Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SATURNUS

SATURNUS (Kpovéç). I. Le dieu Kronos des Grecs, qui devait, peu s'en faut, perdre sa personnalité dans le Saturne des Romains, occupe dans l'histoire des religions anciennes une place à part. Les plus vieilles légendes de l'Hellade, celles qu'a chantées Hésiode et dont les poèmes homériques ont recueilli l'écho, le présentent comme la divinité suprême d'une génération qui a précédé celle des Olympiens et dont celle-ci est issue'. Ce point de vue généalogique suffit 'à concilier à Kronos quelque vénération, à lui faire une certaine part dans les cérémonies du culte et dans les manifestations de l'art. Mais comme il est un roi détrôné et déchu, forcé de s'effacer devant les enfants qui ont pris sa place, il est relégué avec les Géants et les Titans, avec Ouranos, Gaïa, Hélios, Okéanos, personnifications comme lui des forces de la nature primitive, tantôt dans l'Empire du Tartare parmi les révoltés, tantôt aux extrémités fabuleuses du monde, dans une région fantastique où il jouit d'un bonheur et d'une considération dont Zeus et les Olympiens ne sauraient être jaloux. Chez Homère, sa légende est réduite à ces conceptions très simples et dont le sens religieux des foules n'a jamais cherché à discuter l'incohérence; chez Hésiode et ses continuateurs, il a une histoire plus complexe. On raconte ses démêlés avec sa lignée et avec Ouranos, son père. Il a mutilé ce dernier; il a tenté, en les dévorant, de supprimer les enfants qui devaient lui ravir le pouvoir. Rhéa, son épouse, l'abuse en substituant au plus éminent d'entre eux une pierre enveloppée de langes'. Du sang d'Ouranos tombé dans la mer naît Aphrodite, principe de la fécondité universelle' ; et la ruse de Rhéa assure à Zeus, contre son père, désormais rejeté du monde dont il troublait l'harmonie, la suprématie sur les dieux et les hommes`. Sous ces images, d'une barbarie naïve, on voit des concepts théogoniques et cosmologiques qui, à défaut de la vénération des foules, assurent dès lors à Kronos une place privilégiée dans les spéculations de la philosophie religieuse : de sorte qu'il sera dans la destinée du dieu d'être d'autant plus en faveur auprès des penseurs qui cherchent à interpréter l'anthropomorphisme par des systèmes rationels, qu'il est plus négligé par la piété des masses et par l'art religieux, son interprète Il y a cependant dans la fable de Kronos un trait qui fait de lui une figure populaire, c'est celui de sa royauté idéale, dans un monde de délices, qui l'a dédommagé du pouvoir suprême confisqué par Zeus. La fêle des KRONIA (1I1,1, p. 870 sq.) n'est pas autre chose que l'image, transportée parmi les cérémonies du culte, d'un âge d'or qui met aux origines de l'humanité l'état de perfection et de félicité dont l'avènement des Olympiens a marqué la fin. Les caractères mêmes de cette fête démontrent que Kronos fut peut-être, aux temps primitifs, le dieu en qui se personnifiait, d'une part la croyance universelle à une déchéance graduelle de l'homme et d'autre part la force latente qui doit ramener au bonheur originel'. Ces imaginations, Hésiode les a chantées dans le mythe des âges; et la preuve qu'elles agirent fortement sur les âmes, c'est, avec lapopularité des Kronia, qui eurent leur pendant en Italie dans les Saturnales, ce fait que les comiques grecs, durant la période où l'art dramatique, sous ses diverses formes, exploita les légendes anciennes dans tous les sens, en firent plus d'une fois la caricature'. Cependant, la qualité de Kronos, roi de l'âge d'or, n'est jamais comparable à la suprématie nettement divine et universelle de Zeus. Kronos reste un roi terrestre, dont le domaine s'étend sur les lieux lointains que les Grecs entrevoyaient à travers les brumes du mystère; il va de la Libye à Gadès, en passant par la Sicile, la Sardaigne, l'Italie, c'est-à-dire par cette Hespérie qui, avant d'être bien connue d'eux, leur apparaissait comme une sorte de terre ou comme un groupe d'îles fortunées 3. Kronos n'a vraiment régné que sur des hommes, et Pindare déjà l'installe dans un château fort, 'rtépats9, tandis que les Olympiens règnent dans le ciel, au sein des nuages d'où jaillissent la lumière et l'éclair. Lorsque Evhémère rabaisse toutes les divinités de l'anthropomorphisme hellénique au rang de rois, de chefs d'armée, de législateurs, Kronos devient un dieu à la façon des héros qui s'appellent Minos, Codrus, Cadmus, etc. 10 : un ancêtre reculé de quelque dynastie humaine. C'est en marchant sur ses traces que les poètes alexandrins ont acclimaté à leur manière cette conception de sa personnalité, que les annalistes et les poètes romains ont fait de Saturne le premier roi du Latium, en compagnie de Faunus, de Picus, de Latinus; et c'est sous l'influence des mêmes idées qu'ils l'ont associé à Hercule dompteur des monstres et civilisateur des régions de l'Occident 11. La forme de religion hellénique qu'on a appelée l'orphisme et dont les conceptions sont pénétrées de philosophie mystique, s'est attachée, en ce qui concerne SAT 108!b SAT Kronos, à décharger la dynastie des Olympiens de l'odieux que la relégation de l'ancêtre dans le Tartare a jeté sur eux. Chez Pindare, Zeus en personne délivre les Titans, comme, chez Eschyle, Prométhée est détaché de son rocher et réconcilié avec les nouveaux dieux; le sens de la royauté idéale accordée à Kronos est le même. Mais comme sa figure garde néanmoins un je ne sais quoi de mystérieux et de lointain, on s'avise de jouer sur le mot même qui le désigne'; on identifie l'idée de Kronos, qui n'a jamais été déterminée d'une façon précise ni chez les anciens ni chez les modernes, avec celle de Chronos ; pour les esprits grossiers, il est le dieu vieillard par excellence, pareil au vieux des jours, El Olam, de la Kabbale2. Pour les philosophes, interprètes des fables religieuses, il est la personnification de la notion de temps, ce facteur obscur de l'ordre universel : « Dans la haute antiquité, a dit fort bien tin des historiens les plus subtils de ces manifestations de l'esprit hellénique, il est le maître de l'ordre des choses devant l'imagination naïve des foules ; il en règle l'arrangement successif et la disposition dans le temps ; il les répartit en séries régulières et fixe l'heure de leur naissance et de leur mort'. » AYtev, qui incarne l'idée de la durée indéfinie [DRACo, fig. 2584], est un fils de Kronos-Chronos et de la dryade Philyra, c'est-à-dire du tilleul, arbre plusieurs fois séculaire; et la légende d'Arcadie fait de Pan, dieu suprême et d'antiquité vénérable, un de ses rejetons'. Pour revenir au Kronos plastique des poètes, bien différent de celui des philosophes, nous aurons achevé de le caractériser en constatant qu'Homère le désigne par les deux seules épithètes de grand et de rusé (µéyaç, âyxuaoh.rltir,ç) 5, et qu'Hésiode lui donne comme attribut la harpe, faucille ou serpette qui, dans la Théogonie, n'a rien d'agreste. Le poète dit qu'elle est terrible et dentelée comme une scie. Elle fut, en effet, dans la légende cosmogonique, l'instrument de la mutilation que Kronos fit subir à son père Ouranos 6. Sous l'influence des mêmes sentiments de convenance religieuse que nous avons définis, elle devient l'emblème des fonctions agricoles dévolues au dieu représentant l'âge d'or; elle n'est que l'insigne du divin moissonneur'. Ailleurs, cette signification se complique d'allusions à la configuration de certaines localités, telles que Zanclé et Drépane en Sicile, Drépane de Bithynie et de Corcyre. Des mythologues y ont vu le symbole de l'éclair déchirant les nuages Quelque sens qu'on doive lui donner, cet attribut ne suffit pas pour que nous reconnaissions toujours Kronos dans les personnages qui en sont munis ; il appartient encore à Zeus en lutte avec les Géants, à Hercule combattant l'hydre, à Hermès tuant Argus, à Persée surtout, coupant la tête à Méduse 9. Le sens qui domine, particulièrement aux temps romains, est celui d'un instrument rustique qui est tantôt la faucille servant aux moissons, tantôt la serpette, l'outil des vignerons. Quant à la mutilation d'Ouranos, elle signifie que Kronos met fin, pour le bonheur de l'humanité, à la fertilité funeste par ses excès et qu'il inaugure la période normale d'épanouissement des forces fécondantes "Al y a un fonds mythique et une croyance plongeant ses racines jusque dans les plus lointaines traditions, dans cette idée que Kronos est au point de départ de toutes les semences utiles à l'homme. Les orphiques encore ont poussé cette idée à l'abstraction en faisant du dieu le générateur, tour à tour, et le dévorateur universel et, si l'on veut nous passer une expression empruntée à la science moderne, le principe du tourbillon vital". Tel est, d'ailleurs, le sens de l'oracle qui nomme Kronos un compagnon (77a0eôpç) de Hélios, le Soleil titanique : Titania astre 2; de l'autel aussi, qui à Elis lui est commun avec ce dieuf3; des vers d'un poète alexandrin qui dépeignent Zeus le Kronide s'avançant sur le char de son père substitué à celui d'Hélios lui-même'. Les représentations diverses qui, en Afrique, sous l'influence des religions phéniciennes, l'identifient avec Baal, nous le donnent sous la figure d'un lion à la tête couronnée de rayons15. Par là même, cet art naïf a ouvert la voie aux assimilations de Melkart et de Baal avec le Kronos des Grecs, lui-même, absorbé parle Saturne des Romains. Dans ce cas, il arrive que souvent Saturne se rajeunit; il prend l'air d'un héros dans la vigueur de l'âge, ainsi qu'il convient à celui qui préside à la vie heureuse dans une région privilégiée" Il ne reste du culte de Kronos en Grèce que des vestiges plutôt rares et qui ne mènent jamais ni à des temples célèbres ni à des cérémonies imposantes. Dans Athènes il est vénéré à l'ombre de l'Olympiéion, avec Rhéa plus populaire que luit'. On y montrait une fente du sol à laquelle se rattachait le souvenir du déluge de Deucalion, et deux statues en airain représentant Kronos et son épouse. Ils y étaient vénérés le 15 du mois Elaphébolion, SAT porte en exergue le nom de Kronos, la tête doit être interprétée par Saturne1'. L'une et l'autre peuvent servir à déterminer le statère de Mallos en Cilicie sur lequel on a voulu reconnaître de préférence ou Zeus, ou Poseidon, Héraklès aussi et Dionysos". Il n'est pas douteux que la légende et le culte hellénique de Kronos aient été fortement influencés par les religions sémitiques, comme ils le furent plus tard par celle de l'Italie t4. Mais Kronos n'est pas plus d'origine phénicienne ou égyptienne, qu'il n'est de provenance latine; seulement il y avait, grâce au mystère des légendes cosmogoniques, de telles ressemblances entre l'être de El, dieu des Sémites, de Baal-Moloch, dieu des Phéniciens, et du Kronos grec, que le mélange des races devait forcément s'exercer sur les pratiques et les croyances, par une action, d'ailleurs, réciproque. Dès le Ive siècle, les Grecs s'en rendaient assez compte eux-mêmes. pour que les esprits éclairés s'efforçassent de réagir et d'empêcher que la religion n'en fût corrompue par des éléments étrangers13. Sophocle flétri t la coutume qui existe chez les Barbares de sacrifier à Kronos des victimes humaines ; dans le même temps, Platon oppose cette pratique cruelle à la pieuse et clémente piété des Grecs. Plus tard, on parle de la fin de ces immolations sous l'influence de Gélon de Syracuse. Il est, toutefois, certain que les sacrifices d'enfants à Moloch, identifié avec Kronos, continuaient encore aux premières années du christianisme. En Crète et en Sardaigne, les victimes étaient des prisonniers de guerre et aussi des vieillards; chez les Carthaginois, c'étaient toujours des enfants, le plus souvent jetés dans le ventre d'une idole d'airain chauffée à blanc. Une expression proverbiale, venue de Sardaigne (0-epUytoç yé),wç), désignait l'affreux rictus de ces victimes, immolées en temps de peste, de sécheresse, de désastres militaires, pour conjurer la colère du dieu 16. Ce' sont les empereurs qui mirent fin, à partir du règne de Tibère, à ces sacrifices inhumains; et l'Afrique, où ils avaient si longtemps sévi, ne devait plus honorer Kronos-Saturne confondu avec Baal, que par des offrandes rustiques et des pratiques inoffensives 15. Quant à l'Égypte dont la religion a, de tout temps, eu horreur du sang, elle s'était bornée à reconnaître dans Kronos-Saturne son Sérapis ". Macrobe, qui a longuement disserté sur l'être du dieu et sur ses fêtes chez les Romains et les Grecs, s'inscrit en faux contre toute assimilation de ce genre : o Le culte de Saturne, que vous nommez le roi des dieux, diffère de ceux de la religion d'Égypte. Les Égyptiens eux-mêmes se sont abstenus d'accueillir dans le secret de leurs temples non seulement Saturne, mais Sérapis lui-même, SAT 1085 par l'offrande d'un gâteau à douze tranches qui signifiait la division de l'année 1. A Olympie, les sacrifices étaient accomplis par un collège de prètresses nommées (lâotaat, vocable sous lequel Rhéa elle-même était désignée. Parmi les six autels dédiés aux douze dieux dans le temple très ancien appelé le Métroon, Kronos avait le sien, toujours en compagnie de Rhéa; cet autel était, par la fable locale, mis en rapport avec la légende de la naissance de Zeus. Il était situé sur une hauteur, Kronos étant en Grèce, comme Saturne le sera en Italie, une divinité des hauts sommets et des phénomènes qui s'accomplissaient dans le ciel2. En dehors de ces deux centres religieux du continent hellénique', c'est la Sicile qui fut par excellence le pays de la religion de Kronos : sa religion y subit, au cours des âges, outre l'influence des fables et des pratiques helléniques, celle des traditions phéniciennes qui le confondent avec Melkart et Baal-Moloch, et bientôt aussi celle des fables italiques par le Saturne des Latins°. Non seulement on y localisait le châtiment des Géants emprisonnés dans le cratère de l'Etna [CIRANTES], mais aussi la mutilation d'Ouranos dont le sang aurait fécondé l'île'. Nous avons dit que Kronos régnait sur la Libye, sur les îles de la mer Tyrrhénienne, comme il régnait sur la Sicile ellemême et sur l'antique Hespérie. Des hauteurs y avaient reçu le nom de Kronos, et l'on vénérait des tertres qui passaient pour son tombeau. Ce fut la cause qui le fit vénérer çà et là comme divinité chthonienne, et cela jusqu'en Illyrie, en Bretagne et même dans l'île de Thulé'. Une île de l'Adriatique s'appelait Kronia, et la mer du Nord envahie par les glaces est désignée par le nom de mer de Kronos : Kpdvtov 7r€Àayoç. Dans Thulé, on se représentait le dieu plongé dans un sommeil mystérieux et rendant des oracles aux pèlerins qui s'endormaient dans son sanctuaire En Sicile même ', le culte du dieu n'avait rien de cet appareil sombre; la fertilité de Pile invitait surtout à faire de lui un génie rustique, le protecteur des céréales et de la moisson : ainsi naquit l'interprétation de Zanclé et de Drépane par la faucille. Une légende racontait qu'Hephaistos avait fait don de cet instrument à Déméter qui en aurait enseigné l'emploi aux Titans réconciliés avec Zeus et devenus les premiers moissonneurs'. Une monnaie d'Himère, datant du ve siècle, représente une tête d'âge mûr, à la chevelure abondante, retenue par un diadème ou une bandelette, à la barbe touffue, à l'aspect grave et majestueux, qui pourrait faire penser à Zeus ou à Poseidon ; mais si on la compare avec une autre monnaie, à peine plus récente et en tout semblable, qui SAT 1086 SAT celui-ci jusqu'aux temps d'Alexandre le Grand. C'est que Saturne s'offrait à eux comme une divinité cruelle et sanguinaire, et leur religion propre n'admettait comme hommages que la prière et l'encens. Lorsqu'ils accueillirent enfin la divinité équivoque de Sérapis confondue avec Saturne, ils en reléguèrent les temples et les pratiques hors de l'enceinte de leurs villes'. » II. Le Saturne des Romains, sous les traits, d'ailleurs, assez. peu nets dont l'ont marqué les plus anciennes traditions nationales, est une figure plus simple, plus humaine que celui des Grecs avec lequel il allait peu à peu se confondre, et son culte se présente à nous avec une réalité plus vivante, plus populaire. Sa divinité est, chez les Latins, sur le même rang que celles de Janus, de Jupiter, de Faunus, de Picus, de Silvanus, c'est-à-dire qu'il est comme eux de la lignée des esprits qui président à la vie agricole dans la maison et dans les champs'. Son nom a été interprété tantôt par le mot satur, tantôt par celui de sator ; il est le dieu qui exprime l'abondance de tous les biens, celui qui est plein de toutes les forces d'où jaillit la joie, comme sa compagne Ops est une personnification des richesses de la terre 3. L'explication que donne de son être Cicéron : quod saturaretur annis, est une adaptation prise à la légende hellénique qui a fait de Kronos le dieu-vieillard, et elle ne correspond à aucune idée qui soit purement latine. Les archéologues de la fin de la République ramenaient Saturnus à l'idée des semailles : a satu dictuin. La forme la plus ancienne du nom paraît avoir été Saeturnus; c'est celle que nous donne le Saeturni Pocolom, coupe d'argile qui date du temps des guerres contre Pyrrhus, roi d'Épire 4. De toute manière, Saturnus est une figure d'origine latine et romaine ; le lexique de Festus fait de lui le laboureur divin qui a reçu son nom des semailles et comme attribut la faucille, instrument des moissonneurs, ce qui contribuera à l'assimiler au Kronos des Grecs. Varron, faisant allusion aux générations d'agriculteurs qui ont colonisé l'Italie primitive et fait succéder l'exploitation sédentaire du sol à la vie nomade des bergers, dit que les cultivateurs sont de la race du vieux roi Saturn usa. Ici encore, sinon pour le fond des choses, du moins pour la forme, cette caractéristique du dieu se sent de l'influence grecque. Mais si Saturne devient ainsi, même dans le Latium, le représentant d'un âge d'or où l'agriculture fut en honneur, c'est la piété des anciens âges, incarnant en lui et dans sa compagne la prospérité des céréales confiées à la terre, qui, indépendamment de la tradition grecque, l'avait conçu ainsi. La faucille, qui est aussi la serpette, convient, d'ailleurs, aussi bien au vigneron qu'au laboureur ; et Saturne est, à l'occasion, un vigneron : vitisator. Il fut même le dieu qui préside à la fumure des champs : Stercutius; et cette vague divinité des fndigitamenta peut fort bien être sortie d'un vocable donné tout d'abord à Saturnes. On comprend aisément ainsi comment chez les annalistes et, bien avant toute littérature, chez les esprits peu initiés aux subtilités des fables grecques, cette divinité latine de Saturne se soit transformée, sans d'ailleurs perdre sa nature propre, au contact du Kronos importé des Grecs. La ressemblance de la fête des KRONIA avec celle des SATVINALIA acheva de l'identifier avec lui Alors l'âge d'or, chanté par Hésiode, fut transplanté en Italie, et Saturne en fut constitué le roi ; exilé par Jupiter, il se cacha (latuit) dans le pays qui lui fut redevable de son nom (Latium), et ii y inaugura une période de félicité parfaite, par le culte d'une vie simple, facile et vertueuse 6. Le poète Ennius fut probablement le premier qui donna à cette conception son expression littéraire; les poètes du siècle d'Auguste l'exploitèrent en l'illustrant de tous les traits que leur fournissaient Hésiode et les Alexandrins qui avaient rajeuni à leur façon les mythes augustes de la vieille épopée'. C'est sans doute à ces sources où avaient puisé les annalistes qu'il faut ramener la tradition recueillie par Varron, en vertu de laquelle Rome aurait été, à. son point de départ, la ville même de Saturne '0. On plaçait le centre de cette cité primitive non loin du Forum, à la montée du Capitole, là même où s'éleva plus tard, sur l'initiative des Tarquins et dans les premières années de la République, le plus ancien sanctuaire du dieu. On racontait que la légère élévation du sol à l'angle nord-ouest du Forum et même que la hauteur du Capitole dont elle formait l'accès, étaient le Mons Saturnius ; tous les abords furent nommés Saturnia terra, expression qui s'étendit à la région Romaine tout entière, plus tard à l'Italie. Outre le très vieux sanctuaire de Saturne qui subsista, contigu au temple projeté par L. Tarquin, on citait, comme vestiges de cette royauté, une Porta Saturnia, qui menait à la cité du Palatin (on la nommait aussi Porta Pandana), dont le nom resta visible sur un vieux mur conservé derrière le temple". Ennius qui sut mélanger, non sans habileté, les éléments de la fable grecque aux antiquités du sol romain et latin, invoque Jupiter sous le vocable de Saturnius, et Junon sous celui de Saturnia, ce qui correspondait à la notion des Kronides, patronymique sous lequel les poètes grecs, dès les temps épiques, désignaient les grands dieux Olympiens. On rencontre chez les annalistes des assimilations plus précises encore ou plus étranges, mais qui témoignent de l'importance de Saturne, au regard de la légende SAT 1087 SAT primitive du Latium'. Oreste n'a pas seulement émigré à Aricia près du lac de Nemi ; on fixait à Rome même, sur l'emplacement du plus ancien sanctuaire de Saturne, le tombeau où auraient été transportés ses ossements'. Une autre forme de la légende est celle qui conduit Hercule dans la région du Palatin et lui fait ériger au pied du Capitole, par une colonie de Pélasges, un autel à Saturne, pour consacrer le souvenir de sa royauté déjà disparue 3. Cet autel est sans doute à identifier avec celui qui se trouvait placé aux temps historiques devant le Senaculum, et sur lequel on sacrifiait, graeco rite, c'est-à-dire la tête découverte [SACRIFICIUM, fig. 6009]; il subsistait encore sous le règne d'Auguste`. Dans le sanctuaire très ancien qui fut remplacé parle temple dont les Tarquins devaient fixer l'emplacement, se dressait une image du dieu que l'on enchaînait par des bandelettes de laine, comme pour l'empêcher de quitter les lieux qui s'étaient mis sous son patronage : une fois l'an seulement on déliait ces liens, durant la fête des Saturnales Les antiquaires les expliquaient par les chaînes dont Jupiter avait chargé son père, lorsqu'il l'eut détrôné ; mais la pratique a une signification toute populaire et elle survit, en plein moyen âge, dans le culte de certains saints, retenus de force parmi les fidèles qui leur rendaient hommage 6. Nous avons, à l'article SATURNALIA, raconté les circonstances dans lesquelles fut projeté, puis bâti et dédié, à la montée du Capitole, le temple qui resta, jusqu'au déclin du paganisme, le centre par excellence du culte de Saturne à Rome Il est représenté aujourd'hui par l'imposante ruine des huit colonnes ioniennes, dont six sur la façade, qui se dresse entre le temple de la Concorde et l'arc de Septime-Sévère, et qui touche d'autre part aux restes, entièrement exhumés, de la basilique Julienne. Les vicissitudes de cet édifice à travers les âges sont inconnues; il est probable seulement que la ruine actuelle est à rattacher à une reconstruction, qui peut n'avoir été qu'une restauration, sous Auguste, et dont Munatius Plancus fut chargé par l'Empereur 8. Le temple figure sur le bas-relief, datant du temps de Domitien, qui représente la destruction par les flammes des registres de délation On sait qu'il fut incendié en partie et restauré sans doute au début du me siècle par l'empereur Carinus 10 ; les caractères de l'ornementation qui subsiste mènent à cette époque. On sait, d'ailleurs, qu'au moyen âge une église en l'honneur des saints Serge et Bacchus devait avoir empiété sur l'édifice païen, et qu'en 1536, pour l'entrée de l'empereur CharlesQuint à Rome, on démolit les marches de la façade. Le temple fut, de bonne heure, destiné à recevoir le trésor de l'État dont le numéraire était déposé dans ses caves". S'il en faut croire Plutarque, c'est. Valerius Publicola qui le premier l'adapta à cet usage; on y déposait aussi les enseignes des légions dans l'intervalle des campagnes12. La raison qui lit choisir ce sanctuaire comme aerarium n'a pas été donnée par les historiens; mais il est probable qu'on l'y trouva plus approprié qu'un autre par sa situation; il était, en effet, voisin du Sénat qui avait la gestion des finances publiques, et la forteresse du Capitole constituait pour lui une sécurité 1 3. L'importance du culte de Saturne à Rome est affirmée surtout par la fête des SATURNALIA. Pour le surplus, il ne semble pas que le dieu en personne ait été jamais l'objet d'hommages très fervents, après la première période où il était redevable de sa popularité à son caractère agricole. Si Denys dit que ses sanctuaires furent fréquents en Italie, l'affirmation semble quelque peu téméraire'. On a remarqué, en effet, que, sauf en Afrique, les inscriptions en son honneur sont des plus rares; à Rome même, à part celles qui sont relatives au temple plus qu'à la personne du dieu, elles font jusqu'ici entièrement défaut". En réalité, les témoignages littéraires qui le concernent, comme on peut voir par la place que lui fait Ovide dans ses Fastes '°, s'inspirent presque uniquement de la fable hellénique et sont sans liens avec la tradition nationale. Ceux-là mêmes qui le mêlent à la pratique des Argei, à celle des -Manicle et qui représentent le dieu comme ayant introduit en Italie la pratique des sacrifices humains, ensuite abolie par Hercule, sont des fantaisies d'archéologues et non des manifestations de religion populaire 17. En y regardant de près, on s'avise que les rapports des Romains avec Carthage ont dû modifier, à l'époque des guerres puniques et pendant la lutte contre Jugurtha, leurs idées sur la personnalité de Saturne, comme les avait modifiées déjà, dans un autre sens, la pratique des lettres grecques. De là l'incohérence des points de vue, relativement à la nature du dieu, qui apparaît tantôt comme le souverain, père d'une humanité pacifique et clémente, tantôt comme le premier auteur, en Italie, des sacrifices humains. On sait comment les premiersapologètes du christianisme tentèrent d'exploiter contre la religion païenne en général ce dernier point de Ce qui est démontré, c'est que le culte de Saturne ne se répandit, dans celles des provinces romaines où ne s'était exercée ni l'influence phénicienne'', ni celle de la littérature grecque, que dans la mesure même où ce culte était en honneur à Rome, c'est-à-dire en y laissant des traces rares et peu profondes. L'Afrique, naturellement, où il trouvait un terrain tout préparé, échappe à cette remarque; c'est là, en effet, que nous rencontrons les SAT 1088 SAT témoignages les plus nombreux et les plus décisifs d'une religion de Saturne avec tous les caractères qui démontrent la popularité'. On n'y compte plus les bas-reliefs votifs et les inscriptions, datant des temps romains, où figure le nom de Saturne, sur lesquels le dieu est représenté, le plus souvent en buste, la tête voilée, et à ses côtés les images des principales divinités indigènes. Le Saturne africain n'est pas le même que le Kronos des Grecs ni que le Saturne des Latins; d'autre part, il diffère, sur beaucoup de points, du Baal-Moloch vénéré à Carthage chez les Phéniciens. 11 est une adaptation toute spéciale à un état moral et religieux qui a été déterminé, pour une large part, par l'influence combinée de la Grèce, de Rome et de la religion phénicienne. Appelé Dominas, Augustus, Sanctus, "Magnus, 7nvictus, ce Saturne est la divinité suprême, universelle, très semblable à Zeus et à Jupiter Capitolin 2 Il est en même temps, sous un aspect différent et qui se rapproche du Saturne primitif des Latins. le dieu qui procure la fertilité champêtre : Frugif'er'. Mais les monuments érigés en son honneur ne lui conservent pas moins une physionomie spéciale et franchement indigène. Les fidèles adjoignent à sa figure, empruntée le plus souvent au type gréco-romain, des symboles tels que le disque, la lune, l'étoile qui rappellent Baal'. Un même bas-relief le représentera même sous trois aspects différents, l'un qui a été importé d'Ita lie nous donnant le dieu barbu, chevelu, à la face de vieil lard morose, avec l'attribut de la fau cille et de la patère, puis l'encadrant comme dans une niche, d'un côté par un dieu solaire cou ronné de rayons et muni d'un fouet, de l'autre par une divinité féminine dont la tète est surmontée du croissant (fig. 6121) a. Pour les Gréco-Romains, cette triade est celle de Saturne, d'4lélios-Sol et de Séléné-Luna; pour les indigènes, si Saturne se borne à rappeler Baal, dont il a pris la place, Hélios suggère Baal lui-même et Séléné, la déesse Tanit ou Isis. Nous avons dit ailleurs quelle est la nature du culte que les Africains rendaient à Saturne et aux dieux qui lui font cortège; comment aussi, par une caricature poussée au noir, Lattante fait du Saturne romain un dieu mangeur de chair humaine. La contre-partie nous en est fournie par le portrait qu'a tracé de lui Lucien, quand il le décrit comme un roi bonhomme qui abdique sa royauté lorsqu'il se sent trop vieux et fête sa libération dans la bombance des Saturnalia Cet exposé des pratiques et des croyances relatives au culte du Saturne romain serait incomplet si nous ne rappelions, d'une part, que la plus ancienne forme de versification latine lui est redevable de son nom et que le vers Saturnien a été considéré par les Romains eux-mêmes comme le rythme barbare dans lequel chantaient les Faunes et les devins'; d'autre part, que dans la dénomination par les divinités des jours de la semaine [DIES, II, p. 171 sq.]' il obtint tout d'abord le premier jour ét plus tard, sous l'influence judaïque, le septième, le premier étant attribué au dieu Soleil. Nous renvoyons aux monuments reproduits et commentés à l'article DIES, pour l'iconographie spéciale du dieu à ce point de vue. Il y figure avec ses traits traditionnels, ici muni de la faucille, ailleurs portant la faucille d'une main et de l'autre une tête de taureau «fig. 2402, 2403). III. L'histoire des représentations figurées de KronosSaturne est à la fois pauvre en documents et encombrée d'interprétations difficiles. Comme l'a fort bien remarqué Overbeck 10, elle manque à son point de départ, aussi bien dans la légende que dans les premiers essais de l'art religieux, d'un type précis qui l'oriente ; les seuls traits qui y peuvent mettre une individualité distincte, c'est d'une part la vieillesse, de l'autre le caractère soupçonneux, sournois et morose qu'Homère a exprimé par l'épithète de à-xu).oN.rlrr;ç11. L'attribut de la harpe, serpette ou faucille, lui est commun avec d'autres personnalités divines ou héroïques; la barbe fournie et la chevelure abondante se retrouvent chez Jupiter, Neptune et Pluton, ses fils ; le pan de manteau ramené par l'occiput vers le front, qu'il laisse à découvert, convient aux sacrificateurs suivant le rite romain. En réalité, une représentation de Saturne n'est franchement certaine que si l'un ou l'autre de ces traits et même tous ensemble sont éclairés par quelque détail emprunté à la légende ou mis en relief par les circonstances de l'acte représenté. De même que les représentations de la Grande Mère des dieux sont parties de l'aérolithe, celles de KronosSaturne ont eu pour point de départ le bètyle [BAETYLIA, I, p. 642 sq.112. La pierre que Rhéa substitue à l'enfant SAT 1089 SAT Zeus afin de tromper son père, n'est pas autre chose qu'un bétyle, et elle fut la première idole suggérant l'idée du dieu par l'acte le plus frappant de sa légende. Puis elle figura, de concert avec le dieu, dans la scène qui reproduisait cet acte. Une peinture de vases à figures rouges de style attique', mais dont la partie antérieure parait seule à l'abri de toute contestation, représente trois personnages féminins dans des attitudes diverses avec une figure de vieillard vêtu d'un long manteau et appuyé sur un sceptre. La figure féminine, qui lui fait face, lui présente à la hauteur de sa tête un objet caché dans les plis où elle se drape, objet qui peut bien correspondre à la pierre sacrée. Mais rien n'est moins certain que l'explication de la scène par la ruse de Rhéa, et le vieillard au sceptre, tout barbu qu'il soit, n'est pas manifestement Kronos. Il en est de même de la figure de vieillard pensif qui est assis derrière le char d'Oenomaüs parmi les personnages qui composent le fronton oriental du temple de Zeus à Olympie 2. Des arguments exposés par M. Max. Mayer en faveur de l'identification avec Kronos, un seul a quelque valeur, c'est celui qu'il tire de la place occupée par le dieu et sa compagne Rhéa dans les cultes de ce sanctuaire3. Pour en revenir à l'épisode de la pierre, il nous reste le bas-relief de l'autel du Capitole, manifestement inspiré par une oeuvre grecque, peut-être par un relief de Praxitèle, qui l'avait sculpté pour le temple d'Héra à Platées'. Kronos, assis sur un trône, dans une attitude et avec une expression qui font penser à certaines représentations classiques de Zeus, reçoit des mains de Rhéa debout devant lui la pierre enveloppée de langes (fig. 6122). Pausanias a décrit la scène dans des termes qui suffisent à l'identifier avec le bas-relief romain M. Mayer, qui a consacré à Kronos la seule étude complète que nous possédions, en a rapproché, pour ce qui concerne le personnage VIII. du dieu, une coupe en argent, originaire de Macédoine, dont l'original est, d'ailleurs, perdu, et qui montre Kronos assis, nu, tenant la harpè dans la main droite et étendant la gauche vers la pierre placée à côté de lui pour rappeler la ruse de Rhéa e. Des historiens de l'art grec mentionnent encore, comme ayant défrayé la sculpture à certaines époques, la participation de Kronos à la lutte des Géants contre l'Olympe, sur les frises du temple d'Héra à Argos, où figuraient également la naissance de Zeus avec Rhéa couchée, la pierre présentée à Kronos. la danse des Curètes et Zeus nourri par Amalthée [AMALTHAEA, CIiRETES] 3. A cette énumération, qui nous fournit, d'ailleurs, pour l'iconographie de Kronos, des documents sans portée, il faut ajouter une statue de Tebessa, sur laquelle se lit une dédicace à Saturne. L'attitude et le geste sont semblables à ceux de Saturne en tète à tête avec Rhéa sur l'autel du Capitole, ainsi qu'avec le bronze du musée Grégorien dont il est question plus loin 8. La seule oeuvre représentant Saturne suivant les procédés de la statuaire grecque est le fragment en calcaire du Musée du Vatican (tête et buste jusqu'au ventre, la tête légèrement inclinée à gauche et soutenue par le bras en partie conservé) (fig. 6123) ; la chevelure et la barbe, fortement ondulées, sont d'un homme dans la force de l'âge ; l'expression est pensive et mélancolique. Le torse est nu, mais les plis du manteau remontent dans le dos et sont ramenés sur la tête de façon à l'encadrer de lignes harmonieusement drapées. De cette oeuvre on peut rapprocher un certain nombre de bustes qui tous sont d'attribution conjecturale, puisqu'ils peuvent également convenir aux rois Kronides, particulièrement à Neptune, à Pluton et même à Sérapis. C'est ainsi qu'Overbeck a mis parmi les représentations de Jupiter le buste voilé du musée Grégorien, que M. Mayer revendique avec conviction pour Saturne, sans qu'il soit possible de décider entre les deux 1e. Une petite tête en marbre, de la collection Nelidow, nous laisse dans la même incertitude" ; mais il y a quelque probabilité pour qu'une tête en calcaire exhumée à Clés, en Tyrol, tête barbue, chevelue et voilée comme les précédentes, doive être identifiée avec Saturne : elle a, en effet, été découverte parmi des fragments d'inscriptions relatives à ce dieu f2. Citons encore la statuette en bronze du musée Grégorien 137 SAT 1090 SAT qui a cette particularité intéressante d'être â peu près intacte et de nous représenter le dieu assis, le torse nu, le bas du corps enveloppé dans une ample draperie qui est ramenée par derrière, sur la tête, en forme de voile et soutenue à la hauteur des yeux par le bras levé dans le geste même qui caractérise le Saturne de l'autel du Capitole'. Toutes ces représentations ont ceci de commun que Saturne n'y a rien de l'air décrépit (aûyp.oû .rt)ié(nç) qui, suivant Lucien, aurait été sa caractéristique chez les peintres 2, mais, au contraire, une expression de vigueur et de virile majesté. Il est le senex obvoluto capite dont parle le commentateur de Virgile, expression qu'il convient de corriger par ce vers de Virgile lui-même, peignant Charon, le nocher des enfers : cruda deo viridisque senectus 3. Une peinture de Pompéi, de toutes les représentations de Saturne la plus connue et la plus expressive, nous en a légué le type idéalisé' (fig. 6124). Le dieu est représenté debout, suggérant l'idée des statues-portraits si fort en faveur dans l'art gréco-romain ; son attitude est noble; il est drapé dans un manteau dont les plis rappellent la toge romaine; une partie de la )itrine est à découvert; la main droite, qui tient la serpette, est enveloppée jusqu'au poignet par la draperie qui contourne le cou, de droite à gauche, et retombe, largement traitée, sur l'autre bras, la main soutenant l'extrémité de l'étoffe'. Il y a peu de chose à tirer, en mettant â part les monnaies de Mallos et d'Himère que nous avons citées plus haut, des diverses reproductions de Saturne sur des monnaies, soit grecques soit romaines. Pour les premières, les attributions sont toujours fort incertaines. Mentionnons toutefois la monnaie de Tarsos qui date du règne de Valérien l'Ancien et oit la draperie, la tête et la faucille désignent suffisamment Saturne 5 ; une monnaie de Flaviopolis, du règne de Domitien, qui le représente en buste, la tête voilée et avec la faucille; une monnaie d'Hadrumète où, voilé également, il tient deux épis dans la main. A Rome même, il figure sur les monnaies des familles Apuleia, Calpurnia, Cornelia, Marcia, Memmia, Neria et Nonia, au déclin de la République; puis, sous l'Empire, sur quelques monnaies de Valérien, de Gallien et d'Albinus (fig.6125)6. Le médaillon reproduit ci-contre', et qui date du règne de ce prince, rend à Saturne sa signification primitive de divinité agricole, mais sous les traits pompeux d'un roi qui ramène la prospérité de l'âge d'or. J.-A. Huta.