SACCHARON (2;xz,apov). Dans l'alimentation et la médecine des Grecs et des Romains, le miel :MEL] tenait lieu de sucre: c'est seulement au moyen âge et par l'intermédiaire des Arabes que l'usage du sucre de canne s'est répandu en Occident'. On peut se demander cependant si les anciens n'ont pas connu ce produit. Les roseaux du genre saccharum o/ficinarum, d'où on le tire, ont pour pays d'origine soit l'Asie méridionale, Inde ou Cochinchine, soit l'Archipel malais 2; le nom qu'ils portent et les noms mêmes du sucre dans les différentes langues modernes dérivent d'un mot sanscrit, çarkara, prâkrit, sakhara. Or, un certain nombre de textes littéraires grecs et latins nous parlent d'une sorte de miel que les Indiens extrayaient des roseaux et quelques-uns d'entre eux appellent ce miel saccharon 3.
D'après Strabon, « on dit » (eiprlxe) que les Indiens peuvent se passer d'abeilles ; avec le fruit de certains roseaux ils composent un miel qui enivre`. Strabon n'est ici que l'écho de Néarque ; la première connaissance scientifique de l'Inde et la première mention du miel de roseaux remontent à l'expédition d'Alexandre, 327 av. .l.-C. De la même source proviennent les informations de Théophraste sur le µ€),t xaazp.tvov, qu'il oppose aux deux autres espèces de miel, celui que distillent les abeilles et celui qui tombe du ciel sous forme de rosée
Ératosthène, cité par Strabon, note que dans l'Inde quelques racines de roseaux sont douces au goût naturellement et aussi après avoir été cuites, tpéoxt ami i'} e rnt 6. Varron assure que le suc de ces racines rivalise avec le miel'. Lucain sait que les Indiens boivent le jus très doux des roseaux 6. Sénèque, comme Strabon, rapporte un on-dit : on trouverait du miel sur les feuilles des roseaux de l'Inde, soit qu'il tombe du ciel comme une rosée, soit que le suc de la plante lui donne naissance'.
Le mot saccharon ne fait son apparition qu'au premier siècle de notre ère, vers l'année 75 ap. J.-C., dans trois oeuvres à peu près contemporaines, l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien, le Traité de la matière médicale de Dioscoride et le Périple de la mer Érythrée. Selon Pline, le saccharon existe en Arabie, mais celui de l'Inde est plus estimé ; c'est un miel qu'on recueille sur les roseaux ; il est blanc comme la gomme et se brise sous la dent; ses morceaux ne sont jamais plus gros qu'une noisette ; il ne sert qu'en médecine 10 ; d'ailleurs, dans aucune des recettes médicales qu'énumère l'Histoire naturelle, il n'est question du sucre, tandis qu'au contraire, le nom du miel y revient constamment. A la même époque et d'après les mêmes sources, Dioscoride, sans connaître. Pline, répète ses indications, avec cette différence toutefois qu'il compare la consistance du axxxapov à la consistance du sel au lieu de comparer sa couleur à. celle de la gomme ; il ajoute quelques détails sur ses propriétés thérapeutiques". L'auteur anonyme du Périple est plus bref : il se borne à nommer le µTai xaaaµtvcv, appelé aussi axx,api, parmi les produits exportés de Barygaza, le grand port commereant de la côte nord-ouest de l'Inde 12.
Les textes postérieurs n'ajoutent presque rien à ceux du Fe1' siècle 13. Galien décrit, en s'inspirant de Dioscoride, les vertus médicales du a«x,apov, qui a l'avantage, dit-il, de ne pas exciter la soif14. Solin rappelle simplement qu'on extrait des racines de roseaux indiens une liqueur douce comme le miel1J. Alexandre d'Aphrodisias 16 et Oribase17 répètent, en les abrégeant, Dioscoride et Galien. Isidore de Séville s'associe aux paroles de Varron sur le suc exprimé de roseaux de l'Inde18, et dans un autre passage il prétend que les feuilles de ces plantes sécrètent du miel". Paul d'Égine, le dernier des médecins grecs, consacre quelques lignes au saccharon, à ses caractères et à ses propriétés"; il raconte ailleurs qu'Archigénès, qui vivait au ter siècle, ordonnait contre les enrouements le sel indien, aaç ivStx6v, incolore, semblable extérieurement au sel ordinaire, mais avec la saveur du miel ; on le prenait en morceaux de la grosseur d'une lentille ou d'un haricot 21.
Il résulte de l'examen des textes que les Grecs et les Romains ont été renseignés sur cette matière très tard et très mal ; si Néarque avait appris, dès le ive siècle avant notre ère, l'existence du µéa: xaaxutvov, le nom du azxzapov n'est prononcé pour la première fois en Occident que quatre cent cinquante ans après l'expédition d'Alexandre. La plupart des auteurs anciens qui traitent du miel de roseaux n'ont fait que copier presque textuellement leurs devanciers; les témoignages qu'ils nous transmettent se ramènent, en dernière analyse, aux récits plus ou moins véridiques de quelques voyageurs ou marchands venus de l'Inde ; comme l'Arabie était l'étape obligée du commerce de l'Inde avec l'Europe, on e pu croire qu'elle produisait, elle aussi, du saccharon. Celui-ci n'a jamais été employé couramment dans le monde gréco-romain ; les médecins eux-mêmes ne semblent guère le connaître que de réputation.
L'insuffisance et l'obscurité des documents ont fait naître chez les modernes d'assez vives controverses, depuis Manardus 22 et Saumaise 23, jusqu'à Sprengel 2'', Lassen" et E.-O. von Lippmann 28. Le µé),1 xaatzµtvov est-il identique au a«x7apov? L'un de ces deux termes, sinon tous les deux, désignait-il notre sucre de canne? Certaines contradictions sont fort singulières. Les auteurs grecs et latins considèrent le miel de roseaux ou le saccharon, tantôt comme un fruit, tantôt comme un extrait des racines, tantôt encore comme une sécrétion des feuilles ; dans quelques textes il s'agit d'un liquide, succus, humor; dans les autres, d'un corps solide, analogue au miel par son goût, au sel ou à la gomme par son aspect. Peut-être convient-il de distinguer, avec Isidore de Séville, deux choses tout à fait différentes, qu'on aura confondues à distance, parce qu'elles provenaient également des roseaux de l'Inde : d'une part, le µéat xa)àuvov, suc liquide, doux et sucré, sortant par exsudation de la tige et des feuilles de plusieurs espèces de bambous et que l'on faisait réduire par cuisson pour l'employer; d'autre part, le véritable saccharon, qui resta
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ignoré des peuples occidentaux jusqu'au temps de Pline et de Dioscoride, et qui était une substance solide, une concrétion friable ; la plante qui produisait le saccharon paraît correspondre au tabaschir des Indiens, bambu.sa arundinacea des naturalistes modernes : les nodosités du tabaschir contiennent, en effet, une fine poussière arénacée que les indigènes recueillent et utilisent; il est vrai que celle-ci, par elle-même, n'a pas de saveur sucrée, mais il est possible qu'on y ajoutât divers ingrédients destinés à l'adoucir. L'D ç ïvl;xdv d'Isidore de Séville n'est sans doute qu'une variété de saccharon. En tout cas, ni
du sucre de canne. D'après les recherches Ies plus récentes, la fabrication du sucre en morceaux n'a commencé dans l'Inde qu'entre le n1° et le vI° siècle après notre ère, et plus près de la seconde époque que de la première' ; les plus anciennes mentions authentiques que nous en possédions se trouvent dans les chroniqueurs byzantins Théophane2 et Cedrenus3, à propos des événements de l'année 627, et, vers 640, dans la Géographie de Moïse de Khorène 4. MAURICE BESNIER.
faut supposer qu'on appelait ainsi un sac en poils de chèvre ou bien en toile [sACCUS], qui se rapprochait de la FERA, soit parce que certaines parties en étaient de peau, soit parce qu'on pouvait le suspendre à l'épaule par une corde ou une courroie. On s'en servait en voyage pour y mettre ses effets'. GEORGES LAFAYE.