Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SAPO

SAPO. Ce mot se rencontre, pour la première fois, chez Pline l'Ancien, mais avec un autre sens que celui qu'il a pris plus tard : on désigne sous ce nom, nous dit Pline, une invention des Gaulois pour colorer les,cheveux en rouge; c'est un mélange, tantôt liquide et tantôt solide, de suif et de cendre, particulièrement de suif de chèvre et de cendre de hêtre ; les Germains en font une plus grande consommation que leurs femmes'. Une épigramme de Martial est intitulée Sapo ; le poète y parle de la mousse caustique, caustica spuma, à l'aide de laquelle les Teutons avivaient la couleur de leurs cheveux 2 ; une autre pièce fait allusion aux mattiacae pilae, boules de savon de Mattiacum, en Germanie, qui remplissaient le même office' ; un troisième passage du même auteur nous apprend que les Latins avaient recours à la mousse batave, batava spuma, pour changer l'aspect de leur chevelure'. Il résulte de ces différents textes d'abord que le sapo, au 1Cr siècle ap. J,-C., était une teinture capillaire, et ensuite qu'il provenait de Gaule' ou de Germanie 6. Les Romains l'ont adopté avec empressement ; on sait qu'ils eurent de tout temps une grande admiration pour les chevelures blondes ou rousses des peuples du Nord [coMA, p. 1369] et qu'ils s'efforçaient, à l'aide de préparations artificielles, de donner aux leurs les mêmes nuances'. Les femmes étaient les plus ardentes à suivre cette mode ; Caton, dans ses Origines, rapporte déjà qu'elles se frictionnaient la tète avecdes onguents dans la composition desquels entraient des cendres 8 ; Valère Maxime' et Serenus Sammonicus 10 confirment son témoignage. D'après Ovide, elles se teignaient avec des herbes de Germanie", c'est-à-dire soit avec le suc extrait de ces plantes, soit avec les cendres SAR 1063 SAR produites par leur combustion. Dioscoride, sans prononcer le mot sapo, donne la formule de plusieurs mélanges de cendres et de graisse ou d'huile, qui rappellent celui dont parle Pline et qui doivent en être rapprochés; l'un d'eux avait la propriété de colorer les cheveux en jaune'. En même temps que de teinture, le sapo servait aussi de remède. Au ni' siècle, Serenus Sammonicus conseille des frictions de sapo pour faire disparaître la pâleur des joues et effacer les cicatrices 2. A la même époque, Arétée de Cappadoce signale, entre autres remèdes des Gaulois contre l'éléphantiasis, des boulettes de nitre ou semblables aux boulettes de nitre (le mot v(rpa letç est équivoque) avec lesquelles on frottait les vêtements et qu'on nommait ax7rtuv 3. Moschus donne les mots v(Tpov et eair,évtov comme synonymes. Pour les soins de la toilette et le nettoyage des vêtements ou du linge [LAVATIO], les Grecs et les Romains employaient un certain nombre de substances minérales ou végétales, poudres ou pommades, que l'on réunissait parfois sous les noms génériques de puµ auTs, p~avtxa, cµrmµata, et dont les principales étaient la racine de saponaire ou struthiuln, la terre à foulons, creta fullonica [CRETA; FULLONICA, p. 1380], le NITRUM, la lessive de cendres ou xov(a, le LOMENTIIM. C'est seulement à partir du ive siècle de notre ère que le savon, sapo ou czirnv, fut rangé couramment parmi les pdµµara4. Il ne semble pas que jusqu'à cette époque les anciens l'aient jamais fait servir aux mêmes usages domestiques que les modernes. On a retrouvé à Pompéi, sur l'emplacement de deux ateliers de foulons, une matière grasse, de couleur grise, donnant une mousse légère au contact de l'eau ; on crut qu'il fallait y reconnaitre une sorte de savons ; mais l'analyse chimique a montré que cette matière ne renfermait aucune trace de corps gras d'origine organique, et que c'était tout simplement un résidu