Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

SCALAE

SCALAE. Kaïµaç'. Escalier, degrés, échelle. I. Durant toute l'antiquité classique, les architectes ont attaché peu d'importance aux escaliers des habitations particulières ; mais les édifices publics offrent, de bonne heure, des rampes monumentales et une disposition majestueuse des marches. On admire à Phaestos de larges gradins se coupant à angle droit, où venaient s'asseoir les spectateurs des taurobolies sacrées (fig. 6143) Dans le même palais, on accède au mégaron par des degrés monumentaux. Pour l'époque classique on peut citer les rampes monumentales de Préneste 3 et l'escalier menant d'une rue dans l'autre à As sos 4. Pour les maisons, les passages les plus récents d'Homère mentionnent un premier cessible par des degrés' ; mais, primitivement, l'habitation grecque ne devait comporter qu'un rez-de-chaussée; SCA 1107 SCA l'escalier, très simple, n'est généralement qu'une suite de marches soutenues par deux murs d'échiffre; il n'y a ni palier, ni changement de direction. Toutefois, on observe à Cnossos' déjà, pour l'antiquité préhellénique, et dans les maisons hellénistiques de Délos (fig. 6144)2, des escaliers à quatre volées, avec ou sans palier. Dans les maisons athéniennes à deux étages (6-c. Ey(a) la x).?N.x menait à l'appartement des femmes, installé à l'étage supérieur A Athènes comme à Rome, les locaux indépendants du reste de l'étage et les boutiques étaient ordinairement accessibles par des degrés extérieurs (âvaiaON.oO qu'on retrouve à Pompéi, où prédomine cependant, pour l'escalier intérieur, le simple emmarchement appuyé à deux murs parallèles 5. Certains auteurs 6 donnent le nom de scalae graecae à des escaliers dont les marches étaient entourées d'ais pleins, de manière à dérober à la vue, au moins en partie, les personnes qui y montaient. Les cages des escaliers intérieurs étaient étroites et sombres ; c'était, à Rome, avec les cenacula auxquels ils menaient, la cachette favorite des esclaves fugitifs'. La matière de l'escalier était le plus souvent le bois la pierre ou la brique étaient plus rarement employées à Délos, on trouve communément de larges dalles de schiste superposées ; mais plus d'une maison de l'île possédait un ou deux escaliers de bois. Les temples et sanctuaires grecs ont rarement des escaliers d'apparat. A l'Acropole d'Athènes, une chaussée en lacets serpentait jusqu'à l'entrée des Propylées; elle fut remplacée au premier siècle de notre ère par une rampe monumentale en marbre. L'autel de Zeus, à Pergame, avait aussi des gradins d'une somptueuse ordonnance s. Au temple d'Héra à Agrigente 9, on avait multiplié les paliers il y en avait un toutes les trois marches. Dans plus d'un temple grec, des escaliers étaient ménagés aux angles de l'édifice et conduisaient sous les combles ou dans les galeries qui régnaient au-dessus des bas-côtés de lasalle ". L'invention de la voûte permit aux architectes romains des constructions savantes. On put faire porter les emmarchements par des arcs et couvrir l'escalier. Au Colisée", on observe un escalier voûté à triple rampe sur segment de voûte : les deux premières rampes sont affrontées et, au premier palier, une troisième rampe perpendiculaire conduit au deuxième palier; le départ de l'escalier marque la naissance de la voûte. Le premier exemple d'escalier voûté se trouve au gymnase des éphè bes de Pergame (fig. 6145) '2; la voûte sert à supporter une rampe supérieure, de même qu'à la basilique de Pergame et aux Thermes de CaracallaS3. Un des plus beaux escaliers couverts de Rome était celui du Tabularium, au Capitole 14; les deux rampes n'avaient pas moins de soixante-six marches: la couverture était constituée, pour la rampe inférieure, par six courtes voûtes en berceau, horizontales et étagées, et par une seule voûte continue pour la rampe supérieure. Les anciens ont construit des escaliers suspendus. Callixènos signale un escalier à vis dans la luxueuse galère de Ptolémée IV 15. La colonne Trajane renferme aussi un escalier à vis [COCHLEA et COLUMNA, fig. 1789], qui lui a fait donner par les auteurs le nom de columna cochlis15. C'est la même image que dans l'expression française : l'escalier en colimaçon. A Byzance, les architectes ont également connu la courbe sissoïde des escaliers suspendus ; on trouve un escalier à vis, au pont du Sangarius, bâti par Justinien". Dans les théâtres et les amphithéâtres, la circulation était assurée par des escaliers rayonnant en éventail, entre les cunei. Vitruve dénomme ces gradins scalariai3 [THEATRQM]. SCA 1108 SCA Les degrés ou perrons sont le plus souvent de simples marches superposées : toutefois, dans les maisons de Délos, on observe des perrons ornés à profil courbe. Quelques temples ronds ont des degrés circulaires: tels ]e temple de Marmaria, à Delphes', dont les marches sont rehaussées de listels d'une admirable netteté, la Tholos d'Épidaure, etc. On gravissait la tribune des harangues, à Rome, par quelques degrés circulaires Il. Scalae signifie aussi échelle. À vrai dire, ce sont de véritables échelles qui ont précédé, dans les habitations, les escaliers soutenus par de la maçonnerie, échelles de bois à marches suffisamment larges et unies, appuyées au mur et, au besoin, étayées. Nous pouvons nous en faire une idée par une peinture (fig. 6146) où l'on voit une échelle semblable placée à l'entrée de la maison 4 ; on s'en servait aussi dans les théâtres [THEATRUM]. Telles devaient être aussi, assez fortes toutefois pour soutenir le poids de nombreux combattants, les échelles employées à l'assaut des places fortes (fig. 6147) 3. Des échelles faisaient aussi l'office de passerelles pour l'embarquement et le débarquement des passagers sur les navires (fig. 6148) 6. Il y en avait dans les mines pour la descente et la montée des ouvriers [METALLA, p. 1853]. On a retrouvé récemment, encore en place dans celles d'Aljustrel, en Portugal, des poteaux de chêne (fig. 6149) à encoches, dont la partie inférieure est fourchue et s'appuie sur une sorte de paFig. 6149. lier qu'on a ménagé en creusant le puits 7. 'eh". de mine. Il parait inutile de passer en revue toutes les échelles pareilles à celles qui sont encore en usage, dont on trouve la mention chez les auteurs et des exemples sur les monuments, servant à l'agriculture, à la cueillette des fruits (fig. 6150), à la vendange à la construction (fig. 466), à toutes sortes d'arts et de métiers ; ou ayant dans la vie domes tique son emploi journalier (fig. 113) '. Signalons seulement encore une peinture de Pompéi, où est figuré Dédale assis au sommet d'une échelle ou escabeau à quatre étages, qui montre (fig. 6151) 10 que ce genre de meuble était déjà connu des artistes anciens [cf. scAMNUM, p.1112]. III. On voit sur plusieurs peintures de la grande Grèce un instrument de musique qui semble fait de pipeaux ou de cordes espacées régulièrement entre deux baguettes parallèles; on en a fait surtout, en l'appelant scala, un attribut d'Éros ou d'Aphrodite; Wieseler " y voyait un symbolisme qui semble aujourd'hui chimérique. Une seule fois 12, la scala mélodieuse est figurée en face d'un oiseau pris àu piège (fig. 6152); le décorateur aura voulu indiquer que SCA -1109 SCA les sons de l'instrument avaient suppléé au chant de quelque oiseleur. G. NICOLE.