SACERDOS (`IEpEUç). -GRÈGE. I. Définition. du prêtre; di/fe'rentes espèces de personnes desquelles il convient de le distinguer. L'Etymologicum magnum, page 468, définit le prêtre en ces termes : « celui qui adresse au dieu les sacrifices » (tEaEi,ç t rxç Aucixç xvariµnav Tus) OEntt) ; plusieurs passages d'auteurs et de scholiastes le représentent comme « celui qui prie pour autrui »'. Si l'on s'en tient à ces définitions, nombreuses sont les personnes qui méritèrent, dans la société grecque de toute époque, d'être appelées des prêtres. Ce sont d'abord tous les chefs de famille qui, chez eux, en leur particulier, sacrifiaient à des dieux domestiques et priaient euxmêmes pour les leurs 2. Ce sont ensuite tous les professionnels de la prière et du sacrifice, ceux qu'Homère appelle Oooaxdoe 2, et dont, chez Aristophane', Hiéroklès est le type : devins, charlatans, apôtres de divinités nouvelles, qui sollicitaient la piété populaire et prêtaient aux dévots le secours de leur compétence liturgique. Ce sont en troisième lieu des magistrats, civils, politiques, militaires, en qui subsistait la dignité sacerdotale des rois et des chefs de clans primitifs. d otv se disant couramment de celui qui fait offrir un sacrifice aussi bien que de celui qui l'offre au sens exact du mot 0, on ne sait pas toujours au juste quel fut, dans telle ou telle cérémonie religieuse, le rôle de tel ou tel magistrat. Mais Aristote distingue expressément des sacrifices qu'il
d'autres écrivains, Plutarque notamment, appellent rxTptot3, et qui paraissent s'être accomplis le plus souvent au foyer de l'État', étaient offerts, dit-il10, par les héri
p. 822]. De ce genre devaient être, à Athènes, certains sacrifices offerts par les prytanes", par l'archonte-roi et par le polémarque12; à Chéronée, le sacrifice offert par l'archonte local lors de la loua:pou EFÉaaetç70 ; à Cos, le sacrifice offert à Hestia, au mois de batromios, par celui qu'une inscription appelle yEpea fdpoç (irxeta€mv "; à Stiris, les sacrifices offerts par l'hiérolamias au nom des anciens Médéoniens t5; etc. A Sparte, si les rois n'offraient pas en personne tous les sacrifices publics1e, ils faisaient tout au moins fonctions de prêtres vis-à-vis de Zeus Lakédaimon et de Zeus Ouranios . En campagne, il pouvait arriver que le général sacrifiât pour l'armée 'g. Enfin, des sacrifices étaient parfois offerts au nom de la cité, d'une subdivision de la cité, d'un corps politique, d'un groupement quelconque, par des commissions, permanentes ou temporaires, instituées ad hoc10. Parmi les fonctionnaires très différents les uns des autres qui s'appelèrent Erlpui,9tot, parmi ceux que désigna le nom teporutc 2n, il dut yen avoir qui offrirent, à proprement parler, des sacrifices: c'est le cas, semble-t-il, à Athènes, pour les iEporo oC des Augustes Déesses 2' ; pour ceux qui étaient tirés de la boulê au moment des Eiertrilota22; peut-être pour les dix ieporotolsn't Tâ é.xidp.ara, désignés annuellement en vue des sacrifices que pourrait ordonner un oracle et de ceux par lesquels on chercherait un présage"; peut-être aussi pour les dix iEponorol xun' ivtaurév 24; à Délos, pour les hiéropes d'Apollon 2i ; etc.
Ces divers personnages, quelque nom qu'ils aient porté26, n'ont pas été exactement des prêtres. Dès avant. le début de la période classique27, le prêtre, au sens étroit du mot, est le desservant attitré d'un sanctuaire 2P, l'intermédiaire officiel entre le dieu, ou les dieux, qui règnent dans ce sanctuaire et les fidèles qui viennent les y prier, c'est-à-dire leur offrir des sacrifices ; il ne peut exercer que là son ministère; et là, en revanche, il jouit d'un monopole. Il arriva bien quelquefois, surtout à la basse époque, qu'un seul prêtre desservît deux sanctuaires du même dieu 29, ou même plusieurs sanctuaires de divinités différentes 30. Il arriva aussi qu'il y eut plusieurs prêtres ou prêtresses attachés simultanément à
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un même sanctuaire'. Mais ce furent là des cas exceptionnels 2. Par contre, un même individu pouvait être tour à tour prêtre de divers dieux ; les textes qui le prouvent surabondent'.
N. Fonctions du prêtre. Les fonctions des prêtres grecs peuvent être réparties en trois groupes, conformément à la division que M. Martha a proposée 4.
10 Fonctions diaconales. Les prêtres sont les a serviteurs du dieu n 5, et ils doivent veiller à ce que le séjour dans son temple lui soit agréable. De là, l'obligation de soigner sa statue, de la laver, de la parer" ; de conserver propres et bien rangés le sanctuaire, les constructions annexes, le péribole'. A ces fonctions diaconales proprement dites, nous pouvons rattacher certaines fonctions de police". Les prêtres tiennent la main à ce que personne ne profane ou ne dilapide le domaine du dieu: par exemple, à ce qu'on n'y coupe pas de bois', à ce qu'on n'y tire pas de la pierre, à ce qu'on ne vexe pas les animaux sacrés; ils font respecter le droit d'asile10; ils empêchent d'entrer, de sacrifier, les personnes qui n'en ont pas le droit it ; bref, ils répriment tout délit, tout désordre à l'intérieur de l'hiéron 12, et imposent l'etIxoap.(tf 3. Dans l'exercice de cette première espèce de fonctions, les prêtres sont, d'ailleurs, très souvent secondés, ou même suppléés, par d'autres personnages. Ils le sont, pour peu que le sanctuaire ait tant soit peu d'importance, par nombre de fonctionnaires subalternes ou
les membres de commissions sacrées ou de certaines familles''. Ils le sont aussi par les magistrats civils : la police des cultes et des édifices religieux étant réglementée ordinairement par l'État, ou par une fraction de l'État qui est propriétaire, il est naturel que les détenteurs de la puissance publique aient qualité pour la faire observer. Dans une inscription attique, le prêtre d'un culte de dème, celui d'Apollon Érithaséos, fait une proclamation et une défense en son nom, au' nom des démotes et au nom du peuple d'Athènes 1" ; si les délinquants qu'il saisira sont esclaves, il pourra, à lui seul, leur faire administrer cinquante coups de fouet; mais si ce sont des hommes libres, il devra, pour leur infliger une amende de 50 drachmes, s'entendre avec le démarque ; dans l'un et l'autre cas, le nom du délinquant sera transmis par lui à la boulé et à l'archonte-roi; le
tout, en vertu d'un décret de la boulè et du peuple.
2° Fonctions administratives. A l'origine, le prêtre administrait la fortune de son dieu, entretenait et réparait les édifices sacrés, conservait les offrandes, affermait ou faisait valoir les immeubles, gérait les capitaux". Cet état de choses subsiste çà et là dans le monde grec, à l'époque classique et plus tard 1". Les prêtres sont nommés dans un décret attique de la fin du ve siècle parmi les personnes qui doivent avoir connaissance des prêts d'argent consentis par les trésors des temples19. Dans un décret du dème de Myrrhinonte, datant du Ive siècle, il est prescrit aux prêtres, s'ils prêtent de l'argent sacré, de le prêter sur bonne hypothèque, et de placer sur le fonds hypothéqué un eipoç avec le nom du dieu qui a prêté20. Le prêtre d'Asklépios à Athènes, aux Ive et nie siècles, reçoit les ex-voto, dont il fait remise au moment où il sort de charge 2f : il aide à en dresser l'inventaire29 ; lorsqu'on procède à une refonte partielle, s'il s'agit d'une refonte peu importante, peut-être il s'en occupe seul"3 ; nomme-t-on une commission, il figure (de droit, à ce qu'il semble) au nombre des commissaires2t. De même, en pareille circonstance, le prêtre du Héros Médecin 25. A Lindos, dans le cours du Ine siècle, un prêtre d'Athéna est chargé de payer la gravure d'un décret rendu en l'honneur d'épistates 26. Dans un sanctuaire de Pergame, vers la fin du même siècle, le prêtre veille sur l'argenterie et autres objets précieux ; il entretient et donne à ferme des ipysmpit appartenant au dieu27. A Ilion, au Ife siècle, un prêtre de tous les dieux fait ix 'ro`v lapon àpyup(ou un don de 15 000 drachmes en vue de la célébration des Panathénées 28 ; etc. Mais, dans le domaine administratif, la compétence sacerdotale est très communément limitée par l'activité d'autres personnes 29 [PROSOnol]. Des intendants ou trésoriers des dieux (-milita
tèrent en nombre de pays30; ou bien la comptabilité des richesses sacrées fut tenue par des fonctionnaires de l'État". A. Athènes, il y eut un collège annuel de dix iepwv É7tcaxeuxa'rt(32, et un ou plusieurs architectes è7ti -râ iepi93. Un décret de 284/3 nous montre la prêtresse d'Aphrodite Pandémos faisant faire une démarche auprès de la boulè et du peuple pour que le temple qu'elle dessert soit mis en tenue de fête le jour de la
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grande procession ; et ce sont les astynomes qui reçoivent la charge de polir les autels, d'enduire de poix la toiture, de laver les statues'. A l'époque impériale, un prêtre d'Asklépios sollicite l'autorisation de réparer l'Asklépieion à ses frais 2. Quand il s'agit de fondre des ex-voto appartenant à Asklépios ou au Héros Médecin, c'est la boule ou le peuple qui décrète l'opération ; au prêtre sont adjoints, pour en surveiller l'accomplissement, le stratège Enl T w napa6XEUrly, l'architecte Enl Tà ispx, des aréopagites, de simples citoyens'. A Oropos, en pareil cas, le prêtre d'Amphiaraos ne paraît jouer aucun rôle 4. La location des TEµiv-q rentre, à Athènes, dans les attributions de l'archonte basileus' ; ailleurs, nous la voyons faite par des xTY)µa'ru;, des hiéropes, des agoranomes, etc. [PRosonoi]. La préparation même des fêtes religieuses, des sacrifices publics, n'est pas ordinairement laissée aux soins des prêtres. Tantôt des magistrats civils en sont chargés : par exemple, à Athènes, le basileus, l'archonte, le polémarque, etc. Tantôt elle est confiée à des commissions
C'est tout au plus si nous voyons le prêtre présider au choix des victimes',
3° Fonctions liturgiques. Ce sont celles qui distinguent essentiellement le prêtre des autres fonctionnaires sacrés. En général, on ne célèbre pas dans les temples grecs de service religieux quotidien 6. Il arrive que le prêtre soit chargé par la communauté d'offrir en son nom un sacrifice au dieu une fois par an, une fois par mois, ou plus 9; en dehors de ces occasions, il ne fait qu'assister ceux qui, à intervalles réguliers ou irréguliers, à titre privé ou à titre public, viennent sacrifier dans le sanctuaire10. Mais alors, quels que soient les sacrifiants, le prêtre doit être là et participer au sacrifice ". Si les textes où sa coopération est stipulée, signalée, ne se trouvent qu'en petit nombre, c'est que la chose allait de soi et qu'elle pouvait être sousentendue 12. Au contraire, la faculté de se passer du prêtre, étant une rareté, méritait qu'on la précisât en termes exprès, et elle est précisée effectivement dans plusieurs règlements religieux. Cette faculté existait, par exemple, à l'Ampharaion d'Oropos, mais seulement quand le prêtre était absent, et s'il s'agissait de sacrifices offerts par des particuliers"; à Milet, si un étranger voulait sacrifier dans le sanctuaire d'Apollon, il pouvait prier de l'assister, au lieu et place du prêtre, n'importe quel Milésien'4 ; à Chios, dans un sanctuaire d'Héraklès appartenant à un yEvoç, le prêtre, absent,
peut être suppléé par un de ceux ouv ai ady;■at Ela-1v "'•
En quoi consistait l'intervention nécessaire du prêtre dans l'acte du sacrifice? Il n'est pas douteux que fréquemment il maniait lui-même le couteau, qu'il portait à la bête le coup mortel, lui ouvrait le ventre pour en arracher les entrailles, la dépouillait et la dépeçait en morceaux : des passages d'Euripide", de Plutarque '7, de Lucien1e, le rapprochement plusieurs fois répété du prêtre avec le cuisinier48, nous fournissent de sûrs témoignages. Mais, non moins certainement, cette besogne sanglante pouvait être abandonnée par le prêtre à des auxiliaires ou à des serviteurs. Iphigénie, dans Iphigénie en Tauride, se défend de frapper les victimes : « le soin d'égorger (airâyta) », dit-elle, « regarde d'autres personnes » 2e ; et, à la question d'Oreste : « Femme, tu immoles toi-même les hommes avec l'épée ? » elle répond sans ambiguité : « Non (tût). »2t. Nous connaissons en différents pays l'existence de fonctionnaires qui
fonctionnaires durent être, au moins dans quelques cas, des spécialistes de l'immolation, distincts des prêtres ". Il en fut de même, selon toute vraisemblance, de plusieurs des µzyEtpot que nous trouvons mentionnés çà et là dans le personnel d'un sanctuaire [CoQUUs] ". Laissons donc de côté la boucherie et la cuisine sacrées. Les moments du sacrifice où le prêtre doit agir en personne sont au nombre de deux24 : 1° Il voue la victime à la mort. il la consacre et commence l'offrande. C'est ce que veut dire Iphigénie lorsqu'elle déclare : xaTâpXoµat niv,
FICIUM le détail des opérations que désigne le mot xa'r p7oµat. 2° Il prononce la prière qui accompagne l'oblation, Témoin ce paragraphe du règlement d'Oro
Tav napdi, Tôv topés; ou bien encore la question que les it6V'atç nuOtxo(, dans AndromCaque8', posent à Néopto
Ici et là, l'intervention sacerdotale a pour objet d'assurer, par l'observance des formalités imposées, la valeur et l'efficacité du sacrifice. Le prêtre grec est le conservateur des rites, une espèce de vop.op )Xn; 28, Ses fonctions proprement religieuses ne vont pas au delà : il ne prêche pas et il n'enseigne rien.
III. Conditions requises pour être prêtre. Désignation des prêtres. Durée des fonctions sacerdotales.
Parmi les conditions physiques requises pour l'exercice du sacerdoce, la plus commune est celle qu'expri
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ment les mots âaEar,ç, Gytrç, bahxar pis : les ministres des dieux doivent être exempts de tares et d'infirmités corporelles '. Il arrive même qu'on exige d'eux la beauté Ils doivent appartenir, suivant les sanctuaires, à l'un ou à l'autre sexe 3. Des prêtresses paraissent avoir été affectées de préférence au service des divinités féminines; mais il s'en faut de beaucoup que cette règle soit absolue'. D'ailleurs, il n'est pas sans exemple que, dans un même sanctuaire, coexistent prêtre et prêtresse 5. Les conditions d'âge sont extrêmement variables. Les règles que Platon et Aristote ont proposées dans leurs ouvrages théoriques°, choisir les prêtres et prêtresses parmi les personnes qui ont atteint la soixantaine, parmi ceux qui, à cause de leur âge, ont renoncé à la vie active, n'étaient pas observées dans la réalité. Un proverbe fameux C4-(a V t»9, (iouÀai àÈ p.É6wv, EÛlai ÔÉ yEpÔvTwv) semble bien indiquer qu'aux yeux des Grecs les hommes âgés, ou tout au moins entrés dans la période de la maturité, étaient les mieux qualifiés pour la prêtrise' ; mais auteurs et inscriptions nous parlent de prêtres enfants e, qui quittent leur emploi dès que la barbe leur pousse °, de prêtresses qui ne sont pas encore nubiles10; des règlements stipulent q u'un prêtre d'Asklépios et Hygieia, à Cos, n'aura pas moins de quatorze ans" ; une prêtresse de Dionysos, à Cos également,, pas moins de dix f2. Enfin, une condition physique exigée de certaines prêtresses était la virginité t3; ou bien, elles devaient n'avoir eu de commerce qu'avec un seul homme "•.
Socialement, le prêtre devait être membre de la communauté à laquelle le culte appartenait ; s'il s'agissait d'un culte de l'État, il devait, en règle générale, être citoyen, et citoyen épitime [ATIMIA]f2. On exigeait même quelquefois que ses ascendants eussent été citoyens avant lui. A Athènes, le naturalisé ou àruzarroityreç ne pouvait exercer aucune prêtrise; ses fils seulement le pouvaient, s'ils étaient nés postérieurement à la naturalisation de leur père, d'un légitime mariage avec une citoyenne 16. A Halicarnasse, il était de règle que la prêtresse d'Artémis Pergaia fût citoyenne É7ri Tpeïç yE'ea iç, en ligne paternelle et en ligne rnaternelle ". Il fallait, d'autre part, que le prêtre eût bonne réputation, et qu'il fût d'une famille estimée 18; dans les états aristocratiques, les sacerdoces furent sans doute réservés assez souvent
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aux citoyens des classes dirigeantes; Aristote en interdit l'accès, dans sa république idéale, aux cultivateurs et aux art.isans19; à Chalcédoine, le sacerdoce d'Asklépios ne peut
être exercé que par un citoyen sil àap.o6topy(aç p.É [TE6'rt] 20
Mais surtout il arriva en tout pays que les desservants de certains cultes fussent tirés, exclusivement, de familles déterminées ; ils étaient alors prêtres xIT xoç, itz yévou, et les sacerdoces qu'ils détenaient s'appelaient 72zTptat iopw6ûvat 21. Ainsi, dans la démocratique Athènes, les Étéoboutades avaient le monopole de fournir le prètre de Poseidon Érechtheus et la prêtresse d'Athéna Polias ; les Thaulonides, le prêtre de Zeus Polieus; les Eumolpides, l'hiérophante d'Éleusis; les Kéryces, le dadouque ; les Philléides, la prêtresse de Déméter et Koré; etc. 22. Un pareil monopole pouvait tenir à diverses raisons. Parfois la famille qui le possédait était censée descendre du dieu même : ainsi, à Halicarnasse, les prêtres de Poseidon Isthmios avaient pour ancêtre mythique et pour premier prédécesseur Télamon, fils de Poseidon 23 ; en Laconie, à l'époque impériale, des prêtres xx'r yivoç sont désignés par des numéros d'ordre à partir d'Héraklès ou des Dioscures ou de Poseidon°f, et l'un d'eux est appelé nettement icpE(,ç xx; â7c6yovoç Ilootôâvoç 2`'. Ou bien il s'agit d'un culte qui, d'abord, appartenait à un groupe de familles, et qui est devenu culte d'État; les familles autrefois propriétaires ont retenu le droit de fournir les ministres28. Ou bien le culte en question a été importé dans le pays par un membre de la famille : un certain Archias, ayant été guéri par Asklépios à Épidaure, avait introduit le culte du dieu à Pergame 27 ; ses descendants restèrent investis à jamais du sacerdoce dans l'Asklépieion pergaménien 28. Ou bien quelqu'un de la famille a rendu au sanctuaire des services signalés : ayant réparé à ses frais un temple d'Apollon à Gythion, au lie siècle, un nommé Philémon reçut pour lui et sa race la prêtrise perpétuelle du dieu 29.
Nous ne voyons pas qu'on ait jamais exigé des candidats au sacerdoce des connaissances spéciales et une compétence préalable. Un passage d'Isocrate prouve au contraire que les fonctions sacerdotales passaient pour des fonctions peu difficiles, à la portée de tous 30. Chaque sanctuaire devait posséder un rituel détaillé, grâce auquel
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le prêtre nouveau se mettait rapidement en état de remplir les devoirs de sa charge'.
Au reste, beaucoup de prêtres n'exerçaient la prêtrise que durant peu de temps. Dans les cités grecques, le prêtre était assimilé aux magistrats 2; et, comme les magistrats, il était le plus souvent annuel. Toutefois, à côté des prêtres annuels, existèrent constamment, surtout pour les 7r . ptat iEOwaûvat, des prêtres nommés à vie (ôtx (0u) 3. D'autres étaient nommés pour un temps Incertain : ceux, par exemple, ou celles qui devaient résigner leurs fonctions au moment de la puberté `, ou bien en se mariants, ou bien, comme les prêtres de Messène 6, lorsqu'ils perdaient un enfant. Enfin, il y en eut çà et là qui demeuraient en charge un nombre d'années déterminé : deux ans', quatre ans ',cinq ans9, dix ans 10, etc." ; cela se produisait surtout quand le culte du dieu comportait, à des intervalles réguliers, le retour d'une fête périodique. Ajoutons qu'en beaucoup de pays le même homme pouvait exercer plusieurs fois en sa vie le même sacerdoce temporaire 12
Comment les prêtres étaient-ils désignés? Pour les sacerdoces patrimoniaux (sziptat lepwauvat), la règle de succession paraît avoir varié d'une famille à une autre; et il est rare qu'on puisse la discerner. A Halicarnasse, parmi les descendants de Télamon, tous les frères, semblet-il, étaient appelés à se succéder, du plus âgé au plus jeu ne ; ensuite, tous les fils du frère aîné, par rang d'âge ; tous les fils du frère cadet, par rang d'âge ; et ainsi de suite; à la troisième génération, tous les fils du fils aîné du frère aîné, par rang d'âge ; tous les fils du fils cadet du frère aîné, par rang d'âge ; etc.; il va de soi que souvent un membre de la famille'mourait avant d'avoir eu l'occasion d'exercer la prêtrise 13. A Halicarnasse également, un certain Posidonios, ayant institué un cuite familial, décide par testament que le prêtre sera toujours le plus âgé de ses descendants en ligne masculine 14. A Théra, une femme qui n'a qu'une fille, Épictéta, décide, en de pareilles circonstances, que le sacerdoce domestique des Muses et des Héros appartiendra toujours au descendant le plus âgé de sa fille '°. D'autres fois, un tirage au sort décidait entre ceux des membres de la famille qui posaient leur candidature : c'est ce qui se passait à Athènes, dans la famille des Étéoboutades, pour la prêtrise de Poseidon16; dans la famille des Eumolpides, pour l'hiérophantat 7.
Les sacerdoces ordinaires étaient attribués le plus souvent par l'élection ou par le tirage au sort16. Ce second mode de désignation semblait particulièrement convenable, parce qu'il permettait à la divinité de choisir ellemême son ministre 19, D'ailleurs, les deux modes pouvaient, à ce qu'il semble, se combiner: dans le dème d'Halimonte, le prêtre d'Héraklès était tiré au sort parmi un certain nombre de candidats que les démotes avaient préalablement choisis20. En tout cas, désignés par le sort aussi bien que nommés à l'élection, les prêtres, avant d'entrer en charge, subissaient une dokimasie2fExceptionnellement, la préférence divine pouvait se manifester autrement que par le tirage au sort: ainsi, par la voix d'un oracle". Ou bien, à l'élection par le peuple, se substitue, dans les états monarchiques, la nomination par le prince 23
En Asie Mineure, dans les îles et dans les colonies du Pont-Euxin24, à partir de l'époque d'Alexandre 2a, les sacerdoces s'achetèrent 26. On en achetait même, parfois, la survivance 27. D'autres fois, on achetait pour autrui : un père pour son fils28, le kyrios d'une femme pour sa pupille 29. A Érythrée, un prêtre pouvait acheter d'avance, pour son fils, sa propre succession30. A Halicarnasse, le sacerdoce d'Artémis Pergaia pouvait être acheté par un homme, à charge pour l'acquéreur de fournir une prêtresse qui en exercerait les fonctions31. Une inscription de Cos montre l'achat combiné avec le tirage au sort: la prêtresse de Déméter était choisie par le sort entre les candidates qui s'étaient engagées à payer un prix déterminé 3z. Il va de soi que prêtres et prêtresses tirant leur droit d'un achat devaient satisfaire d'autre part à des conditions d'âge, de sexe, etc., qui variaient avec les sacerdoces.
Rappelons enfin que, dans des inscriptions d'Asie Mineure postérieures à la période classique, des prêtres
voç33. Il s'agit alors de sacerdoces qui obligeaient à de grosses dépenses (cf. ci-dessous, § V) ; le prêtre E; i7tay' eX(aç doit être celui qui s'est offert spontanément.
L'entrée en fonctions des prêtres nouvellement désignés, surtout des prêtres à vie, parait s'être faite avec une certaine solennité. Peut-être les poèmes de Pindare appelés isîOpovtc(t.ot furent-ils composés pour des fêtes d'intronisation 34. Des inscriptions attiques mentionnent des sacrifices nommés E16tTYIT%Ipt, que les prêtres offraient, comme les magistrats, au moment où ils entraient en
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charge'. A Cos', à Amorgos', à Pergame', à Chalcédoine', des cérémonies avaient lieu que nous trouvons
IV. Titres, costume, régime de vie des prétres. Le nom courant des prêtres, en Grèce, est (EpEU;. Mais, de même que ce nom peut s'appliquer parfois à d'autres ministres des dieux de même des prêtres tels que nous les avons définis peuvent s'appeler autrement que tepci;. A vrai dire, il est souvent difficile de savoir si tels ou tels titres de fonctionnaires sacrés ont désigné de véritables prêtres; la chose, néanmoins, paraît certaine ou
grandement probable pour plusieurs : p-y,(ao),o; 8, ispa
.6,eoç l', etc.; çà et là, prêtres ou prêtresses portaient des noms plus spéciaux, faisant allusion à quelque cérémonie caractéristique du culte qu'ils desservaient: 31v«l6
etc. t9. Le titre p;ft4pcUç (plus rarement ipxttpo(a) se ren
contre surtout en Asie, à partir de l'époque hellénistique"; il est porté tantôt par le plus haut dignitaire religieux d'une province ou d'un groupe de sanctuaires, desservant d'un culte particulièrement considérable", tantôt par le président, d'un collège de prêtres attachés à un même sanctuaire ou à plusieurs sanctuaires d'un même dieu (ARCHtEREUS]. L'hiéronymat, c'est-à-dire la substitution constante du titre sacerdotal au nom propre du prêtre, doit avoir été rare et n'apparut que tard : pour les hiérophantes d'Éleusis,-nous n'en trouvons de trace qu'à partir de la fin du nie siècle 22 : il ne devint de règle que sous l'Empire",
En ce qui concerne le costume des prêtres, il faudrait
distinguer celui qu'ils portaient quotidiennement et celui qu'ils pouvaient avoir à revêtir au moment de certaines cérémonies du culte'`. Nous ne sommes pas toujours en état de le faire. Les prêtres grecs paraissent avoir retenu communément le costume archaïque : long chitôn flottant sans ceinture'''. Ils ne se coupaient pas les cheveux2°. La couleur la plus habituelle de leurs vêtements était la couleur blanche 27, qui passait pour préférée des dieux, tout au moins des dieux olympiens 2B. La couleur pourpre aussi était assez souvent prescrite, principalement dans le culte des dieux infernaux''; quelquefois, la couleur safran 30, Parmi les insignes de la dignité sacerdotale, le plus ordinaire fut la couronne '1, que certains prêtres portaient, à ce qu'il semble, constamment, et dont le nom se trouve employé pour désigner le sacerdoce même 32. Cette couronne était, en général, d'une espèce déterminée de feuillage, variable suivant les cultes 33, quelquefois d'or 34. Elle pouvait être ornée de bandelettes 36, ou remplacée par tin diadème 30. Outre la couronne, méritent d'être cités, comme insignes des prêtres ou prêtresses : le sceptre31, et la clef du sanctuaire 36. C'est la clef que nous voyons ici dans les mains d'Iphigénie, prêtresse d'Arténtis en Tauride (fig. 5989)3' et dans celles d'une prêtresse d'Héra (fig. 5990) 40. Il ne manque pas de monuments où l'on reconuaitrait volontiers des prêtres, même à défaut de tout insigne, d'après l'acte qu'on leur voit accomplir, si l'on n'avait à craindre de les confondre en ce cas avec de simples sacrifiants [SACRIFICIUM] ou avec des ministres subalternes, dont rien ne les distingue. Ainsi, sur l'autel du musée de Florence où est figuré le sacrifice d'Iphigénie (fig. 5992)", Calchas
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n'a, comme l'assistant placé derrière lui, d'autres vêtements que la draperie qui couvre ses jambes ; tous deux
sont couronnés de feuillage. Au contraire, dans la peinture de Pompéi (fig. 5991) qui représente la même scène reproduction de l'oeuvre de Timanthe, il est vêtu d'une tunique de pourpre violette qui descend jusqu'à ses pieds chaussés de sandales, d'un manteau blanc à bordure violette, croisé sur les hanches, avec une ceinture dorée, par-dessus un autre vêtement vert à longues manches. On ne saurait dire si ce costume a un caractère liturgi
que. En fait de costumes réservés à la célébration des grandes fêtes, signalons tout particulièrement les travestissements rituels, grâce auxquels les ministres d'une divinité représentaient la divinité même2.
Au nombre des obligations des prêtres, doit être mentionnée d'abord celle qui consistait à fréquenter d'une façon assidue les temples dont ils étaient les desservants.
Quelques règlements prévoient le cas où le prêtre ne serait point présent lorsqu'un fidèle viendrait offrir un sacrifice 3 ; à l'Amphiaraion d'Oropos, le prêtre n'est tenu d'être là que dix jours par mois, un jour par quatre jours consécutifs, et encore seulement de la fin de l'hiver à la saison des labours'. Mais il n'est guère douteux que, dans la plupart des sanctuaires, la consigne ait été plus stricte. Beaucoup d'enceintes sacrées comprenaient une habitation pour le prêtre comme pour les autres employés du sanctuaires ; cela nous laisse entendre que le prêtre devait y résider. Au reste, cette contrainte n'était pas sans compensation: les prêtres, à ce qu.'il semble, furent en général dispensés de porter les armes et de prendre part aux expéditions militaires. La dispense paraît stipulée expressément, dans une inscription de Sinope, en faveur du prêtre de Poseidon Hélikonios a ; le plus souvent, je pense, elle pouvait être sous-entendue
sans inconvénient. Si Kallias, étant dadouque, combattit néanmoins à Marathon ', c'est que le péril était alors d'une exceptionnelle gravité. Même des ennemis victorieux, s'ils étaient de race grecque, hésitaient à arracher les prêtres de leurs temples pour les emmener en servitude ou pour les vendre comme esclaves : les Athéniens laissèrent à son poste, sous les murs de Syracuse, le prêtre syracusain de l'Olympieion 8 ; Alcibiade, vainqueur de Pharnabaze, renvoya sans rançon les prêtres et les prêtresses' ; après la conquête de Thèbes, Alexandre ne les inquiéta point 10.
Serviteurs et familiers de la divinité, les prêtres devaient se garder plus soigneusement que le vulgaire de tout ce qui pouvait les souiller. Platon, dans ses Lois, leur ihterdit d'assister à des funérailles, par crainte de la souillure qui résultait du voisinage d'un mort". Il est douteux que cette règle ait été observée dans la réalité. Mais nous voyons certains prêtres astreints à des précautions minutieuses. Ainsi, le prêtre et la prêtresse d'Artémis Hymnia à Orchomène d'Arcadie ne devaient
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pas même pénétrer dans la maison d'un particulier, de peur d'y rencontrer à l'improviste quelque chose d'impur'. D'autres avaient à s'abstenir de tel ou tel aliment de bains pris dans telles ou telles conditions 3. La propreté corporelle, la netteté des vêtements, étaient communément imposées 4. La continence l'était assez souvent, non seulement aux prêtresses qui devaient être vierges lors de leur entrée en fonctions, mais à d'autres aussi, et à des prêtres, tout le temps qu'ils demeuraient en charges. Par contre, beaucoup de prêtres ou prêtresses étaient mariés 6 ; et, fréquemment, on n'exigeait d'eux la continence que pendant quelques jours avant les grandes cérémonies du culte' [LUSTHATIO].
V. Profits et charges des prêtres. Honneurs et privilèges qui leur étaient accordés. Considération dont ils jouissaient. Parmi les profits ordinaires des prêtres figurent en première ligne les portions des offrandes, notamment des victimes, qui leur étaient attribuées. Quelquefois la part du prêtre se trouve désignée, en même temps que celle du dieu, par le mot BEouoipiz a : les expressions propres sont (Epaiauva ou Tépil. On appelle yip,n, exactement et de façon exclusive, des portions de la bête sacrifiée 9. Les ?épi variaient d'un sanctuaire à un autre, et, dans un même sanctuaire, suivant que le sacrifice était offert par un particulier, par un métèque ou par un étranger, isolément ou le jour de la fête, suivant que la victime appartenait à telle ou telle espèce, suivant qu'il y en avait une seule ou plusieurs10. Beaucoup de règlements conservés par l'épigraphie les énumèrent en détail; c'étaient le plus souvent : la peau", une ou plusieurs pattes ou portions de pattes '2; ailleurs, la langue f3, une oreille ou les oreilles 14, la tête ou la moitié de la tête 16, la queue f6, tout ou partie des entrailles1', tout ou partie du filet", d'un flanc'', de la poitrine20; ou bien, simplement, une ou plusieurs portions de viande'-'. Çà et là, il est spécifié que les morceaux destinés au prête seront découpés généreusement22. On précise d'autre part que, si, pour une raison ou pour une autre, le prêtre n'assiste pas
au sacrifice, les yEprl lui appartiendront néanmoins 23
En plus des parts des victimes 24, les )cpcbauva pouvaient comporter d'autres revenants-bons, soit en nature, soit en argent. Dans la phratrie attique des Démotionides, le prêtre de Zeus Phratrios recevait, lorsqu'un phrater offrait le sacrifice appelé xoupEiov, une espèce de pain ou de gâteau fait d'une chénice de farine (é),aT~pa yo1v1xiaïov), un demi-chous de vin 25. Dans une scène fameuse du Plutus, Aristophane représente le prêtre d'Asklépios raflant pendant la nuit les gâteaux et les fruits ('rolç pOoïç na) TZç iaaiôas) déposés sur la table sacrée 26. Sans se cacher dans l'ombre, le prêtre d'Asklépios à Pergame
avez 27 ; le prêtre de Zeus Mégistos à Iasos prélevait, soidisant pour le dieu, un gâteau par corbeille de ceux qu'on apportait dans le sanctuaire2A. Les fournitures de bois, d'huile, de vin, de miel, etc., requises pour un sacrifice, celles qu'on trouve désignées par les mots iepiY9,
prêtre l'occasion de dépenses, plus souvent l'occasion de profits supplémentaires. Elles sont parfois si copieuses 33 que quelque chose devait en subsister après le sacrifice, et que, données au dieu, elles enrichissaient vraisemblablement son ministre 34. Dans un certain nombre de textes, il est stipulé que le prêtre en fera les frais 3s ; mais, alors, il arrivait qu'il fût dédommagé en argent, soit par l'État36, soit par les particuliers 31; et nous pouvons croire qu'il l'était largement.
Peut-être est-ce pour subvenir à la dépense des iEp« que les fidèles, aux termes de plusieurs règlements, devaient payer chaque fois qu'ils sacrifiaient une somme déterminée38 : chez les Démotionides, 3 oboles ou 1 drachme, suivant qu'il s'agissait du .c00ov ou du xoupctov39; chez les orgéons du Pirée, 3 oboles ou 1 obole et demie selon la qualité de la victime offerte, lorsque le sacrifiant n'était pas membre de la confrérie40; au temple d'Artémis Pergaia à Halicarnasse, 2 oboles par victime adulte, 1 obole par victime de lait" ; à Olbia, 1200 chalgnes par tète de boeuf, 300 par tète de brebis ou de
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chèvre, 60 par tête de porc' ; au temple d'Athéna Niképhoros à Pergame, i4 oboles pour les sacrifices de porcs, 2, oboles et une fraction pour les autres 2 ; etc. Ces redevances pouvaient être versées directement aux prêtres : ainsi chez les Démotionides et chez les orgéons du Pirée. Ou bien elles étaient mises dans un tronc (A,iaaupds), Même en ce cas, les desservants du temple en avaient parfois quelque chose : à Halicarnasse, par exemple, le tronc était ouvert tous les ans, et la prêtresse recevait une partie du contenu, qui la dédommageait de certains frais; à Athènes, à l'époque impériale, une prêtresse d'Athéna dédie une axaps à la déesse avec ce qui lui est revenu de l'argent versé au Parthénon 3. A Iasos, semble-t-il, dans le sanctuaire de Zeus Mégistos, ce que les fidèles offraient en numéraire devenait la propriété du prêtre; et les autres offrandes seulement restaient au dieu 4. L'inscription d'Halicarnasse nous montre une prêtresse augmentant ses profits par un procédé plus actif : une fois par an, durant trois jours de suite, elle est autorisée à faire une quête (iyspp.6g), à la condition cependant de ne point pénétrer dans les maisons; et le produit de cette quête est pour elle. Enfin, il n'est pas sans exemple que le desservant d'un sanctuaire public ait reçu de l'État une somme fixe : un décret attique du milieu du ve siècle attribue 50 drachmes par an à la prêtresse d'Athéna Nikè
Les prêtres pouvaient avoir d'autre part la jouissance de biens-fonds appartenant au temple, ou de domaines publics. Nous avons dit qu'ils habitaient parfois, dans le téménos, des dépendances du sanctuaire; en même temps qu'une obligation, cela représentait un avantage. Il est souvent question chez les auteurs ° de terrains consacrés dont les fruits étaient pour le prêtre ; et quelques documents épigraphiques corroborent ces indications. Nous lisons, par exemple, dans un décret de Pergame réglementant le culte d'Asklépios : x]ap,rEÛ
provenance ', le roi Attale ter dit avoir consacré (à Zeus probablement) des ipyaaTrpta que le prêtre affermera à son bénéfice; à Chalcédoine, le prêtre d'Asklépios a l'usufruit d'un rap.oatog ytipos qui entoure l'hiéron de son dieu '; etc. 10. Ailleurs, s'ils ne jouissent pas d'un usufruit total, les prêtres tirent des propriétés sacrées quelques avantages particuliers : à Tégée, le prêtre d'Athéna Aléa a, semble-t-il, le droit de faire paître sur les terrains du dieu un certain nombre d'animaux" ; à Magnésie, le prêtre de Sarapis reçoit une drachme sur la vente du blé provenant du téménos 12 ; à Éleusis, les poissons des Rheitoi sont réservés à la table des prêtresf3; etc.
En différents pays, les prêtres sont exempts d'impôts,
de liturgies ". D'autres fois, ils sont nourris aux frais de l'État: ainsi, à Athènes, à partir d'une certaine époque, l'hiérophante et le dadouque sont commensaux des prytanest6; ou bien, du moins, ils sont invités aux agapes publiques t6 et y reçoivent une part privilégiée ".
En somme, les profits du sacerdoce pouvaient être, en Grèce, considérables. Quant aux charges, elles paraissent avoir été ordinairement, pendant la période classique, très peu lourdes : la fourniture des tapi, l'acquisition de' quelques objets d'habillement et peut-être de quelques ustensiles, furent probablement les principales. Plus tard, au contraire, l'exercice de certaines prêtrises devint très dispendieux. On peut s'en faire une idée par beaucoup d'inscriptions d'Asie Mineure, notamment par celles qui ont été découvertes au sanctuaire de Zeus Panamaros: l'entrée en charge (,capâ).ri ittg Tou ore vou),la célébration des grandes fêtes occasionnaient toutes sortes de somptuosités et de largesses : banquets, concours musicaux et athlétiques, installation de lentes pour les pèlerins, organisation de processions, distributions d'huile, de parfums, de bois, de vin, de viande, de blé, de repas à emporter (iaopdp-r,Ta lcè,rva), de numéraire'". Seuls, les citoyens opulents pouvaient affronter ces dépenses.
Aux profits s'ajoutaient pour les prêtres des honneurs. La considération dont ils jouissaient a été naturellement variable avec les époques, les pays, les milieux et les individus. Du moins, nous connaissons à différents détails qu'ils occupaient dans le monde officiel une situation élevée ". Le privilège flatteur de proédrie leur fut, semble-t-il, assez communément accordé 20. Dans un décret du Pirée où ce privilège est concédé à un particulier 2t, il est dit que le démarque introduira celui-ci au
=pet IIEtsxdasv ; on sait qu'au théâtre de Dionysos, parmi les inscriptions gravées sur des sièges d'honneur22, beaucoup sont des titres de prêtres; dans un décret de Pergame concernant le prêtre d'Asklépios23, nous lisons
Toïg iywaty; etc. 24. D'autre part, ce n'est pas chose rare que des prêtres aient été éponymes, c'est-à-dire que les années aient été comptées dans leur cité d'après les fastes sacerdotaux26. Et àla basse époque, lorsque tendit à s'établir, principalement en Asie, une sorte de cursus honoruni, un sacerdoce forma assez souvent le couronnement d'une brillante carrière. Pa.-E. LEGRAND.