Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SARCOPHAGUS

SARCOPHAGUS ('`oo6ç, aapxo0yoç). Cet article est consacré à l'étude des sarcophages de bois, de terre cuite, de métal, de pierre ou de marbre, destinés à recevoir les corps inhumés. Ce qui a trait à l'inhumation et à ses rites a été traité à l'article euNOS; ce qui concerne l'aménagement des sarcophages dans les chambres funéraires, aux ensembles architecturaux dont ils pouvaient faire partie, se trouvera à l'article SEPULCIIUM. exclusivement pratiqué à l'époque mycénienne ou égéenne est l'inhumation [FUNES]. Mais elle n'entraîne pas alors l'usage commun du sarcophage de pierre, de bois ou de terre cuite. En règle générale, dans les tom beaux de Mycènes, comme dans tous ceux qui appartiennent à la même civilisation, les corps sont simplement déposés sur le solde la chambre funéraire, et non renfermés dans un cercueil'. Cependant, c'est à la fin de la période dite minoenne (aux environs du xve siècle avant notre ère) que se rapportent les réceptacles ftinéraires dont il a été découvert en Crète et nulle part ailleurs un certain nombre d'exemplaires A cause de leurs dimensions restreintes, M. Orsi y voyait de simples ossuaires, où ossements dont on débarras l'on aurait rassemblé les sait les caveaux funéraires, pour y faire de la place 3. Mais de nouvelles observations ont montré qu'il s'agissait de sarcophages où les corps étaient enfermés avec les jambes repliées'. Quoi qu'il en soit de leur destina SAR 1000 SAR Lion primitive, les urnes crétoises sont les prototypes des sarcophages de l'âge suivant. La forme la plus fréquente est celle d'une cuve prismatique, portée par quatre pieds et munie d'un couvercle à quatre pentes ( fi g. 6099). L'arête supérieure se termine des deux côtés en forme d'éperon. La base du couvercle est percée de trous auxquels correspondent, à la partie supérieure de la cuve, d'autres trous ou ansettes; par ces trous et ces ansettes passait sans doute un fil métallique servant à fixer le couvercle sur la cuve. Les faces de la cuve et celles du couvercle sont décorées d'ornements mycéniens. L'autre forme est toute différente 8 ; c'est celle d'une baignoire à cuve arrondie, à rebord proéminent, munie de quatre poignées. On a rappelé à l'article PvELOS le rite très ancien du bain du mort; c'est la baignoire même où il était plongé que rappelle l'urne funéraire de Milatos. La forme des autres est identique à celle soit du meuble oit l'on renfermait les objets familiers, le axpvaç ou xtâo'v6 [AncA], soit de la maison primitive [Domus, voir aussi sEeuncoUM pour les tombeaux-cabanes des Étrusques'] avec le toit à double pente età fronton et la poutre maîtresse qui sépare les deux versants'. C'est ainsi comme une copie religieuse de la vie terrestre qui se retrouve dans la vie d'outre-tombe. En somme, à l'époque mycéno-crétoise ou égéenne, l'emploi du sarcophage, sans être exceptionnel, n'est pas très répandu. C'est à l'âge suivant qu'il devient commun, sans doute sous l'influence du nouveau procédé de sépulture qui conquiert alors le monde grec, l'incinération Tandis, en effet, qu'avec l'inhumation, le réceptacle funéraire n'apparaissait pas comme indispensable, il devient nécessaire avec l'incinération : d'où les urnes cinéraires en pierre, qu'on trouve dans les nécropoles à incinération de l'époque hellénique la plus ancienne, par exemple à Théra 6. Elles ont la forme d'une caisse rectangulaire à couvercle. Quand reparaît, à l'époque archaïque et classique, le rite de l'inhumation, employée concurremment avec l'incinération, la caisse rectangulaire, appropriée par simple agrandissement à son nouvel usage, devient le sarcophage proprement dit, qui renferme le corps du défunt. Le sarcophage est donc, VIII. de par son origine, purement grec, non pas oriental ou égyptien 7. Ossuaire en forme de coffrets ou d'habitation, accessoirement en forme de baignoire, de l'époque mycéno-crétoise, caisse cinéraire rectangulaire de l'époque homérique et géométrique, ce sont là les prototypes et les têtes de série de tous les sarcophages de l'époque classique, qu'ils soient de forme simple et géométrique, ou architecturale et compliquée, qu'ils soient sans décoration, ou ornementés et historiés. II. GBLCE. Nous prenons ici le mot de sarcophage dans l'acception la plus large ; il convient cependant d'en préciser le sens particulier et originel. Le mot, avec la signification générale de réceptacle funéraire, n'apparaît qu'à l'époque romaine; .sarcop/1agu.s se trouve, avec ce sens, chez Juvénal °. A l'époque grecque, on ne trouve pas d'autre mot que ceux qui désignent le « cercueil ». « mange-chair », ce n'est que l'épithète habituelle des animaux carnivores". Cependant, à en croire une citation de Pollux 14, dès le temps de Platon, l'épithète oapxovsyos pouvait s'appliquer aussi à un cercueil en pierre. Quel était alors le sens exact du mot? D'après un texte de Pline l'Ancien "^, l'épithète désignait une espèce de pierre calcaire, extraite des carrières d'Assos en Troade, qui avait la propriété de consumer les corps en un court espace de temps. Il faudrait donc admettre que le nom de « sarcophage » aurait été réservé d'abord aux réceptacles funéraires faits de cette matière spéciale, et se serait étendu ensuite à tous les autres. L'explication, même au point de vue scientifique et technique, parait assez douteuse 16. M. Dieterich en propose une toute différente 19. Pour lui le texte de Pline n'est que l'écho d'une historiette faite à plaisir. Il faudrait chercher le sens vrai de l'épithète « sarcophage », dans de très vieilles croyances populaires, d'après lesquelles certaines divinités infernales se repaissaient matériellement de la chair et du sang des morts. En fait, dans des hymnes orphiques, il est dit d'Hécate qu'elle « a son repas dans les tombeaux » et l'épithète même de aapxo'dyoç lui est souvent décernée ". Elle aurait ensuite passé au tombeau lui-même, où le mort est la proie des divinités « sarcophages ». On comprendrait bien dès lors comment un seul mot a pu désigner toute espèce de réceptacles funéraires, quelle qu'en soit la matière ou la forme. Nous venons de voir, par les exemples de la période préhellénique, que le type primordial dont dérivent tous les autres, est la caisse rectangulaire, munie d'un couvercle droit ou bombé en dos d'âne. Ce type simple se retrouve sur tous les points du monde grec ; la matière seule varie et aussi la plus ou moins grande exactitude dans le profil et la plus ou moins grande perfection dans le travail. Il faut mentionner ce type simple avant d'en venir aux types ornementés. Ce sont, en majorité, des sarcophages en pierre ou en marbre que les fouilles ont ramenés à la lumière. Les plus beaux exemplaires des monuments de cette 13't SAR 1066 SAR série, auxquels on peut donner, avec Renan, le nom de thécas, proviennent non de la Grèce propre, mais de l'Orient grec et gréco-phénicien ; il en a été trouvé un grand nombre dans les hypogées Chypre ou de Phénicie ; plusieurs ont été extraits de la nécropole de Sidon Les uns sont en marbre blanc, les autres en calcaire ; le couvercle s'adapte à la cuve par une saillie épousant une dépression correspondante; quatre poignées sont placées sur les petits côtés 3. Parmi les thécas rapportées par Renan au Louvre, plusieurs sont en marbre de Paros et, bien que dépourvues de toute ornementation, décèlent, par la seule perfection de la matière et le fini du travail, qui en font déjà des oeuvres d'art, la main d'artistes grecs. Ces thécas atteignent quelquefois de grandes dimensions; l'une d'elles, trouvée à Sidon, en pierre noire, et qui se distingue par la forme anthropoïde de la cavité intérieure, mesure 2°',60 de longueur, 1°,20 de largeur et 1m,26 de hauteur'. Ces thécas de pierre ou de marbre, sans ornement, type universel et comme international, se retrouvent en Asie Mineure comme à Chypre ou en Phénicie; et on les rencontre dans les îles de la mer Égée comme dans la Grèce propre, où l'inhumation a été, dès l'époque archaïque, pratiquée en même temps que la crémation et plus qu'elle [FONDS]. Ainsi les fouilles opérées par M. Bmhlau dans les nécropoles de Samos 6 ont ramené au jour un très grand nombre de sarcophages en pierre calcaire, souvent monolithes; le couvercle est soit plat, soit voûté en dos d'une, soit même déjà en forme de fronton. Dans un exemplaire, la cavité intérieure est de forme anthropoïde; dans d'autres, elle est de forme trapézoïdale, comme dans les grands sarcophages de terre cuite de Clazomènes, ou encore arrondie à la place de la tête'. Dans file de Ithénée ont été trouvés un grand nombre de sarcophages du même type, en poros, provenant sans doute de Délos Pour l'Attique, MM. Brueckner etPernice en ont décrit plusieurs, en pierre poreuse ou en marbre, trouvés dans le cimetière qui s'étendait au nord-est de la région du Dipylon 8. Ils datent du v" et surtout du iv" siècle. Le corps y reposait sur le dos, couché sur un lit de feuillage. A côté de la pierre ou du marbre, le bois et la terre cuite ont été les matériaux le plus fréquemment employés dans la confection des sarcophages de type simple. 11 semble qu'il y ait eu aussi des sarcophages en plomb Les sarcophages en bois se rencontrent dans toutes les parties du monde grec et oriental. C'est, comme nous l'avons dit plus haut, le ),épcv ou coffret transféré de l'usage domestique à l'usage funéraire 10 ; mais le plus souvent, ces sarcopha ges de bois ont mal résisté à l'injure du temps; on en a trouvé un grand nombre de débris dans les fouil les du tumulus de Koul-Oba, près de Kertch, en Crimée " (fig. 6100 et 6101). A côté de ceux qui por taient une riche dé coration ou reprodui saient un type archi tectural, et dont il sera parlé plus loin, d'autres ont la forme simple d'une caisse en bois de genévrier, de cyprès ou d'if, dont on connaît la signification funé raire 12 ; le corps y reposait quelquefois sur des feuilles de laurier. Des trouvailles analogues ont été faites dans des lieux très différents du monde gréco oriental , en Asie Mineure, à Gordion-de Phrygie Égypte, à Abu sir, près de Sakharah 1 6. Pour l'Attique, Thucydide mentionne l'usage des cercueils en bois de cyprès"; un de ces sarcophages en bois, munis de pieds, parait sur un loutrophore à figures noires [FUNUS, fig 3346] 16. Les fouilles en ont fait découvrir beaucoup de débris 11. Quelquefois, la caisse en bois était renfermée dans un sarcophage plus grand en marbre 18. Les sarcophages en terre cuite, de petites dimensions et non ornementés, se trouvent dans les nécropoles grecques à côté des sarcophages en pierre, mais souvent en beaucoup moins grand nombre; dans une des nécropoles de Samos, M. Beelllau compte 6 sarcophages en terre cuite à côté de 128 sarcophages en marbre". On en a trouvé également à Myrina 90; pour la Grèce propre, à Tanagra21, à Érétrie, à Sparte, en Attique V2. Ce sont souvent des sarcophages de petites dimensions, en forme de cuves ovales, destinés à des corps d'enfants2° ; ici encore, le sou venir de la baignoire paraît avoir subsisté par tradition. Sarcophages anthropoïdes. Après le type simple et commun du sarcophage sans ornementation, il faut étudier les sarcophages décorés. Il convient tout d'abord de mettre à part les sarcophages « anthropoïdes » phénico-grecs, parce que le type en est isolé et qu'il dérive d'une tradition non hellénique. La série des monuments désignés, depuis Renan', par ce nom tiré d'un texte d'Hérodote 2 a été étudiée en détail par M. Th. Reinach, à propos des deux sarcophages de ce type trouvés dans la nécropole d'Ayâa'. Nous n'avons qu'à résumer en quelques lignes les résultats de cette étude. Les sarcophages anthropoïdes, dont les Phéniciens ont emprunté le type à l'Égypte, reproduisent, de plus ou moins loin, par la forme de leur couvercle et de la cuve à laquelle il s'adapte, la conformation même du corps humain. Seule la tête se détache nettement de l'ensemble et est sculptée dans tout son détail. Pour tout le reste du corps emmaillotté dans son linceul, les indications sont très sommaires (fig. 6402) 4. Quelque SAR 1067 SAR Liiàt(G fois cependant, dans les plus vieux phage anthropoïde. exemplaires, les bras et les mains se détachent en demi-relief D'une manière générale, il semble que l'évolution du type du sarcophage anthropoïde ait consisté à effacer toujours davantage la silhouette anthropoïde, d'abord sur la cuve, où elle est particulièrement choquante pour l'oeil, ensuite sur le couvercle lui-même; il n'y a plus que la tête sculptée et détachée en médaillon pour en garder le souvenir. Tous ces sarcophages, sans exception, proviennent des territoires habités ou colonisés par les Phéniciens. Ils sont donc, même à l'époque grecque, des produits de la civilisation phénicienne. Mais ils doivent figurer dans une histoire des types de sarcophages dans l'antiquité grecque. La matière d'abord, dont ils sont fabriqués, qui est le marbre de Paros, et qui les distingue très nettement des anthropoïdes égyptiens, dénote un travail grec, et, plus encore, le style des têtes'. Aussi bien il serait exagéré de dire que le type anthropoïde est resté complètement étranger à la nécropole grecque; on a mentionné plus haut, à Samos, en terre grecque, un sarcophage à cavité intérieure anthropoïde 7 et il y a, en somme, dans le type des sarcophages de Clazomènes quelque chose de l'adaptation du réceptacle funéraire à la forme du corps humain 8. Depuis les fouilles de Sidon, une nouvelle série de découvertes a fait connaître une autre classe de ces monuments 9. Les fouilles du P. Delattre dans les vieilles nécropoles puniques de Carthage ont ramené au jour, avec des sarcophages purement grecs, quatre sarcophages anthropoïdes. Le premier porte sur son couvercle l'image sculptée, en haut-relief, d'une jeune femme vêtue d'un long vêtement plissé et d'un voile ramené en avant par la main gauche. Le type de la statue est analogue à celui des statues funéraires attiques du ive siècle. Le second offre l'image d'un homme, un préIre sans doute, en costume d'appa rat, étendu de son long sur l'arête faîtière, la main droite levée à hauteur de l'épaule, la main gauche ouverte. Le couvercle du troisième sarcophage porte une image analogue, mais d'un type différent. Le quatrième est le plus curieux de tous ces monuments )fig. 6103) : la statue de prêtresse qui le décore, toute phénicienne de costume et d'attitude, était encore parée, au moment de la découverte, d'une éclatante et admirable polychromie 10. On pourrait direli que dans ce groupe s'exprime le mieux le type anthropoïde, puisque la personne humaine y est représentée tout entière, dans tout son détail. Mais, d'autre part, il semble que les sar cophages de Carthage montrent la hg. aloi. reepbag désorganisation de ce même type, puisque la figure humaine y est sculptée pour elle-même et entièrement détachée du couvercle, dont la forme est, au contraire, toute géométrique et hellénique : la figure se trouve assez singulièrement placée, tout le long de l'arête faîtière. D'ailleurs, on a trouvé dans la nécropole de Sainte-Monique, à côté de ces sarcophages anthropoïdes, de beaux sarcophages en marbre du type architectonique grec ordinaire 12. Il n'est pas douteux que dès l'époque où nous reportent tous ces monuments, Ive et me siècles av. J.-C., le type grec ne prît peu à peu la première place ; la forme anthropoïde dut disparaître bientôt pour ne renaître qu'aux temps chrétiens. Sarcophages de /'orme architecturale, à décor peint ou sculpté. Tous les autres types de sarcophages à caractère monumental sont des variantes du type primitif de la caisse rectangulaire en bois ou en pierre. Les formes particulières, trop nettement distinguées dans le travail d'Altmann sur les sarcophages 13 (sarcophagestemples, sarcophages-maisons, sarcophages-autels, sarcophages-lits) se ramènent à cette forme originelle. Elle est compliquée et diversifiée de deux manières 1 En premier lieu, il y a un développement architectonique. La caisse rectangulaire est pourvue de supports et d'un toit à double pente. On peut expliquer le fait par l'imitation voulue, comme en Égypte, de la maison ou du temple, le sarcophage étant conçu comme la demeure du mort; on peut l'expliquer aussi comme un emprunt à l'architecture du sarcophage en bois, où le toit à double pente et à fronton pouvait être nécessaire comme résistance à la poussée des terres ; cette disposition se trouve, d'ailleurs, même sur les coffrets de bois, i.zpvaxoç, qui font partie du mobilier grec 1AneA) ". Ce premier développement appelle naturellement les autres additions SAIT 1068 SAIT qui complètent la forme architecturale : piliers, colonnes, moulures ; et ainsi se trouve réalisé le sarcophage en forme de naos, qui est la forme achevée du sarcophage grec. D'autre part, il y a développement décoratif; on orne la caisse du sarcophage et souvent aussi son couvercle de peintures (Clazomènes), d'appliques (Crimée) ou de reliefs (sarcophages hellénistiques et grécoromains). L'histoire du sarcophage grec et gréco-romain est l'histoire de ces deux développements parallèles. Il n'y a pas lieu de distinguer, comme fait Altrnann, entre les sarcophages « architecturaux» »et lesarcophages a ornementés » ; la plupart des sarcophages participent à la fois des deux caractères. L'union en est parfaite dans des monuments comme ceux de Sidon. A l'époque hellénique et gréco-romaine, l'équilibre commence à se rompre en faveur du caractère ornemental et figuré; il sera tout à fait rompu à l'époque romaine. Dès le v' et le vie siècles, les artistes grecs ont construit et décoré des sarcophages monumentaux. Mais il reste vrai qu'ils n'ont pas travaillé pour la Grèce propre, où on n'a connu, à l'époque classique, que les sarcophages à dimensions modestes et sans ornementation, les simples thécas dont il a été parlé plus haut. Tout le luxe funéraire se portait alors sur l'extérieur de la tombe souterraine 1, sur les ci,p.aza, qui marquaient l'emplacement de la sépulture, luxe considérable, d'ailleurs, et dont l'excessif développement amena la législation restrictive de Démétrios de Phalère isrruLceual. Au contraire, dans l'Orient grec, Asie Mineure et les îles, c'est la demeure immédiate du mort, le coffre, qui contient ses membres, qui de bonne heure a été embelli et décoré. On avait vu les artistes grecs accommoder à leur génie national le type étranger du sarcophage anthropoïde ; ce fut le type hellénique lui-même que les Grecs d'Ionie développèrent, imposèrent au monde phénicien et firent pénétrer jusqu'en Étrurie. Les deux sarcophages chypriotes d'Amathonte et d'Athiénau (Golgos) montrent déjà, au moins par leur forme, le type classique du sarcophage grec : cuve rectangulaire sur supports, moulures nettes au haut et au bas de la cuve, couvercle bâti comme un toit à double pente, avec fronton et acrotères. Le sarcophage d'Amathonte2, avec ses bas-reliefs encadrés dans une ornementation compliquée et lourde, où se mêlent les motifs orientaux et les motifs helléniques, a, d'ailleurs, encore un aspect quelque peu barbare. Le sarcophage d'Athiénau 3, plus sobre de lignes, est plus rapproché du goût hellénique; les bas-reliefs des longs côtés représentent une scène de chasse et un banquet funèbre; sur un des petits côtés, figure une légende purement grecque, la décapitation de Méduse par Persée; sur l'autre, une scène symbolique: le défunt, sur un char, accomplissant le dernier voyage au terme duquel l'attend la vie dont les scènes sont retracées sur les grands côtés du monument. Les grands sarcophages peints de Clazomènes, pro duits directs de l'art ionien, sont, plus anciens peut-être que ceux de Chypre'. 11 semble qu'il y ait, eu là une fabrication toute locale; du moins, aucun monument de ce genre, de grandes dimensions, n'a été trouvé sur un autre point de l'Asie Mineure (fig. 6104)5. Les sarcophages de Clazomènes se composent d'un réceptacle en terre cuite, long de plus de 2 mètres, où était déposé le corps; la paroi supérieure forme marge, plus large en haut et en bas que sur les côtés et en haut plus qu'en bas. Dans une première série de ces sarcophages ê, qui comprend de beaucoup le plus grand nombre de monuments, la largeur du réceptacle est sensiblement plus grande du côté de la tête que du côté opposé; il y a là comme un dernier souvenir de la forme anthropoïde des sarcophages orientaux. De la structure particulière de la cuve M. Meurer a tiré l'ingénieuse conclusion' que ces sarco phages étaient faits pour être dressés verticalement sur la face antérieure servant de base, ainsi que le corps luimême, lors de la cérémonie de la prothésis s. Aussi bien, c'est seulement dans cette position que les peintures qui remplissent les quatre marges de la cuve prennent leur valeur 9. Dans l'autre série 10 des sarcophages, plus purement helléniques, la cuve forme un rectangle exact, et c'est le développement régulier, en terre cuite, du type primaire') bois ou en pierre. Le sarcophage du British Museum, le plus richement orné de tous, a conservé son couvercle en forme de toiture à fronton 11. Le décor peint, réparti tout autour de la cuve, parfois même dans l'intérieur et sur le couvercle, comprend des animaux du style rhodien, mêlés à des ornements en torsades et en palmettes, de nombreuses scènes de combats, ou de chasses, des jeux et des courses de chars. Un sarcophage, comme celui du British Museum, montre déjà presque réalisé, dans la première partie du vie siècle, le type du sarcophage hellénique, avec sa belle construction architecturale et sa riche décoration. Plus récent, mais du vis siècle encore, est un sarcophage en marbre de file de Samos, connu depuis assez longtemps déjàt2, et dont M. Wiegand 12 a donné récemment une description détaillée ; c'est le premier exemple parfait du sarcophage en forme de naos à fronton. haut et large de I. mètre environ, long de plus de 2 mètres, c'est un vrai temple ionique en miniature, avec dix colonnes engagées, SAIT 1069 SAFI trois sur les grands côtés, deux sur les petits, à base en forme de trapèze; la corniche est ornée d'un décor folié; les frontons ont leurs acrotères en volutes ; les détails architecturaux rappellent ceux des édifices archaïques d'Athènes; la corniche et les acrotères montrent des restes de couleur; peut-être des peintures remplissaient-elles autrefois les panneaux d'entrecolonnement (fig. 6103). On retrouve la même union heureuse de la composition architecturale avec l'ornementation peinte ou sculptée dans un curieux monument qui semble contemporain des sarcophages de Sidon : c'est un cercueil de bois, trouvé en 1874 à Kertch', en forme de cella ionique à antes, ornée de sept colonnettes sur les grands côtés, trois sur les petits, élevée sur un socle à trois degrés et couronnée d'un entablement architravé ; sur les panneaux, en arrière des colonnettes, étaient fixées des figurines des Niobides, en plâtre colorié. De la même région (tumulus de Koul-Oba, à Kertch) proviennent des restes de sarcophages en bois, décorés d'appliques ou de peintures sur fond blanc2; un cercueil en bois de cyprès et d'if, avec des panneaux à figures peintes et dorées i, est tout particulièrement intéressant pour l'étude de la menuiserie et de la marqueterie dans la Grèce antique `. Les plus beaux de tous les sarcophages de type grec sont les grands sarcophages à reliefs sculptés et polychromés, découverts à Sidon et transportés au Musée de Constantinople ; nous renvoyons à l'étude très complète que leur ont consacrée Hamdy-bey et Th. Reinach Outre ces merveilles de sculpture, les deux hypogées contenaient un assez grand nombre de simples thécas et de cuves anthropoïdes qui attestent la prolongation, à travers les âges, de ces formes anciennes. Les quatre grands monuments sont le sarcophage du Satrape, placé vers 450 av. J.-C. (départ sur un char, scène de chasse, banquet funèbre) ; le tombeau lycien, de la fin du ve siècle, dont le type rappelle la structure des sépultures monumentales de la Lycie (animaux orientaux, chasse d'Amazones en quadriges, chasse au sanglier par des éphèbes cavaliers), le sarcophage des Pleureuses, datant de la première moitié 'du ive siècle, où la construction architecturale est réalisée avec le plus de goût et d'harmonie dans les entrecolonnements, grandes figures de femmes traduisant toutes, dans des attitudes diverses, leurs sentiments de tristesse et de deuil; sur la cuve et sur le couvercle, petites frises décorées de scènes d'enterrement, épisodes de chasse) ; le sarcophage dit d'Alexandre le Grand (fig. 6106) le plus considérable parses dimensions (3 m. 18 sur 1 m.67), le plus richement décoré et le plus remarquable par la conservation des couleurs dont il était peint; combats entre Macédoniens et Perses, scène de chasse au lion, où le héros macédonien est représenté trois fois (fig. 3968). Ce qu'il faut noter, c'est que déjà sur le sarcophage d'Alexandre la richesse de l'ornementation sculptée fait quelque tort au dessin architectural de l'ensemble ; par là s'annonce déjà l'importance toujours plus grande que prendra, dans la suite, la décoration plastique, au détriment du « bâtiment ». Que sont enfin les sujets représentés sur les reliefs des sarcophages de Sidon, dans leur rapport avec la destination funéraire du monument' ? Sur le sarcophage d'Alexandre règne sans conteste ce qu'on peut appeler la décoration biographique, empruntée aux faits et gestes du défunt; sur les autres, domine la décoration réaliste, où les scènes figurées sont de la vie réelle, quelquefois avec une signification symbolique plus ou moins précisée. La décoration mythologique, plus employée qu'aucune autre sur les sarcophages de l'époque postérieure, apparaît à peine ici Le type du sarcophage grec, au profil architectural nettement accusé, persiste à travers toute l'époque romaine, à côté du type proprement « romain » (voir plus loin, section VI). Ici trouve place un monument qui était autrefois considéré comme le plus ancien de tous les sarcophages à reliefs: c'est le sarcophage des Amazones de Vienne «fig. 6107). La forme architecturale y est encore bien marquée, mais très simplifiée, cependant, et réduite. La composition mythologique, sans rapport précis avec la destination funéraire du monument, a tout envahi : sur les quatre côtés est SAR 1070 SAR représentée la même bataille d'Amazones. Par le style des sculptures, le sarcophage de Vienne peut être à peu près contemporain du sarcophage d'Alexandre'. Mais c'est en même temps la tête de série de tous les sarco phages e grecs» d'époque -_p romaine. - Nous n'avons pas rencontré, à l'époque grecque, le type du sarcophage en forme de lit funéraire, de Jivr,. On en peut noter cependant quelques exemples isolés Î en pays grec 2.11 en a été trouvé en Macédoine, à Palatitza 2, et tout récemment dans une chambre funéraire à Érétrie `. Nous allons le trouver très fréquent en Étrurie 6. III. ÉTHOHIE. Comme les Grecs et comme les Latins, les Étrusques semblent avoir toujours pratiqué concurremment l'incinération et l'inhumation [Fuses], sauf pendant la première période de leur histoire, celle des tombes a pozso On trouve donc, dans toutes les nécropoles étrusques, à côté des sarcophages, des urnes Cinéraires. Nous ne traitons ici que des premiers. Les urnes cinéraires sont, d'ailleurs, souvent, par leur forme, comme des sarcophages en réduction. Les tombes a Tossa 7, intermédiaires entre les tombes à puits et les caveaux funéraires, contiennent déjà des sarcophages. Tantôt, dans les fosses, le corps est déposé à même la terre, tantôt il est placé dans un réceptacle en pierre. Mais c'est surtout des tombes a camere qu'on a retiré un grand nombre de sarcophages. On trouvera à l'article ETBUSCr et à l'article SEPULCRUM des renseignements sur la disposition de ces tombeaux 8. Tantôt les corps étaient déposés à nu, tantôt ils étaient renfermés dans des sarcophages placés soit dans des niches, comme celles de la tombe dei 7'arquinii 0, à Cervetri, soit sur une banquette à fer à cheval faisant le tour de la chambre funéraire, soit sur le sol même de la chambre. La matière des sarcophages étrusques est, comme pour les sarcophages grecs, la terre cuite, le bois, la pierre et le marbre. Aucun sarcophage en bois n'a été conservé, mais on a retrouvé des ferrements et des clous 70. Les sarcophages de pierre ou de marbre sont très nombreux; on y employait toutes les pierres du pays ". Le type le plus simple est la cuve rectangulaire munie d'un couvercle plat. Le premier développement est le sarcophage en forme de maison ou de temple, avec toit à deux pentes, muni ou non d'accessoires décoratifs, acrotères et antéfixes. Mais ce type, si fréquent en Grèce, n'est pas représenté en Étrurie par un très grand nombre d'exemplaires. Les plus intéressants sont le sarcophage de Bomarzo au British Museum 12, qui porte sur la crête du toit une paire de serpents entrelacés, un sphinx à chaque pignon, et, aux extrémités des tuiles de couverture, des masques de femme en antéfixes ; et un sarcophage du musée de Florence t3, en marbre ou en albâtre : à chaque coin de la toiture est une tête de femme ; dans chaque tympan, un groupe représentant un homme attaqué par des chiens; sur les quatre faces est peinte en couleur à la détrempe une bataille de Grecs et d'Amazones. Le type de sarcophage le plus fréquent en Étrurie est le sarcophage en forme de x),iv-tl, rare dans la Grèce archaïque et classique. Sur le couvercle est figuré le défunt ou le couple défunt, endormi ou étendu au lit de banquet. On peut bien admettre14 que le sarcophage-lit n'est, en somme, qu'une variante du type ordinaire : on a eu d'abord l'idée de placer sur le couvercle de la cuve l'image du mort endormi'. De là, on a tiré ensuite l'idée de donner à tout l'ensemble du sarcophage la forme d'un lit; il n'y aurait, en somme, là qu'une conception tardive et secondaire ; ce qui le prouverait, c'est que le nombre des exemplaires où cette forme est poussée dans tout son détail est très restreint. Mais on peut penser aussi 16 que le sarcophage-lit est fait à l'image de la couche funéraire elle-même, niche ou banquette, des caveaux étrusques. Ce qui vient à l'appui de cette hypothèse, c'est que souvent, sous chaque niche, des traits de couleur dessinent le bois d'un lit 17. Dans la tombe dei Rilievi, à Cervétri (fig. 2802), la niche qui fait face à la porte d'entrée, au fond de la salle, est garnie d'un lit richement décoré, à montants sculptés; sur la paroi, audessous de la niche, sont peintes les figures de Cerbère et de Charon. Les plus anciens et les plus curieux des sarcophages-lits étrusques sont ceux trouvés à Cervétri, SAR 1071 SA R l'ancienne Caeré (fig. 6108) '. L'homme et la femme, sur tous ces sarcophages, sont figurés côte à côte, les jambes allongées et le buste droit ; tous deux ont le coude gauche appuyé sur un coussin. (Pour la forme du lit et de sa « fourniture », matelas, couverture, coussin, voir l'article LECTVS.) Quant au type des visages, au caractère de l'accoutrement et de la chevelure, tout rappelle, sur les sarcophages de Cervetri, l'archaïsme gréco-ionien. Il est vrai pourtant que l'Ionie archaïque ne semble pas avoir connu ce type du sarcophage-lit; mais elle a traité en bas-relief le sujet du banquet, qu'on trouve par exemple sur les bas-reliefs d'Assos, où les physionomies et les attitudes ne sont pas sans ressemblance avec celles des sarcophages de Caere. Il faudrait en conclure que ces monuments sont grecs de facture, et sont l'oeuvre d'artistes ioniens établis en Étrurie 2. C'est l'opinion aujourd'hui assez communément adoptée 3. Le lit funéraire ou de banquet est représenté de façon beaucoup moins complète dans les sarcophages de l'époque postérieure. A côté de la représentation du banquet (fig. 2810), on trouve aussi celle du sommeil; ainsi le couvercle d'un sarcophage de Corneto porte un couple embrassé (fig. 2811) '; ou bien le défunt, complètement enveloppé de son linceul, est couché et comme endormi (fig. 6109) . Souvent aussi, à côté du défunt, sont figurés d'autres personnages, serviteurs ou génies de la mort, comme sur un cinéraire de Chiusi du Musée du Louvre Un type plus récent encore est représenté par deux monuments qu'on peut dater, avec sûreté, de la fin du Ille siècle La morte est étendue sur le couvercle, relevant son voile de la main droite, tenant un miroir de la main gauche (fig. 12116). La caisse du sarcophage est de la forme d'un autel plutôt que d'un lit; elle est ornée, comme une frise dorique, de piliers triglyphes séparés par des métopes, dans le champ desquelles sont des rosettes ou des patères. Il n'y a plus ici, à proprement parler, de xaival, mais seulement, sur le couvercle, une statue couchée. C'est, avec la cuve ornée de bas-reliefs, le type des nombreux sarcophages ou urnes cinéraires du Ive et du file siècles'. Ces statues-couvercles ont souvent un caractère individuel assez marqué ; on peut croire qu'elles étaient faites à part de la cuve, qui souvent même n'est pas de la même pierre, ou que le travail n'en était qu'ébauché dans l'atelier du marbrier, pour être ensuite parfait à la ressemblance du mort 9. Les bas-reliefs se déroulent sur l'une des faces longitudinales et sur les deux faces latérales. On peut, avec M. Martha, distinguer trois séries de ces reliefs. La première comprend les représentations réalistes, tirées de la vie quotidienne : mariage (fig. 2844)10, cortège de magistrat ", de juge. La seconde est celle des représentations symboliques, qui se rattachent directement à l'idée de la mort et des funérailles (fig. 33à9), et où la sombre imagination des Étrusques se donne libre carrière : la jeune fille ou la jeune femme arrachée à ses parents ou à son mari par les démons de la mort et, le voyage vers le monde infernal ou la procession funèbre';. La troisième série comprend les représentations mythologiques : ce sont les plus nombreuses. Comme sur les sarcophages romains, les sujets sont empruntés aux traditions héroïques de la Grèce, popularisées en Étrurie, dès l'époque archaïque, par les vases peints 14. La question se pose du rapport entre les mythes représentés et la destination funéraire des monuments. Il n'est pas niable que les marbriers étrusques choisissaient de préférence ceux qui, par leur caractère tragique, com bats, morts de héros, rendaient le mieux l'idée de la fragilité terrestre et du risque perpétuel où vit l'humanité. Et la présence, souvent inat tendue, des démons et des génies de la mytho logie étrusque dans ces scènes grecques, montre que les Étrusques en avaient pénétré et se plai saient même à en accen tuer le sens religieux. Les sarcophages étrusques à sujets mythologiques sont de la période la plus récente de l'art étrusque ; ils en marquent la décadence et en annoncent la disparition devant l'art romain. IV. ROME. L'inhumation semble avoir été le mode de sépulture pratiqué à Rome aux temps les plus anciens [FUNUS]. Mais la pratique commune de la Rome républicaine était l'incinération ; il n'y eut sans doute que quelques grandes familles pour conserver plus longtemps que les autres le rite primitif; nous trouvons par exemple que, dans la gens Cornelia, Sylla fut le premier qu'on brûla au lieu de l'enterrer 1e. Le cercueil, rn'Ca ou Capulus, de bois, de pierre ou de plomb, était donc rarement employé comme réceptacle définitif du corps. On a w SAR 1072 SAR trouvé dans des fouilles à Rome, sur remplacement d'une nécropole archaïque 1, des cercueils de pierre, faits de pièces rapportées, et munis d'un couvercle plat. D'autres fosses à cercueils ont été dégagées sur le mont Esquilin 2. C'était encore dans un capulus du même genre que le corps était placé, dans le cas de l'incinération, lors du transport au lieu où elle était pratiquée' [runes]. Le seul grand sarcophage, à caractère monumental de l'époque républicaine, est le sarcophage en péperin de 1i1F11111I111111111111ï1 IiIi uuIf liiIi1 ~' ilsitlli lLLUItl11;1,1,1 SAPèle®.CEPIY5V 11G O Cornelius Scipio Barbatus, consul en l98 (fig. 6110) 4. Les volutes ioniques qui ornent le couvercle, à ses deux extrémités, donnent à tout l'ensemble la ressemblance d'un autel, avec son soubassement où est gravée l'inscription en vers saturniens. Ce type semble emprunté à des monuments de la Grande-Grèce ; il se retrouverait sur deux sarcophages du Musée de Girgenti, signalés par Wiegand 6. Avec l'Empire, l'inhumation prit de nouveau place, à côté de l'incinération, dans l'usage normal. Aussi, à partir de cette époque, les sarcophages se multiplient. Un texte de Macrobe dit que, de son temps, l'incinération n'était plus en pratique 6. Les progrès du christianisme en amenèrent la disparition complète. La foule des sarcophages à reliefs qu'on trouve dans les collections est donc contemporaine de l'époque impériale, particulièrement de l'époque des Antonins 7. Il faut mettre à part des autres sarcophages de l'époque impériale un type qui se trouve reproduit à de nombreux exemplaires, mais qui ne dérive pas de la forme rectangulaire commune à la plupart des sarcophages antiques. C'est le type des sarcophages « striés » ou à « strigiles » 8, ainsi désignés parce que toute leur surface est décorée de sillons parallèles creusés dans le marbre, en forme d'S distendus et allongés °. Leur forme est celle du bassin ovale à presser le raisin, à-gvdç ; à l'époque grecque déjà, ce mot se trouve comme synonyme de aopdç 10. La décoration comporte ordinairement, en plus des stries parallèles, deux têtes de lions qui représentent les bouches par où s'évacue le moût dans le pressoir11. Quelquefois, à la place des têtes de lion, on voit deux lions tournant de chaque côté sur l'ovale de la cuve, et attaquantun agneau ou un bélierf2; ou bien le milieu d'une des grandes faces est occupé par un groupe plastique ou, plus simplement, par un médaillon reproduisant les traits du défunt. Sur quelques exemplaires enfin, c'est l'ornementation striée qui disparaît, remplacée par la décoration ordinaire à sujets mythologiques ; il ne reste du type du sarcophage ),rlvdç que la forme ovale et les têtes de lions 13. Beaucoup de sarcophages à strigiles appartiennent à l'époque chrétienne et sont décorés d'emblèmes chrétiens 14. Un curieux bas-relief représente la fabrication d'un sarcophage à strigiles' 3: le sarcophage est surélevé sur deux blocs; un ouvrier, assis sur un siège à plusieurs gradins, tient en main deux longues tiges munies à leur extrémité de pointes de fer, qu'avec l'aide d'un autre tra vailleur il dirige le long de la cuve pour y creuser les stries parallèles (fig. 6111). Depuis Matz, on divise les sarcophages de l'époque romaine en deux classes 16. Les sarcophages « grecs » qui sont les moins nombreux, produits de l'art des pays grecs à l'époque impériale, conservent les particularités du sarcophage grec classique. Le profil architectural est nettement dessiné; de fortes moulures encadrent la cuve. Le couvercle est généralement en forme de toit à double pente et à fronton, avec décoration « écaillée ». Les basreliefs s'étendent sur les quatre côtés du monument, destiné, au moins en principe, à l'exposition en plein air, le petit côté gauche étant associé pour la représentation avec le grand côté antérieur, le petit côté droit avec le long côté postérieur ". Quelquefois deux côtés sont occupés par une représentation mythologique, deux autres par des motifs ornementaux" Sur un certain nombre de monuments qui semblent former groupe, ainsi sur un sarcophage du Musée de Constantinople 19 (histoire d'Hippolyte), qui est un des beaux exemples du sarcophage « grec », la représentation figurée est encadrée, aux deux extrémités de la face principale, par des caryatides ou par des personnages qui jouent un rôle analogue 20. Enfin, sur le sarcophage grec, le relief même, par le petit nombre des figures bien isolées, leur disposition classique sur un même plan, rappelle directement la tradition grecque. Les sarcophages « romains » présentent des caractères opposés2t. Le profil architectural SAR 1073 SAR est presque entièrement effacé; il n'y a ni plinthe ni corniche; on pourrait dire que la cuve se compose simplement de quatre plaques ouvragées, adaptées en rectangle. Le couvercle plat, peu élevé, orné de masques aux extrémités, offre une composition décorative sur la paroi antérieure très rarement en rapport avec celle qui figure sur la cuve. Les bas-reliefs de celle-ci ne s'étendent que sur le long côté antérieur et les deux côtés latéraux, qui complètent la représentation principale, ou qui tous deux lui restent étrangers. Le long côté postérieur reste fruste, le sarcophage étant destiné à être appliqué contre le mur de la chambre funéraire. Un certain nombre de sarcophages romains ont, au lieu du couvercle plat, le couvercle-statue imité de la xn(vq étrusque (fig. 6112) ', mais il est plus rare qu'en Étrurie de voir le motif du personnage couché comme sur un lit (fig. 2302). Enfin, les reliefs s'écartent de la tradition grecque par la complication des groupes, la multiplicité des plans qu'ils forment, et qui donne à la représentation, dans un certain nombre de sarcophages 2, l'apparence d'être à plusieurs étages : emprunt fait, selon Robert, à l'art de la mosaïque 3. L'ornementation sculpturale des sarcophages de l'époque romaine est décorative ou figurée. Le type essentiel des sarcophages à relief décoratif est le type des sarcophages à guirlandes . La forme la plus simple est la guirlande unique, soutenue aux deux extrémités par des bucrânes, ou redoublées ou même triplée Mais cette forme élémentaire est rare. Elle se complique de telle manière que la guirlande n'est plus que le moins important dans la décoration, où l'attention est attirée surtout par les figures, traitées comme de petites statues en haut-relief qui, au lieu des bucrânes, soutiennent les guirlandes; ces figures sont des Amours, des Victoires, des Satyres. Quelquefois un groupe apparaît au milieu du relief; le caractère purement ornemental de la décoration s'efface. De ce développement dérivent les sarco VIII. pliages à guirlandes avec sujets figurés dans les deux ou trois compartiments que la courbure des guirlandes laisse libres. Ces reliefs minuscules sont d'un style analogue à celui des bas-reliefs dits hellénistiques, avec leur observation réaliste du monde champêtre, des animaux et des plantes 7. Ce type forme la transition entre les sarcophages à décoration ornementale, qui remplissent le 10r siècle ap. J.-C., et les sarcophages à décoration figurée, qui se multiplient à l'époque des Antonins. Parmi ces derniers, les uns sont décorés de scènes de la vie réelle, les autres de scènes mythologiques. Les scènes de la vie réelle sont très variées ; scènes des diverses professions, scènes de chasse ou de guerre (fig. 6113) 8, scènes de la palestre, scènes de la vie littéraire. Sans doute, les reliefs de ce genre étaient choisis parmi les modèles existants, en accord avec la personnalité du défunt ; ainsi Trimalcion, dans le Satyricon 9, demande qu'on sculpte pour lui « des nefs voguant à pleines voiles », et qu'on le représente « siégeant au tribunal, vêtu de la prétexte, avec, aux doigts, cinq anneaux d'or, et versant au populaire un sac d'écus n... Il est vrai qu'il s'agit ici expressément d'un mausolée funéraire et non d'un sarcophage; mais on peut conclure de l'un à l'autre. Certains reliefs figurent, en succession idéale, une série de scènes de la vie : épisodes de la vie enfantine '0, allaitement, première enfance, jeux, instruction (fig. 2608, 2609, 2611), mariage (fig. 4871, 4872), chronique de la vie d'un Romain de haute condition, à l'armée et dans la vie civile et familiale ". Sans doute, tous ces types existaient dans l'atelier du marbrier ; il suffisait de donner aux têtes, laissées frustes, la physionomie convenable pour approprier exactement tout l'ensemble à sa destination. Il faut signaler ici, comme intermédiaires entre les représentations de vie réelle et les représentations mythologiques, tous les reliefs de sarcophages où l'on voit des amours se livrer aux diverses pratiques de la vie humaine; Amours chasseurs, Amours ouvriers (fig. 6112), Amours luttant dans le cirque, combattant, banquetant 12 ; etc... [CUPJDO, p. 1609]. Ils figurent très souvent aussi sur les reliefs du couvercle 13. 135 SA R 1071 SAR Les reliefs à sujets mythologiques, empruntés soit aux grands cycles héroïques, soit aux légendes particulières des héros grecs, sont les plus nombreux de tous. On les trouvera classés dans le Corpus de M. Iiobert ; les reliefs se rapportant à Dionysos et à son thiase (fig. 691, 692, 693) doivent former une division à part. Ce n'est pas ici le lieu d'indiquer d'après quels souvenirs d'oeuvres d'art, suivant quels types et quelles variantes, les artistes ou les artisans ont exécuté leurs compositions. On trouvera, d'ailleurs, des indications sur ce sujet dans les articles de mythologie de ce Dictionnaire, où les sarcophages sont mis à contribution pour l'étude des représentations figurées des mythes grecs'. Les représentations les plus nombreuses se rattachent à l'idée de la fragilité des choses d'ici-bas: mythes d'IIippolyte, d'Alceste, d'Adonis (fig. 115), de Méléagre, de Proserpine (fig. 1300), où l'on voit la vie humaine tranchée à la fleur même de l'âge; d'autres mythes très populaires, comme celui d'hercule (fig. 6115) 2, sont cependant moins souvent traités. Il est donc certain que ce n'est pas au hasard que les fabricants de sarcophages puisaient dans le trésor de la mythologie grecque, sûrs que leurs clients cherchaient dans ces représentations plastiques des suggestions religieuses ou philosophiques. Il importe seulement d'être prudent dans ce système d'interprétation, et de ne pas oublier qu'à côté de scènes significatives, un grand nombre d'autres ne le sont à aucun degré. Quel rapport, par exemple, établir entre la légende de Dionysos, si fréquemment représentée, et la destination des sarcophages? Appliquera-t-on à cette série d'ouvrages le mode d'interprétation symbolique qu'on a depuis longtemps rejeté pour les vases peints et les terres cuites? Voudra-t-on y voir l'espérance des joies élyséennes ou le souvenir du Dionysos infernal? Nous admettons que si, dans certains cas, le sujet des reliefs a fait l'objet d'un choix raisonné chez le fabricant comme chez l'acheteur, souvent, aussi on s'est plus soucié de son rôle décoratif que de sa signification religieuse. Sur quelques exemplaires les physionomies sont polis Sées àlaressemblance du défunt' ; du moins ont-elles une expression réaliste et individuelle très marquée.. Souvent aussi, ces intentions biographiques se résument, dans un médaillon qui reproduit les traits du mort (fig. 6114, ; cf. 11373) ; quelquefois, elles se retrouvent sur les reliefs du couvercle, où sont sculptées des scènes sans rapport avec les scènes retracées sur la cuve", et qui doivent faire allusion à la profession ou aux goûts du défunt °. Souvent enfin, à partir du ne siècle, le couvercle porte, en son milieu, une plaque où est inscrit le nom du personnage inhumé, et qu'encadrent des emblèmes appropriés à sa condition Sur quelques couvercles, où la paroi antérieure est divisée en une série d'arceaux juxtaposés, l'un des arceaux est occupé par un portrait du mort 8. Il faut mentionner ici un type très particulier dont les exemplaires semblent s'échelonner du ne siècle ap. J.-C. jusqu'au rve ou au v° : c'est le sarcophage monumental à niches et à colonnettes (fig. 6115)°. Un sarcophage de la collection Torlonia, sans appartenir précisément à ce type, l'annonce déjà '° : en forme de zain, il porte sur son couvercle les statues couchées des deux époux; aux angles sont sculptés des amours. Trois des faces de la cave sont divisées en compartiments par des colonnes corinthiennes à spirales, surmontées d'arceaux dont les retombées portent directement sur les chapiteaux; dans chaque entrecolonnement est représenté un des travaux d'Hercule. Les exemplaires principaux du type à niches et à colonnettes sont : un sarcophage de Séleucie", un sarcophage de Melfi'2, un sarcophage du palais Riccardi à Florence13 et le grand sarcophage de Sidamaria'''. On trouvera dans l'article de M. Th. Il einach, avec la descripIion complète du sarcophage de Sidamaria, la liste de tous les autres monuments ou fragments connus du même type. Rappelons seulement ici, d'après MM. Strzygowski'° et Reinach, les caractères communs à tous ces monuments : 1° surface à décorer (sur un ou deux côtés) divisée en une série de a tabernacles » à coquille supportés par des colonnes et surmontés d'un fronton SAR 1075 SAR