Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

SACERDOS

SACERDOS. Il. ROME. Le mot latin, qui correspond au terme grec ise.ts, est sacerdos. L'étymologie n'en paraît point douteuse. La première partie du mot reproduit l'adjectif sacer; la seconde partie dos, a été rattachée parCorssen' et \'anicek 2àlaracine da, qui exprime l'idée de donner. L'un et l'autre érudit traduisent sacerdos par SAC -943SAC le mot allemand Opfergeber. Cette étymologie et cette interprétation se trouvent déjà dans Isidore de Séville': Sacerdos nomen habet conlpositum ex graeco et latino, quasi sacrum dans. Il serait, toutefois, inexact de ne voir dans le sacerdos romain que le personnage chargé d'offrir les sacrifices. A l'époque historique, du moins, le sens du mot fut plus large. Deux catégories de prêtres publics sont nettement distinguées dans les lois citées par Cicéron : eorum duo genera sunto, unum quod praesit caerimoniiset sacris, alterumquod interpretetur fatidicorum et vatum e/j'ata incognita 2. De tous les détails qui précèdent et qui suivent ce texte très important, il résulte que la compétence des prêtres s'étendait à tout le rituel et, en outre, au comput du temps: quo haec privatim et puhlice modo rituque fiant, discunto ignari a publicis sacerdotibus... cursus annuos sacerdotes finiunto 3. On peut, dès lors, se demander si, en traduisant par Opfergeber le mot latin sacerdos, Corssen et Vanicek n'ontpointtrop limité la signification de l'adjectif sacer ; et s'il ne convient pas de lui donner ici son sens le plus compréhensif. Le sacerdos serait, dans notre hypothèse, ou du moins aurait été, à l'origine, non pas seulement le personnage chargé d'offrir les sacrifices, mais le personnage à qui incombait le soin, la surveillance, le contrôle de tout ce qui concernait les dieux, de tout objet ou de tout être qui leur appartenait, de tout acte qui s'adressait à eux, de tout phénomène considéré comme un signe particulier de leur volonté". Cette définition, toutefois, doit être pour l'époque historique, limitée et précisée. Les Romains ne paraissent avoir jamais désigné par le nom de sacerdotes soit les magistrats qui célébraient ou présidaient au nom de l'État des cérémonies religieuses, soit les pères de famille qui rendaient les hommages prescrits par le rituel aux divinités domestiques ou gentilices. Le consul, qui prenait les auspices, qui sacrifiait des taureaux à Jupiter Capitolin le jour de son entrée en fonctions qui célébrait les Feriae latinae6 sur les monts Albains, qui présidait les Ludi romani', n'était point compté parmi Ies sacerdotes publici populi romani. De même des édiles curules, bien que la procuratio aedium sacrarum fût « une partie considérable de leur compétence a 8, bien qu'ils eussent à organiser et à surveiller, sous la République, un très grand nombre de jeux, soit publics soit privés s. Mommsen a mis très nettement en lumière les différences essentielles qui existaient dans l'État romain, tel que nous le connaissons, entre les magistratures et les sacerdoces. « Tout l'ensemble du culte régulier des dieux reconnus par l'État est confié aux prêtres, sans que les magistrats y aient aucune participation, ni même aient sur lui un droit de haute surveillance. Les représentants de l'État ont sans doute, en cette qualité, le droit de faire, suivant les circonstances, au nom de la ville, les prières et les sacrifices, les voeux et les dédicaces que les particuliers font en leur nom propre ; mais ils n'ont que celui-là. En sens inverse, les prêtres n'ont dans la constitution ni puissance théorique, ni place juridique ; ils n'ont aucun pouvoir pour assurer l'obser vation de leurs décisions.... L'organisation des sacerdoces est diamétralement opposée à celle des magistratures 'o, » Et, d'autre part, jamais non plus le nom de sacerdos ni le caractère sacerdotal n'ont été attribués au pater familias, qui offrait des libations et des sacrifices aux Lares et aux Pénates, soit sur le foyer même de la maison, soit dans le lararium 11; qui célébrait, dans les nuits du 9, du 11 et du 13 mai, la cérémonie des Lemuria, destinée à apaiser et à écarter les âmes des défunts de la famille t2; ou encore qui rendait aux mânes de ses ancêtres et de ses parents le culte accoutumé u. Suivant l'expression de Caton : Scito dominum pro tota familia rein divinam facere", le pater familias romain était, en fait, un vrai prêtre du culte privé: cependant jamais il ne porta, à l'époque historique, le titre de sacerdos. Les sacerdotes étaient, à Rome, des personnages qui exerçaient dans la société et dans l'État des fonctions spéciales. D'autres qu'eux, magistrats et particuliers, pouvaient pratiquer les rites habituels du culte, prières, libations, sacrifices, voeux, dédicaces, etc., tant en leur nom privé qu'au nom de l'État ; mais seuls les sacerdotes étaient, comme l'indique Marquardt dans une formule aussi nette que suggestive, o experts dans l'acte religieux » 1'; seuls, ils étaient, si l'on peut employer cette autre expression, des « professionnels ». « On peut affirmer, sans hésiter, qu'à toute époque, tous les prêtres ont été chargés par l'État d'agir en qualité d'experts ; il le fallait, car les sacrifices les plus usuels étaient accomplis eux-mêmes suivant des règles minutieuses qu'il n'était pas possible d'observer sans une connaissance très précise des rites et sans une expérience consommée 1' n. Aussi les sacerdotes publici populi romani avaient-ils la charge de contrôler, de surveiller non seulement le culte public, mais même les cérémonies de la religion privée, domestique, gentilice. A la différence des magistrats et des pères de famille, ils étaient nommément désignés, suivant des modes spéciaux de nomination, pour exercer leurs fonctions liturgiques ; ils avaient, en tant que prêtres, des devoirs, des droits, des privilèges particuliers. Les sacerdoces romains étaient très nombreux et très variés. « Ils ne sont point, écrit M. Bouché--Leclercq, rattachés les uns aux autres par des liens hiérarchiques, de façon à constituer un ensemble. Ce sont comme autant de fonctions spéciales et isolées, d'origine et d'importance très diverses, groupées autour du pouvoir civil qui représente l'État, avec mission de l'aider, de l'éclairer, mais surtout avec le devoir de lui obéir. De ces sacerdoces, les uns sont individuels, les autres collectifs: parmi ces derniers, les uns sont représentés par des sodalités, les autres par des collèges''. » Les sodalités, confréries vouées à un culte déterminé, avaient plus fidèlement conservé le type primitif des associations gentilices ; les collèges, créés par l'État pour fixer la tradition religieuse et guider l'autorité publique dans l'accomplissement des devoirs de l'État envers les dieux, étaient plutôt des cénacles de théologiens que de véritables confréries religieuses 18. SAC 944 SAC Les prêtres romains, chargés individuellement de desservir le culte d'une divinité déterminée, portaient d'habitude le titre de /lamines [FLAMEN, t. 11, p. 1156 sq.]. Le terme sacerdos ou sacerdotes fut cependant employé pour désigner officiellement des prêtres attachés à divers cultes, sinon d'origine proprement romaine, du moins adoptés de bonne heure par Rome: c'est ainsi qu'on rencontre des sacerdotes Albani, Cabenses, Caeninenses, Lanuvini, Laurentes Lavinates, Laurentini, Suciniani, Tasculani [v. les articles ci-après]. Au féminin, il servità désigner certaines prêtresses de cultes appartenant au ritus graecus, telles que les sacerdoces publicae Cereris populi romani Quiritium 1, les sacerdoces Bonae Deae'-, les sacerdotes J17atris Deum Magnae XV virales'. Signalons encore quelques sacerdotes de rang secondaire: les sacerdotes bidentales 4, le sacerdos virginum Vestalium3, les sacerdotes sacrae Urbisi. Les sodalités officielles étaient celles des Luperci, des T'ratres Arvales, des Salii, des Titii ; plus tard, sous l'Empire, une sodalité fut créée, dont les membres portaient le titre de sodales Augustales, pour perpétuer le culte de la gens Julia. [ARVALES FRATRES, p. 449 ; AUGUS Les collèges sacerdotaux de l'État romain étaient ceux : des Pontifes, des Augures, des Féciaux, des II viri, puis X viri, puis XV viri sacris faciundis, des VII viri epulonum [AUGURES, t. 1, p.55O; EPULONES, t. 11, p. 738; FETIALES, t. II, p. 1095 ; PONTIFICES, t. 1V, p. 567 ; DUUMVIRI, t. 11, p. 426.17. Sur ces /lamines, sacerdotes, sodalitates, colley ia, on trouvera aux articles que nous signalons les renseignements nécessaires ; mais il nous faut essayer de dégager les caractères généraux des sacerdoces romains, abstraction faite des particularités qui distinguaient un flamine d'un membre d'une sodalité ou d'un collège, un Arvale d'un Luperque, un Pontife d'un Quindecirnvir sacris faciundis ou d'un Septemvir epulonum. Les prêtres romains, sous la République, n'étaient pa's tous désignés de la même manière. Ceux qui faisaient partie des sodalités et des collèges se recrutèrent pendant longtemps par cooptation, et nommèrent eux-mêmes par un libre vote leur président. Les premières dérogations à cette règle, qui paraît bien avoir été générale a, se produisirent dans le courant du ine siècle avant l'ère chrétienne. Tite-Live signale pour la première fois en l'année 212 la réunion de comices pour la désignation du Pontifex Maximus" ; M. Bouché-Leclercq suppose que le premier plébéien qui exerça ce sacerdoce, T. Coruncanius, fut, en 252, désigné de même par des comices 10. [PONTIFICES, p. 508]. A vrai dire, ces comices, composés seulement de dix-sept tribus sur trente-cinq, ne représentaient que la minorité des citoyens, et leur rôle consistait dans la pratique à désigner d'avance celui des pontifes que le collège devait ensuite coopter : on avait donc pris les plus grandes précautions pour respecter, au moins en apparence, les principes et les usages traditionnels, tout en donnant satisfaction aux réclamations du parti démocratique". Les tribuns de la plèbe ne s'en tinrent pas là : en 145 av. J.-C., C. Licinius Crassus proposa une loi d'après laquelle l'élection populaire devait remplacer, dans la désignation des membres des collèges religieux, la cooptation12. Cette loi ne fut pas votée Mais, en 104, le tribun Cn. Domitius Ahenobarbus réussit à faire voter la lex Domitia, qui étendait ceteris sacerdoliis le procédé usité depuis plus d'un siècle déjà pour la désignation du Pontifex Maximus '3. Il faut entendre ici par cetera sacerdotia toutes les fonctions religieuses précédemment décernées par cooptation 1'; c'étaient donc les membres des sodalités et des collèges qui devaient être désormais désignés par les comices restreints, avant d'être cooptés suivant les règles du droit religieux. Abrogée par Sylla, qui rétablit l'ancien mode de la cooptation au moins pour les deux grands collèges des pontifes et des augures (tex Cornelia de pontificum augurumque collegiis; cf. LEx, t. III, p. 1139), la lex Dornitia fut rétablie et même aggravée, semble-t-il, par la tex Atia; cette loi, votée en 63 sur la proposition du tribun T. Atius Labienus, confiait de nouveau aux comices des dix-sept tribus la désignation préalable pour les fonctions sacerdotales'" ; en outre, elle assignait, non plus au P. M., mais aux consuls la présidence de ces comices spéciaux. Les réformes de César et d'Auguste aboutirent en fait, malgré toute apparence contraire, àla suppression de la cooptation. L'empereur, P. M. de droit, et d'ailleurs maître absolu de l'État, s'était fait donner dès l'an 29 av. J.-C. le pouvoir de disposer à son gré des sacerdoces et d'ajouter à chaque collège autant de prêtres surnuméraires qu'il le voudrait 1" Mais, sous la République, les sacerdotes n'étaient pas tous désignés par la cooptation. Les titulaires des sacerdoces individuels, /lamines, le Rex sacrorum, les Vestales étaient nommés par le P. M., considéré comme le chef de la religion nationale, le directeur du culte public [PONTIFICES, p. 567]. Il est vraisemblable, d'autre part, que les duumviri, puis decemviri, puis quindecimviri sacris faciundis nommaient les prêtres des cultes d'origine étrangère admis et reconnus par l'État romain, par exemple les prêtres de la grande Mère des Dieux et les prêtresses de Cérès, etc. [DUUMvisi, etc., p. 441] 1i. Sous l'Empire, toutes les attributions du P. M. passèrent à l'empereur, dont l'autorité s'exerçait en outre sur le collège des Quindecimvirs comme sur tous les autres. En résumé, les sacerdotes publici populi romani, nommés probablement à l'origine par le roi, furent désignés sous la République, les titulaires des sacerdoces collectifs par cooptation, puis par une élection soumise à certaines conditions spéciales, les titulaires de sacerdoces individuels soit par le P. M. soit par le collège des Duumviri, Decemviri ou Quindecimviri sacris faciundis. Sous l'Empire, quelles que fussent les règles théoriques et officielles, en fait, la nomination des uns et des autres dépendait de la volonté impériale. Quelles conditions fallait-il remplir pour pouvoir être investi d'un sacerdoce, non pas de telle ou telle fonction SAC -945SAC sacerdotale, mais d'un sacerdoce public et officiel, quel qu'il fût? Il y avait d'abord des conditions très générales, telles que l'absence de toute tare ou infirmité corporel', l'absence de toute condamnation2, la possession du droit de cité romaine 3, l'ingénuité 4. D'autres conditions furent, en outre, exigées pendant certaines périodes; par exemple, sous la royauté et pendant les premiers siècles de la République, les patriciens seuls pouvaient être cooptés dans les collèges et les sodalités ou nommés prêtres par le P. M. : ce fut seulement en l'année 300 av. J.-C. que la lex Ogulnia ouvrit aux plébéiens les deux grands collèges des Pontifes et des Augures et même leur y donna de droit la majorité'. Il est vraisemblable que la plupart des autres sacerdoces devinrent de même accessibles aux plébéiens : seuls paraissent avoir été réservées aux patriciens les fonctions du Rex sacrorum, des trois grands flamines et des Saliens'. Cette situation fut modifiée par Auguste. Désormais, les divers sacerdoces publics ne purent être revêtus et exercés, les uns que par des personnages de l'ordre sénatorial (les quatre grands collèges, la plupart des anciennes sodalités et les sodalités nouvelles qui se créèrent pour le culte des Divi, Augustales, Flaviales Titiales, Cocceiani, Ulpiales, etc., les fonctions de Rex sacrorum, des trois grands flamines, des Vestales) ; les autres que par des personnages de l'ordre équestre. Les simples citoyens s'en trouvèrent donc exclus'. Il convient enfin de signaler qu'aucune incompatibilité formelle n'existait entre les différents sacerdoces, sauf celles que comportait la nature même des choses, et sauf le cas des Saliens. Il allait de soi, par exemple, que le même Romain ne pouvait pas être en même temps flamine et pontife, puisque les flamines dépendaient du collège des pontifes, ou encore qu'une Vestale ne pouvait pas exercer d'autre sacerdoce, puisque les Vestales étaient, à Rome, les seules prêtresses d'État'. Quant aux Saliens, celui d'entre eux qui était investi d'un autre sacerdoce, qui devenait pontife ou augure, devait sortir du collèges. Coopté, désigné par l'élection des comices restreints, ou nommé par le P. M., le nouveau prêtre devait être installé dans sa fonction sacerdotale. On sait formellement que le Rex sacrorum, les grands flamines et les augures étaient inaugurés, à la requête du P. M., dans les comitia calata. On trouvera discutée ailleurs [INAUGURATIO, t. III, p. 438-439], la question de savoir si tous les prêtres étaient inaugurés. M. Bouché-Leclercq montre que ni les grands collèges, ni les confréries ou sodalités, ne faisaient inaugurer leurs membres. Pour les autres prêtres, l'entrée en fonctions paraît avoir eu lieu sans prise spéciale d'auspices : dans les collèges et les sodalités, le chef ou président ad sacra vocabat le membre nouvellement désigné". En règle générale, les sacerdoces publics de l'État romain étaient conférés à vie 1'; dans la plupart des circonstances où il était, en fait, dérogé à ce principe, le prêtre qui cessait d'exercer ses fonctions sacerdotales les VIII. quittait volontairement par démission ou abdication12. La dignité sacerdotale paraît avoir été, en droit, inamo vible à Rome 1'. Lorsqu'un Salien quittait son collège, lorsqu'une Vestale usait du droit qui lui était dévolu par la loi religieuse de résigner ses fonctions après trente ans de prêtrise, on employait les termes exaugurare, exauguratio, pour désigner l'acte par lequel ils dépouillaient leur caractère sacerdotal 14. L'emploi de ce mot n'implique nullement, d'après Wissowa1J, que les Saliens ou les Vestales fussent inaugurés, au sens strict du mot, lors de leur entrée en fonctions. « Ces exaugurations ne sont, dit Bouché-Leclercq à propos des Saliens, que des congés délivrés par la confrérie elle-même 16. » De telles exaugurations étaient, d'ailleurs, exceptionnelles. Nous n'avons à énumérer ici en détail ni les fonctions spéciales qu'exerçaient les divers prêtres publics de l'État romain, ni les insignes qu'ils avaient le droit de porter et qui les distinguaient, ni les serviteurs, licteurs, etc., qui les aidaient .dans l'accomplissement des rites: on trouvera ces diverses questions exposées aux articles: ARVALES FRATRES (1, p. 449 sq.), AUGURES (1, p. 550 sq.), DUUMVIRI, etC. SACRIS FACIUNDIS (II, p. 426-442), EPULONES (II, p. '738 sq.), FETIALES (II, p. 1095), FLAMINES (Il, p. 1156 sq.), LUPERCALIA, etc. (III, p. 1398 sq.), REX Comme nous l'avons indiqué plus haut, lorsque nous avons essayé de définir ce qu'étaient les sacerdotes romains, leurs fonctions consistaient essentiellement à être les experts de l'État dans l'acte religieux ; si ]es insignes qu'ils portaient variaient suivant les sacerdoces, du moins devaient-ils tous porter, quand ils sacrifiaient, pura vestimenta, id est, non obsita, non fulgurita, non funesta, non maculam habentia ". Aux collèges, aux sodalités, aux personnes des prêtres investis de sacerdoces individuels étaient attachés un nombreux personnel d'agents subalternes et de servants du culte, apparitores, calatores, camilli, cultrarii, lictores, popae, tibicines, viatores, etc. [voir ces mots'']. S'il est inexact de parler pour les sacerdotes publici populi romani d'une hiérarchie officielle et organisée, il ne serait pas moins contraire à la réalité historique de nier entre eux l'existence de rapports hiérarchiques établis les uns par la tradition, les autres par l'histoire même du culte. Sous la royauté, semble-t-il, les prêtres dépendaient tous du Roi, et ils se classaient entre eux selon le rang assigné au dieu dont le culte leur était confié 19. Un texte souvent cité de Festus nous apprend que l'ordo sacerdotum traditionnel était le suivant : maximus videtur Rex, dein Dialis, post hune Martialis, quarto loto Quirinalis, quinto Pontifex Maximus. flaque in [conviviis] solus Rex supra omnes accubat; sic et Dialis supra Martialem et Quirinalem; omnes item supra Pontificem 20. Aulu-Gelle 21 et Servius S2 confirment les indications donnés par Festus, et attestent en même temps la survivance sous l'Empire 119 SAC -946SAC de cette antique hiérarchie, tout extérieure d'ailleurs. Sous la République, l'organisation sacerdotale se caractérisa par la prédominance incontestée du Pontifex Maximus; parmi les collèges et sodalités, les Pontifes, les Augures, les Septemviri Epulonum, les Duumviri (puis Decemviri, puis Quindecimviri sacris faciundis) formaient les quatuor summa ou amplissima collegia a. Il est, en outre, évident que le P. M. exerçait une autorité particulière sur les prêtres et les prêtresses, sur les flamines, sur les Vestales qu'il nommait, qu'il investissait de leurs fonctions sacerdotales ; de même les prêtresses de Cérès et les prêtres de la Mère des dieux dépendaient des Duumviri, etc., sacris faciundis. Sous l'Empire, l'empereur, grâce à son titre de pontifex maximes, fut, comme l'avait été le roi dans l'organisation primitive de la cité, le chef de la religion officielle. Tous les prêtres de l'État romain jouissaient d'immunités et de privilèges honorifiques. Ils portaient la toge prétexte 2 ; des places d'honneur leur étaient attribuées dans les fêtes et dans les jeux Ils étaient exempts, sauf cas exceptionnels et d'urgente nécessité, des charges publiques, des impôts, du service militaire'. Les privilèges particuliers à certains sacerdoces sont exposés dans les articles spéciaux consacrés à ces sacerdoces. SACERDOS PROVINCIAE. Cette variété de prêtre est une nouveauté de l'époque impériale; elle résulte de l'extrême déférence, imitée des usages orientaux et hellénistiques', qui fit mettre, dans les provinces, le souverain au rang des dieux [APOTuEOSts]. Le culte de Rome avait pris naissance beaucoup plus tôt [ROMA], mais il était resté généralement municipal 2. Alors qu'à Rome le culte des divi, c'est-à-dire des empereurs morts, fut seul admis, le culte provincial fut celui de Rome et de l'empereur vivant' ; sans doute, la série des empereurs précédents ne dutpas être écartée ; ainsi le temple élevé à Tibère, sur la demande a des villes n d'Asie, à Smyrne', dut servir aussi à l'adoration des princes ultérieurs, niais Tibère ne pouvait y être oublié; l'adoption, au reste, ne fit souvent que renforcer les privilèges héréditaires de descendance directe ; eût-on osé adorer le monarque régnant et négliger le culte de son père et prédécesseur? Le culte provincial n'était réglé par aucune loi d'ensemble s'appliquant à toutes les provinces ; aussi les deux moitiés de l'Empire, latine et grecque, présentent dans cet ordre de choses un certain nombre de différences, mais il y eut aussi bien des traits communs. En principe, les provinciaux restaient libres d'organiser ce culte à leur guise' ; pratiquement, si l'empereur ou le Sénat n'intervinrent que sur requête, le gouverneur dut exercer une discrète surveillance, inspirer même officieusement quelques mesures. Le sacerdotium provinciae échappait au système de la collégialité; il appartenait à un seul dignitaire, élu, dans la province ou le groupe de provinces unies pour la célébration du culte des Césars (Tres Daciae, Tres Galliae) 6, par l'assemblée provinciale et à temps, non à vies. Sacerdoce sûrement annuel en Afrique et en Narbonaise9, ailleurs aussi très probablement. Pour insignes, la couronne d'or, souvent ornée des bustes des Césars, et la robe de pourpre, imitation de la toge impériale 1Ô ; maison pense que tels étaient aussi les insignes du prêtre municipal des empereurs. En Orient, le prêtre provincial s'appelait py1Epeuç [ARCHIEREUS]; en Occident, suivant les régions, /l'amen (provinces alpestres, Espagne, Narbonaise, Afrique hormis la proconsulaire) ou sacerdos (autres provinces, notamment les Gaules). L'hégémonie romaine ayant partout favorisé le régime aristocratique, ce personnage ne pouvait être qu'un notable, citoyen d'ailleurs de n'importe quelle ville de la province D'ordinaire, il avait parcouru le cursus honorum municipal ; le fait est attesté pour le plus grand nombre et put se produire dans d'autres cas à notre insu. Beaucoup d'inscriptions qui les commémorent portent la mention omnibus honoribus functus ou une autre analogue". La plupart de ces sacerdotes étaient citoyens romains 12, mais il ne semble pas que cette qualité leur fût indispensable, comme on l'a dit en généralisant à tort une disposition qui paraît ressortir de la lex concilii Narbonensis f 3 ; il se peut même que la civitas romana leur ait été accordée à leur entrée en charge, ou, mieux encore, à l'expiration de leurs fonctions, lorsqu'ils prenaient le titre de sacerdotals ou de flaminalis, impliquant des privilèges, honorifiques ou autres, dans leurs villes et dans la province entière. Les municipalités entretenaient des rapports excellents avec les conventus civium Romanorum ; ceux-ci fournirent plus d'une fois des sacerdotes provinciae; on en vint même à élire des fonctionnaires romains, d'anciens officiers, des procurateurs impériaux''. Mais surtout la noblesse locale, aristocratie de naissance et de fortune, pourvut à ces fonctions qui, comme les autres, devaient être dispendieuses pour le titulaire : aussi, dans les listes qu'on pourrait dresser pour chaque localité importante, les noms des mêmes familles reparaîtraient constamment; une autre catégorie très représentée est celle des rhéteurs et des sophistes 15. En dehors de ces attributions propre SAC 947 SAC ment cultuelles, le sacerdos en charge jouissait de diverses prérogatives: du jus sententiae dicendae, du jus signandi, et d'une place d'honneur dans la curie, à l'assemblée du peuple et au théâtre '. En cas de vacance par décès, nous ne savons pas pour chaque province comment était désigné le subrogatus2. Toute assemblée provinciale avait le droit de discuter des intérêts communs de la province ; mais, en fait, elle se réunissait principalement pour voter des honneurs publics, célébrer des cérémonies religieuses, des fêtes et jeux. Par suite, le grand prètre semblait tout désigné pour la présider; d'où la fusion qui devait tendre à s'accomplir entre son titre et ceux que portaient les chefs des confédérations que Rome laissa subsister en Orient. Cette question a été déjà exposée ailleurs [ASIARCuA, KoixoN]; nous ne ferons ici que la mettre à jour. L'ionavec l'p;etepeuç Paaar(aç, etc... 3? Peut-être a priori seraitil prudent de ne pas chercher une solution unique ; il put y avoir d'une province à l'autre des différences considérables 4. Et d'abord tout titre en dp'v ç désigne le chef d'un groupe ethnique, et sans doute, en conséquence, le président d'une assemblée de l'Eevoç, mais non pas forcément d'une assemblée comprenant des représentants de toute une province, car il y a un béotarque, un phocarque, etc..., et il n'y a pas de province de Béotie ou de Phocide. Donc si un ,rovrapx7;ç de Mésie est dit en même temps pytepeéç, il n'a pas forcément la grande prétrise de la Mésie Inférieure. Seulement il y a pu avoir une grande prêtrise du koinon pontique lui-même ; dans cette hypothèse, le parallélisme serait frappant entre les koina d'ancien type et les concilia de provinces5. Mais cette grande prêtrise du koinon pontique concernerait-elle le culte impérial? Rien ne le prouve. Les koina divers tolérés sous l'Empire avaient souvent pour origine essentielle un lien religieux; ce lien ne se serait-il pas rompu si au culte primitif s'était substitué ou superposé le culte des empereurs ? Ces derniers ne pouvaient prendre ombrage d'une survivance qui, pratiquement, n'affaiblissait en rien le loyalisme des populations : nombre de collectivités professaient des cultes spéciaux qui n'étaient pas le culte impérial; le culte provincial éclipsait ces dévotions secondaires, sans caractère politique. Pourtant la difficulté reste entière, et diverses provinces de l'Orient grec ont bien pu compter chacune plusieurs grands prêtres du culte impérial, chacun à la tête d'un koinon, sans avoir un sacerdos provinciae, au sens strict du mot. Finalement, lorsqu'une inscription nomme un personnage agonothète et p;ttupct h (d'une province donnée) et peç, on a toujours le choix entre deux explications: 1° Simple redondance S. Beaucoup inclinent vers cette solution, depuis que Mommsen l'a.couverte de son auto rité' : le titre de lyciarque est viager; il désigne l'&pxtepeé; de Lycie encore en fonctions ou honoraire. Reste une objection : comment, dans cette doctrine, expliquer les formules aaaôaoyicaç', 7cierappaaç ¢otvetxaozraaç 'a, et surtout ),vxtaoxligaç" dans le pays même oit Opramoas fut, pendant de longues années, qualifié de ),uxt«pyrlç, sous d'autres pztepeX;? Il faut admettre à tout le moins un formulaire un peu flottant. 2° Réunion de plusieurs attributions sur la même tête. Dans divers cas, le texte suppose un exercice simultané, non successif ; en fait, si les fonctions sont distinctes, le cumul a pu se produire. Le sacerdos provinciae n'avait pas la haute main sur les autres prêtres de la province. Maximin chercha à hiérarchiser le culte impérial en conférant à ceux qui le célébraient suprématie et juridiction sur les autres prêtres"; mais sa tentative fut sans lendemain. Lorsqu'après Constantin le culte impérial eut été sécularisé, les sacrifices disparus, il y eut encore des jeux et, pour les diriger, des sacerdotes provinciae f 3 ; mais nous ne suivons guère leurs traces qu'en Afrique et en Asie; à cette époque, ils sont souvent députés par l'assemblée auprès de l'empereur ; aussi les choisit-on de préférence parmi les advocati 14 ; ils continuent à être élus comme auparavant1'. Le caractère onéreux de leur charge les fit dispenser de plusieurs autres 16. Julien leur rendit leurs attributions religieuses, pour les opposer aux évêques t7 ; mesure dont l'effet fut aussi court que son règne. Nous entrevoyons en somme la décadence de l'institution ; nous ne savons pas quand elle disparut. De nombreuses inscriptions rappellent des flaminicae ou des sacerdotes femmes ; vraies prêtresses, mais nous ne sàvons pas de quel culte ; il n'est point établi que ce soit le culte impérial; la flaminis uxor n'est pas de plein droit flaminica; en revanche, en tant qu'épouse du grand prêtre, elle a déjà un caractère sacré, qui se manifeste par certains privilèges et obligations 18. Pour l'Orient grec, la question est très obscure. Nous avons un cas de femme asiarque", un de femme pontarque5a, deux de Auxtrripxtaax 31 ; dans l'un, le mari est nommé, et non désigné comme lyciarque; on a supposé qu'il était époux en secondes noces. Un bien plus grand nombre sont qualifiées grandes prêtresses. P. Paris22 indique deux hypothèses possibles: simple honneur décerné à la femme en raison des mérites de son mari grand prêtre, ou titre récompensant une donatrice qui a participé aux frais du culte impérial 23 VICTOR CHAPOT. SACERDOTES ALBANI, CABENSES, CAENINENSES, etc. -Dans les premiers siècles de Rome, lorsqu'une ville latine, vaincue et conquise par les Romains, était, sous quelque forme que ce fût, annexée à la cité romaine, ses cultes publics ou sacra étaient adoptés par le peuple romain. Le soin de célébrer ces cultes incombait à des prêtres ou à des sodalités, dont les noms rappelaient le SAC 948 SAC nom de la ville à laquelle les cultes avaient primitivement appartenu'. 1° Sacerdotes [Albani]. A proprement parler, il n'y avait point de prêtres ni de membres d'une sodalité qui fussent appelés à Rome sacerdotes Albani. Les cultes d'Albe la Longue devinrent des cultes romains : on connaît des pontifoces Albani', des Salii Albani présidés par un magister Saliorum 3, des virgines 6u Vestales Albanae 4, un Rex sacrorumt (albanorum) 2° Sacerdotes Cabenses. Le titre complet de ces prêtres était sacerdotes Gabenses feriarum Latinarum montis Albani' ; leur nom abrégé : sacerdotes Cabenses montis Albani? ; la cité latine de Caba ou Cabè parait nommée par Pline et par Denys d'Halicarnasse s. 3° Sacerdotes Caeninenses ou Caeninensium. Prêtres mentionnés par quelques inscriptions9. D'après la tradition, Caenina avait été détruite par Romulus 1p. 4° Sacerdotes Lanuvini. Les sacerdoces Lanuvini, recrutés en général parmi les citoyens romains de haute condition, formaient un collège consacré spécialement au culte de Juno Sospita, la principale déesse de Lanuvium. Cette déesse, en l'honneur de laquelle un temple avait été construit à Rome, avait gardé son sanctuaire de Lanuvium ; mais ce sanctuaire et le culte qui s'y célébrait étaient devenus communs aux Romains et aux municipes Lanuvini". Outre les sacerdotes Lanuvini, on connaît un flamen maximus à Lanuviumn. b° Sacerdotes Laurentes Lavinates ou Laurentium Lavinatiunt. Après la défaite de Lavinium, en 338, le culte antique et très révéré des Pénates, qui passaient pour avoir été apportés dans cette ville par Énée, fut confié à la cité voisine de Laurentum; un collège de prêtres, dans le titre desquels figuraient les noms des deux villes, sacerdos Laurens Lavinas f3, sacerdos Laurentium Lavinatium1l, sacerdos apud Laurentes Lavinatesn, etc., existait encore sous l'Empire. Mais il semble que le titre de sacerdos Laurens Lavinas fût alors plutôt honorifique, puisqu'on trouve des personnages revêtus de ce titre jusqu'en Dacie et en Afrique 16. Auprès de ces sacerdotes, les inscriptions font connaître des /lamines ", des pontifices18, des salii19 attachés à ce même culte. 6° Sacerdotes Suciniani. Prêtres mentionnés sur quatre inscriptions de Rome20; leur origine est inconnue. Nulle part on ne trouve citée une ville de Sucinium ou Sucinia dans le Latium. 7° Sacerdotes Tusculani. Depuis l'an 371, date à laquelle Tusculum reçut le droit de cité romaine, le culte poliade de cette ville, celui de Castor et Pollux, fut adopté par l'État romain. Le soin de ce culte fut confié à divers prêtres ou fonctionnaires religieux, dont plusieurs sont désignés dans les textes épigraphiques par le titre de sacerdos Tusculanus 21. Peut-être tous les prêtres attachés à ce culte formaient-ils une sodalité, puisqu'on trouve également mention de sociales sacrorum Tusculanorum 27. SACERDOTES multicipiorurn, coloniarum. Dans les innombrables cités des provinces romaines, il y eut, comme à Rome, des sacerdotes publici. M. BouchéLeclercq a fait très justement remarquer qu'il « n'est pas toujours aisé de distinguer (dans les villes provinciales) les prêtres locaux des prêtres à la mode romaine. Sacerdos coloniae, sacerdos publicus sont des termes élastiques, applicables aux deux catégories 23. » Les sacerdotes, auxquels on peut vraiment attribuer le caractère et le nom de prêtres municipaux, furent: 1° les pontifes et les augures des colonies et des municipes, dont l'organisation était calquée sur celle des pontifes et des augures romains24. 2° les prêtres municipaux du culte impérial, dont le titre le plus fréquent était flamen, qui parfois s'appelaient sacerdos ou pontifex2°; 3° enfin les Augustales ou Seviri Augustales, membres ou prêtres des confréries qui s'étaient constituées dans maintes cités des provinces occidentales pour rendre un culte fervent à la divinité des empereurs 26. J. TOCTAIN.