'enlever les mauvaises herbes, de faciliter l'écoulement des eaux, de prévenir la pourriture des feuilles, et le déchaussement des racines pour permettre au blé de mieux taller et de passer l'époque critique23. Après le sarclage, qui était exécuté par des hommes (ccnÀeuç) 24 se servant d'une sorte de hoyau (exca(ç) on laissait les céréales poursuivre leur adolescence, taller ou émettre des tiges, xanxpr 26, ou vulgairement xa1`ap,x:1 37, d'autant plus nombreuses 23 que le sol est plus fertile et que les pieds sont plus espacés, contrairement à l'opinion de Xénophon 29. Quand la température moyenne atteint -F. 16° (marsavril), les céréales commencent à épier (7ayudoµxt) ; puis ont lieu, très rapidement, la floraison, la fécondation et la fructification qui étaient le signal de fêtes religieuses 30 ou d'expéditions militaires 31 ; d'ordinaire, cependant, les soldats ne partaient qu'après avoir fini leur moisson 32 RC"S 906 Moisson (Onplc~éçj'. En Égypte et en Syrie, on la t fait à la fin d'avril', quand le coucou chante 3. « Les fellahs, armés d'une faucille courte, coupent ou plutôt scient les tiges, javelle à javelle. Cependant qu'ils avancent en ligne, un flûtiste leur joue ses airs les plus entrainants, un chanteur donne de la voix, rythme les mouvements en frappant de ses mains'. » Théocrite a dépeint une scè ne à laquelle il avait pu assister en Égypte,quand il parle de ces moissonneurs s'avançant de front', et de cette fille de Polybotas jouant de la flûte à la moisson d'llippo lion "I. Quant à l'accompagne ment de ia flûte et du chant', on sait combien il était usité en Grèce pour régler et rythmer les mouvements dans tous les exercices et tous les travaux (cf. GYMrAS ICA, p. 170? ; PISTOR, p. 496(. Théocrite nous a conservé un de ces chants de moissonneurs, qui commence par une invocation à Déméter 8. Les moissonneurs grecs n'employaient pas la faux, mais la faucille dont on se sert encore en France °, en Grèce 10, comme dans l'Égypte du xi. siècle avant no tre ère " [FALK]. Les faucilleurs ou seyeurs marchaient sous le vent, crzç is x ;Cri[ vEUOç 12, et coupaient, comme les Égyptiens (fig. 5970) f3, les tiges à mi-hauteur, uee6ro(e.oç44 « pour ne pas fatiguer d'une peine inutile les batteurs et les vanneurs 1' ». On perdait ainsi la moitié de la paille : par suite, pas de litière pour les bestiaux et, partant, pas de fumier. De nos jours, on moissonne, dans les plaines de la Grèce, depuis le milieu de mai jusqu'à la mi-juin ; dans les cantons montagneux, on ne fait la moisson qu'en août". 1lésiode la commençait au lever des Pléiades 17, RUS soit dans la seconde semaine de mai, époque que les Grecs ont toujours considérée comme le commencement de l'été 18, c'est qu'alors, on pratiquait le javelage ; les javelles restaient, pendant quelques jours, alignées dans les champs, pour que les grains, tout en perdant leur eau de végétation, finissent de mûrir, d'où l'épithète de lygc(a donnée à Déméter'". A l'époque homérique, les enfants ramassaient les javel les portaient aux botteleurs, «N.an les liaient en L'auteur du Bouclier d'Hercule semble dire qu'on entassait immédiatement les gerbes sur l'aire". En fait, et, à moins qu'un orage ne survînt 25, on attendait la fin de la moisson pour charger la récolte sur un chariot à boeufs, comme le montre le gracieux tableau d'Oppien 20 Foulage (âaorletç) 21. Les Grecs ne battaient les céréales ni en grange, ni en plein air, car ils n'avaient point de fléau pour faire sortir le grain de l'épi. Ils employaient la vieille méthode égyptienne (fig. 5971) 28 du dépiquage ou foulage, qui n'est plus guère en usage que chez les Provençaux et les Languedociens 2S. En juin, c'est-à-dire, à l'apparition d'Orion 30, on portait les gerbes sur une aire, qualifiée de N.Eyci), 31, moins, d'après le modèle de l'aire sacrée d'Éleusis 3°. Des ouvriers, Eacaaoéernç36, dressent les gerbes à côté les unes des autres en les inclinant un peu vers le centre et on fait entrer les animaux: boeufs ", chevaux, mulets", parfois même des unes 3" ; ils sont accouplés deux à deux 40 et marchent en cercle 41, d'abord au pas, puis au RUS 907 -RUS trot', sous la direction d'un homme, placé au centre de l'aire, qui tient en main les guides, ôECptz, 3oucspo?a ae jcà 'rEvdvTwv2. D'autres ouvriers, armés de fourches en bois, sp(vaç 3, régularisent la foulaison, bµantEïsat ânO-q.ç4, en retournant la paille et en la ramenant sous les pieds des animaux, pour faciliter le manège, O ô_voç°. 'Après la conquête romaine, les Grecs commencèrent à remplacer le foulage par le battage à l'aide du plostelluin punieuni ou du TRIBULUM, ~p.oo)soç6, ce qui est moins fatigant pour les animaux et en exige un moins grand nombre. Le résultat est le même, le grain sort de l'épi et la paille est réduite en petits morceaux, ce qui permet de la donner comme aliment aux bestiaux, mais non d'en faire de la litière et du fumier Nettoyage du grain O,(xp,rvrtç) s. Les Grecs ne connaissaient point le vannage proprement dit, opération de nos batteurs en grange, qui nettoye simplement le grain des glumes• ou glumelles et que l'on exécute près de la porte d'une grange, dans un léger courant d'air, mais à l'abri du vent. Au contraire, les Grecs attendaient que le vent fût assez fort ° pour emporter les fétus de paille et leur permît de pratiquer le ventage, qui peut se faire de deux façons : 1° Avec une corbeille, ntxp.bç 10, 7c),drzvov [VENTILABHUM]'2. Aujourd'hui, dans le Languedoc, l'Italie et l'Espagne, des femmes élèvent, aussi haut que possible, de petites corbeilles remplies de grains et les renversent contre le vent qui doit être assez fort pour entraîner au loin la poussière et la paille, tandis que les grains retombent aux pieds de la femme. `?° Avec une pelle en bois, v ]ov [PALA, fig. 5454]. C'est notre nettoyage â la roue ; on jette circulairement contre le vent et, aussi loin que possible, à la hauteur d'un mètre au moins, une pellerée de grains qui retombent sur le sol, tandis que la paille et les balles sont emportées à l'extrémité de l'aire f4". Criblage (cita(;) Si bien fait que soit le ventage, il reste toujours, avec le grain, des pierres, des épis mal foulés et non égrenés, des graines de plantes parasites ; d'où la nécessité de cribler, ciw'', r,i,Ow 17, les céréales et l'emploi d'un crible ou pige, èt,e~po't's, dont les trous sont plus grands que ceux du blutoir. Nettoyés, les grains restent encore en Las, awodç 19, sur l'aire pour finir de sécher, puis on les enferme dans des jarres, .l' eç 20, 7c(9oç 21 er/05 V3, voire même dans des amphores 23 ou bien, on les déposait dans des silos, ctpdç 24, des tours, nép'(oç 25, La moisson se terminait, en Attique, par les fêtes de DEMETRIA 37, et, dans le reste de la Grèce, par des festins 28 où l'on mangeait du pain nouveau, Oxnbatoç Ü.FO;'-9, des gâteaux de miel et d'orge pilée, 7spoxcévta30, après avoir offert à tous les dieux ", et spécialement à Déméter, les prémices de la récolte, Oznseta 32 [THALYSIA]. Nettoyé et criblé, le grain avait le nom génerique de aïsoç dont l'étymologie est inconnue3`3 ; ce terme s'appliquait indifféremment au blé, à l'orge, au millet ou au sésame3'; puis, il finit par désigner toute espèce de nourriture solide par opposition à la boisson 35 : airs zzl aoSx 36 Plantes cultivées. Céréales (at.o(a-q, at.-rip 37). On ô-vr,.ptaxoi 4', que les Latins rendaient par cerealia 42 Les Grecs ont cultivé quatre genres de céréales : le blé, l'engrain, l'orge et le mil. 1° Blé (73)pd;). Usuellement, on classe les blés selon : 1° la couleur du grain ; blé rouge 43 et blé blanc" ; tl' la contexture cornée ou farineuse du grain ; blé tendre ou 3° selon que les épis sont, ou non, barbus : blé imberbe et blé barbu ou aristé; 4° selon le temps que la plante met à taller: blé d'automne ou tardif, d.to;48 et blé de printemps ou hâtif, srpiétoç 11. Ces huit caractères, qui sont plus ou moins stables et se transforment avec le terrain et le climat 10, se combinent entre eux de toutes les façons, d'où le grand nom bre de races desix cents. mais toutes se fécondent entre elles et peuvent se ramener à une seule espèce dont l'origine est inconnue et dont le représentan t le moins altéré par la culture serait le friticum salivant ou le tr. durum, selon que la plante est originaire d'un pays froid ou chaud. Quoi qu'il en soit, on peut conclure, d'après les auteurs et les monuments figurés, que le blé cultivé par les Grecs était une durelle, comme le sont encore tous les blés de l'Italie méridionale, de l'Afrique et du bassin oriental de la Méditerranée'. C'était une race d'automne à épi simple 3, régulier, barbu et allongé (fig. 5972, 5973 et 5974) t, rougeâtre ou à grains rouges effilés etplus pointus du côté du germe 6 que nos poulards (te. turgidum) ; la paille en était pleine ou demi pleine puisqu'on la broyait avant de la donner à manger aux bes tiaux 7. Ce blé dur se divisait en plusieurs races se condaires, xxyyo' )ng, nTÂt eyb; 8, xi),. D'ordinaire, on dé signait la race par le nom du pays où on l'avait cultivée et d'où elle provenait' ; on la différenciait parle volume du grain et par son poids10. Lepontique était le plus léger; le sicilien et le béotien étaient les plus lourds". C'est en Sicile que les Grecs connurent les blés de printemps : 1' Le blé de trois mois, b TO(µr,vo; 7[upç' C'est une durelle que les Siciliens cultivent encore et qu'ils nomment tunlminia 13 2e Un blé de deux mois, b ô(u.-gvoç que l'on chercha à acclimater en Grèce et qui réussit bien dans la belle plaine de Karystos; on le semait en avril pour le moissonner en juin". Théophraste cite encore un blé que l'on récoltait quarante jours après les semailles''. Le rendement moyen du blé en Grèce ne peut se calculer, car les terrains y sont trop variés. A peine, si dans RUS 908 RUS que l'on connaît. 11 y en a aujourd'hui plus le Péloponnèse, année moyenne, on récolte dans les meilleures terres 8 à 12 hectolitres à l'hectare; par contre en Thessalie, dans la plaine de Néochori, on obtient tous les deux ans, sans fumier, 40 hectolitres par hectare", ce que donnent rarement les terres les mieux fumées des seuls départements du Nord et du Pas-de-Calais". Bmckh avait calculé que le rendement total de l'Attique devait être de 2 800 000 médimnes '8 ; une inscription récemment découverte montre qu'en 329 av.-J.-C. on ne récolta que 400 000 médirnnes10. Tous ces blés durs de l'Orient sont encore très recherchés pour les semoules et les pâtes, mais ils sont moins bons pour la boulangerie. Le blé d'Égypte, le plus glutineux de tous, donne une farine d'un goût fade, devenant même nauséabond, ammoniacal, si l'engrangement des grains est tardif. Ce défaut, inhérent au sol, explique pourquoi les Égyptiens n'avaient que du mépris pour les peuples mangeant de l'orge ou du blé et pourquoi ils faisaient leurs pains, xu)à,' n-rts20, avec la farine d'olyra21. 2' Is'peautre, ôaupo., ÿE(« 22. Hérodote dit que l'olyra est la plante que d'autres nomment zéa 23. Cependant, les deux noms étaient connus des Grecs par les oeuvres homériques. L'Iliade parle de l'olyra dans deux passages identiques et relatifs à la nourriture des parle du zéa comme servant, avec l'orge blanche, à la nourriture des mêmes animaux25 et comme étant cultivé, dans ce but, en Laconie26. Lexicographes et scholiastes ont embrouillé la question relative à ces deux noms, olyra et zéa21. On croit que zéa est un très ancien mot", apparenté au sanscrit désignant les premières céréales connues 20 et d'où, peut-être on a tiré le nom de àrp.r,'c-1p, son synonyme LI-r 30 et l'épithète homérique ZE(lmpoç 31. Quoi qu'il en soit, nous savons par saint Jérôme32 que le zéa et l'olyra étaient notre épeautre (t. .spelta); race de blé, dont la culture est délaissée depuis qu'on a de meilleurs froments amylacés, mais qui, pendant longtemps, en Égypte n comme en Italie" a donné une bonne farine36 qu'on ne peut extraire des blés durs. Le grain de l'épeautre « est allongé, triangulaire, pointu, avec un sillon profond" » et ressemble beaucoup à celui qu'on voit (fig. 5975) sur des monnaies de Cumes 37 Le grand inconvénient de l'épeautre, c'est que le grain RUS 909 RUS ne sort pas nu ; l'égrenage le laisse enveloppé dans sa balle, «e4', à cause de la fragilité de l'axe des épis qui se brise facilement, d'où la nécessité d'une seconde opération. Les Grecs n'ont pu se résigner, comme les Ita liens 2, à ce travail supplémentaire et ils préféraient donner aux chevaux ces grains tout vêtus ainsi que les grains d'orge 3. 3e Tiphé (T(?r,). II est difficile d'identifier cette plante que Théophraste dit que c'est un sorgho à épis. Ch. Daremberg croyait que c'était le petit épeautres ou engrain, graminée que l'on confond avec les blés, mais qui forme une espèce spéciale que l'on trouve encore à l'état spontané en Béotie et en Anatolie'. Maladies des blés; parasites. Théophraste consacre un chapitre entier aux affections des céréales' ; les Grecs regardaient la rouille, ipue(6-q 1U comme la plus désastreuse et ils en avaient reconnu, sinon la cause déterminante qui est un champignon, i. xr,s", du moins la cause occasionnelle qui est l'humidité de l'été '2 ; pour en préserver leurs moissons, ils adressaient des voeux à Déméter 'Epun(6'r 13 ou à Apollon 'Epue.6tos". Les principales plantes nuisibles étaient l'ivraie, al' pz, pour le blé'° ; la folle avoine, 1sp6p.os, pour l'épeautre " 6 et l'égilops, alyû,co i, pour l'orge". 4° Orge (xpte-j). C'est la plus importante des céréales de la Grèce et celle qui convient le mieux au sol et au climat de ce pays. Les Athéniens croyaient que c'étaient une plante indigène de l'Attique f8 et l'on racontait que Déméter, en arrivant à Éleusis, n'avait voulu prendre qu'une boisson d'orge, sorte de bière '2 sucrée, le kykéon 20, dont on continua à faire usage dans certaines cérémonies d'Éleusis [CYCEON]. On conserva également la coutume d'employer l'orge grillée21, les gâteaux d'orge 2L dans les principaux actes religieux, ceux dont la pratique était la plus ancienne ; l'orge tint toujours, dans le rituel grec, la même place que le riz chez l'Hindou ou l'épeautre, far" , chez les Romains. Les rois de Sparte recevaient encore leur ration en farine d'orge21, alors qu'on se nourissait de froment dans la plupart des villes grecques et que les gens peu fortunés25 étaient seuls à manger du pain d'orge 2e. Cette céréale coûtait moitié moins cher que le blé 27, la Grèce en produisait dix fois plus. C'est, du moins, la proportion pour l'Attique en 329 av. J.-C.28 et ce rapport peut être admis pour la plupart des autres contrées. Les baux de location fixent, le plus souvent, la redevance en orge 29 ; le lotissement des terres spartiates était établi d'après leur rendement en orge30 ; beaucoup de pays, comme Salamine 31, ne produisaient que de l'orge et d'autres, comme Rhodes 32, en donnaient deux récoltes par an. Les Grecs avaient remarqué que le froment pousse mieux que l'orge dans les contrées froides et pluvieuses" et que celle-ci a besoin pour végéter d'un sol plus sec et plus chaud, d'où le dicton : o Plante le blé dans la boue et l'orge dans la poussière". n En réalité, cette plante réussit sur les calcaires et les marnes du jurassique, les sables et les argiles du crétacé, les terrains de transition avec leurs schistes et leurs grès, toutes formations que l'on trouve dans la plupart des cantons de la Grèce, de sorte que ce pays peut être qualifié, comme l'Attique, de xpteoï.6pos «p(ar)". Mais, ce qui séduisait le plus les Grecs dans la culture de cette plante, c'est qu'elle exige moins de temps que celle des autres céréales36. On peut semer en octobre-novembre et récolter sept ou huit mois après37; on a donc presque tout son été pour naviguer ou guerroyer. Le grand inconvénient de cette plante, c'est que le grain ne peut se nettoyer complètement au foulage, il reste vêtu dans sa balle ; avant de le moudre, on doit le décortiquer et le perler ; les femmes grecques le faisaient griller38 pour le nettoyer. Dès l'époque homérique, on nourrissait les chevaux avec de l'orge 39 et cette coutume existe encore, car notre avoine doit être considérée comme inconnue en Orient"; pour les animaux, on ne fait ni griller, ni monder le grain, on le donne vêtu. Cependant les anciens avaient une orge nue, yup.v' xpt6'( 41, mais il ne semble pas qu'ils aient cherché à l'acclimater en Grèce. On possédait alors ETsdxpteoç) 417, que l'on cultive encore maintenant dans l'Europe méridionale et qui peuvent se ramener à deux principales : l'orge à deux rangs, aÉaTotzos, que l'on trouve à l'état spontané" et l'orge à six rangs, dcTotyos, qui en dérive. Quant aux orges à trois, quatre et cinq rangs, RU S 910 RUS mentionnées dans l'Histoire des plantes', elles sont complètement inconnues, et F. Link a eu raison de conjecturer qu'il y avait là une interpolation ; Théophraste a trop bien vu les ero)yot différenciant le blé, àa'otyoç, de l'orge, c=.ot/céôv;ç, pour s'être trompé, et rien n'autorise à croire qu'il ait jamais songé à présenter une vue de l'esprit pour une observation scientifique. Cultures d'été (OEptvci âootiot) 2. S'il avait été impos sible de labourer et de semer entre l'équinoxe d'automne et le solstice d'hiver, « le mal n'était pas sans remède», et l'on recourait aux semences d'été, BEptvz mirée zt, dont la plus importante était celle des millets. 1° Millet commun ou panic x€y-poç0, rnitium' etpistum", d'où le a:croç des Byzantins «panicum miliaceum, L.'0). Le grain de cette plante se réduit en une farine susceptible de panification" ; mais d'ordinaire on en faisait, avec de l'huile, de la graisse de porc ou du lait '2, une bouillie qui devaitêtre analogue àla milliasse des Cévennes. Pour la culture du millet, il faut labourer dès qu'on entend chanter le coucouf3, afin de pouvoir ameublir le sol par un ou deux labours transversaux. On ne sème qu'en été" ou, plus exactement, en mai, quand les gelées ue sont plus à craindre; les semailles se font à la volée. On sarcle au moins deux fois et on peut commencer à récolter quarante ou cinquante jours après, « lorsque Sirius dessèche les corps et que le raisin vert commence à se colorer" ». On coupe chaque épi, ipde0"", avec une faucille, au-dessus du dernier noeud de la plante et à mesure qu'il arrive à maturité. La récolte d'un petit champ de millet dure donc plusieurs jours. Strabon vante la culture de cette plante dans la plaine de Thémiscyre, sur les bords asiatiques de la mer Noire 17. 2° Millet à grappe ou millet des oiseaux, panouil'", panic'^, p.Éatvoç20, iXi.scoçu, panicum" (setaria italica, P.B.2'2).Cette plante, dont le thyrse est velu, produit un grain dur et petit qui n'est bon que pour la volaille. Cependant, en temps de disette 24, on en fait une farine et un pain que Galien regarde comme plus difficile à digérer que le pain de xiyzpoç. Nous ignorons la différence qu'il y avait entre le p.éatvoç et l'Eaup.oç ; peut-être les distinguaiton par la couleur du fruit. 3° Plantes textiles. 1° Lin, a(vo•, rLINCMÏ. 3° Chanvre (xzvvaatç). Mentionné par Hérodote'-" comme cultivé par les Scythes et les Thraces, le chanvre ne semble pas avoir été introduit en Grèce avant la conquête romaine. Pausanias dit qu'on le semait en Élide comme le lin et le byssus 00, Cette plante est trop épuisante pour le sol, et comme il faut plus de 126 000 kilogrammes de fumier par hectare, les Grecs ont renoncé à sa production. I1. ARBORICULTURE. Si les Grecs négligèrent l'agriculture et ne semèrent dans leurs champs que des céréales de première nécessité et de production facile, c'est que, par goût et par suite de la nature géologique du sol, les cultivateurs s'adonnèrent à l'arboriculture qui exige moins de travail, laisse plus de loisirs et donne un meilleur profit. Dès le lx° ou le ville siècle, la Grèce importe des céréales27 et peut-être des matières textiles, mais elle exporte ses vins et ses huiles d'abord en en Égypte 28, plus tard en Italie 2°. La balance, comme aujourd'hui, devait être en sa faveur», Ce système dominant est déjà nettement tranché dans les temps homériques 31, où chaque -c_N.Evoç comprend un «),o''e, 32, enclos d'arbres fruitiers, c'est-à-dire de vignes dont l'introduction paraît due aux Cadméens 3t, d'oliviers qui donnaient déjà de l'huile aux contemporains d'Aristée s", de figuiers cultivés probablement dès le xv° siècle35, etc. Les scènes de vendanges, qui ne figurent jamais dans les sculptures des mastabas égyptiens, occupent une place importante dans l'orfèvrerie homérique et forment comme pendant aux travaux de la moisson 3". La plupart des agronomes grecs sont des arboriculteurs ; ceux d'entre eux qui composèrent des traités généraux, yewpytxz 37 reportèrent toujours, dans la partie relative aux arbres, tous les chapitres concernant les clôtures, l'irrigation, les engrais et même la connaissance du sol ; questions que nous sommes habitués à trouver dans la partie agricole de nos traités d'agronomie. Il y a là une disposition voulue, non seulement par les cultivateurs, mais aussi par les gens de loi qui avaient à discuter les nombreux litiges relatifs aux vergers, vignes, oliveraies, etc. Une terre de labour ne prête pas à de nombreuses contestations : elle est limitée par de simples RUS 911 RUS bornes, 5poç (TERMINI'S], dont le déplacement donna lieu parfois à des actes criminels' mais ne servit, souvent, qu'à exercer la verve des satiriques'. Quant au terrain, il est censé ne subir aucune dépréciation si le fermier fait ses deux soles égales et laisse l'une en, jachère. Les plantations, qui doublent la valeur du fonds', sont sujettes à maintes causes de destruction et les contrats renferment toujours de nombreuses clauses relatives à leur conservation et à leur entretien et à leur accroissement. 1° Clôtures (ïpxoç). Le premier devoir de l'arboriculteur est de préserver ses plants de la voracité des animaux sauvages toujours si nombreux en Grèce4 à cause des hautes montagnes et des lieux escarpés et incultes". Les pauvres se contentaient d'une haie de ronces°; mais déjà à l'époque homérique, on clôturait les vergers de murs en pierres sèches 7 et une loi de Solon réglemente la construction de ces enceintes'. 2° Connaissance du sol. Un contrat d'Héraclée prescrit au fermier de planter, au moins, quatre pieds d'olivier, par schène « si le preneur conteste que la terre puisse porter des oliviers, les polianomes en fonction, s'adjoignant ceux des citoyens qu'ils voudront, procéderont à une expertise sous serment et feront leur rapport à l'assemblée du peuple, après avoir comparé la nature du sol à celle des propriétés voisines 9 e. C'est le procédé du marin indiqué par Xénophon10. 3° Binage (rsxas9v97) ". La terre des plantations doit être travaillée pour empêcher qu'elle ne soit trop compacte, pour l'aérer et pour détruire les mauvaises herbes '°-. Si les arbres sont espacés, on donne deux ou trois labours avec l'araire; mais le plus souvent, on se contente de plusieurs binages avec la houe fourchue, l(xsï,aci", qui n'endommage pas les racines superficielles. Le contrat d'Amorgos stipule que les figuiers seront travaillés au moins une fois l'an, et les vignes deux fois, aux mois d'anthesterion et d'apatourion14. 4° Irrigation (àipE(a) ". L'irrigation des arbres à fruits est d'autant plus nécessaire que le sol est moins profond, qu'il se compose soit de calcaire, soit d'argile compacte t6. Les céréales, accomplissant la majeure partie de leur existence pendant la saison humide de l'hiver, jaunissent dès que la saison sèche survient, mais alors on les moissonne. 11 ne peut en être ainsi pour les fruits qui ont besoin d'une plus grande somme de chaleur et ne mûrissent qu'à la fin de l'été. Quand le sol ne con serve point d'humidité suffisante à la vie de la plante durant la canicule, les feuilles se flétrissent et tombent, et alors se produit ce phénomène que les anciens symbolistes représentaient par la mort d'Adonis et les autres mythes du soleil dévorant. L'irrigation des arbres se pratiquait déjà à l'époque homérique' et l'une des plus anciennes lois de Gortyne réglemente les prises d'eau que les cultivateurs pouvaient faire dans le Lethaeon'". Les baux contiennent des clauses relatives aux cuvettes que l'on doit entretenir aux pieds des arbres et aux rigoles traversant les terrains 13. Un contrat d'Héraclée de Lucanie défend de les approfondir, de les saigner, de les couper par des barrages, soit pour accumuler les eaux, soitpourles dériver 5° Engrais (xd7peo ,ç) 21. C'est à propos de la culture des arbres que les Grecs ont étudié les différentes catégories d'engrais 22. En principe, chaque espèce d'arbre devait recevoir un engrais particulier et spécial ; mais, le plus souvent, les contrats stipulent la quantité et non la qualité du copros à répandre dans les cuvettes au moment de l'irrigation. 6° Élagage (di pa(peatç 'râiv etGmv) 2J. Cette opération donnait lieu à de fréquentes contestations entre propriétaires et fermiers car le bois de chauffage a toujours été très cher en Grèce : une ',triée se vendait deux drachmes à Athènes au temps de Démosthène 2s et l'on comprend que les fermiers, à la fin du bail, aient été enclins à faire quelques coupes sombres pour augmenter leurs revenus. Le contrat du Pirée, dressé en l'an 321-320, défend au fermier d'emporter, hors du domaine du Théseion, ni boues, ni terre, ni bois 23 ; le bail d'Aixoné dit que le bois, provenant de la taille des arbres ou des coupes, sera mis en adjudication par les bailleurs 26. En Lucanie, les preneurs ne devaient ni couper, ni brûler, ni vendre les bois vifs ; mais on les autorise à prendre autant de bois qu'ils voudront, dans les taillis, pour échalasser les vignes 27. En Crète, on autorise la coupe des arbres épineux et des branches mortest8. Enfin, à Chio, on permet de cou per du boisjusqu'à concurrence, en poids, de 30 talents par an 2°. baux obligent les fermiers à remplacer, sous peine d'indemnité pécuniaire, chaque arbre fruitier qui manquera. Parfois, on concédait gratuitement un fonds à condition que le preneur planterait un certain nombre d'arbres 31. Toutes ces plantations étaient réglementées par la loi '2; dans l'Attique, on ne pouvait planter à moins de 2 pieds RUS 912 RUS d'une construction voisine ; quand il n'y avait pas de construction, la distance était des pieds pour les vignes, les amandiers, etc., et de 9 pieds pour les figuiers et les oliviers'. Les trous, (3d9poç, où l'on plaçait les boutures, rejetons, etc., ¢ e (pu'r xa ép.EVa, avaient généralement 1 pied et demi de profondeur, sur 2 à `l pieds et demi de longueur et de largeur2; on remplissait avec la terre foulée et on ajoutait du copros de cheval'. Pour les figuiers, grenadiers, pommiers et poiriers, on plantait des arbres sauvages déracinés dans les forêts et on les greffait 8° Espèces cultivées. Les principales sont après l'olivier [oLEOIri], que l'on cultive encore sur 167 000 hectares et la vigne [vINGM], qui en occupe 123739: soit plus du tiers de toutes les terres cultivées dans le royaume : Le figuier (aux=n) '. Cette plante paraît indigène en Grèce et sur tout le littoral de la Méditerranée orientale ; en tout cas, elle y est si bien acclimatée qu'on la retrouve à l'état spontané dans la plupart des fissures de rochers ou de vieilles murailles. Déjà, l'Iliade mentionne un de ces figuiers sauvages, sptvE6ç 6, près de l'une des portes de Troie 7. Hehn affirme que le figuier cultivé ne provient pas de ces figuiers sauvages mais comme le dit Alph. de Candolle, e tous les botanistes sont d'une opinion contraire9 o. La culture du figuier est antérieure, en Grèce, au vue siècle, et bien avant Archiloque, l'Odyssée parle des figues douces, auxérl yaur.epv;, du jardin d'Alcinoos 10. Suivant une tradition rapportée par Pausanias, le figuier aurait été donné par Déméter au héros Phyttalos" et un faubourg d'Athènes se nommait `lcpà auxil 12. Le figuier, qui est encore cultivé en Grèce sur 6348 hectarest3, était l'une des principales et des plus anciennes cultures de l'Attique. Il y prospère bien, grâce à ses longues racines ; les feuilles ne tombent qu'en décembre, où la température moyenne est de+9°,95; mais les gelées blanches détruisent, presque tous les ans, ses premiers bourgeons''`. Par suite de la sécheresse du sol, la plupart des races cultivées sont devenues bifères et produisent des figues-(leurs en juin et des figues ordinaires en septembre; ce sont ces dernières qu'on fait sécher. En Laconie, où l'on arrosait les figuiers durant tout l'été'°, on pouvait récolter des fruits pendant quatre ou cinq mois de l'année. Les races et les variétés de figuiers se différencient par la couleur et la forme du fruit et par l'époque de la maturité. Théophraste men Toutes ces variétés appartiennent à la même race et ne peuvent donner de figues comestibles que par la caprification, ip1vŒ (c ç, méthode singulière consistant a rendre les figues cultivées aussi véreuses que les figues sauvages. Aristote, qui a longuement décrit le procédé employé par les paysans grecs22, prétend que cette opération a pour but d'empêcher les fruits de tomber avant la maturité, mais il confond les fruits (akènes), avec le sac charnu qui les enveloppe. Quant aux explications modernes, elles sont, pour la plupart, basées sur une erreur de Linné". Ce qui est certain, c'est que les races de figuiers, importées d'Italie ou de France en Grèce, n'ont pas besoin d'être caprifiées pour donner d'excellents fruits 24. Le grenadier, ;,)ria, poli, main [cIBARIA, p. 1152]. Cet arbre, qui ne craint ni la chaleur, ni la sécheresse2", s'était si bien naturalisé en Grèce qu'il y formait plusieurs espèces ou variétés26. On multiplie le grenadier par marcottage ou par greffe sur sauvageon. Démocrite conseillait de le planter auprès des myrtes pour qu'il produise plus de fruits 27; Théophraste prétend que le fumier de porc adoucit l'âpreté de la grenade et la rend plus sucrée2°. La récolte des fruits se fait en aoûtseptembre, avant la complète maturité. L'amandier (âp.u)tôaaEZ, «p.uySx) ) 29. C'est le moins important des arbres de grande culture. On ne le trouve en Grèce que sur une superficie de 591 hectares et les anciens auteurs ne le mentionnent que rarement30. On le trouve cependant à l'état sauvage en Grèce 31 et en Sicile 32, et les Romains appelaient l'amande, nux graeca 3a. Les meilleures venaient de Naxos, de Thasos et de Tarente où l'on cultivait nos deux sortes commerciales : la coque tendre, fragili putamine, et la coque dure, duro puta mine 3'. Le poirier (zirto4) 36 Le poirier sauvage, à;(pd; 3fi, se trouve dans les montagnes boisées du Nord de la Grèce. Ses fruits ne servaient qu'à exciter la soif des buveurs 3 i. L'Odyssée mentionne quelques poiriers, ôyw-n 38, cultivés dans les jardins d'Alcinoos et de Laërte ; le fait est possible dans les fies Ioniennes, surtout à Corfou, où s e trouvaient les Phéaciens n ; mais dans les autres contrées de la Grèce, la culture du poirier est aléatoire et ne donne que des résultats médiocres: le sol est trop calcaire, le climat trop chaud et l'air trop sec pour qu'on puisse espérer des poires de couteau. Les fruits obtenus, de nos jours, en Thessalie, en Épire et en Macédoine, ne peuvent se comparer qu'à notre poire d'Angleterre et ne sont bonnes que cuites [CIBARIA, p. 1151]. RUS 913 RUS Pommier (i,.-.»l) '. On trouve beaucoup de pommiers sauvages dans toutes les forêts des montagnes et des vallées du Nord de l'Asie Mineure. La culture a permis d'obtenir des fruits remarquables dans la vallée de l'Iris, près d'Amasia, ainsi qu'en Galatie. En Grèce, on ne peut cultiver ces arbres à cause du grand nombre d'insectes et de la sécheresse du terrain et de l'air ; le pommier pousse très bien sur les calcaires, mais ses racines traçantes, et qui ne s'enfoncent jamais profondément dans le sol, ne résistent pas aux chaleurs de l'été. On a même prétendu que le p.e),Érl des jardins d'Alcinoos ' ne pouvait être un pommier 3 ; c'est confondre le climat de Corfou, où l'humidité relative moyenne ne descend jamais au-dessous de 68°6, avec celui d'Athènes où elle tombe à 40°3 et même à 32°4 dans les après-midi d'août '. Cognassier (lr.rl) ix xuô Svtog)'. Cet arbre ne pousse pas très bien dans les calcaires brûlés par le soleil et dans les terres trop argileuses. Bien qu'on le trouve à l'état sauvage dans les forêts du Pinde et en Asie Mineure, son centre principal de culture fut, en Crète, dans les environs de La Canée (Kydonia) [CIBAHIA, p. 1151]. La plupart des autres fruits dont parlent les auteurs peuvent être considérés, même les noix et les châtaignes, comme des fruits sauvages, âyptot x«p7roi, que l'on allait cueillir dans les bois Pour ces fruits et ceux de quelques autres arbres, nous renvoyons à l'article CIBABIA. L'étude des arbres, dont le bois sert à la construction ou au chauffage [LIGNA], formait un art spécial nommé èXoTop.(a, qu'Aristote compare à l'exploitation des mines et place en dehors des sciences agronomiques'. dérée par Aristote comme partie essentielle de l'agriculture (truv n7CT«t 'r yewpy(a) ; il compare même les troupeaux à un champ vivant cultivé par les bergers s. La figure est d'autant plus exacte que l'élevage est toujours corrélatif de l'agriculture et que ces deux arts ne peuvent se développer que parallèlement. Les champs ne produisent qu'avec du fumier; les animaux ne prospèrent que si on a de quoi les nourrir et les abriter pendant la mauvaise saison. Les Grecs, ayant négligé l'agriculture, yewoyi« 4zù , pour planter des oliviers et de la vigne, furent, de plus en plus, contraints de reléguer les bestiaux dans les forêts ou les montagnes; les vaches n'ayant plus de lait furent remplacées par des chèvres. Et, cependant, les anciennes traditions recueillies par Aristote et son disciple Dicéarque montrent que primitivement les Grecs étaient un peuple de pasteurs, ce qui n'implique nullement le VIII. nomadisme tel qu'on le définit maintenant et que le pratiquent certaines tribus arabes f0. A l'époque homérique, les troupeaux constituaient encore la principale richesse et servaient de mesure constante pour les échanges: « C'est principalement en boeufs et en moutons que l'on évalue les présents, les dotations, la rançon des captifs, le prix des esclaves ". » Mais, déjà, s'était établie la coutume d'envoyer paître les bestiaux, loin des terres cultivées, sur les montagnes, dans les bois qui forment les confins, Tx iryx'a i2, de tout -erpoç grec. Boeuf. Bouq est le nom commun à tous les animaux de l'espèce bovine 13 ; plus tard, on l'appliqua plus spécialement aux mâles que l'on châtrait pour dompter leur caractère et les soumettre au joug. Les boeufs ne peuvent, comme les moutons, brouter l'herbe rez terre ; il faut qu'elle soit haute et fournie comme celle des prairies humides. L'élevage n'est donc possible que dans certains pays que l'on ne trouve, eu Grèce, que sur le versant occidental où souffle le véritable Zéphire : 1° l'Épire 1A, dont la constitution offre quelque analogie avec plusieurs vallées normandes"; 2° l'Acarnanie, avec ses terres alluvionnaires, roTa1.1.6ywvTos ydipa, à l'embouchure de l'Achéloos où se produisaient ces bruits qui mettaient les vaches en rut 10; 3° les plaines basses de l'Élide ", où paissaient les troupeaux d'Augias18. Sur le versant oriental, il n'y a guère que la Phtiotide, formée par la vallée du Sperchéios t0, et la plaine de Krannon, en Thessalie, arrosée par les nombreuses sources de Hassan-Tatar "0. Dans le Péloponnèse, outre l'Élide, on doit citer la Messénie, « sillonnée de cours d'eau et favorable aux boeufs et aux moutons 21 », qui semble être restée un centre important d'élevage. A l'époque homérique, le déboisement n'était pas encore considérable et on pouvait nourrir des boeufs dans beaucoup de petites vallées secondaires; la plupart des chefs achéens avaient de nombreux troupeaux de bovidés; l'étymologie du mot hécatombe indique la véritable portée de l'épithète 1toXu6ouT-ils". Les chevaux étaient rares 23 et réservés pour les chars des chefs militaires ; le boeuf servait donc aux transports des objets et des personnes''', aux travaux agricoles, à la nourriture, ainsi qu'aux cérémonies du culte : c'est la plus importante victime de la Tp(TTOta Roéapyoc 20 On élevait les boeufs loin de toute habitation; on ne voit jamais leurs troupeaux dans la cour, aûaf, de la ferme, où sont les oies20 et où viennent parfois les moutons; ils demeuraient dans de grands parcs, xo'npèç 27, qui ne devaient pas différer beaucoup du (3o,i7T«9p.cv de l'époque 115 RUS 914 RUS classique ' ou du voustasion actuel'. Le jour, les veaux restent dans le kopros, mais les vaches et les taureaux, conduits par un vieux boeuf, (30û; ilyEµwv, iiotuç se dirigent vers le fond de la vallée, si on est en hiver ou au printemps, pour paître près de la rivière, du ruisseau; mais en été, ils vont dans les bois ou les forêts des coteaux pour y manger, non pas l'herbe, mais les feuilles des arbustes ' si nombreux dans la flore grecque. Vers le soir, le troupeau revient au kopros et l'on assiste à la scène si exacte de l'Odyssée : les petits veaux, affamés depuis le matin, se précipitent en beuglant contre les clôtures alors que les vaches s'élancent en courant pour rentrer plus vite'. Ce système d'élevage s'est continué jusqu'à nous; Xénophon remarque que tous les bestiaux vivent en plein air 7; mais, par suite du déboisement, dont Platon décrit si bien les effets désastreux', beaucoup de collines et de montagnes se dénudèrent et les bestiaux ne trouvèrent plus, en été, qu'une nourriture insuffisante. Théocrite parle d'une vache précipitée d'un rocher où elle essayait de manger des feuilles d'arbousier'. N'ayant presque rien à brouter pendant la saison chaude, ces bêtes ont à peine de lait pour nourrir leurs petits qui pâtissent. Mais cet inconvénient est moins grave que si on les faisait vêler en hiver, seule saison où l'herbe est abondante ; les veaux, couchant en plein air, ne pourraient résister aux frimas. Aristote conseille donc de faire les accouplements dans les mois de thargélion et de skirophorion f0 pour qu'elles puissent vêler dix mois après ", c'est-à-dire au printemps. Chez nous, beaucoup de petits cultivateurs ont une ou plusieurs vaches qu'ils nourrissent le mieux possible pour avoir du lait en abondance. 11 n'en fut jamais ainsi en Orient où la vache a moins de lait que nos juments f2. Les vaches sont des animaux de reproduction, et rien de plus. Elles appartiennent à des éleveurs qui ne cultivent pas et sont contraints d'acheter de la paille ou de l'orge pour empêcher les bêtes de mourir de faim quand la sécheresse est trop grande ou la terre couverte de neige. Ces bouviers ou vachers, i3o.Jx6),oç 13, et leurs valets 14 forment un ordre à part parmi les pasteurs; comme les toréadors modernes, dont ils ont la morgue et les caprices ", ils ne veulent pas être comparés à des bergers, à des chevriers 16 ; ils n'offrent, que rarement, leurs voeux au dieu Pan et n'adorent qu'Apollon et les Muses f1. Leur principal profit provient de la vente des boeufs destinés à traîner les charrues ou les voitures. Hésiode conseille avec raison d'acheter un boeuf de neuf ans 18 ; c'est alors seulement qu'ils ont le plus de force et qu'ils égalent en rigueur un taureau de cinq ans 19. Plus jeunes, les boeufs d'Orient ne rendent guère de services 20. Cela tient moins aux privations subies par les veaux qu'à des accouplements trop précoces 21, toujours inévitables dans ces parcs où les taurillons ne sont châtrés qu'à trois ans. Les Épirotes l'avaient si bien compris que, pour maintenir les belles qualités de leur race bovine", ils séparaient soigneusement les sexes ; la vache restait â7t6raupoç jusqu'à neuf ans ". Les Grecs choisissent, parmi les taurillons de trois ans, les plus belles bêtes pour les émasculer et les vendre aux cultivateurs. La destinée du boeuf est alors celle de nos chevaux : ils travaillent tout le jour; le soir, on les abrite dans une étable, véritable hangar où on leur donne une ration de paille hachée et trois à cinq litres d'orge. Ces bêtes sont conservées jusqu'à l'âge le plus avancé et quand elles n'ont plus la force de tirer la charrue, on les engraisse pour les livrer au boucher ". Aristote indique deux moyens d'engraisser les vieux boeufs : 1° donner des fèves concassées, de la vesce noire, des feuilles de fève, de l'orge pilée, des figues, du vin, etc. ; 2° inciser la peau de l'animal et insuffler de l'air dans le tissu cellulaire sous-cutané". Cependant les anciens rites prescrivaient le sacrifice d'animaux moins âgés que ces boeufs de labour. Les administrateurs des temples devaient se procurer tous les ans un certain nombre de génisses ou de jeunes taureaux. Dans quelques villes, on organisait, à ce propos, de véritables concours et l'on n'achetait que les bêtes primées 26. Autre part, les temples possédaient d'immenses troupeaux; Diodore mentionne les trois mille boeufs sacrés d'Engyon en Sicile 27. Chevaux, fines, mulets. L'élevage de ces animaux se pratique, en Orient, comme l'élevage du boeuf. Mais on parait avoir pris plus de soin dans lè choix des repro Mouton (ni;). Les Grecs avaient deux races principales de moutons : 1° Les grosses queues, ai aÀartisEpxot 2s, que l'on nomme moutons de Caramanie parce qu'ils paraissent originaires de la côte sud de l'Asie Mineure. Ils sont caractérisés par une sorte de tumeur graisseuse qui envahit tout l'appendice caudal et atteint, parfois, le poids de 10 kilos. Ce suif remplace le beurre dans toute l'Anatolie et une grande partie de l'Europe orientale. Ces moutons sont très grands, ils résistent mieux au froid que ceux des autres races 3p et leur laine est la plus longue que j'ai vue. 2° Les moutons communs du Levant, qu'Aristote nomme ai p.xxpdxsesol (fig. 5976) et dont l'un RUS 915 RUS des plus beaux types est notre petit mouton algérien. Les bergeries, e-Œ9µd;', sont.. assez semblables aux oucra9aa 2 ; elles se composent de cabanes, pour les bergers et de parcs, cgxbs '`, µx'• pa'" pour les ani maux. Mais au lieu d'établir ces enclos sur les premières pentes de la vallée, on les place à flanc de coteaux, à l'abri des vents froids, et sur un terrain assez incliné pour faciliter l'écoulement des eaux. Généralement, on choisit des vallons retirés et boisés, ~-gcca 6, Les clôtures sont plus fortes et plus hautes que celles des bouveries ou des haras, car le mouton est sans défense contre les loups et les chacals, 9oSç si nombreux en Orient ; de plus, elles sont fortement inclinées (45°) et forment un abri sous lequel toutes les bêtes peuvent se réfugier en temps de pluie ou de neige. Le parc est divisé en un certain nombre de carrés suivant l'importance du troupeau 8 ; mais il doit toujours y en avoir au moins quatre pour isoler, en temps convenable, les agneaux, les brebis, les moutons et les béliers, car les bergers prennent beaucoup plus de précautions que les bouviers contre les accouplements précoces, le froid faisant périr les mères et les agneaux. Les déjections, xétrpoç, ne sont jamais enlevées des mandras, elles forment une couche très épaisse destinée à protéger les bêtes contre l'humidité du sol ou le froid de l'hiver. Dans les contrées où l'on trouve des grottes, des cavernes accessibles, les bergers, à l'imitation de Polyphème, y abritent leurs bêtes pendant toute l'année ". Les moutons ne sortent jamais du parc avant 8 ou 9 heures du matin , car l'herbe couverte de rosée leur est funeste ; on ne les conduit pas dans des plaines humides où ils contracteraient la pourriture généralement on les fait paître sur les côteaux, dans ces forêts nommées axïpaf0, où on ne trouve plus que des essences arbustives, myrtes, arbousiers, lentisques, etc. On cultivait même, spécialement pour les moutons, un arbuste, le cytise (inedicago arborea L.), xurteoç Cette légumineuse trifoliée, originaire de l'île de Kythnos ou Thermia, se propagea rapidement dans toute la Grèce, car un plèthre carré planté en cytises donnait un revenu annuel de 1000 sestercesj2. Elle passait pour augmenter le lait des brebis'0, tandis que la luzerne, plante du même genre, avait la réputation de le faire perdre'`. On engraissait les moutons du 21 mars au 21 juin'G en cherchant à les faire boire le plus possible. On commençait par les faire jeûner pendant trois jours; puis on leur donnait des concombres dans de l'eau salée, et, tous les cinq jours, on distribuait un médimne de sel pour cent bêtes 16. Parmi les curiosités de la Grèce, on citait deux ruisseaux de l'Eubée dont l'un blanchissait la laine des moutons qui s'y abreuvaient et l'autre la noircissait ". Chèvre (a,). Cet animal, qu'on ne trouve que dans les pays où l'agriculture est rudimentaire, a toujours été nombreux en Grèce. Il y en a encore 1965 894 dans le royaume, alors qu'on n'y trouve pas 50000 bovidés de tout genre"8. C'est que la chèvre fournit presque tout le lait [LAC, CASEUM] dans les contrées où la vache peut à peine subsister. La chèvre se contente de peu ; elle vit de térébinthe 10, de bruyère 20; elle trouve à manger dans les montagnes où il n'y a que ronces et chardons 2L. Un poète donne au rocher l'épithète de atyfeo'7oç22. Les chevriers, dont les moeurs bestiales sont peintes par Théocrite, adressaient leurs voeux à Pan ; le plus souvent, ils lui demandaient de préserver leurs bêtes de la dent du loup 2J et de leur donner deux petits par portée 24. Cochon („ç) 25. Aristote range cet animal parmi les quadrupèdes dont le corps est tout entier poilu comme l'ours et le chien 26. Cela prouve que la race porcine est la même qu'autrefois et qu'elle tenait plus du sanglier d'Europe et d'Asie (fig. 5977; cf°. fig. 2115) que du cochon égyptien 27. A l'époque homérique, les Grecs avaient de nombreux troupeaux de porcs qui paissaient dans les forêts de chênes28; cet usage existait encore du temps où Polybe remarquait, qu'en Grèce, les porchers suivent leur trou RUS 916 RUS peau, tandis qu'en Italie, ils le précèdent'. Mais la facilité avec laquelle on élève les cochons fit que tous les petits cultivateurs voulurent engraisser un ou deux de ces animaux ; en Attique, le cochon devint l'animal domestique par excellence 2; il fut même considéré comme faisant partie de la famille3. Les anciens engraissaient un porc en soixante jours ; ils le faisaient jeûner soixante-douze heures; puis lui donnaient de l'orge, du millet, des poires sauvages, des figues, des concombres4. Mais ce qui engraissait le plus cet animal, au dire d'Aristote, c'est le repos et on devait l'emprisonner, comme on le fait maintenant, dans une palissade si étroite qu'il ne peut marcher. IV. HORTICULTURE. Les Grecs, surtout dans l'Attique, mangeaient beaucoup de légumes, de verdure. La plupart de ses plantes citées comme aliments `CIBARIA, p. 1144 sq.] étaient recueillies dans la campagne où elles croissent encore spontanément. Pour les quelques rares légumes que l'on cultivait alors, voir HORTUS et VILLA Rome. L'agronomie romaine dérive de l'agronomie grecque, soit par les Étrusques6, soit, plus directement, par les Campaniens. Mais les Latins, plus méthodiques, plus attachés à la terre que les Hellènes, perfectionnèrent rapidement les méthodes premières et ne refusèrent jamais d'adopter ce qu'ils virent de meilleur chez les étrangers. Au début, les choses se passent comme dans toute colonie grecque. Le territoire est divisé en deux parts : 1° les terres de culture ; 2° celles qui étaient destinées à servir de pâturages communs, compascua, à tous le s bestiaux appartenant aux citoyens. Sur les premières, on prélevait les domaines royaux et sacerdotaux, puis on divisait le restant en lots égaux répartis viritim 7. D'après une tradition, acceptée par tous les auteurs e, chacun des sujets de Romulus ne reçut qu'un lot de 2 jugères [CENTURIA, p. 101], soit environ 50 ares, ce qui, cultivé en céréales, est insuffisant pour nourrir une famille 9. Il faut donc admettre que les premiers Romains vivaient surtout du produit de leurs troupeaux qui paissaient dans l'AUER ROMANUS et que ces lots si exigus servaient uniquement à la culture de quelques arbres fruitiers et des légumes 10. Après de nouvelles conquêtes, et surtout après l'endiguement du Tibre et le dessèchement des marais, la superficie des lots fut portée à 7 jugères (1 hectare, 76) ", ce qui permit de faire un peu d'agriculture, de récolter de l'orge, ou mieux de l'épeautre, far12, dont on décortiquait les grains en les faisant griller selon le précepte de Numa qui avait institué à cet effet la fête des FORNACALIA. C'est également à ce roi qu'on attribue les premières bornes champêtres [TERMINUS], et les cérémonies que l'on faisait, avant les semailles, en l'honneur de Seia ainsi que celles qui avaient lieu, avant la moisson, en l'honneur de Segestaf3. Dans les premiers siècles de la République, les sénateurs et les généraux, duces, cultivaient eux-mêmes leurs biens, comme les anaktès homériques; les censeurs inspectaient les champs, réprimandaient les mauvais cultivateurs 14. le laboureur qui avait obtenu les plus belles récoltes était appelé bonus agricola, ce qui était alors le plus bel éloge 16. Avec de pareilles moeurs, l'agriculture suffisait à nourrir le payset même les armées en campagne". Mais, au Ive et au 111e siècle av. J.-C. survint une crise qui transforma complètement le système agronomique des Romains : la petite culture disparaît et fait place à l'exploitation de vastes domaines. J. Marquardt attribue ce changement à l'avilissement du prix des céréales causé par les redevances en nature que durent livrer les Siciliens et les Sardes vaincus ". C'est oublier que la petite culture avait pu se maintenir en Attique, bien qu'Athènes fût devenue le grand marché de l'importation des blés, bien qu'Éleusis eût commencé à vendre, souvent à vil prix, les prémices de toutes les récoltes des alliés et des tributaires, bien que des rois étrangers fissent gratuitement distribuer au peuple athénien des quantités considérables de froment. Les Latins pouvaient, comme les Grecs, délaisser la culture des céréales qui ne donnait plus de profit1° et cultiver la vigne ou l'olivier. Dans tous les pays, de semblables transformations s'opèrent sans amener la ruine des cultivateurs 20 La crise romaine du ute siècle est trop semblable à celle qui causa la ruine des Géomores de l'Attique pour n'avoir pas les mêmes causes. Toutes deux (comme la crise agricole qui eut lieu en France à la fin du xvme siècle) sont dues à un essor trop rapide du commerce. Les premiers négociants qui s'enrichissent ont hâte de se retirer des affaires et achètent de la terre pour sauvegarder leurs bénéfices. II faut ajouter qu'à Rome, les sénateurs, les fonctionnaires de tout ordre, enrichis de la dépouille des peuples vaincus et ne pouvant, à cause de leur situation officielle, se livrer à l'usure, mirent également leurs capitaux dans des entreprises agricoles. C'était un moyen honnête de grossir son épargne Y1, tout en se conformant à l'antique tradition de placer ses deniers sur de bons gages 42. Cette intrusion de la finance dans les choses agricoles fut fatale aux petits cultivateurs du Latium qui devinrent des oboerati,puisdisparurent complètement de RUS 917 RUS toute l'Italie', remplacés par le potitor2, sorte de métayer. On abandonnait à ces derniers du cinquième au neuvième de la récolte du blé, selon que le partage était fait à la corbeille ou au modius et selon que le sol était bon, ordinaire ou médiocre ; pour l'orge et les fèves, ils recevaient le cinquième Celte situation précaire était encore aggravée par l'ingérence continuelle des propriétaires, et c'est pour mieux guider ceux-ci que Caton compose son De agri cultura 4, qui est moins un mémento agronomique qu'un manuel de propriétaire foncier. Le souci de l'auteur n'est pas de rechercher ce qui convient mieux à la terre et quels doivent être les meilleurs assolements, dont il ne parle pas, que d'étudier si la vigne rapporte plus que l'olivier et dans quelles circonstances. Ce qui le préoccupe surtout, c'est de régler le travail du métayer; c'est de veiller à ce qu'il ne perde pas son temps'. Il va même jusqu'à lui interdire, ainsi qu'à la métayère, les pratiques religieuses qui peuvent les éloigner de la propriété : « les Lares, les Mânes et les Sylvains suffisent à la protection de la ferme ; il n'est pas besoin d'autres dieux 6 n. Quant aux bêtes de somme, jamais chômer'. Ces métayers disparurent bientôt et furent remplacés par le mucus sorte de gérant que l'on faisait surveiller par un intendant rural, le procurator 0. Varron, qui écrit également pour les propriétaires fonciers, leur indique, mois par mois, ce que le villicus devra faire et il conseille d'afficher ce règlement dans la ferme pour que le gérant ne puisse arguer d'ignorance 10. Son avis fut suivi et l'on a encore plusieurs de ces ménologes agricoles indiquant, pour chaque mois, de combien d'heures se compose la journée de travail et les opérations à effectuer''. A la fin de la République, les propriétés étaient devenues si considérables qu'il aurait fallu des milliers d'ouvriers pour les exploiter 12. On chercha alors à réduire la main-d'oeuvre ou, plus exactement, les frais de nourriture du personnel. Comme la vigne exige au moins soixante esclaves par 100 hectares 13, on l'arracha, sauf dans les meilleurs crus, et toutes les plaines furent transformées en prairies d'élevage. Dejà Varron se plaint que le bouvier ait repris la place des pâtres de Romulus et fait disparaître l'ancien cultivateur romain 14. 1° Connaissance du sol. Les Romains s'embarrassaient peu de toutes les subtilités de la physique grecque"; ils classaient les terres en bonnes, ordinaires et médiocres Si l'on voulait plus de précision, on ajoutait une épithète tirée de l'élément dominant : cretosa, argile losa, lapidosa, etc., modifié par un adverbe, valde, mediocriter ", Mais ce ne sont pas ces questions géologiques qui les préoccupaient le plus. La cognitio fundi envisage principalement la situation de la villa et son exposition. C'est qu'il est, en Italie, des terres où, selon le proverbe, « on fait fortune en un an, mais où l'on meurt en six moisa » du paludismes. Tous les agronomes latins recommandent de ne pas acheter de biens dans ces contrées malsaines; ils recommandent également de ne pas trop s'éloigner des grandes villes et de chercher les facilités de communication, les routes et les fleuves 70, ce dont les Grecs n'avaient cure. Clôtures. Saepes, sapimentum. Varron conseille de ne pas se contenter de borner les champs ; il vaut mieux, pour prévenir toute contestation avec les voisins et éviter les procès, planter des ormes ou des pins entre les bornes; l'orme rapporte le plus: il produit des feuilles pour les brebis; il fournit des branches pour les ouvrages en clayonnage et du bois pour le chauffage. C'était l'usage à 20 kilomètres au nord de Rome; mais, près de Naples, on plantait des cyprès 21. Tous les vergers et les prairies étaient entièrement clos, soit : 1° d'une haie vive, naturale sepimentum ; 2° d'une ligne de pieux, ex agresti ligno, dont on garnissait les intervalles par un clayonnage ou des broussailles; 3° d'un fossé avec escarpe, militare sepimentum ; clôture employée généralement le long des routes et des cours d'eau; 4° enfin, d'un mur en pierres (environs de Tusculum), en briques crues (pays des Sabins), ou cuites (Gaule), en une sorte de béton aggloméré (Espagne et Calabre) 22. Instruments agricoles. A l'exemple d'Aristote 22, les agronomes latins divisent les instrumenta en trois catégories : 1° genus vocale, ou les hommes; 2° semivocale ou les animaux ; 3° muturn ou les machines 24. a. Hommes. Ils forment deux classes distinctes : les esclaves et les travailleurs de condition libre. A l'origine, tous les cultivateurs sont des citoyens qui occupent même, parfois, les premières dignités de la République. Le colon, colonus, romain, dont parle Caton, est également de condition libre et maître de ses terres 2', alors qu'en Grèce, il n'était qu'usufruitier, locataire ou partiaire (partiarius), comme le fut plus tard le politor 26 des auteurs latins. La politio ne doit pas être confondue avec le métayage ; le politor n'est pas un employé payé en nature, c'est un associé, socius27, apportant son industrie dans une entre RUS 918 RUS prise agricole et son contrat est régi par les lois sur les associations commerciales Entre autres, le propriétaire est responsable de toutes les (lettes contractées par le politor pour l'exploitation rurale'. Cette association entre personnes qui ne sont point de la même profession et ne peuvent avoir les mêmes idées est fatalement condamnée à disparaître. Les propriétaires jugèrent préférable de don ocr leur domaine, en tout ou partie'. à ferme, lneulie. contre espèces'. Le cultivateur, colorias, qui devenait fermier, eundoefor, faisait avec le propriétaire, loeoton, un contrat de louage stipulant la durée du bail, ordinairement cinq ans", le prix du fermage' et, parfois, le genre de culture '. Tous les biens meubles du fermier servaient de gage ainsi que dans les autres locations d'immeubles'. Si ce gage n'était pas suffisant, le propriétaire pouvait, par une convention expresse, prendre hypothèque sur les instruments agricoles", bien que ce fût, comme le remarque le législateur, un dommage pour la chose publique. Le fermier avait toujours le droit de sous-affermer tout ou partie du domaine; le propriétaire, n'ayant alors aucune action sur les biens du sousfermier1b, pouvait exiger un cautionnement du fermier principal". Le bail à ferme présente de si nombreux inconvénients quand le cultivateur manque de connaissances saines et de probité parfaite, que Columelle", d'accord en cela avec Thaér et les agronomes de nos jours'', n'admet ce système que pour les domaines trop éloignés pour être exploités plus directement. Pline le Jeune y renonça pour ses terres et les fit cultiver par un métayer'". En fait, tous les fermiers, dont nous connaissons quelque peu l'histoire, exploitent plutôt les domaines publics ou privés de l'Empereur' et c'est ce qui, dans la suite, priva les colons de leurliberté16 COLoxusj. Le métayer, colonus hartiarius, n'est pas un associé au sens juridique du mot, il est quasi socius17: en réalité, c'est un employé dont le salaire est payé en nature et qu'on fait surveiller par des contrôleurs, exactores operis et custodes fructibus'8. Les conditions du métayage diffèrent tellement dans tous les pays, et spécialement en Italie où, dans une province, on trouve de nombreuses coutumes locales f', qu'il est difficile de présenter ici un résumé succinct de toutes les règles régissant cette matière dans l'Empire romain. La classe des hommes libres fournissait encore des tâcherons et des journaliers que l'on engageait pour la moisson, les vendanges, la cueillette des olives : villageois voisins, petits propriétairesL0 ou inquilins21. Caton recommande de choisir un domaine entouré d'une population laborieuse'' c'est-à-dire capable de fournir une bonne main-d'oeuvre pour les besognes temporaires. Varron conseille également de recourir aux journaliers dans les contrées malsaines et pour tout travail insalubre ou pouvant nuire à fa santé des esclaves''. On avait encore la ressource d'employer des étrangers qui venaient, chaque année, faire la moisson dans les pays fertiles. Le plus souvent, ces mercenaires étaient embauchés au delà du Pô par un entrepreneur qui les conduisait dans l'Ombrie et le Latium et y louait leurs services dans les grandes exploitations rurales 24. Des diverses manières d'exploiter un fonds, la meilleure est sans contredit la culture à économie. Ce système permet au propriétaire d'être maître chez lui, et le domaine, tout en augmentant ses revenus, lui sert de lieux de plaisance 2° ; il peut faire élever ses enfants à la campagne", 3( venir lui-même pour changer d'air et y chasser27. A Rome, la culture à, économie se faisait, non par le moyen d'hommes libres, mais d'esclaves. Esclaves. Les esclaves agricoles se divisaient en deux classes comme tous les autres''; les soluti ou déchaînés et les vincti ou enchaînés; l'emploi des uns ou des autres dépendait des coutumes locales et des goûts personnels", ils formaient la familia rustica 30. Le chef de cette famille avait le titre de villicus" ou d'actor32, mais il était esclave"; on l'achetait moins cher qu'un cuisinier" et on le comprenait dans l'inventaire du domaine''. En principe, le villicus ne dirige que la culture; il coordonne les opérations agricoles et les fait exécuter en temps voulu. Quant à la partie finadcière, elle est confiée à un raocuiA'roa 30, qui passe les marchés et conclut les affaires ; il habite au-dessus de la grande porte charretière d'où il peut surveiller si on ne sort rien, furtivement, du domaine et observer les gestes du villicus3i. Dès la fin du m° siècle av. J.-C., on voit les Romains appliquer à l'agronomie les principes de la division du travail'', que les Grecs n'ont connu qu'imparfaitement. Ce système, qui a dû prendre naissance dans l'armée°°, RUS 919 RUS reçut tout son développement à la fin de la République et Columelle nous en montre le double avantage pour l'exécution du travail et la responsabilité des ouvriers'. Chaque genre d'opération est fait par des hommes spéciaux, sous la conduite d'un magister operum 2 qui répartit son monde en escouades, classis, de dix hommes commandées par un moniteur. II y avait ainsi les aratores 4 , les vinitores 5, bubulci 6, domitores subulci 9 usinarii ", opiliones 10, mediastini, etc., pour ne compter que ceux qui ont encore une spécialité distincte dans nos fermes actuelles". Caton recommande de tenir tout ce monde en haleine, même par des corvées improvisées t2. C'est confondre les ouvriers agricoles avec les soldats dont l'entraînement fait la force. 11 importe moins d'avoir des gens toujours occupés que de proportionner le nombre des ouvriers aux produits à récolter. Ce fut là l'enclouure de l'agronomie romaine et Columelle avoue que les 7 jugères liciniens rapportaient plus que les immenses friches de son temps 's. Le tribun Licinius avait fait accorder 7 jugères à chaque citoyen. Cette superficie, dont on n'ensemençait, probablement, qu'un peu plus de la moitiés`, suffisait à une famille vivant de légumes récoltés dans les 3 jugères de jardin, du miel des ruchers, du lait des chèvres et des brebis paissant, par droit de compascuité, dans le saltus de l'ager. Mais ce rapport de 7 jugères pour un cultivateur servit toujours de base aux calculs des agronomes latins15, de sorte qu'on crut, de par la coutumes, avoir besoin de cinquante-huit ouvriers pour emblaver 100 hectares. Quel que soit le rendement, tout bénéfice est impossible, d'où cette conclusion que l'agriculture, ou l'exploitation d'un campus frumentarius, est au sixième rang de l'échelle des revenus agronomiques''. Les oliveraies, que Caton place au quatrième rang, exigeaient encore, pour 100 hectares, vingt et un ouvriers uniquement occupés de la terre1e,puisque la récolte était vendue sur pied et enlevée par les moyens de l'acheteur19. Un vignoble de 100 hectares avait besoin de soixante personnes sans compter celles qu'on employait à la vinification 20. On arrive ainsi au total de cent trente-neuf personnes pour un domaine de 300 hectares où l'on cultivait, en parties égales, la vigne, l'olivier et les céréales, ce qui donne une moyenne de quarante-six ouvriers pour 100 hectares. Cette nombreuse domesticité agricole est restée le fléau de la culture italienne 21. Les propriétaires actuels, surtout dans le Sud, n'arrivent pas à pouvoir payer tous ces ouvriers. Les anciens ne salariaient point les esclaves, mais il fallait les acheter, et, à l'intérêt du prix d'achat, ajouter l'amortissement, au minimum 3 p. 100; il fallait les no.urrir, les vêtir ; tous ces faux frais entraient-ils en compte pour cette foule d'atrienses, de topiarii, de fabri nécessaires datas toute villa"-, mais y vivant dans l'assoupissement et une quiétude voisine de la négligence "3 ? Et, cependant, les riches Romains, obéissant à cette manie, que Tite-Live nomme cupido agros continuandi 28, empruntaient de l'argent "^ pour acheter de nouveaux domaines ; ils savaient qu'ils n'en pourraient tirer aucun profit pécuniaire; leur désir se bornait à pouvoir les conserver". Animaux de travail. Dans la Campanie, où la terre est légère, on labourait avec des ânes ou des vaches". Dans le Latium et les provinces septentrionales, on employait des boeufs et les laboureurs sont appelés bubulci 2a. Seulement, alors, comme au siècle dernier2°, on avait le grand tort de vouloir se servir d'animaux trop jeunes. Columelle réprouve ce système que Celse eut le tort de vouloir défendret0. En moyenne, il fallait une paire de boeufs pour 8 jugères à emblaver. Chaque jugère exigeait quatre jours de travail ; on ne pouvait, dans la culture intensive, commencer les labours que quarantecinq jours avant les semailles. Varron calcule 8 x 4 = 32, plus treize jours pour parer aux maladies et au mauvais temps". En Ligurie, la nature montueuse du sol ne permettait pas de labourer 1 hectare en quatre jours; mais la besogne était plus facile en Gaule, où Saserna prétend que deux attelages de boeufs suffisaient pour un domaine de 200 jugères ou 50 hectares"; c'est qu'il n'y avait ni argile compacte, ni ce fléau de la culture italienne, la terre gâtée. On employait communément les ânes pour porter le fumier soit avec des chariots", soit avec des paniers attachés au bât. Les asinarii sont toujours comptés parmi les ouvriers indispensables à la culture des grains, de la vigne et des oliviers". Instruments agricoles. Les plus importants, pour le travail de la terre, sont les instruments diérétiques, qui sont destinés à pénétrer, comme un coin, entre les molécules à séparer. Ces instruments se divisent en deux classes: les instruments à lame plane et tranchant rectiligne, et les instruments piquants qui pénètrent d'autant plus profondément que leur pointe est plus acuminée. Instruments tranchants. Les plus importants sont : 1° La charrue [ARATRUM] ; 2° la pelle [PALA] ; 3° la bêche, d'abord RIPALIUM; puis, dans la basse latinités° et, en italien, ganga; 4° la houe, qui n'est qu'une bêche emmanchée sous un angle aigu ; le fer carré ou trapézoïde est relié par une douille à un manche en bois. On en connaît plusieurs types la houe à fer plan et plein [sARCULUM] ; la houe à fer plan et fourchu, formant deux larges dents plates [RIDENS, fig. 855] : c'est le béchard dont se RUS 920 RUS servent les Provençaux pour façonner les vignes, car un fer plein pourrait couper les racines de ces plantes', et les Romains l'employaient au même usage2, après s'être longtemps servi d'une pioche, le RUTRUM 3 ; la houe à large fer'' courbe, incurvas", fourchu', monté sur un long manche ;:LIGOT; a houe à fer très large 7, denté 3, [MARRAI. Instruments piquants. Le plus simple est : a) le pic, où l'angle de diérèse est réduit au minimum ; c'est une pointe effilée, mais cassante. Pour remédier à cet inconvénient, on laisse à la pointe toute la largeur du fer et on a : b) une pioche que l'on monte à angle droit sur un manche en bois [SECORts). C) La tournée est une pioche dont la douille se trouve au milieu du fer, dont l'une des extrémités alaforme d'un pic et l'autre d'une pioche. C'est la dolabra fossoria9, employée par les terrassiers[FOSSOR, fig.32811 et les mineurs [METALLA, fi g. 32811, pour détacher la terre qu'on enlève ensuite à la pelle10 [DOLABRA, fig. 24871. d) Un hoyau ou tournée dont l'une des extrémités est rudimentaire. Les deux principaux types de ces hoyaux sont le RUTRUM et le RASTRUM. Rouleau. Cylindrus ". L'une des préoccupations du laboureur est de briser ces grosses mottes de terre, gleba, que la charrue a retournées. On se servait du premier instrument venu, houe, hoyau. Le mieux serait, théoriquement, d'employer le rouleau formé d'un tronc d'arbre ou d'un fût de colonne comme le font encore les paysans dans certaines régions de l'Italie et de l'Anatolie [CYLINDRUS; ; mais l'emploi de cet instrument ne s'est jamais généralisé chez les anciens, parce que presque toutes les terres à emblaver étaient des argiles compactes qu'on ne peut labourer que quand elles sont détrempées par les pluies. Le roulage comprime l'argile et les champs deviennent unis et durst2, comme la surface d'une aire t3. Un instrument analogue au rouleau, avec lequel on peut le confondre", est la ploutre, barre de bois de 3 à 4 mètres de longueur que l'on fait traîner sur les blés semés dans des terres aussi légères et aussi meubles que la pu/la campanienne. On ne pourrait herser sans déchausser complètement la plante15. A défaut de ploutre, on peut employer une herse renversée. herse. Iiirpex, primitivement sirpex ". Les anciens ont toujours donné le plus grand soin au hersage, opération qui consiste à recouvrir la semence. Hésiode se faisait suivre par un enfant qui recouvrait le grain avec une [a.xxé)et,, sorte de hoyau (voir p. 905). Ce travail devient impossible quand on sème à la volée. On emploie alors une claie d'osier, crates, que l'on fait traîner, serpere, sur le sol17, ou une herse en fer, munie de dents et formant comme un système de râteaux''. On l'employait pour recouvrir la semence, pour étaler le fumier, crates stercoraria i°, dans les vignobles ; mais rien ne montre qu'on hersât alors le blé en herbe. Rateau (pecten). Si on ne hersait pas au printemps les céréales d'automne, ce qui a ses inconvénients dans les terres argileuses 2o, -du moins on les râtelait avec des râteaux dont les dents étaient faites d'une mince tige de fer, stili ferrei21. Cette opération a pour but d'ameublir la terre et de faciliter le tallage 22. Le râteau ordinaire, qu'on emploie dans la fenaison, se nommait RASTELLUS23 ou raster ligneus". Faux, faucilles ou sapes. Toutes les variétés de ces instruments sont énumérées par Varron 27 [FALx]. Fourches [FURCA]. Opérations agricoles : 1° Drainage C'est l'une des plus importantes, car la plupart des terres cultivées se trouvaient dans des plaines argileuses, ayant, parfois, moins d'un mètre de pente par kilomètre2°. On est donc forcé de recourir à tout un système de chavessines, de rigoles, de fossés et de canaux que l'on doit toujours tenir en parfait état 27, si l'on veut cultiver ces pingues campi inconnus à la Grèce [TOSSA]. Alimentation des plantes. Stercoratio. Ce fut le mérite des agronomes latins de proclamer que « la terre ne vieillit pas si on l'engraisse 28 n, il D'abord bien labourer, dit Caton, deuxièmement encore labourer ; troisièmement fumer G°. » Les Romains furent les premiers, dans l'antiquité classique, à entretenir du bétail uniquement pour avoir du fumier 30. Le subulcus et l'opilio, que Caton range parmi les ouvriers indispensables aux vignobles comme aux oliveraiesJ', n'étaient pas chargés de fournir de la viande, ainsi qu'on l'a dit L2, mais du fumier. N'imitant pas en cela les Grecs qui reléguaient tous les bestiaux dans la montagne, les Romains envoyaient le moins possible leurs troupeaux dans le saltus ; ils préféraient les garder dans des étables où abondait la litière 33, ils les envoyaient dans les champs quand cela pouvait se concilier avec la culture. Et, cependant, malgré tous leurs soins, ils ne savaient pas faire un bon fumier. Varron avoue que le fumier des chevaux et de toutes les bêtes de somme qui mangent de l'orge, contient beaucoup de graines non digérées qui produisent des plantes parasites au milieu des récoltes 36. Columelle, qui avait appris l'agriculture en Espagne, cherche à réagir contre cette erreur: « Gardez votre fumier un an dans les fosses; alors il ne donne pas de mauvaises herbes, herbas non creat35. Cette aversion des Romains pour ce qui constitue, à notre sens, le meilleur fumier, le fumier de ferme, faisait qu'ils remplissaient leurs fosses, sterquili RUS 921 RUS nium' de toutes les saletés qu'ils trouvaient, et, en été, la fermentation devait être considérable. C'est pour cela qu'ils avaient hâte de l'enlever alors que Columelle, au contraire, recommande de bien faire le mélange quo facilius putrescat et sit arvis idoneum, Ces conseils, que l'on trouve ébauchés dans Varron 3, paraissent être des préceptes d'agronomie punique et les Romains tardèrent à les adopter, car il fallait d'abord transformer le système des fosses à fumier. Pline considère toujours les déjections humaines ou aviaires comme des engrais parfaits°; ce sont ceux qu'on employa le plus Il est donc difficile de calculer la valeur des 8 mètres cubes de fumier que Columelle conseille de répandre dans les champs'. En fumier frais de cheval', cela ne ferait que 3 000 kilogrammes à l'hectare, ce qui est faible. II est vrai que, par crainte de la verse, les agronomes latins recommandent de fumer légèrement la terre, mais le plus souvent possible'. En général, on fumait tous les ans les champs 9, les prairies 10, les vignes et les oliviers, etc. ". Écobuage. Les cultivateurs de la Transpadane avaient un fumier si peu actif pour la terre de cette contrée, qu'ils préféraient le brûler et en répandre les cendres sur le sol 12. Caton recommande également, si on n'a pas de pierre à chaux sur son domaine, et si on ne peut vendre son bois, de le brûler pour amender le sol 13, Mais le système que préféraient les Latins, comme les Grecs, c'était d'écobuer à feu courant, d'incendier les chaumes, d'où l'expression incendere agros 1Y. Parcage. L'écobuage ne convient qu'aux terres argileuses, et on ne peut écobuer des champs où on a planté des arbres fruitiers. Dans ce cas, on attirait, selon le conseil de Caton, les moutons sur les champs moissonnés, et quand ils avaient brouté les chaumes, on les retenait en leur portant des feuilles 15 que l'on prenait aux arbres plantés sur la lisière de ces champs ". Engrais verts. C'est probablement le parcage qui conduisit. les Romains à cet excellent système des engrais verts", que G. Ville chercha dernièrement à remettre en pratique et d'où il tira sa théorie de la sidération. Même ses adversaires reconnaissent que les engrais verts réussissent beaucoup mieux dans le Midi que dans le VIII, Nord tt : il est donc facile de comprendre pourquoi les Romains donnèrent le plus grand soin à ce procédé empirique de nitrification du sol. Les légumineuses sont les seules plantes à cultiver comme engrais vert, et parmi les légumineuses, c'est le lupin et les vesces10 qui fournissent le plus d'azote d'après les analyses de Wolff. Aussi, le lupin est-il la plante de prédilection de tous les agronomes latins, et Pline en fait un éloge un peu oratoire20. Le lupin cultivé par les anciens, en Italie, est le lupin blanc (L. albus, L.) . Aujourd'hui, dans les pays où la sécheresse n'est pas à craindre, les Italiens le sèment en mai et l'enterrent à la fin de l'été ; dans d'autres provinces, on sème en septembre pour le retourner à la fin d'avril. D'après Pline, on semait en septembre et on récoltait en septembre ; mais, comme engrais vert, on l'enfouissait dès la seconde floraison, dans les terres sablonneuses et, lors de la troisième floraison dans les terres argileuses. L'un des plus grands avantages que présente cette plante, c'est qu'on peut répandre la graine sur un terrain moissonné et parmi les chaumes : c'est la seule culture qu'on puisse faire sans labour et qui réussisse sur un sol couvert de feuilles, de broussailles et de ronces 22. Marnage. Ce système ne fut pratiqué ni par les Grecs23, ni par les Romains. C'est une méthode de culture spéciale aux peuples de race celtique et Pline dit fort bien : ratio quam Britannia et Gallia i/avenere... quod genus votant margam 24. I1 n'y a que dans la GrandeBretagne et en France où l'on trouve d'anciennes marnières2". Les marnes se distinguaient par leur contexture ressemblant à l'argile, argillacea; au tuf, tofacea; au sable, arenacea ; ou par la couleur : elba, dont la plus estimée était la glissomarga, son effet durait trente ans; rufa, dont la meilleure se nommait acaunumarga et fertilisait les champs pour cinquante ans. Quant à la marne colombine, que les Gaulois nommaient eglecopala, elle ne se délitait pas à l'air mais se clivait en minces lamelles 26. Il est certain que toutes ces matières ne peuvent pas être considérées comme de la marne , ces substances, qui amendent les terres pour trente ou cinquante ans, étaient certainement des phosphates dont les gisements sont assez nombreux en France21. 116 RUS 922 RUS Chaulage. Ce système n'était employé que par les Pictons et les Éduens', probablement sur les schistes primitifs de la (latine et du Morvan. En Italie, on ne chaulait que la vigne et les oliviers'. Amendements arénacés et argileux. L'Espagnol Columelle en avait appris les avantages chez son oncle paternel M. Columella, qui mêlait de l'argile aux terres sablonneuses, du sable aux sols argileux et trop cornpactes 3. Pline qualifie ce système de dementia et il ajoute : Quid potest sperare qui talem colit ? Ce qui montre assez combien peu les Romains comprenaient la pratique des amendements et les idées fausses qu'ils avaient sur les qualités et la nature du sol. 1. AGRICULTURE. Elle a pour but la production des céréales [I=RUMENTA] des plantes légumières cultivées en plein champ [VILLA RUSTICA], et des plantes textiles. Opérations agricoles : Labour, aratio. C'est la première et la plus importante de toutes. Elle consiste, comme l'a très bien dit Virgile, à ameublir le sol. Et ceci Autre solum numque hoc imitamur arando4. Pour saisir toute la portée de ce putre solum et de putris gleba 5, il faut se souvenir que les anciens n'ensemençaient guère que ces plaines et ces vallées argileuses où se trouve le pinguis humus ',qui correspond à la riftps (-, des Grecs; qu'après la récolte, ce sol, compacte de sa nature, foulé par les pieds des moissonneurs, durci par le soleil de l'été, forme une masse impénétrable que l'on ne peut, en certains pays, entamer avec nos plus fortes charrues traînées par cinq ou six paires de boeufs. C'est seulement après les pluies d'hiver et les gelées qu'on peut labourer de telles terres' ; et il faut plusieurs façons successives pour ameublir le sol. De là, est venu l'usage forcé de la jachère dont les Grecs ont méconnu le principe. 1,es Romains, (lui n'attachaient à la jachère aucune idée superstitieuse ou religieuse, voulurent profiter de ces fortes averses, qui tombent parfois en été, pour labourer leurs champs de tuf. Mais alors se présenta ce curieux phénomène de la terre gâtée que Caton nomme cariosa terra 8 et que Pline ne semble pas avoir connu 2; son explication n'a fait que susciter de nombreuses hypothèses. Caton dit ceci : « N'essayez pas de labourer après ces pluies d'été ou d'automne qui ne font que mouiller la surface du sol. Votre terre deviendrait stérile pour trois ans. Si vous avez carié votre champ, n'y conduisez aucun troupeau, aucune voiture. n C'est à Adr. de Gasparin que l'on doit l'explication de ce phénomène qu'il a vu se produire en Provence10. D'après M. Berthault, on peut l'observer dans toutes les régions de la France". En principe, on devait attendre le printemps 12 pour faire le premier labour qui consiste à fendre le sol, proscindera". C'était encore l'opinion de Caton, qui recommandait de commencer par les terres calcaires ou sablonneuses et de terminer par les champs argileux 14. Mais, par suite des changements survenus dans les méthodes de culture et de l'aménagement en prés des sols trop compactes, on arriva à faire le labour de défoncement vers les calendes d'octobre 15 et même vers la première moitié d'août, dans les plaines humides 16, les terres calcaires, légères17 des pays où l'on n'a pas à redouter la prolifération des crucifères et autres plantes nuisibles 18. Il fallait faire ce premier labour très profond 19 et ne pas se contenter d'égratigner le sol (perstringere) 20, comme on y était contraint dans les terres pauvres et maigres, solum exile et macrum d7. Un homme pouvait labourer un accus, soit une douzaine d'ares (12,591) dans sa journée 22; c'était l'habitude dans le centre de l'Italie et probablement dans la Bétique, où Columelle va prendre tous ses exemples; mais Pline, qui connaît mieux les environs de Naples, dit qu'on pouvait labourer le double en un jour V3, il est vrai qu'au pied du Vésuve, la terre est si meuble qu'on peut faire tirer la charrue par une vache ou un âne24. La règle était de tracer un sillon de 120 pieds d'une seule traite, uno impetu justo ; mais, à la tournée, on laissait les boeufs reprendre haleine; on leur faisait boire, à chacun, un double setier de vin 25 et on éloignait le joug des épaules pour éviter les plaies 2°. Le villicus devait surveiller si les sillons avaient la profondeur voulue, si on n'avait pas laissé de bans, scamnum27, lira 28 dissimulés sous la terre renversée parla charrue, sous l'ados, porca 29 ou tergum de Virgile 30 Le second labour avait pour but de renverser ces ados ou arêtes culminantes des sillons, mais plus spécialement, de briser les grosses mottes de terre, gleba, qui recouvraient le guéret, navale 31. Pour cela, on le faisait transversalement au premier 32. Cette opération, que l'on désignait par le verbe offringere33, avait lieu vers le 21 juin; on était forcé, dans le nouveau système, de la faire quinze jours après le premier labour, c'est-à-dire en septembre ". Du temps de Palladius, on se contentait d'une façon à la main, avec la dolabra35. C'est à ce deuxième labour que les anciens Romains attachaient le plus d'importance, car RUS 923 R1IS on devait prendre garde de gâter la terre en labourant un sol rendu humide par les orages d'été ; on devait bien enterrer le fumier épandu sur le sol ; enlever les pierres, lapides omnes egerito 2 ; bien briser les mottes, les pulvériser et rendre inutile l'opération nommée occatio 3. Et cependant ces multiples opérations exigeaient moitié moins de temps que le premier labour de défoncement'. Le troisième labour se faisait non pas comme chez les Grecs, avant les semailles, mais après, facto semine °. Cette façon que l'on nommait lirare 6, avait pour but d'enterrer la semence, de raffermir le sol et de creuser des rigoles pour l'écoulement des eaux fluviales. On attachait à la charrue une poutre, tabula', sorte de ploutre primitive, ou des planches, tabellaes. On pouvait se servir encore d'une claie, craies', d'une herse (crates dentata)1°, ou du RASTRUM ". Le labourage, qui fut longtemps la principale occupation des Romains, a donné un certain nombre de métaphores qui sont restées dans les langues romanes : arare versus12, praevaricari13, deliraref4, etc. Semailles (satio). Elles avaient lieu à des époques différentes selon le climat, la nature du sol et le genre de la plante. En général, cependant, on semait en automne ; un peu plus tôt, dans les terres sèches 16 ; d'abord l'orge, ensuite le blé, bien que les calendriers agricoles portent pour novembre sementes triticariae et hordiar 16. La couturne indiquée par Varron était de commencer les semailles au 23 septembre et de les continuer pendant les quatrevingt-onze jours suivants pour avoir terminé le travail au 22 décembre". Dans la campagne romaine, on semait, par ,jugère, Il modii de fèves; 5 de blé; 6 d'orge ou 10 d'épeautre'8, 4 de mil ou de panic, 10 de lupin '°. On semait plus dans les sols argileux, moins dans les terres calcaires ou sablonneuses 20, selon le principe de Xénophon. Les grains destinés à l'ensemencement étaient choisis avec soin pour éviter la dégénérescence de la race". 011 leur faisait même subir certaines préparations " dans le but de prévenir l'apparition et le développement des champignons parasites, carie, charbon, ergot, etc. Les Romains, comme les Grecs, semaient à la volée (fig. 5978) 23, Hersage (occatio). Cette opération que l'on faisait avec la claie d'osier, crates viminea, la herse à dent de fer, crates dentata, avait lieu à deux époques distinctes : 1° après le second labour, quand il restait de grosses mottes2° ; parfois même, sur les sols naturellement meubles, elle remplaçait ce deuxième labourL°; 2° après les semailles, quand on ne pouvait labourer, lirare26. A défaut de herse, les petits cultivateurs employaient la dolabra27 ou le rastrum à plusieurs dents2". Binage (sarritio, saritio, sartio). Cette opération que les Italiens nomment sarchiatura est, à proprement parler, le binage de nos agronomes 2°. Columelle recoinmande de le faire quand le blé n'a encore quo quatre ou cinq feuilles30 et les calendriers l'indiquent parmi les opérations à effectuer en février 21. Le binage a pour but. d'ameublir le sol, de détruire les mauvaises herbes, d'éclaircir les semis trop drus 32, de rechausser les céréales pour leur permettre de mieux taller. Pline conseille de biner deux fois le blé, l'orge, l'épeautre et les fèves 33. C'est également l'avis de Columelle qui compte un jour par jugère, soit deux jours pour les deux façons 3'. Cependant, Varron prétend que cette opération était très discutée par les agronomes 3". Sarclage (runcatio). Cette façon qui se donnait au mois de mai", quand le blé est sur le point de montrer ses tuyaux et ses épis", avait pour but d'arracher toutes les plantes parasites dont les plus importantes sont énumérées par Virgile". On l'exécutait à la main, niais, quand les champs étaient infestés de chardons, de ronces ou de plantes acaules, on employait les ARCULUM ou le HUNCO ,Moisson (messie). D'après les deux calendriers agricoles trouvés dans l'Italie centrale, la moisson de l'orge et des fèves avait lieu en juillet et celle du blé et. de l'épeautre en août40. Le jour précis variait avec l'état de l'atmosphère et les conditions météorologiques du précédent mois, Columelle recommande bien, lorsque le moment est arrivé, de ne pa.s remettre l'opération au lendemain 41 ; on verrait alors les épis s'entr'ouvrir et les grains tomber à terre. D'après Varron, les Romains moissonnaient le blé à mi-hauteur, comme les Grecs. Ce procédé n'est peut-être indiqué que pour donner une étymologie à messis : a quo medio messem dictam putti". En général, comme le montrent divers monuments de l'époque impériale'r' on coupait, stringere", les épis aussi hautque possible pour RUS -924RUS ménager la paille, éviter qu'elle ne soit brisée sur l'aire et rendue impropre aux divers usages auxquels l'employaient les Latins. Sur d'autres monuments et quelquefois sur les mêmes, on les voit coupés à mi-hauteur ou plus près de terre et mis en gerbes (fig. 5979, 5980). Ordinairement on jetait les épis dans une corbeille, corbis' et on les portait sur l'aire. En somme, les Romains moissonnaient les céréales exactement comme nous vendangeons. Ce n'est qu'après la cueillette des épis, qu'on fauchait ou qu'on sapait la paille, on la javelait, puis on la bottelait, in manipulos colligare 2, pour la conserver en meule, acervus, ou en grenier. Dans la précédente figure, ce sont des tiges avec leurs épis qui sont ainsi rassem blées. Sur un sarcophage les moissonneurs, armés de faucilles à manche, saisissent à pleine main des gerbes déjà étêtées par les coupeurs. C'était également la méthode employée dans le Picenum, mais au lieu d'employer la faucille, on se servait d'un instrument spécial décrit par Varron'. Le procédé ombrien était tout opposé : on commençait par couper le blé rez terre, puis on détachait les épis de la paille et on les transportait sur l'aire dans une corbeille 0. En Gaule, on se servait d'une moissonneuse portée sur deux roues n ; ailleurs, on coupait les épis avec une paire de ciseaux, inter ducs mergites 7. La diversité des méthodes ne provenait pas seulement des coutumes locales, mais aussi, au dire de Pline, de l'étendue des domaines et de la cherté de la main-d'oeuvre 8 Battage et dépiquage (trituratio). Les Romains avaient plusieurs procédés pour faire sortir le grain des épis : 1° Le dépiquage ou foulage employé par les Grecs. 2° Le battage avec des traîneaux [TRARA, TRIBULUM].3° Le battage avec des rouleaux garnis de dents saillantes et fixés dans le cadre d'un traîneau. Ce cadre était traîné par deux boeufs que conduisait un homme assis à égale distance du cylindre d'avant et du cylindre d'arrière'. Cet appareil, que l'on trouve encore en usage dans le Liban, se nommait plostellum punicum. 4° Le battage au fléau, cum baculis 1 °, perticis tt ; c'est la /lagellatio. Tous ces procédés s'exécutaient au dehors, et non dans des granges. On battait les grains sur des aires dont le mode de construction est indiqué, en détail, par Caton 12 et par Virgile f3Dans la vallée piémontaise du Tanaro, les aires étaient couvertes d'une toiture l'. Nettoyage du grain, vantage (ventilatio). Ce moyen était le plus habituel et il ne semble pas avoir différé de celui que nous avons vu employer par les Grecs; en Italie, il fallait attendre que le Favonius soufflàt doucement. Si l'air se maintenait au calme pendant plusieurs jours, on devait présager une tempête qui perdrait la récolte, et on nettoyait le grain par le vannage 15 [VANNES]. Maladies des céréales et plantes nuisibles. La maladie que les Romains, comme les Grecs, redoutaient le plus, est la rouille, rubigo 10. Pour en préserver leurs céréales, on célébrait la fête des RORIGALIA. A propos de la cariosa terra de Caton et de Columelle, nous avons vu qu'un labour intempestif pouvait faire germer un grand nombre de crucifères qui épuisent le sol. La plus commune et la plus redoutable est la moutarde (sinapis alba, L.), senape bianca, a dont il est difficile de délivrer le sol parce que la graine qui tombe germe aussitôt 17 ». Une autre plante qui, parfois, peut devenir très nuisible, est le coquelicot, papaver erraticum de Pline 18. Quand la température est chaude et humide, il prend un tel développement qu'il étouffe les blés d'automne et qu'on ne peut s'en débarrasser même par des sarclages spéciaux qu'on nomme dans la Pouille spapaverare ou spapernare. Le coquelicot est représenté dans les peintures de Pompéi t9, ainsi qu'une autre plante nuisible, la coquelourde 40 (agrostemma githago, L.), gottone, qui est de la même famille que la lychnis (A. coronaria, L.) que Pline nomme fleur de Jupiter21. Rotations. Dans l'agriculture grecque, les champs restaient en jachère pendant plus d'un an, quinze ou seize mois. Les Romains essayèrent de supprimer cette cause de diminution de revenus et de faire alterner la culture des céréales avec celle d'autres plantes qu'ils considéraient comme moins épuisantes22. La terre qu'on laissait, « se reposer par le seul changement de production 23 », se nommait restibilis 2'. Virgile donne plusieurs exemples de mutations25: alterner le blé avec des plantes légumières ou celles-ci avec le lin, l'avoine26 ou le pavot. Pline27, après Columelle 28, indique trois autres rota RUS 925 RUS ',ions pour les terres meubles, argileuses ou légères. Culture des céréales [FRUMENTA]. Plantes textiles : 1° Lin [LINUM]. 2° Chanvre, cannabis '. En Italie, on cultivait le chanvre aux environs de Rosea2, dans le pays des Sabins. On semait au printemps, quand le Favonius commençait à souffler. On récoltait la graine à l'équinoxe de septembre, et on arrachait la plante après les vendanges. Plus la plante était semée drue, plus la tige était fine et haute. Le chanvre de Rosea avait la grandeur d'un arbre, mais ce pays, très humide, passait, bien qu'on n'y cultivât point les céréales, pour être d'une merveilleuse fertilité depuis que César Vopiscus, plaidant sa cause devant les censeurs, avait dit qu'en une nuit l'herbe y croissait de l'épaisseur d'une perche 3 II. ARBORICULTURE. Théophraste connaît tous les arbres fruitiers de l'antiquité ; mais nous ne voyons les Grecs, à aucune époque de leur histoire', chercher à acclimater, dans leur pays, les arbres qu'ils avaient pu voir en Asie, bien que les Perses leur eussent, maintes fois, montré le moyen de cultiver de nouvelles plantes'. Les Romains, au contraire, étaient avides de nouveautés, et c'est à eux que l'on doit la connaissance et l'introduction, dans notre Occident, de beaucoup d'arbres asiatiques ou africains. On sait le prix fabuleux que l'on donnait à Rome, sous la République, pour avoir des arbres rares', et le revenu considérable que l'on tirait parfois de l'arboriculture 7. Principaux arbres cultivés : 1° La vigne, dont la culture est mise au premier degré de l'échelle des revenus par Caton 8 [vINUM]. 2° L'olivier, qu'il place au quatrième rang [oLEUM]. 3° Le figuier ; c'était l'arbre sacré des Romains, comme l'olivier était celui des Athéniens. Déjà du temps de Caton, on cultivait, dans l'Italie centrale 9, au moins six races ou variétés de figuier. Les marisques, mariscae, que l'on plantait dans les terrains crayeux ou découverts; les figues d'hiver, les télanes noires à long pédicule, les africaines, les herculanées et les sagontines que l'on cultivait dans une terre argileuse et fumée 10. A l'époque de Pline, les variétés s'étaient considérablement multipliées, car beaucoup de personnes étaient désireuses de donner leur nom à des races nouvelles l , Mais les caractères de ces variétés sont si minimes qu'il est difficile de les différencier sur les figues sèches trouvées à Pompéi" ou sur les peintures qui représentent ces fruits 13. 4° Pommier [CIBARIA, p. 1151]. Sa culture paraît très ancienne en Italie. M. Sordelli 14 a trouvé dans les palafittes du lac de Lagozza, et M. Ragazzoni dans le dépôt de Bardello (N.-O. du lac Varèse), des pommes qui semblent plus grosses que celles qu'on trouve dans les dépôts lacustres de la Suisse'. On les conservait entières ou coupées en tranches longitudinales que l'on faisait sécher pour l'hiver. Du temps de Caton 1C, ces fruits étaient conservés dans des tonneaux, in doliis. Le pommier, se greffant facilement ou recevant, comme sujet, la greffe d'un autre arbre 17, on voit le grand nombre de variétés que l'on a pu obtenir en cultivant sur des terrains différents ces petites pommes sauvages qui existaient encore en Italie à l'époque de Pline ". 5° Poirier [CIBARIA, p. 1151]. Nos agronomes conseillent aux jardiniers de se borner, commercialement, à la culture d'une dizaine de races de poiriers pour avoir des fruits à vendre depuis le mois de juillet jusqu'en mai et de laisser aux amateurs le soin de collectionner les trop nombreuses variétés qui existent". Il en était de même à Rome où la passion de la pomologie faisait essayer toutes les créations que l'on peut obtenir par les semis ou la greffe 20. Une peinture de la maison de Mars et Vénus, à Pompéi 2r, représente des rameaux de poirier avec les feuilles et les fruits ; une autre peinture, dans le triclinium de la maison de Siricus ou Salve Lucrum, représente des poires22 comparables à celles d'une mosaïque trouvée dans la maison du Faune 23 6° Cognâssier [CIBARIA, p. 1151]. Cultivé tant pour ses fruits que comme porte-greffe du poirier et du pommier°°. On plantait tous ces arbres à pépins, non seulement dans des vergers, mais aussi dans les champs emblavés 2', comme on le fait encore dans le système campanien que l'on peut observer entre Gaine et Sorrente. Les arbres fruitiers à noyau, nuclei, étaient cultivés dans les vergers ou les prés; ils appartiennent, presque tous, à la tribu des prunées et forment les nombreuses races ou variétés des pruniers, pêchers, abricotiers, amandiers, cerisiers, etc. [CIBARIA, p. 1152]. Multiplication et reproduction. Virgile divise les modes de reproduction en deux classes : 1° modes naturels, hos natura modos primum dedit2° ; 2° modes artificiels, quos ipse via repperit usus". 1°Les premiers sont subdivisés en trois :a. semis, sponte .sua28, c'est le moyen dont on se contentait pour l'osier, le genêt, le peuplier, le saule, etc. 29 ; b. servis àla volée, ou plutôt, en lignes, posito de sernine30 (châtaigniers, chênes, etc. 31); c. drageons, pullulat ab radice32, moyen de reproduction de l'orme, du cerisier, du laurier 33. 2° Les modes artificiels se subdivisent également en trois : a. boutures simples, prises sur des rameaux d'antan 34 et boutures en plancton, formées de rameaux plus forts dont l'extrémité mise en terre est aiguisée ou fendue en quatre36; b. marcottes36 par provignage pour la vigne, et couchage pour les autres végétaux ; c. greffes, ou boutures que l'on plante, non plus dans la terre, mais sur des plantes vivantes. Virgile n'indique que deux pro RUS 926 RUS cédés : la greffe par (eil, oculos imponere ' et la greffe par rameaux, inserere 2. Caton 3 fournit déjà un grand nombre de renseignements techniques et précis sur les différentes greffes : l'un de ses procédés a même été remis en honneur par M. Cazalis-Allut, etapermis, au siècle dernier, de conserver noire vieille race des muscats de Frontignan. La reproduction des arbres avait lieu dans des pépinières, sentinarium ', plantarium entourées d'une bonne clôture, bêchées au bipalium, épierrées avec soin, souvent sarclées. Les jeunes plants étaient espacés d'un pied et demi en tous sens 6 et on les protégeait contre les rayons solaires par des paillassons ou des claies de figuier placés à hauteur d'homme'. La transplantation avait lieu au printemps 8 ; avant de déplanter, on poussait le soin jusqu'à marquer, sur l'écorce du sujet, le côté exposé au nord pour que la plante fût remise dans la même orientation °. La profondeur, fastigium, des trous de plantation, scrobis, variait avec la nature et la force de l'arbre; mais quelle que fût la plante, on recouvrait les racines de fumier, on jetait de la terre, et on formait la couche superficielle avec des coquilles ou des pierres spongieuses pour empêcher l'argile de se durcir au soleil °. 111. ZOOTECHNIE. 011 a prétendu que «l'ère historique en Italie, ne tonnait plus les peuples pasteurs" ». L'assertion est probable au sujet des Étrusques, mais elle reste hypothétique pour les colonies grecques, qui inventèrent la poésie bucolique. Quant aux peuples italiotes, il est certain que la plupart d'entre eux ont continué jusqu'à nos jours à ne vivre que de l'industrie pastorale. Tous les automnes, de grands troupeaux de boeufs descendent de la Sabine pour passer l'hiver dans la campagne romaine; d'immenses troupeaux de boeufs et de moutons transhument des Apennins et vont hiverner sur ces plateaux argileux qu'on nomme tavoliere du Capitanate. Fr. Lenormant parle de troupeaux, punta, qui comptent généralement dix mille tètes et il rappelle qu'à la fin du xvi° siècle, plus de quatre millions de bêtes à laine venaient ainsi, chaque hiver, dans la plaine de Foggia 1'. Cette coutume est antérieure aux Espagnols, aux Normands et aux Byzantins. Vouloir la supprimer, comme l'essayèrent les Français au commencement du siècle dernier, ce serait ruiner tous les habitants de l'Apennin, des Abruzzes, région où la culture des céréales est impossible, où la neige séjourne six mois de l'année, où l'on n'a d'autre ressource que les châtaignes et l'industrie pastorale qui y est fort prospère en été. Les Romains ont toléré cette transhumance et l'ont réglementée par une loi des censeurs, lege censoria 13. Mais elle est plus ancienne que cette loi romaine et remonte à l'indépendance des Samnites. V. Duruy a même reconnu que ce fut, pour ceux-ci, « une cause de guerres continuelles avec les peuples voisins 1'' ». Toutes les invasions samnites en Campanie, dans la Lucanie et la plaine de Tarente, n'ont d'autres motifs que la nécessité de mettre les troupeaux à l'abri des froids de l'hiver'', et il est probable que ce furent les Romains qui, ménageant les intérèl.s opposés des agriculteurs et des pasteurs, canalisèrent cet exode annuel vers les plaines dépeuplées de l'Apulie et la campagne de Diomède16. On y envoyait même les troupeaux de Reale", ce qui avait été impossible avant la conquête du Samnium par les Romains, le parcours ne pouvant exister que dans les limites d'un même État' Avant le traité de 290, les Sabins de Reate et les villes voisines ne pouvaient conduire leurs bestiaux que dans le Latium. Fatalement, cette « large plaine » eut à subir de la part des Sabins les mêmes vicissitudes que les Samnites faisaient éprouver aux plaines de Campanie et de Tarente. Cet état dura jusqu'au jour où les pâtres de Romulus s'installèrent définitivement sur le Palatin. On a prétendu que ces bergers se transformèrent du jour au lendemain en laboureurs et, comme les bina jugera sont insuffisants pour la culture des céréales, on a émis l'hypothèse d'un communisme agricole pratiqué dans l'ager publicus 20. Par définition même, un terrain de vaine pâture, alter publicus, ne peut être cultivé. Dans tous les pays où existent encore le parcours et la vaine pâture, les propriétaires qui veulent cultiver doivent enclore avec soin leurs champs 21. Ce n'est qu'à partir du règne de Numa qu'on commence à trouver les premiers indices d'une culture des céréales, mais les Latins cherchèrent toujours à tirer profit de la nécessité où se trouvaient les Sabins de recourir au parcours et de faire hiverner leurs bestiaux dans la plaine. C'est pour cela qu'on transforma, les moins bonnes terres du Latium en prés ou prairies. Caton nous a conservé un modèle de location de prairie pour l'hiver, des calendes de septembre aux calendes de mars". Le profit était bon; on augmenta les pâturages et quand la petite propriété rurale fit place aux latifundia, la campagne romaine reprit cet aspect si spécial que nous lui voyons aujourd'hui et qu'elle avait conservé, au moins, jusqu'au règne de Numa. Troupeaux. Les Latins distinguaient : 1° l'armentum formé d'animaux destinés à aider l'homme dans ses travaux : boeuf, mule, cheval, âne"; 2° le grex, composé d'animaux dont on tire un revenu comme le lait, la laine, la viande : brebis, chèvre, porc 22. RUS 927 RUS Boeuf' (bos). 11 est possible que la race des boeufs à longues cornes, que l'on voit dans la campagne romaine, provienne des boeufs d'l:pire dont parle Aristote'. En tout cas, elle diffère complètement des taureaux et des vaches représentés suries monuments dans lesquels on peutreconnaitre des types italiens, notamment les lingots servant de monnaie marqués à l'empreinte du boeuf [As, fig. 546] ou les scènes de sacrifice [voir tig.2474, 2488, 4692, 4872], SACRIFICIUM]2. Columelle compte quatre races bovines en Italie : 1° la campanienne, pelage blanc, taille petite, peu de force ; 2° l'ombrienne, pelage blanc, parfois rouge, grande taille; 3° l'étrusque, animaux massifs et forts; 4° l'apennine, moins belle que les précédentes, mais plus forte et plus rustique. Toutes ces races étaient si peu laitières qu'on faisait venir des vaches des Alpes, des cevae pour allaiter les jeunes veaux italiens3. Quand on n'avait point cette ressource, on donnait aux petits un supplément de nourriture composé de fèves broyées et surtout de vin, mais il était de règle de les laisser téter pendant un an pour qu'ils devinssent plus forts`. On comprend que ces vaches italiennes fussent incapables d'allaiter leurs petits pendant douze mois, puisqu'elles devaient vêler chaque année. Elles mettaient bas au printemps et on les accouplait à nouveau, au mois de juillet. C'est qu'en Italie, comme en Grèce, les boeufs ne sont pas, à proprement parler, des animaux de boucherie, mais des bêtes de trait, et Virgile compare toujours l'élevage de ces animaux à celui des chevaux s. Quand toutes les vaches du troupeau avaient vêlé, on triait les jeunes et on en faisait trois lots': 1° les animaux destinés à repeupler le troupeau, pecori submittere habendo) ; 2° les victimes des sacrifices (aris servare sacros), ou les prémices ; 3° les boeufs de travail (scindere terram), dont la vente constituait le principal revenu des éleveurs. Les veaux, ainsi classés, étaient marqués de signes spéciaux au fer rouge 8. A un an, les veaux cessaient d'être subrumi 9, c'est-à-dire de téter ; c'est alors que, dans certains pays, on les châtrait ; il semble cependant qu'en Italie, on ait attendu qu'ils eussent acquis plus de force et qu'on ne faisait subir cette opération qu'aux bovillons de deux ans"; c'est alors qu'on commençait à les dresser à la charrue11, afin de pouvoir les vendre à quatre ans. C'est à cet âge que les cultivateurs les achetaient pour les faire travailler. Ces boeufs de trait étaient tenus à l'étable et on les nourrissait comme Caton l'indique en détail '9. Mouton (ovis). On élevait les moutons pour leur laine [LANA] (Si tibi lanitium curae...13). Les races de choix étaient donc celles qui avaient la toison la plus blanche et la plus fournie. Les moutons devaient avoir de la laine autour du cou, sur la tête jusqu'au nez et, surtout, sous le ventre Toute brebis, ventre glabro, était appelée apica 15 et rejetée du trou peau ; preuve qu'on estimait plus la quantité de la laine que sa qualité. On rejetait également les béliers qui avaient des taches noires dans la bouche, à la voûte palatine, parce qu'on craignait que leurs agneaux n'eussent la laine noire ou bigarrée". C'est encore pour mieux ménager la toison et la préserver de toute souillure qu'on changeait si souvent la litière des bergeries" et qu'on menait paître les moutons dans des endroits où il n'y avait ni ronces, ni épines 18. On a vu précédemment le système suivi par les pasteurs pour l'élevage du mouton. Les agriculteurs, au contraire, gardaient les moutons dans la ferme et les nourrissaient toute l'année, soit à l'étable, stabulum, soit aux champs, où on les parquait après la moisson". C'est le même système que nous suivons dans la Brie. Chèvre (copra). Les Italiens élevaient des chèvres pour avoir du lait [LAC]. Les troupeaux devaient donc rester près des villes où le berger allait, dès l'aurore, vendre la traite de la veille au soir20. Columelle recommande de n'avoir que cent chèvres là où on pourrait élever commodément mille moutons"; les étables, stabula, devaient être tenues avec le plus grand soin ; on les balayait chaque matin; on enlevait les déjections, la boue et tout ce qui pouvait y entretenir l'humidité. Les chevriers étaient choisis parmi les bergers les plus robustes et les plus actifs 22, contrairement à ce que l'on faisait dans les pays grecs. On s'arrangeait pour faire naitre les chevreaux au printemps « quand les taillis se couvrent de bourgeons et les bois d'un tendre feuillage" ». De deux chevreaux, on réservait le plus robuste pour recruter le troupeau ; le plus faible était vendu; cetera mercantibus traduntur9'. Cochon (sus). -Il y avait deux races de pores"; les uns, véritables cochons domestiques, à peau glabre ou à soies blanches, étaient choisis par les petits cultivateurs qui voulaient élever un ou deux porcs avec les débris de cuisines et les résidus de laiterie 26. Les animaux, qui vivaient en troupeau, dans la montagne, ressemblaient davantage au sanglier ; ils avaient les soies noires, dures, épaisses. L'été, ils restaient dans les forêts et s'y nourrissaient de caroubes, d'arbouses, de cornouilles, de prunes et de poires sauvages ; ils revenaient à la fin de l'automne 27 pour passer l'hiver dans des porcheries où on leur donnait à manger des glands fumés ou conservés, soit sur des planchers, soit dans l'eau des citernes 98. On cherchait à ce que les truies eussent leurs petits en juillet; les éleveurs qui tenaient à avoir deux portées par an, devaient vendre les porcelets de la seconde portée, non comme sacres, mais comme cochons de lait, porci 9° [CIBARIA, p. 1159], car ces jeunes animaux supportent difficilement les froids de l'hiver. Les verrats n'étaient châtrés qu'à l'âge de trois ou quatre ans 30 RUT 928 RUT