Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SCULPTURA

SCULPTURA. A. LES PROCÉDÉS TECHNIQUES DE LA SCULPTURE. I. DÉFINITION '. Les expressions latines correspondant à nos mots français sculpture, sculpteur, sculpter, se présentent sous deux formes : sculptura, sculpter, sculpere, et scalptura, scalptor, scalpere. Ni les unes ni les autres ne traduisent exactement le français; la signification en est à la fois plus restreinte et plus étendue. Elles indiquent le fait de tailler une matière quelconque : bois, calcaire, marbre, ou toute autre substance. D'où il résulte que, d'une part, ces expressions s'appliquent parfaitement à la taille des pierres précieuses, c'est-à-dire à la gravure2, mais que, d'autre part, elles ne peuvent désigner la fonte du bronze 3. A ce dernier travail Pline donne constamment le nom de STATUARIA ARS4. La gravure du métal et des gemmes est étudiée aux articles CAELATURA et SCALPTURA; nous nous occuperons donc uniquement de la taille et de la confection des statues que les Latins désignaient à la fois sous les noms de sculptura ou de scalptura [voir pour la statuaire en terre cuite FIGLINUM OPUS; pour la statuaire chryséléphantine EBUR]. On a cherché' une différence de sens entre les deux expressions, scalpere et ses dérivés s'appliquant plutôt à la gravure des gemmes, sculpere et ses dérivés à la sculpture proprement dite 6. Cette distinction ne semble pas justifiée; mais, autant que permettent d'en juger les textes qui, sur une question aussi minutieuse, ne peuvent guère donner une réponse paléographiquement certaine, la forme scalp paraît la plus usitée dans les deux sens. La forme sculp ne se trouve guère, appliquée à (de insculpa?). 2 De re rual. 59; cf. 135. 3 Ap. Non. Marcel p. 164 lui, et Plaut. Carin. 493-496 Gozt. 6 Le jeu de mot de Plaute sur sole« (poissons ou sandales) est très clair. tara, quae aura, argenta, sera, ferro opera efficit. Nam scalptura etiam lignum, dur, marmor, vitrum, gemmas, praeter ea quae supra dirai, complectitur. 21, 10: nam ai quaeram, quae n'alerta sit statuariae, dicetur aea. 6 Cf. Blümner, O. c. t. II, p. 172-176. 6 1.es opinions des critiques anciens et modernes sont rapportées dans Blümner, t. Il, p. 173, n. 1. SCU 1137 SCU la taille du bois ou de la pierre, que pour le verbe`. Du substantif sculptera avec le sens de sculpture on ne cite que deux exemples 2, et Blümner déclare' n'avoir rencontré nulle part le substantif sculptor avec le sens de sculpteur. Les formes scalpere, sculptera, scalptor sont au contraire fréquemment. employées, en particulier par Vitruve' et Pline A scalpere correspond 7àS?Ely; comme l'expression latine, l'expression grecque désigne aussi le travail du graveur, mais non la fonte du bronze. I';w7[Ttxri 0 et TXti7t i1ç7 sont rares ; on dit plutôt &vaptxvTo7rotEiv f0, indiquent simplement la confection d'une statue et s'appliquent aussi bien au travail du marbre et au marbrier qu'à la fonte du bronze et au bronzier. reste un assez grand nombre d'oeuvres plastiques antérieures à l'invasion dorienne et trouvées surtout en Argolide", dans les îles t2 et en Crète Très diffé rentes de valeur et s'échelonnant sans doute sur un long espace de temps, les unes, telles que les idoles des Cyclades (fig. 6222), sont d'informes représentations, d'autres, comme les sculptures crétoises, sont des oeuvres d'un modelé achevé et puissant. Il serait intéressant de savoir comment les unes et les autres ont été obtenues, mais, sur les procédés techniques de cette époque, nous ne pouvons guère présenter que des observations très générales ou des conjectures. La matière. Les matières usitées" sont très diverses : on trouve le marbre, le trachyte, l'albâtre, la stéatite, le calcaire, l'argile, l'os, l'ivoire. Les idoles des îles sont le plus souvent en marbre; la porte des Lions à Mycènes est en calcaire, la tête de lionne de Cnossos VIII. (fig. 6,223)'3 en marbre16. Il faut noter l'emploi fréquent en Crète, pour les reliefs, d'une sorte de plâtre, exception nettement dur, dénommé en italien gesso-dura". C'est en cette matière que sont faites deux des plus belles oeuvres de la plastique crétoise, la tête de taureau f3 et le torse d'un personnage portant un collier de fleurs de lis" La taille. Sur les procédés de taille nous n'avons aucun renseignement positif. On peut penser que, pour les oeuvres assez grossières telles que les idoles des îles ou même les stèles en calcaire de Mycènes, un outillage très simple, par exemple un ciseau et un maillet, suffisait. Peut-être les artistes mycéniens employaient-ils le foret, si c'est à juste titre que BenndorfY° a cru en retrouver les traces sur la porte des Lions. Quant aux produits achevés que nous a livrés la Crète, ils ont dû être travaillés suivant les procédés des sculpteurs égyptiens21, qui avaient acquis dans le traitement des pierres dures une grande virtuosité. L'existence certaine de relations suivies entre la Crète et l'Égypte22 donne toute vraisemblance à cette hypothèse. L'ajustage. Le procédé du rapiéçage que nous étudierons plus loin en détail est déjà en usage aux temps mycéniens. Les têtes des lions de Mycènes, probablement en ronde-bosse, étaient rapportées et fixées par des tenons23. On a retrouvé en Crète les pièces d'un grand taureau 24 taillées dans une pierre schisteuse de couleur sombre, peut-être une sorte de stéatite; cette matière ne s'obtenant qu'en petits morceaux, les divers fragments devaient être rajustés les uns aux autres pour construire le corps du taureau. La polychromie. De même qu'en Égypte", les oeuvres de cette époque semblent avoir été entièrement peintes, sauf celles où l'aspect de la matière constituait déjà une polychromie naturelle. On relève des traces de 17i3 Fig. 622 4. Idole de 'Méru. SCli 1138 SCU rouge sur la tête de lionne de Cnossos'. Les sculptures en gesso-duro ont conservé leurs couleurs; comme sur les peintures égyptiennes, la peau des figures viriles y est toujours brun-rougeâtre . Les yeux sont peints de teintes vives'. III. LA SCULPTURE DANS LA GRÈCE CLASSIQUE. LA MATIÈRE. Les matières usitées dans la Grèce classique 4 pour la sculpture sont : le bois, le calcaire tendre, le marbre. L'usage des roches dures, telles que le trachyte employé pour les sculptures du temple d'Assos, est tout à fait exceptionnel 5. Les premières statues, celles auxquelles les Grecs donnaient le nom de ;ésvov6, étaient en bois. Les plus anciennes œuvres en pierre paraissent être les idoles en calcaire de Théra (fig. 6224) qui remontent à la première moitié du vue siècle L'emploi du marbre, qui commence dans les îles à la fin du même siècle 3, devient général dans le courant du vie. Mais bois, calcaire, marbre n'ont pas succédé l'un à l'autre en se remplaçant. De même qu'en céramique, la technique des figures noires ne disparaît pas après le triomplie des figures rouges', on a continué à travailler le bois et la pierre tendre longtemps après s'être rendu maître du marbre. Le bois fut conservé en particulier pour certains monuments à caractère religieux : c'est ainsi qu'au vie siècle, Kanakhos sculpte pour Thèbes un Apollon de cèdre 10, et qu'en plein ni° siècle, à Délos, on commande pour la fête de Dionysos une statue du dieu en bois de cornouiller". 11 n'eût guère été possible de faire figurer dans les grandes processions les images des dieux si elles n'avaient été en bois 12. Les divinités modestes des champs et des jardins durent sans doute se contenter souvent d'images en bois [DERMAE, fig. 3813j. D'autre part, après que l'usage du marbre se fut répandu, l'emploi de la pierre tendre subsista pour la sculpture à lion marché. Éloignée du foyer de la civilisation grecque, possédant en outre une matière de qualité supérieure, File de Cypreu resta même exclusivement fidèle jusqu'au v° siècle au travail du calcaire ". Les principaux bois employés16 étaient : l'érable, le poirier sauvage, le buis, le cèdre, le lotus, le cyprès, l'ébène, l'if, le chêne, le figuier, le thuia, le tilleul, l'agnus-castus, le myrte, l'olivier sauvage ou cultivé, la persea, le sapin, l'orme, le genévrier, la vigne, l'encens, le palmier, le peuplier [LIGNA, MATERIES]. On les ChoiSlssait soit pour leurs qualités propres : dureté ou résistance à l'humidité, soit pour des motifs religieux, le p. 16, 88. 3 Evans, Ibid. 1899-1900, p. 51; cf. 1901-2, p. 51, les plumes d'un oiseau colorées en rouge, bleu, jaune, blanc, noir; cf. aussi une tète mycénienne, Tsountas, 'E m° y. 2z, 1902, p. 1 sq. (7 et 8 en particulier), pl. r.4 Perrot et Chipiez, I. VIII, P. 141. 5 Ibid. p. 160. 6 Sur les noms donnés aux statues par les I. XXIV, p. 561-:587 ; Bliimner, O. c. t. II, p. 180; sur le sens particulier de :16.80v cf. E. Gardner, Journ. of hell. st. 1890, p. 133; Lechat, Au musée de l'Acropole d'Athènes, p. 9, n. 1; Collignon, 0.c. 1. I, p. 106, n. 1; Perrot et Chipiez, t. VIII, Aret). Jahrb. 1906, p. 189. Une inscription d'Asie-Mineure, d'époque romaine, prouve pion a très tardivement fabriqué des 00,a,o_ cf. Conloleon, Ath. Mitth, 1889, p. 91. 7 Biller von Girtringen, Thera, t. II, p. 301; cf. Poulsen, Arc't. Jet/rot. 1906, p. 188. 3 Cf. Collignon, O. c. t. I, p. 138. 9 Cf. Pottier, Cajal. des rases du Louvre, t. Ill, p, 647. 10 Collignon, O. c. 1. 1, p. 314; cf. à Egine la statue en cyprès de la déesse Mnia que nous fait connaître l'inscription publiée dieu lui-même désignant parfois l'essence qu'il préférait16. Ce que nous appelons tuf et que les Grecs nommaient scwooçl7, est une sorte de calcaire poreux, blanchâtre ou jaunâtre, qui se rencontre, en Grèce, un peu partout; certaines qualités, pétries de coquilles et de sables, sont extrêmement fragiles et tendres; d'autres, sans coquilles, sont plus dures et de grain assez serré. Les différentes espèces de marbre ont été étudiées à l'article MARMOR ; il suffit de rappeler que les Grecs de l'époque classique n'ont guère eu recours qu'aux marbres blancs ; quelques œuvres archaïques seulement, entre autres la statue du Moschophore en Attique 18 et les stèles de Chrysapha en Laconie ont été exécutées dans un marbre gris bleu. IV. LEs OUTILS. On trouvera à chaque nom une étude détaillée sur la forme de chaque outil. Nous n'avons donc qu'à indiquer rapidement quels instruments comprenait le matériel d'un sculpteur ancien 20. Ce sont, du reste, sensiblement les mêmes que ceux du sculpteur moderne : P la hache, surtout la hache appelée DOLARRA [voir aussi ASCIA] pour l'équarissage du bois (fig. 6t2b); 2° la scie, dont les deux formes essentielles sont : la grande scie pour établir les principaux contours des blocs, et la petite scie à main pour tracer de fines rainures dans certaines parties telles que la chevelure [SERA] ; 3° la pointe, dont il existait des types de dimensions très diverses ; 4° le marteau, qui devait se présenter sous deux formes : le marteau à une ou deux pointes pour dégrossir les blocs, et le marteau à extrémité plane pour frapper sur la pointe [MALLEUS] ; b° les ciseaux, de tailles et de formes variées : ciseau carré, rond, à lame concave ou gouge, à dents ou gradiue [CAELUM, ScALPRUM]; une lame de fer tranchante et pointue pour tracer de fines lignes incisées 71 ; 7°le foret, en particulier le foret appelé violon qui tourne sous l'action d'un archet [ÏEREBRA] ; 80 la râpe [LIMA]. A cette liste il faut ajouter quelques autres outils dont un sculpteur ne pouvait guère se passer tels que : 9° le compas, y compris le compas à branches recourbées et le compas de proportions [GIRCiNUS] ; 10° le cordeau [LINEA] ; 11° la règle [REGULA] ; 12° le fil à plomb [PERPENDICULuM] ; 13° le niveau [LIBELLA] ; 14° l'équerre [NORMA]. V. LA CONFECTION DE LA STATUE. LA MAQUETTE. De Es (-puas + r,ov hb,. 11 Ilomollc, Pull. cure. lieu. 1890, p. 502. 12 Cf. Girard, L'Asclrpieion d'Athènes, p. 41 ; Lechat, Au musée de l'Acrop. p. 9, n. 2. 13 Cf. Perrot et Chipie)), t. Vlll, p. 159. 14 Il parait, d'ailleurs, que ce que les archéologues appellent calcaire est en réalité du grès, 16 Cf. Qualremère de Quincy, Jupiter Olympien, p. 25; Glane, Musée de sculpt., t. 1, p. 4t; surtout Bliimner, O. c. I. Il, p, 245--296, où sont réunis les textes anciens concernant chaque espèce. -16 Cf. les statues de Damia et Auxesia à Epidaure, Hérod. V, 82; la statue d'Athéna Polias dans l'Erechthéion, Schol. ad Demoslh. XXII, t3, grecques (trad. Galuski, t. Il, p. 234; S. Rcinach, Per. des lit. gr. 1906, p 352n. 1 . 1 7 Cf. Leclml, u muser, p. 5; Perrot et Chipiez, t. VIII, p. 159. 18 Collignon, Hist. de la seul/d. gr. I. I, p. 215; l'errol et Chipiez, t. Vlll, p. 155; Winter, 41h.1litlh. 1888, p. 116, 19 Collignon, O. c. I. I, p. 232; Perrot et Chipiez, t. VIII, p, 438. 20 Cf. Clame, Musée de scrdpt. t.1, p. 20 et pl. h, Bliimner, O. c. t. II, p. 194, t. III, p. 192; E. Gardner, Journ. of. hell. st. 1890, p. 137, fig. 3. Cf. les outils du menuisier, Anth. palan. VI, `2204. 205. 21 Cf. Lechat, Au musée, p. 20. SCU -1.139SCU nos jours Lorsqu'un artiste veut fabriquer une statue, il commence par façonner un modèle en argile que l'on moule ensuite en plàtre pour en assurer la conservation ; puis il est procédé à la mise aux points : un certain nombre de points essentiels (p'untelli) destinés à délimiter exactement le contour de la statue sont reportés du plâtre sur le bloc de marbre ; des tarières creusent la matière à la profondeur voulue, et le praticien n'a plus qu'à abattre le marbre compris entre les trous. L'artiste n'intervient que pour donner un dernier coup de ciseau. Il est difficile de déterminer à quelle époque les sculpteurs grecs ont commencé à faire usage de la maquette'. Pline loue, d'après Varron, Pasitélès, sculpteur du Irr siècle avant l'ère chrétienne, de n'avôir sculpté aucune oeuvre sans façonner auparavant un modèle 3 et, toujours d'après Varron, parle des prix élevés atteints par les modèles en plâtre d'Arcésilas4, Il est pourtant probable qu'avant Arcésilaset Pasitélès, on avait employé des modèles; on ne conçoit guère, en effet, comment des groupes d'artistes tels que ceux de l'Erechthéion auraient pu travailler sans un modèle oeuvre du directeur et inspirateur des travaux, niais ce ne devait guère être, aux vie et ve siècles A, qu'une ébauche assez grossière ne donnant que la forme générale de l'oeuvre, peut-être même un simple dessin 7. Au Ive siècle les progrès d'une part du raffinement, de l'autre du réalisme, ont dû faire aux sculpteurs une nécessité de chercher et de fixer dans une matière sans valeur et facilement malléable le type qu'ils voulaient figurer; l'inscription d'Lpidaure8 (commencement du ive siècle) parle de Té Col payés 9U0 drachmes à Ti mothéos ; on entend généralement par là des maquettes de cires. L'invention de Lysistratos de Sicyone, frère de Lysippe, qui trouva le moulage sur naturel°, dut aussi contribuer à répandre l'habitude de modeler avant de sculpter. Mais suivre avec certitude cette évolution dans l'usage de la maquette nous est impossible. Quant à la pratique de la mise aux points, on n'en rencontre de traces qu'à l'époque hellénistique" . Il se pourrait, comme le conjecturent Kekule 19 et Furtwângler'3, que les éloges de Varron à Pasitélès signifient qu'il fit le premier un modèle pouvant être reporté tel quel sur le marbre. NI I. LA TAILLE,Nous sommes assez bien renseignés sur la façon de tailler les statues de pierre ou de marbre parles monuments eux-mêmes ; quant aux oeuvres primitives en bois 't nous devons, pour en reconstituer la technique, en rechercher les survivances dans les oeuvres postérieures. Comme ouvrages grecs en bois sculpté, il ne nous reste guère que les reliefs des sarcophages de la Russie Méridionale (fig. 6101» 17 ; mais ces reliefs étant du nue ou ive siècle, c'est surtout dans les premières oeuvres en marbre eties sculpteurs archaïques en calcaire qu'on découvre les traces des procédés primitifs de la taille du bois. Le bois 16 est, comparé à la pierre, une matière tendre et qu'il est possible de couper ; il n'est donc pas nécessaire d'avoir recours, pour le travailler, au ciseau actionné par le maillet; un ciseau pénétrant par simple pression suffit. Les oeuvres attiques en calcaire nous montrent surtout l'emploi du ciseau à lame concave nommégoluge; c'était probablement là l'outil essentiel du sculpteur sur bois. Pour dégrossir la statue on employait soit la scie, soit cette hache à long manche, au fer large et mince d'un côté, long et pointu de l'autre, que les Latins appelaient dolabra (fig. 62'25; cf. fig. '2485 et sq.)t7. La nature du bois dont les fibres dirigeaient la lame suivant des plans rigides, son manque de dureté qui incitait la gouge à aller droit devant elle, sans souci du détail, suivant de longues surfaces planes, le fait que l'outil ne pénétrait pas perpendiculairement et franchement dans la matière, mais était poussé suivant un plan très incliné et presque parallèle à. la surface du bois de façon à enlever couche après couche, devaient sans doute avoir pour conséquences cet aspect carré, cette facture superficielle et cette absence de modelé 1e si frappants sur les premières œuvres en pierre. Grâce aux découvertes de l'Acropole d'Athènes '9, il nous est facile d'étudier de près la technique du calcaire 2°. Les outils employés 7i sont : la scie, les ciseaux et, en particulier, les gouges de diverses dimensions, une lame de fer fine et pointue servant à tracer des incisions. On établissait probablement d'abord" avec la scie les plans rectangulaires qui devaient contenir la statue ; ensuite, avec des gouges différentes et de plus en plus délicates, on abattait les arêtes, on enlevait les saillies que laisse la gouge de chaque côté SCU 11!1.0 SCU des sillons qu'elle trace; enfin, avec la lame tranchante, on indiquait les détails tels que contour des yeux et de la barbe, commissures des lèvres, etc. Tel était dans l'ensemble le rôle de chacun des trois instruments essentiels; dans le détail il faut remarquer que, sur les oeuvres tout à fait primitives, les surfaces sciées n'ont pas toujours été reprises à la gouge (fig. 6226)' et forment parfois, en se rencontrant, des angles absolument droits. Même avec l'aide de la gouge, le sculpteur ne réalise pas du premier coup un modelé; ainsi, dans le fronton de l'Hydre 2, l'artiste qui a traité le ventre du cheval a abattu successivement les arêtes, obtenant ainsi des angles de plus en plus doux reliant de petits plans intermédiaires. Le résultat est, au lieu de deux plans, cinq plans juxtaposés, mais pas de courbe, pas de modelé. A part la scie, probablement de grandes dimensions, qui a servi pour dégrossir le bloc, on a employé une petite scie à main, très fine, pour creuser les rainures un peu profondes, par exemple les sillons entre les mèches de cheveux Lorsqu'il a voulu creuser dans la pierre une cavité, ainsi les écailles de la partie postérieure du corps de Triton', l'artiste a recouru à un procédé analogue à celui du menuisier pour pratiquer une mortaise dans une pièce de bois : il a délimité le contour des alvéoles avec un compas, puis gratté et creusé avec un instrument tranchant l'alvéole ainsi circonscrite. Enfin', pour effacer complètementles inégalités laissées par les gouges labourant de leurs sillons la surface du corps, on s'est probablement servi d'une râpe ou d'une pierre dure à grain fin. A la sculpture du calcaire semblent donc s'appliquer sensiblement les mêmes procédés qu'à celle du bois. Les oeuvres en bois du vie siècle devaient rappeler les oeuvres en calcaire que nous avons la possibilité d'étudier ; on se platt à leur supposer les mêmes types robustes et solides, la même massive structure, la même ignorance ou le même dédain des fragiles minuties, car de la technique, dominée elle même par la qualité de la matière et la nature de l'outillage, dépendait alors le style; pour le modi fier et y introduire plus de souplesse et de variété, il fallait la modifier et trouver la technique propre de la pierre dure. A vrai dire on n'y arriva pas au premier essai ; les oeuvres attiques en marbre 6, telles que le Moschophore ou l'Hermès à la syrinx, conservent bien des survivances de la technique du calcaire' ; dans les îles, des statues telles que celle de Nicandra.(fig. 6227) s■ mblentla simple copie de ;ôava3 ; en Laconie les pans droits se rencontrant à angle vif des bas-reliefs de Chrysapha (fig. 6228) 3 paraissent découpés dans du bois. Cette influenèe de la technique du bois sur celle du calcaire 10 et celle du marbre a été contestée, mais•si les arguments présentés par MM. E. Gardner'', Ldwy", Amelungf3, Poulsen L. Curtius16, valent peut-être contre l'influence des anciens çéavice sur la formation des types plastiques en pierre, il est difficile de nier que le bois ait légué à la pierre son matériel et ses procédés, et de méconnaître sur les oeuvres en marbre les conséquences de cet outillage et le souvenir des traditions antérieures. Ce qui caractérise la technique du marbre18, c'est que l'outil essentiel n'est plus la gouge manoeuvrée par simple pression et qui coupe la matière, ruais le ciseau ou plutôt les différentes formes du ciseau sur lequel on frappe avec un maillet et qui fait éclater la pierre. Grâce à diverses statues inachevées (fig. 6229) 17, il nous est possible d'exposer avec assez d'exactitude par quelles étapes passe l'exécution d'une oeuvre en marbre. Le bloc sorti de la carrière, un premier travail de dégrossissement est fait surplace, probablementparde simples ouvriers f8, avant le transport dans l'atelier du sculpteur. L'ouvrier SCII -1E11 SCU délimite d'abord, sans doute avec la scie, un bloc rectangulaire ayant à peu près les dimensions de la statue projetée ; puis, sur la, face et le côté du bloc, il dessine la forme de la statue vue de face et de côté, et enlève la matière en dehors des contours en allant de la face parallèlement aux côtés et des côtés parallèlement à la face. Les bras et les jambes sont délimités et travaillés de même. L'outil employé pour cette opération est la pointe actionnée par le marteau, ou le marteau pointu ; sur a statue inachevée de Dionyso, dont le travail n'a pas été poussé plus loin, on reconnaît les traces du marteau à deux pointes. C'était sans doute alors que la statue était transportée dans l'atelier de l'artiste. Une oeuvre du Ive siècle trouvée à Rhénée et dans laquelle les différentes portions du corps sont amenées à des degrés divers d'achèvement permet de suivre les étapes successives de l'exécution. L'artiste, sur le bloc grossièrement taillé, se préoccupe d'abord de marquer un certain nombre de points de repère; il perce avec un foret des trous sur la surface supérieure de la base et dans une saillie de marbre qu'il laisse provisoirement al'extrémité supérieure du bloc, et ajuste verticalement une règle au-devant de la statue. Grâce à cette règle et à la connaissance qu'il a des proportions soutenues entre elles par les parties du corps2, il détermine les points essentiels tels que saillie des genoux, jonction des jambes et du corps, hauteur des épaules: 1° le sculpteur laisse brut le derrière du bloc pour ne s'occuper que de la face et des côtés ; 2° au moyen d'un ciseau ou d'une pointe et d'un maillet, il fait sauter rapidement de larges éclats de marbre : c'est à cette étape qu'en est restée la partie inférieure de la statue, des pieds au milieu du tibia 3° il procède de la même façon, mais pénètre plus profondément de 12 à 25 millimètres; la pointe usitée est plus petite et plus pointue, les trous sont plus rapprochés ; c'est à ce degré d'achèvement que semble en être resté tout entier l'Apollon de Naxos 3 ; 4° à l'aide d'une gouge l'artiste pratique des trous profonds de 12 à 20 millimètres, et de 25 millimètres au moins de diamètre 5° il enlève la matière comprise entre les trous avec une pointe de même forme qu'au début, mais plus fine et maniée avec plus de soin. L'assise atteinte se trouve ainsi à 12 millimètres plus bas qu'à la troisième étape la forme générale du corps est dessinée, mais aucun détail n'est indiqué ; 6° enfin les parties où le travail est le plus achevé gardent les traces d'un fin ciseau denté passé très librement dans toutes les directions ; la profondeur atteinte dépasse de 6 millimètres celle qui a été réalisée dans la cinquième étape ; les derniers détails ne sont pas marqués. Quant àladraperie, elle aété grossièrement faconnée au ciseau, puis les plis en ont été creusés au foret. Cette statue nous montre donc successivement l'usage de la pointe et du maillet (ou du marteau pointu), de la gouge et, à nouveau, de la pointe et du maillet, du ciseau denté et, pour la draperie, du foret`. Elle nous renseigne de plus sur le procédé d'approximations progressives employé par les artistes; après avoir dégrossi l'ensemble de leur statue, ils ne poussaient leur travail que dans la partie supérieure, et ne l'achevaient d'abord que pour la tête. Comme c'était la partie la plus délicate, on voulait sans doute être sûr de son exécution avant de s'attaquer au reste du corps pour lequel les risques d'accident étaient moindres. Le traitement de la partie postérieure était réservé tout à fait pour la fin. L'étape du ciseau denté n'était pourtant pas la dernière ; un buste du Musée National d'Athènes 3 nous permet de suivre l'exécution jusqu'au bout. Après le ciseau denté, dont les traces se reconnaissent sur la draperie et les cheveux, on a employé sur la face un ciseau arrondi ; cet instrument a l'avantage de ne pas faire de coins, mais laisse des sillons superficiels qu'il faut enlever avec le ciseau carré. Après avoir passé le ciseau carré il reste encore à polir avec la pierre tendre. -L'ordre des procédés n'a, d'ailleurs, rien de rigoureux ; ainsi, sur un torse du Musée National d'Athènes6, on ne trouve pas trace du ciseau denté, mais, après la pointe, on a eu directement recours au ciseau arrondi auquel doit faire suite le ciseau carré. Un soin particulier est donné au rendu des muscles 7, spécialement dans l'école de Lysippe, célèbre pour ses types athlétiques. Une fois la surface travaillée au ciseau denté, le contour des muscles est dessiné et taillé avec le ciseau rond, puis modelé de façon à substituer aux contours durs des transitions insensibles. La technique que nous venons de décrire semble avoir été généralement usitée en Grèce à l'époque classique ; mais il ne faudrait pas croire qu'aucun changement n'ait été introduit dans la fabrication des oeuvres plastiques de la tin du v° siècle à l'âge hellénistique. Si l'ensemble des procédés est resté le même, certains détails ont varié : c'est maintenant à la technique, dont I'artiste s'est rendu maître, après avoir influé sur la formation des types archaïques, de se plier, au contraire, à l'évolution du style et de s'adapter aux conditions artistiques. On peut suivre très nettement cette influence dans la représentation de certains détails tels que la chevelure, ou encore dans l'emploi de certains outils. Nous verrons plus loin que l'art grec ne cessa jamais de peindre la chevelure et la barbe, mais la couleur devait-elle être appliquée sur un fond lisse, ou le ciseau devait-il collaborer à la représentation dans la même mesure que le pinceau ? C'est le premier système que I'art attique primitif', soit par goût de la simplicité, soit !il!, Ji travaillés à la pointe (bref/doge) ; ce procédé donne barbe et les cheveux. à la polychromie plus de vigueur tout en lui laissant le premier rôle. Au ve siècle, dans certaines statues SC U 1142 SCU par tendance à faciliter le travail, a généralement pratique ; le Moschophore, qui a conservé tant de traits de la sculpture en tuf, a la calotte du crâne et la barbe absolument lisses ; quelques boucles seulement sont sculptées au-dessus du front. Mais les artistes des îles' adoptèrent le deuxième système qui satisfaisait mieux leur goût pour les, minuties et les jobs détails, et il s'introduisit à Athènes avec l'influence ionienne. La tête Rampin (fig. 6230)2 dans laquelle les cheveux et la barbe sont traités plastiquement', mais la moustache indiquée par un simple trait au pinceau, symbolise le passage d'une méthode à l'autre. Au triomphe del'inlluence ionienne se rattachent ces chevelures féminines (fig. 6231, 6232) 4 où chaque mèche est représentée par une ligne en saillie délicatement sculptée. A celte technique succède un type intermédiaire qui se répandit peu sans doute puisqu'on en connaît seulement deux exemples (fig. 6233)5; la barbe et les cheveux y sont rapidement d'Olympie, les deux techniques sont en usage; au Théseion, la couleur a été posée sur des dessous lisses 6; ailleurs, par exemple, dans d'autres marbres d'Olympie (fig. 623-'t), au Parthénon et, d'une façon générale, à la fin du ve et au ive siècle (fig. 6235, 6236), la chevelure a été traitée au ciseau ou même. au foret, mais l'exécution, à l'ordinaire large et simple, est rarement poussée dans le détail 7, comme si le sculpteur avait craint d'empiéter sur le domaine du peintre. Les successeurs de Praxitèle et les sculpteurs hellénistiques, sentant que, par le traitement plastique de la chevelure, ils pourraient la faire concourir à l'expression pathétique de leurs oeuvres, inventèrent ces formes de coiffure compliquées aux ombres profondes et aux vives lumières, œuvres exclusives du ciseau et surtout du foret, à l'effet desquelles la couleur ne pouvait guère ajouter. La façon de traiter les surfaces lisses révèle une évolution tout aussi significative. La râpe 9 apparaît très tôt, par exemple sur les figures de Délos ou l'Apollon de Théra (fig. 6237), mais les grands sculpteurs du ve siècle, ainsi Phidias au Parthénon, en ont fait un usage très limité. Les artistes de large inspiration dédaignaient de dissimuler sous le poli de la râpe l'attaque franche du ciseau 70, Au Ive siècle, l'emploi de SCU -11/43 SCU la râpe prend plus d'extension ; on n'en use pourtant d'abord que pour les surfaces d'une certaine étendue et qui doivent être recouvertes de couleur, comme les vêtements; on se plaît ainsi à obtenir des effets d'opposition entre le traitement du corps au ciseau et celui de la draperie à la râpe '. Puis, la sculpture abandonnant de plus en plus la haute inspiration religieuse pour les sujets familiers et les représentations réalistes, la râpe est également employée pour le corps 2. Enfin on voit prendre une grande extension au procédé déjà usité auparavant du polissage 3; on employait pour cela le sable, en particulier le sable égyptien, le calcaire tendre en poudre, la pierre ponce ', ou encore la pierre dite de Naxos dont on ne connaît pas exactement l'origine, vu le désaccord des textes qui la font venir les uns de Cypre'', d'autres de Crète 6. Le foret a eu une destinée analogue à celle de la râpe. On en trouve les traces sur les frontons d'Égine et d'Olympie, mais l'usage n'en est probablement devenu général que plus tard. Pausanias en attribue l'invention au sculpteur Kallimakhos 8, contemporain de Phidias, ce dont il faut sans doute ~~ •_~.~ ,,.p conclure que Kallimakhos le premier sut en tirer des effets particuliers. On n'en constate que quelques traces au Parthénon 9. L'art de Phidias et de ses prédécesseurs ne ressentait pas, en effet, un besoin absolu du foret; à l'agencement assez simple des draperies, au traitement large des détails, le ciseau suffisait (fig. 6238). Il n'en est plus de même lorsque l'art cherche à tirer un effet dramatique des plis profonds du vêtement ou se plaît au refouillement minutieux des détails; le foret devient alors un instrument indispensable, et les artistes grecs y acquièrent une telle virtuosité que certains creux très profonds et d'accès très étroit paraissent irréalisables aux sculpteurs d'aujourd'hui 10, LES ACCESSOIRES. Dans le Songe Lucien dit que le sculpteur ne doit pas seulement savoir tailler, mais aussi savoir ajuster 11; de nos jours les statues sont généralement travaillées dans un seul bloc de marbre; les anciens vantent, au contraire, ce fait comme le résultat d'une habileté rare 12. Dans l'histoire de la technique des pièces rapportées 13 il faut prendre comme point de départ la sculpture du bois. Les statues en bois étaient faites de différentes pièces ajustées et, pour éviter une disjonction qu'auraient nécessairementamenées lesvariations de température, on faisait couler du nard dans les interstices Les artistes qui ont travaillé le calcaire tendre" ont recouru au même procédé d'ajustage; il était, d'ailleurs, imposé par la nature de la matière ; le tuf n'est pas assez ferme pour qu'on puisse, sans danger de le briser, y tailler de grandes pièces. Cette technique léguée par le bois au calcaire, le calcaire la légua au marbre ; saisie ainsi dans ses origines, elle ne peut nous étonner, et nous comprenons qu'elle fût appliquée même à des (ouvres de très petites dimensions '6. Elle avait, en outre, un double avantage : elle présentait beaucoup plus de commodité pour le transport des blocs 17, et elle facilitait la réparation des statues 1° ; arrivait-il tin accident à une partie ou remarquait-on, au cours de l'exécution, un défaut du marbre 12, on remplaçait le morceau endommagé ou défectueux. Les statues archaïques de l'Acropole ont presque toutes des pièces rapportées '0 ; la statue d'Anténor est la seule d'un bloc. Les parties le plus généralement rajustées sont les bras, les extrémités flottantes des vêtements, et les boucles de cheveux. Lorsque l'avant-bras est tendu, il est toujours rapporté (fig. 6239). « Pour adapter le bras à sa place, dit M. Lechat, les sculpteurs creusaient dans le coude une profonde mortaise, parfois carrée, le plus souvent circulaire ; on prolongeait l'avant-bras par un solide tenon, de forme circulaire, s'emboîtant dans la mortaise; l'on forait un trou, d'environ 1 centimètre, à travers toute l'épaisseur du marbre, par le milieu du tenon, et dans ce trou l'on coulait du plomb en dissimulant les extrémités de la cheville. Parfois l'on se contente de coller le tenon dans la mortaise avec une matière blanche, réduite en fine poudre, pareille à du plâtre, mais qui est, parait-il 22', de la chaux. o Quelquefois la tète et le cou sont rapportés: ainsi, dans la statue 671 du Musée de l'Acropole, « ils sont prolongés par un fort tenon rectangulaire s'emboîtant dans une mortaise de même forme creusée dans le tronc et scellée avec de la SCU 1161% SCU chaux. Les deux surfaces en contact du tronc et du cou, préalablement polies, adhéraient exactement. Pour consolider cet ajustage on avait foré sur chaque épaule un trou carré descendant obliquement jusqu'à la mortaise : ces deux trous sont occupés par une cheville de marbre scellée à la chaux, et les deux chevilles s'emboitent de chaque côté dans le tenon déjà scellé pour le maintenir en place. » Sont encore rapportés, mais plus rarement, la calotte du crâne, toute la partie supérieure de latéte, le bas des jambes et les pieds. Plus fréquemmenton trouve rajustée l'extrémité flottante des pans de l'himalion, non collés contre la jambe pour plus de légèreté. « Là où l'étoffe va se détacher de la jambe, le pan est tranché net et poli avec soin. Le mor ceau rajouté, muni d'un tenon carré, s'appliquait dans une mortaise creusée dans la jambe et scellée avec de la chaux. Des coulées de plomb complétaient l'ajustage ». Eu un cas' on ne trouve ni mortaise ni tenon, mais seulement un trou foré pour la cheville de plomb. Les boucles de cheveux sont souvent rapportées lorsqu'elles viennent tomber sur les épaules ; elles étaient alors fixées sur la poitrine au moyen de tenons s'enfonçant dans des mortaises et n'adhéraient à la statue que sur une longueur de quelques centimètres. Sur une statue 2 l'artiste a ajusté entre l'oreille et l'épaule des boucles qui, fixées par un tenon au-dessous de l'oreille et sur la poitrine, joignaient la chevelure à l'extrémité des boucles sculptées à même sur la poitrine. Ce procédé du rapportage n'est spécial ni aux Attiques ni à l'époque archaïque : il apparaît durant toute la période classique Dans les sculptures d',Égine 3 il n'y a guère de rajustées que les parties saillantes, mais les statues du Parthénon sont composées de plusieurs pièces. La Vénus de Milo est formée de deux blocs principaux réunis autrefois par deux forts tenons ; les surfaces des deux blocs ont été taillées à la gradine et au ciseau ; les parties centrales à la gradine et un peu en creux relativement aux bords; les bords plus finement et au ciseau afin que les surfaces s'appliquassent juste. I1 y a des traces certaines de rapiéçage dans la draperie de la Victoire de Samothrace'. Les exemples de rapportage sont surtout fréquents, au ve siècle et à l'époque hellénistique, pour la tête ou des parties de la tète, en particulier pour la calotte du crâne. Lorsque le raccord ne se fait pas exactement, les vides sont comblés avec du ciment 3. Souvent les morceaux rajustés ne sont pas fixés avec une cheville, mais simplement collés Les artistes grecs tenaient si peu à dissimuler ce rapiéçage qu'ils ne craignaient pas de sculpter les divers morceaux dans des matières différentes. On connaît les âx.pdalOot [ACROLITaUS] que les sculpteurs ne cessèrent jamais de fabriquer, témoin au ive siècle l'Apollon de Daphné de Bryaxis 10 et, plus tard, les acrolithes de Damopllon de Messène ". lin procédé fréquent était de tailler la tète dans une pierre de qualité supérieure et le reste du corps dans une matière plus commune. Dans les métopes de l'Héraion de Sélinonte 12 la tète, les mains et les pieds des figures féminines sont en marbre blanc, le reste du corps en calcaire. Le plus souvent la qualité seule du marbre diffère, la partie supérieure de la statue étant d'un grain plus fin, par exemple dans la Vénus de Milof3 ou la Déméter du Cnide 1k. La sculpture gréco-égyptienne de l'époque ptolémaïque a rapporté des chevelures de plâtre peint sur des tètes en calcaire ou en marbre 1t. Une fois achevés la taille et l'assemblage de la statue, il reste au sculpteur à ajouter un certain nombre d'accessoires de matière différente. Les yeux 16 sont le plus souvent peints, mais quelquefois, par un procédé emprunté à la technique des bronzes et courant dans la statuaire égyptienne ils sont figurés par une matière étrangère (fig. 6240 et 6241) [OCULARIUS, fig. 5375] : ainsi SCL1 11/5 SC LI les yeux du Moschophore 1 ont été préparés pour une incrustation ; sur la statue de l'Acropole 682 2 les parties rajoutées ont disparu, mais, à l'angle des paupières, on remarque un petit Trou oit s'enfoneait une cheville desl,inée à maintenir une pièce de rapport ; (tans la statue d'Anténor le globe des yeux, serti entre deux feuilles de bronze dentelées pour imiter les cils, est formé d'une pille vitreuse colorée. Ailleurs, des marbres de diverses couleurs 3 ou des pierres précieuses 4 enchâssés dans l'orbite figurent les yeux. Les cils sont souvent représentés par de petites lames de bronze. Les boucles de cheveux sont parfois aussi en bronze (ou en cuivre rouge) 3 ou en plomb 6. Également en bronze, surtout en bronze doré, sont certains objets de parure ou d'armement. Les colliers des corès de l'Acropole qui sont quelquefois taillés dans le marbre, mais le plus souvent peints, sont dans de rares cas rapportés en bronze ; leur présence primitive se reconnaît aux trous de scellement,. Les pendants d'oreilles qui sont, eux aussi, le plus souvent en marbre et peints de vives couleurs (fig. 642), bronze 8. Dans la grande figure d'Athéna de la Gigantomachie ainsi que dans la Niké archaïque de Délos (fig. 631) le pendant d'oreille est fait d'une rondelle de marbre percée au milieu d'un trou qui fixait une rondelle supplémentaire. Les stéphanès de marbre'', par exemple celle de la statue d'Anténor, portent parfois, régulièrement espacés, des trous d'où sortaient de longs et fins boutons de lotus en bronze ; ailleurs, des fleurons d'or sont insérés sur la tranche; dans un cas 10 la couronne elle-mémo était en bronze doré. Enfin, pendant toute la durée de la sculpture grecque, les accessoires tels que armes 11, rênes de chevaux, sceptres 12, même cuirasses 13, ont dû très souvent être en bronze probablement doré. VIII. A ce moment de l'exécution, le sculpteur fixe sur une base la plinthe généralement ménagée à la partie inférieure de la statue (fig. 6227). La hase est fréquemment taillée dans une matière plus commune, ainsi la hase du Moschophore est en calcaire, alors que l ieiivre est en marbre 1Y; quelquefois, les blocs qui la composent ne son! pas de même nature: l'Hermès de Praxitèle a une base dont la partie inférieure est en calcaire bleu noir, la partie supérieureen calcaire blanc" La base peut affecter des formes très diverses 1f ; le plus souvent, c'est un simple rectangle ou un tambour circulaire sur lequel la statue est soit fixée avec des tenons, soit simplement posée ; parfois, en particulier pour les ex-voto, tels que les corès de l'Acropole" ou le Sphinx des Naxiens, à Delphes 13 c'est un pilier carré ou une colonne dùnt la polychromie s'accorde avec celle de la statue 1D ; la Victoire de Paionios deMendé, à Olympie, se dressait sur une haute base triangulaire 90. La base était elle-même souvent ornée de sculptures en relief ; la base d'Ipikartidès trouvée à Délos témoigne de l'ancienneté de cet usage; celles du Taureau l+arnèse22 ou du Nil 23, de sa durée jusqu'à l'époque hellénistique. Ces sculptures figurent parfois des objets rappelant la profession du personnage représenté : c'est ainsi qu'on trouve des instruments de chirurgie sur la base d'une statue probablement dédiée à un chirurgien 21. Mais la base servait surtout à recevoir l'inscription faisant connaître l'auteur de la statue ou les motifs de son érection (fig. 3958, 4082) Z6, inscription parfois assez longue, en certains cas rédigée en vers 26. La signature prenait généralement place'" (fig. 2ii28) sur la face antérieure de la hase, mais on la trouve aussi sur le côté, sur la surface horizontale (à Olympie avant le ive siècle), entre les cannelures de la colonne servant de support (usage archaïque), sur la plinthe (usage tardif), ou même sur des parties de la statue 26. Quant aux statues de fronton 2''', elles étaient souvent fixées au tympan par derrière 30 ; en tout cas, la plinthe à laquelle elles étaient généralement adhérentes 3i était adaptée à la corniche par des chevilles de plomb et des crampons de bronze 32. Les grandes compositions, frises ou frontons, ne sont généralement pas signées ; SCU 1146 -SCU on relève pourtant quelques exceptions : ainsi l'auteur ou un des auteurs de la frise du trésor de Cnide à Delphes a peint sa signature sur le bouclier d'un des géants ' ; on a également déchiffré quelques signatures d'artistes sur la moulure supérieure de la frise du grand autel de Pergame 2. II ne reste plus ensuite au sculpteur qu'à ajouter sur la tête de certaines statues l'accessoire appelé µvn)axoç (fig. 4902) [MENiseos] et à passer son oeuvre au peintre. VIII. LA POLYCHROMIE. Personne ne songe plus maintenant à contester que les statues antiques fussent peintes 3 [PICTURA, p. 466j. A défaut des monuments, les textes seuls seraient assez probants ; Pline rapporte 4 un mot de Praxitèle touchant sa collaboration avec le peintre Nicias; Platon parle de la coloration des yeux ; Plutarque fait allusion 6 aux peintres et doreurs de statues ; Euripide 7 et l'Anthologie palatine 8 mentionnent des bas-reliefs peints. Mais à ceux que les textes, si nombreux et si décisifs fussent-ils, ne réussissaient pas à persuader, des découvertes récentes ont apporté un témoignage irrécusable. Les sculptures archaïques de l'Acropole qui, au moment où elles sont sorties de terre, avaient conservé toute leur vive polychromie, nous permettent d'en étudier le caractère et la disposition. On peut, sans risque, assurer que les premières statues en bois étaient coloriées; non seulement les Grecs primitifs ont dû, comme tous les peuples enfants, aimer les vives couleurs, mais encore il importait d'assurer, par un enduit extérieur, la conservation d'une matière aussi sensible que le bois aux influences atmosphériques. Des inscriptions de Délos 9 nous apprennent, d'ailleurs, qu'au me siècle la statue de bois offerte annuellement à Dionysos était peinte. Nous sommes parfaitement renseignés sur le système de coloration du tuf10. Les couleurs employées dans les grands groupes de l'Acropole sont avant tout le rouge et le bleu; ils ne se pénètrent pas, mais sont étendus par larges plaques nettement séparées. On trouve aussi, mais rarement, le jaune, un brun indéterminé, le noir, le blanc. Il arrive souvent" que les parties nues des personnages sont rouges, les barbes, cheveux, sourcils, bords des paupières et pupilles, noirs ; le globe de l' cil est blanchâtre, jaunâtre ou couleur de la pierre ; dans un cas, l'iris est vert12. Le corps du taureau, dans le groupe du taureau et des lions, est bleu, alors que les lions sont rouges. Le tympan des frontons gardait la teinte naturelle de la pierre ou revêtait une couleur jaune peu différente. La polychromie du tuf était donc" : 1° une polychromie totale, puisque même les nus étaient peints, ce qu'exigeait, d'ailleurs, la mauvaise qualité de la matière dont les trous et les fissures avaient besoin d'être dissimulés'; 2° une polychromie conventionnelle, puisque le rouge et le bleu étaient les couleurs essentielles, ce qui s'explique par la nécessité d'accorder les teintes des statues avec celles de l'architecture environnante. En passant au marbre'', l'artiste grec modifia son système de polychromie. Le marbre est une matière assez belle pour ne pas être cachée sous une couverte; on peut aussi supposer que le goût public, s'affinant, devenait plus sensible à la beauté des formes et à l'harmonie des teintes qu'à la vivacité des couleurs. Dans la coloration des frises il se produit un phénomène analogue à la substitution des figures rouges aux figures noires dans la peinture de vases' 6 ; les « valeurs soutenues n sont réservées au fond qui, dans le trésor des Cnidiens, est bleu 17; les chairs sont sans couleur, seuls les armes et les vêtements sont légèrement coloriés. Sur les statues archaïques de l'Acropole un cinquième seulement de la surface est peintf1; on ne trouve plus de grandes couches uniformes: la couleur se réfugie dans les détails de la tête et sur les bandes brodées des vêtements. Pour la tète, les lèvres sont rouges, les sourcils noirs, les paupières bordées d'un trait noir imitant l'aspect des cils, l'iris de l'oeil, formé d'un cercle rouge ayant pour centre la pupille noire, est limité extérieurement par un fin trait noir ; les boucles d'oreilles et la stéphanè portent des dessins rouges et plus souvent bleus; la chevelure est rouge sauf en deux cas, dont l'un douteux, où elle serait jaune d'ocrer. Les couleurs principales sont donc toujours le rouge et le bleu ; le jaune et l'or sont exceptionnels ; le noir est limité à l'oeil et aux sourcils. Sur le vêtement, la couleur se restreint aux bandes brodées; dans le corps del'étoffe, il n'y a que de rares et petites taches rouges et bleues, mais les bordures inférieure et supérieure et la 1rapuyrt du chiton sont ornées de méandres, points, rubans, toujours en rouge et en bleu (fig. 6239). Pour que les couleurs ne risquent pas de s'étendre, le dessin des ornements était gravé au burin avant l'application de la couleur 20. Ce détail de technique n'est pas particulier aux marbriers SCU 1147 SCU attiques, on le retrouve sur la Niké dite d'Arkhermos et la statue de Kharès 2. Nous connaissons beaucoup moins bien le système polychromique des siècles suivants Nous relevons sur beaucoup de statues des traces de couleur, mais aucune oeuvre en ronde bosse ne nous est parvenue avec sa polychromie complète. C'est ainsi qu'on retrouve des restes de coloris sur les marbres d'Égine 4, la draperie de l'Apollon du fronton occidental du temple d'0lympie', les vêtements des statues du Mausolée d'Halicarnasse', la chevelure et les sandales de l'hermès de Praxitèle 7. Par contre, quelques stèles attiques s ont gardé leurs couleurs, et, grave au sarcophage dit d'Alexandre conservé au musée de Constantinople (fig. 6106), nous pouvons nous représenter une statue peinte du Ive siècle. Les teintes sont très variées, ce sont : le violet, le pourpre, le bleu, le jaune, le rouge carminé, le rouge brun, le bistre (?). La couleur, largement étalée sur les vêtements, n'est employée sur le corps que pour la chevelure brun rouge et les yeux à iris bleu ou brun. Sur les statuettes de terre cuite [r1CLINUM OPUS], dont la polychromie10 imite probablement celle de la grande sculpture, on retrouve les mêmes couleurs et la même disposition ; le rouge et le bleutl sont les teintes de beaucoup les plus fréquentes, et ils sont toujours employés en tons unis; on a également recours à la dorure12. On peul donc penser que la statuaire sur marbre réserva, d'ordinaire, la couleur aux vêtements et à quelques rares parties du corps : cheveux, barbe, yeux, lèvres. Quant aux nusf3 l'on étendait probablement sur eux un glacis très léger et transparent, de teinte uniforme, sans tons rompus ni essai de modelage, ayant pour but de réchauffer le ton du marbre, non de donner l'illusion de la réalité 14. La nature délicate de ce frottis fait qu'il s'est rarement conservé jusqu'à nous ; on ne le reconnaît guère avec certitude, parmi les oeuvres purement grecques, que sur le sarcophage d'Alexandre". Certaines parties, par l'application d'un procédé fréquent pour les statues de bronze, étaient dorées". La dorure devait être souvent refaite; des rîmes pieuses se chargeaient, en échange d'un voeu exaucé, de faire redorer des statues ou des parties de statues". 1X. LE PATINAGE. -La statue peinte, restait à lui faire subir l'opération appelée ttv67clç ou, quelquefois, x6cp.-,clç 18. Cette opération, qui devait se renouveler ets'appliquait aussi bien aux statues de bois ou de pierre qu'aux marbres, aussi bien aux parties nues qu'aux parties vêtues, avait pour but de préserver la fraicheur des couleurs. Pline 19 et Vitruve '-° nous ont décrit le procédé: on prenait de la cire punique21, recommandée comme la plus blanche et la plus pure ; on la faisait fondre et on la mélangeait avec un peu d'huile, également épurée et décolorée; on faisait chauffer le mélange sur des charbons, on l'étendait, puis on frottait avec une chandelle, afin que la dernière opération, le chauffage à sec à l'aide de linges blancs, n'enlevàt pas la cire encore liquide. Des comptes de Délos, datant du me siècle, font allusion à ce procédé, et nous le représentent d'une façon analogue, mais non exactement semblable. Voici, tels que nous les fournissent les inscriptions, ces comptes pour les années Les comptes mentionnent des éponges, du nitre, de l'essence de rose ; il est donc probable que l'on cormneneait par un lavage à l'eau avec des éponges et que, l'huile étant substituée à la cire, il était inutile de faire fondre. On ajoutait de plus un parfum. La rive) ci; ou x60-prlxaç était confiée à des ouvriers appelés xocµrlTai. On peut se faire une idée de leur importance si l'on pense que, pour l'image de Dionysos à Délos, lexo7(a.7•i,ç est plus payé que le sculpteur ou le peintre25 X. LE RELIEF. L'art du relief a suivi la même évolution que la sculpture en ronde bosse; aussi n'avons-nous pas eu besoin de les distinguer dans la plupart des paragraphes précédents. linons suffit donc de relever quelques particularités techniques. La différence essentielle entre la technique ancienne du bas-relief et la technique moderne' est que, dans la seconde, le fond forme une surface unie, les saillies variant de hauteur; dans la première, au contraire, par un héritage de l'art oriental et égyptien, les saillies sont au même niveau et la profondeur du fond est inégale. On commençait par reporter sur la pierre, probablement d'après un modèle dessiné 2, le motif à représenter ; on fixait les contours par des trous de foret plus ou moins rapprochés les uns des autres, et on les réunissait à l'aide du ciseau ; Benndorf3 a retrouvé ces trous de foret sur les métopes de Sélinonte et certaines parties de la frise du Parthénon, On creusait le fond suivant les besoins du modelage. Parfois, dans les oeuvres de prix modeste, les contours ne sont qu'incisés'; ailleurs', et même dans des oeuvres architecturales G, une partie de la représentation est sculptée, le reste est peint. Les artistes grecs ont naturellement commencé par un très bas relief (fig. 3826, 3827), mais assez vite ils se sont risqués à faire saillir les figures et ont appris à faire tourner le modelé (fig. 3828). Le relief du plus ancien fronton attique, celui del'llydre, dépasse rarement 3centimètres ; celui du Fronton Rouge atteint 21 centimètres '. Au fronton occidental de l'llécatompédon, le sculpteur sait déjà détacher les figures et unir dans le Triton le haut-relief à la ronde bosse (maximum du relief : 42 centimètres 3). Cette association du relief et de la ronde bosse se retrouve fréquemment dans la sculpture en marbre, par exemple au fronton du trésor des Cnidiens n, dans des stèles attiques 1', dans la frise du grand autel de Pergame(fig. 3745) Une sorte assez rare de relief est le relief applique, adaptation au marbre d'une technique fréquente pour l'argile. Nous n'en connaissons d'exemple que la frise de l'Ereclithéion; les figures en marbre y étaient fixées sur un fond en calcaire sombre éleusinienu par des tenons les retenant en arrière et en dessous. En outre, là où s'appliquaient les figures, on retrouve sur la pierre éleusinienne une mince couche de stuc ou de ciment qui devait servir à préserver de l'air la jointure". Les reliefs portent quelquefois, comme les vases peints, des inscriptions désignant les personnages. Dans certains Pour quelques particularités techniques destinées à faire mieux saillir le relief, cf. Miclraelis, Der Part/renon, p. 204 ; notons spécialement le procédé qui consiste à cloutier à la partie supérieure dune frise un plus haut relief qu'à la parie inférieure ; c'est ainsi que dans la frise du Parthénon (cf. Miehaelis, O. e. p. 203) le relief, dont la hauteur est de 4 1,2 à 5 centimètres dans la partie inférieure, atteint 5 centimètres 1 / 2 la frise du trésor de._ Cuidien:, /A,ll. coi r /ail/. 1895, p. 589, eei Lu rs détails sont simples ent indiqués au pinceau, I.eehal, Senlpt. p. 85. -8 I ,bal Srnipte an. p. 49. S Perret et Chipiez, L. VIII, p. 366.: la partie inférieure des ligures est en bas-relief, les torses en ronde bosse. 13 Conte, Att Grabrelie/s, reliefs archaïques, tels que les métopes en tuf du trésor des Sicyoniensi4 à Delphes, ces inscriptions sont peintes en lettres noires. A labelle époque on trouve des inscriptions gravées soit à côté de figures allégoriques, telles que la Boulé'. (fig. 872) ou la ville de Kios 16 pour en faciliter l'interprétation, soit à côté de représentations de personnages réels afin de conserver nominalement leur souvenir17. la plastique étrusque" [ETRUSCI] nous possédons surtout des oeuvres en terre cuite [FIGLINUM opus] et des bronzes STATUARIA ARs]. Les statues en pierre ne devaient pas être moins nombreuses, mais presque toutes ont péri; nous sommes plus riches en reliefs. La matière. Les Étrusques ont employé toutes sortes de matières : bois", pierres à petits ou gros grains, tufs calcaires jaunes ou gris, marbres, albâtres, pierres volcaniques. Ils semblent pourtant avoir recherché de préférence les pierres les plus tendres. La taille. Elle se pratiquait probablement de la même façon qu'en Grèce. La sculpture est, en Étrurie, un art d'importation'-', et les artistes grecs y ont sans doute introduit avec eux leurs procédés et leur outillage. L'ajustage.Le rapportage des pièces est constant, en particulier pour les pierres très tendres, telles que le cispo de Chiusi. Les morceaux rapportés s'emboîtent dans des trous ménagés à dessein où ils sont maintenus par des crochets (fig. 2809)2'; l'ouvrier ne prend même pas le soin de dissimuler l'assemblage La polychromie.Les statues de pierre ne nous sont pas parvenues, comme les oeuvres en terre cuite, avec leur polychromie complète. II nous est pourtant possible d'en relever sur elles des traces qui permettent d'assurer l'existence d'un enduit coloré déposé tantôt sur la surface de la pierre, tantôt sur une couche de stuc plus ou moins épaisse22. XII. LA SCULPTURE A ROME. On petit à peine parler de sculpture romaine ; dans ce domaine 22, les seules oeuvres originales ont été les imagines [IMAGINES] de cire moulées par des artistes indigènes2 et conservées dams l'atrium, mais qui n'avaient pas toujours une valeur artistique [cdnA, fig. 1291]. La statuaire proprement dite est grecque; et si Fart romain sut, dans le portrait ou le basrelief historique, trouver les motifs d'une inspiration originale, la technique romaine de la sculpture diffère peu de la technique grecque. Il suffit donc de noter quelques particularités. t. IV, pl, xxrxxr, ; Purot et Chipiez, t. Vlll, p. 375. 15 Sel cirre, Ge. Reliefs, Dumont, Bull. coré. liall. 1878, p. 562; cf. les inscriptions à côté de ligures allé J . Marlha, L'art étrusque, p . 2 9 8 ; Knrte, dans Panay et Wissosra, lleal-lirrrgclo XXXIV, 19 /'lin. Nat. Iris/. XIV, 9 ; XVI, 216. 211 Cf. la légende des (Corinthiens Ekphaulos, Eukliei et L'ugran mie, venus en Elr crie avec D(mararos vers 0l.5 tel. NUI, 2): i'lin. Nat. hist. XXXV, 16 et 152. CC J. Maudis, L'art 21 Cf. par es. la statue de Chiusi : Mieali, Maem, inediti, pl. s. . -; Mar tha, Si Cf. 6larquardt, La rie privée des Romains, t. 11, p. 201 (te. fr). --'. Plan. SCU -11/i9SCU La matière. Les Romains n'ont pas usé des mêmes matières que les Grecs '. Aux marbres grecs ils ont substitué le marbre de Luna (Carrare), et ont également recouru aux marbres de couleur [LAPIDES, SIARMORj et à l'albâtre. Comme les anciens Égyptiens 3, ils ont travaillé les pierres dures : porphyre, basalte, granit, rouge antique'. La taille. Le foret ° continue à jouer un rôle toujours plus grand ; dans les derniers siècles de la sculpture romaine il remplace presque complètement le ciseau, en particulier dans ces bas-reliefs à bon marché que l'on sculptait à la hâte sur les faces des sarcophages. La part du ciseau se trouve aussi resreinte dans le traitement des surfaces planes; le polissage acquiert de plus en plus d'importance et tend à donner au marbre un lustre qui lui enlève tout caractère, mais le fait briller comme de la belle porcelaine Des traces de mise aux points se rencontrant sur diverses statues on peut penser que l'usage de la maquette devient général et que l'on emploie sensiblement les mêmes procédés qu'aujourd'hui. Dans le détail une façon nouvelle de représenter l'uii1 en creusant la pupille apparaît sur les bas-reliefs dès l'époque d'Auguste, et dans la sculpture en ronde bosse au temps d'Hadrien (fig. 1819) 8. L'ajustage. Les Romains ont beaucoup pratiqué une technique analogue à l'ancienne technique des acrolithes, et ont aimé associer des matières de couleurs différentes [ACROErrnus, fig. 68, 69] 9 : ainsi l'Apollon assis du Musée National de Naples, en porphyre rouge, a la tête et les extrémités en marbre blanc 10. La polychromie. L'usage de la polychromie s'est conservé durant toute l'époque romaine11. On peut même conclure d'une tête du Bristish Museum que la coloration des nus devient de plus en plus réaliste t2. La statue de Faustine, femme d'Antonin le Pieux, morte en 141'3, laisse encore voir des traces de dorures` sur la chevelure, et des rehauts de couleur sur la draperie.P ourtant la technique des yeux notée plus haut semble indiquer dans le courant du ne siècle un recul de la polychromie Le relie/'. La technique du relief ne diffère pas de la technique grecque", mais l'usage particulier qu'en ont fait les Romains mérite d'être signalé : ils l'ont surtout appliqué à la décoration des arcs de triomphe et des colonnes triomphales (fig. 179, 488, 4418, 4692) ; or, si tous les éléments de l'arc et de la colonne se retrouvent dans l'art grec, les Romains ont les premiers1e imaginé de les faire servir à la glorification d'empereurs en les couvrant de bas-reliefs commémorant et représentant leurs exploits. Ces modifications sont., on le voit, peu importantes. Elles suffisent cependant pour marquer, en même temps qu'une décadence du goût dans le choix des matières, une tendance, à diminuer, de plus en plus, l'importance artistique de l'exécution technique. C'est qu'indifférents à tout ce que les maures helléniques surent y mettre de personnalité, plus soucieux du sens historique ou moral que de la beauté plastique des oeuvres, les Romains ne trouvaient plus que la part du métier là où les Grecs avaient vu une partie intégrante de l'art. ToR3QcE. Par une rencontre assez curieuse, nous ne sommes pas complètement dépourvus de renseignements sur la condition des sculpteurs dans la Grèce égéenne. On a retrouvé à Cnossos un atelier do lapidairef7 et un atelier de sculpteur 13 ; dans ce dernier était une amphore en pierre simplement dégrossie. Nous avons là la preuve que des groupes de praticiens et d'artistes vivaient et travaillaient dans l'enceinte même du palais 19 sur l'histoire des sculpteurs et des artistes grecs, en général, sont fort pauvres, non que l'antiquité se fût désintéressée d'eux, mais les ouvrages que Xénocratès de Sicyone, Antigonos de Karystos, Douris de Samos, Héliodore d'Athènes, Pasitélès de Naples 3", avaient coinposés soit sur l'histoire de l'art sculptural, soit sur les vies des artistes, ne nous sont accessibles qu'à travers les compilateurs tels que Pline" chez qui il est, souvent difficile de distinguer avec certitude la légende du fait historique. Pourtant, en réunissant ces indications, les renseignements épars dans les divers écrivains`-'' et le témoignage plus sûr des inscriptions, on arrive à se faire SCU 1150 SCU une idée approximative de là condition d'un sculpteur dans la société grecque'. 111. L'APPRENTISSAGE. Un Grec pouvait débuter de différentes façons dans la carrière artistique; le plus souvent il était lui-même fils d'un artiste, et c'était en regardant son père travailler dans son atelier qu'il prenait le goût des choses de l'art. Les familles où l'art se transmet de père en fils par tradition sont très nombreuses dans l'antiquité grecque depuis les temps les plus anciens jusqu'à l'époque gréco-romaine'. Ainsi, à Chios, à la lin du vite et au début du vie siècle, nous connaissons quatre générations successives de sculpteurs Mêlas, père de Mikkiadès, grand-père d'Arkhermos, arrière-grand-père de Boupalos et Athènis3; à Samos, un peu plus tard, Rhoekos et Théodoros sont les fils de deux artistes, Philéas et Téléklès". Aristoklès de Kydonia est père de Kléoetas, lui-même père d'Aristoklèsde Sicyone et du célèbre Kanakhos 5. Au Ive siècle, Praxitèle est le père', probablement le fils et peut-être le petit-fils' de sculpteurs renommés. Plus tard encore, au ne siècle, Polyklès d'Athènes est père, grand-père, arrière-grandpère de sculpteurs'. Lorsqu'un jeune homme, sans appartenir lui-même à une famille d'artistes, avait le goût de la sculpture, il entrait dans un atelier. Les grands artistes avaient toujours autour d'eux un certain nombre d'élèves qu'ils initiaient aux difficultés du métier et sur lesquels ils se déchargeaient sans doute des travaux les moins délicats. Pour devenir l'élève d'un grand artiste il devait falloir une certaine fortune; nous n'avons aucun renseignement sur ce que pouvait coûter un apprentissage de sculpteur, mais Pline nous dit10 que le peintre Pamphilos de Sicyone exigeait un talent pour l'éducation complète, soit 500 deniers -par an (ce qui fait durer l'apprentissage environ dix ans). C'était là une grosse somme" ; aussi les jeunes gens pauvres étaient-ils forcés de débuter comme simples ouvriers; ainsi fit, dit-on, Lysippe 12. Quelle était l'éducation du jeune homme admis dans un atelier de sculpture? Dans l'atelier même il est probable que le maître lui donnait surtout une éducation de praticien, lui apprenant à choisir les marbres, à manier le ciseau, à ajuster délicatement les diverses parties i3. Quant à la connaissance de la nature, ce n'était pas dans l'atelier qu'il l'acquérait, mais au dehors. L'étude de l'être vivant et l'application à le reproduire aussi exactement que possible ne se développèrent que peu à peu dans l'art grec ; les naïvetés et les erreurs des oeuvres primitives et archaïques montrent assez quelle part tenaient, dans la conception du corps humain, d'anciennes traditions transmises et acceptées au même titre que les procédés techniques. Ce fut, on l'a bien souvent remarqué gràce au développement des grands jeux et des exercices gymniques que les sculpteurs grecs, ayant souvent l'occasion de voir des corps nus, prirent l'habitude d'en observer le détail et acquirent une certaine science de l'anatomie humaihe. Il faut donc se représenter l'apprenti sculpteur allant souvent à la palestre contempler les exercices des jeunes gens, se rendant même parfois à Olympie ou à Delphes pour étudier en leur plein déploiement le jeu des forces athlétiques. Quant à l'usage d'un modèle vivant posant devant l'artiste ", il ne semble pas avoir existé pour les corps d'hommes"; on a seulement relevé dans les textes littéraires quelques allusions à des hétaïres posant comme modèles 17. Mais, à mesure que les chefs-d'oeuvre s'accumulèrent et que, d'autre part, le goût de l'observation minutieuse et précise se développa, une pareille méthode devint impossible. Les artistes archaïques avaient sans doute une sorte de canon, puisqu'à distance Théodoros et Téléklès purent fondre les deux moitiés d'une statue et les rapporter ensuite exactement ", mais ce canon n'avait pas de rigueur absolue. Lorsqu'il exista des chefsd'oeuvre classiques, l'étude s'en imposa sans doute dans les ateliers, et les jeunes sculpteurs durent étudier théoriquement les oeuvres des grands maîtres et, à l'occasion, leurs écrits pour acquérir une connaissance exacte du canon de Polyclète" ou, plus tard, du canon de Lysippe20. Cette étude des chefs-d'oeuvre fut, au Ive siècle, rendue plus aisée dans toutes les parties du monde grec, lorsque Lysistratos de Sicyone, frère de Lysippe, inventa le moulage des statues". L'art grec, d'ailleurs, n'en poursuivit pas moins l'étude précise de la nature ; une autre découverte de Lysistratos, celle du moulage sur le vif, dut même introduire dans l'éduea SCU 1151 SCU Gon artistique l'habitude de recourir souvent aux empreintes réalistes obtenues par ce procédé. Enfin an temps des premiers Ptolémées, les médecins Hérophilos et Erasistratos pratiquent la dissection ' ; on peut supposer que l'anatomie prit alors place dans l'emploi du temps des apprentis sculpteurs. Le. goût pour l'observation minutieuse de la réalité devint même si vif que Pasitelès risqua sa vie, si l'on en croit une anecdote 2, à examiner de trop près un lion. Mais au futur artiste ne suffisait souvent pas l'enseignement donné par un seul maître: parfois il voulait, en même temps que sculpteur, devenir peintre 3 ou architecte, et avait à mener de front, dans des ateliers différents, ces diverses études. C'est ainsi que Callimaque'' et Euphranor' furent peintres et sculpteurs; Polyclète' le Jeune et Scopas sculpteurs et architectes ; Eu tykb ides de Sicyone, à la fois peintre, statuaire (c'est-à-dire bronzier) et sculpteurs; d'autres, comme Pythagoras de Rhégion9 et Phidiasf0, s'adonnèrent successivement à la peinture et à la sculpture. D'autre part, les études générales ne devaient pas être négligées, aussi bien le dessin", l'arithmétique et la géométrie dont le rapport à l'art sculptural s'aperçoit immédiatement, que les lettres; les poètes, Homère surtout, chez qui les artistes allaient si souvent chercher les motifs de leurs créations, devaient être l'objet d'une affection particulière. Il faut ajouter comme complément de l'éducation les voyages"; lorsqu'un sculpteur était appelé à l'étranger, il partait avec tout son atelier, et c'était là pour les élèves non seulement une occasion de faire connaissance avec les oeuvres et les procédés des autres écoles, mais encore de se familiariser avec toutes les formes de la vie grecque et d'acquérir ainsi la notion et le sentiment du panhellénisme. pteur est fini ; lui-même est devenu le collaborateur attitré de son père dans l'atelier familial, ou en a fondé un nouveau, parfois avec l'aide d'un associé ". Quelle place tient-il dans la cité et la société grecques? Pour se représenter exactement la condition politique du sculpteur, il faut : 1° se rappeler que les anciens n'ont pas nettement distingué, à la façon moderne, entre l'art et le métier; pour eux tout sculpteur fait partie de la gagnent leur vie avec le travail de leurs mains ; 2° ne pas confondre les époques et les régions. Primitivement, l'ouvrier manuel semble avoir été très méprisé dans toute la Grèce'', excepté pourtant à Corinthe et à Sicyone "; mais de bonne heure la plupart des cités s'affranchirent de ce préjugé : de ce nombre fut Athènes, témoin la loi contre l'oisiveté, attribuée à Solon 18, qui forçait tout Athénien à indiquer ses moyens de subsistance; il n'y avait donc là aucun empêchement légal à ce qu'un sculpteur fût citoyen et occupât des fonctions politiques. Dans quelques cités i7, au contraire, en particulier à Sparte 73, il resta sévèrement interdit à tout citoyen de gagner de l'argent par un métier manuel; la pratique de la sculpture y fut donc nécessairement réservée aux périèques et aux étrangers. Si, en fait, on recherche à quelle classe sociale ont appartenu les sculpteurs sur la personne de qui nous avons des renseignements, on constate que les sculpteurs illustres semblent presque toujours avoir été citoyens, soit que leur famille fût originaire de la ville où ils exerçaient leur art, soit qu'étrangers ils fussent venus s'y établir et que le droit de cité leur eût été accordé en récompense de leurs travauxf2, Quant aux artistes plus obscurs, ils paraissent s'être répartis presque également entre les métèques et les citoyens; si l'on admet qu'à Athènes l'inscription de l'Erechtheion 21 indique une proportion exacte pour l'ensemble de la cité, on constate que, sur huit sculpteurs, cinq sont métèques et trois citoyens21. On peut en conclure que, sauf à Sparte et dans quelques autres villes, l'état de sculpteur fut un des plus considérés et de ceux que les citoyens abandonnaient le moins volontiers aux étrangers'. Au ne et au it° siècle des inscriptions (le Rhodes23 nous montrentl'Eatôa(t.la [EPIDAMIAj accordée à un grand nombre de sculpteurs pour la plupart peu connus; cette faveur les mettait probablement au-dessus des simples métèques et facilitait à leurs descendants l'assimilation complète aux citoyens 24. généralement assez riches; c'est, du moins, ce qu'on peut conclure d'un passage d'Aristote : les artisans rie pour SCU 11 52 SCU raient être citoyens, dit le philosophe, que dans une démocratie ou une oligarchie qui prend pour base la fortune, car beaucoup d'entre eux sont riches'. Fin décret (le 326/52 nous montre le sculpteur Képhisodotos, fils de Praxitèle, remplissant les fonctions de triérarque, ce qui supposait une certaine fortune. Quelques documents qui nous renseignent exactement sur le prix des oeuvres plastiques, nous le montrent, en effet, assez élevé'. L'inscription de l'Èrechtheion indique comme valeur moyenne d'une figure d'homme ou de cheval 60 drachmes; mais il s'agit ici de reliefs et les auteurs sont probablement de simples praticiens. L'inscription d'iipidaure, au début du Ive siècle, donne des chiffres plus considérables" acrotères de l'un des frontons, c'est-à-dire trois figures: 2240 drachmes; acrotères de l'autre fronton : également 22110 drachmes ; statues de l'un fi des frontons : 3010 drachmes. On obtient ainsi pour un acrotère environ 720 drachmes, et pour chaque figure de fronton, si l'on en admet neuf suivant la restauration de MM. Defrasse et Lechat°, environ 334 drachmes. Cette différence n'étonnera pas si l'on songe que les acrotères étaient souvent des figures ailées montées sur un cheval ou un char et que le prix indiqué pour eux comprend probablement aussi celui des TÛ7cot (dessins ou maquettes) ; car il s'agit, pour les figures de frontons, de praticiens, et, au prix de ces dernières, il faut ajouter les 900 drachmes données à Timothéos, un véritable artiste pour les Ttl71ot. A une époque un peu postérieure, un mot de Diogène le Cynique, rapporté par Diogène Laerce9, nous apprend qu'une statue se payait 3000 drachmes. Des inscriptions de Délos (me siècle) nous renseignent sur la somme que touchaient des artistes infiniment plus humbles, de modestes sculpteurs sur bois. Une statue de Dionysos est payée 25 drachmes à l'artiste Sarpédon 10; ailleurs, le prix est encore moins élevé ; la matière première est évaluée bien plus cher que le travail du sculpteur, lui-même moins rétribué que le peintre ou le xo rp.oy ç. Voici, par exemple, les chiffres recueillis dans diverses inscriptions du 111e siècle" : Mais il s'agit là d'oeuvres, sans aucune prétention artistique, destinées à figurer un jour dans une procession. Les sculpteurs semblent donc, à l'époque classique et dans la majorité des cités, avoir pris part à la vie politique et sociale dans la même mesure que les autres citoyens. Nous avons vu, au Iv' siècle, Képhisodotos triél'arque; auve Phidias est directeur des travaux de l'Acropole"; au ne EHbotllidès, fils d'Eukheir, est proxène des Delphiens et épi mélitte à Athènes'`. On a même pour les artistes des indulgences particulières: c'est ainsi qu'à l'exemple de Ba thyclès de Magnésie figurant lelo:oçdeses ouvriers sur le trône d'Apollon Amycléen", plusieurs artistes furent autorisés à consacrer leur propre image à côté des statues divines exécutées par eux pour des templest6. Les étrangers n'étaient pas moins bien traités que les indigènes; les cités, soucieuses de s'embellir grfce à l'aide d'artistes illustres, les attiraient par l'institution de concours 17 et l'octroi de certains avantages ", eL les retenaient par des honneurs divers dont le principal était l'attribution du titre de citoyen. La réception de Phidias par les );léens, l'installation de son atelier dans la salle d'apparat des théocoles 18, peuvent donner une idée de l'accueil fait par les cités aux artistes étrangers. II arrivait même parfois qu'on leur laissât prendre une grande influence : témoin l'ascendant exercé à Sicyone par Dipoinos et Skyllis'BouàPhigalie par Onatas d'Égine20 D'autre part, les familles les plus illustres d'Athènes ne craignent pas de s'allier à des familles d'artistes; c'est ainsi que Phocion, élu quarante-cinq fois stratège, épouse la soeur de Képhisodotos21. Un coup d'oeil jeté dans l'atelier 22 permet de pénétrer dans la vie quotidienne du sculpteur grec. Quelques monuments, en particulier des pierres gravées, nous montrent l'artiste à l'oeuvre ': il est généralement assis sur un escabeau placé devant l'objet à sculpter (fig. 3813, 6225); pour manier plus librement le ciseau, il ne garde que sa tunique ; ou bien, n'ayant que son vétementde dessus, il le laisse glisser jusqu'à la taille de façon àdégager la partie supérieure du corps. Mais l'atelier de l'artiste n'est pas seulement le lieu où il travaille; il y reçoit des visites (fig. 6243) et, en certains jours,yconvie toute la cité. Dans les Mémorables' de Xénophon, Socrate vient s'entretenir dans son atelier avec le sculpteur Cliton ; on peut donc penser que les portes s'en ouvrent volontiers aux causeurs et aux curieux 26. C'est là aussi que l'artiste expose au public ses oeuvres une fois terminées; ces expositions étaient sans doute très fréquentées et, lorsqu'il s'agissait d'un grand artiste comme Phidias, elles entraînaient jusqu'aux femmes libres hors du gynécée". Généralement, l'exposition était gratuite, témoin le surnom inju VIII. 145 SCU 1153 SCU rieux que s'attira l'Hélène de Zeuxis '. Le profit qu'en tirait l'artiste, c'était de connaître l'opinion libre et spontanée du public en face de son oeuvre etdepouvoir, à l'occasion, y apporter les corrections qui lui étaient suggérées. Beaucoup, sans doute, faisaient comme Phidias' et se cachaient derrière la porte pour saisir le jugement des visiteurs dans toute sa sincérité. Cette adoption des artistes par la société grecque ne fut pas sans soulever des protestations. Platon, dans les Lois relègue l'artiste, qu'il ne distingue pas de l'artisan, au lias de l'édifice social: si un citoyen, déclare-t-il, veut sortir de son cadre et devenir artisan, que les astynomes le réprimandent; car l'occupation essentielle d'un citoyen est de s'occuper de la vertu et. de l'État. Quant à l'art, il ne doit pas être supprimé, mais réglementé comme un travail manuel °. Pour Aristote une cité bien gouvernée ne peut admettre les travailleurs manuels, par suite les artistes, comme citoyens, car le citoyen ne doit s'adonner qu'à la vertu, toute autre préoccupation le dégrade en lui enlevant le loisir nécessaire à l'acquisition de la vertu et à la pratique de la politique. Mais ce sont là opinions de philosophes préoccupés d'assurer l'unité de leur système; ce qui dégrade l'artiste aux yeux de Platon et d'Aristote, c'est qu'ils y voient un homme : 1° chez qui l'élaboration passionnée de l'oeuvre trouble l'harmonie intérieure de l'àme; 2° et surtout, suivant l'idée spartiate, qui fait un travail manuel en vue d'un salaire. De plus, le résultat de l'oeuvre d'art est souvent d'exciter les passions de ceux qui la contemplent ; pourtant, Platon' lui-même ne peut nier la vertu éducatrice et le rôle politique de certaines oeuvres, et Aristote qui interdit les peintures de Pauson, autorise celles de Polygnote. Quant à l'opinion publique, elle refusa de sanctionner cette condamnation sévère et tint à en excepter au moins les grands artistes : la preuve en est le jugement plus mesuré d'Isocrate déclarant qu'on ne peut comparer Phidias à un coroplaste, ni Zeuxis ou Parrhasios à des peintres d'ex-voto a. dans la personnalité des artistes, n'eût justifié leur exclusion de la cité. Ni leur culture ni leur caractère ne les mettaient au-dessous des autres citoyens. Les sculpteurs, qui allaient chercher les sujets de leurs oeuvres dans des légendes parfois peu connues, devaient être familiers avec la littérature nationale, tout au moins avec les grands chefs-d'oeuvre poétiques; une tradition~, fort suspecte il est vrai, rapporte que Phidias s'était inspiré de trois vers de l'Iliade pour concevoir son Zeus Olympien. Les artistes eux-mêmes se faisaient parfois, de praticiens, théoriciens; dans les villes où l'étude du dessin ou de la peinture faisait partie de l'éducation libérale, il est probable qu'ils devenaient souvent professeurs d'éphèbesf0; le sculpteur Xénocratès de Sicyone" avait fait l'histoire technique de la statuaire; Polyclète12 écrivit sur les proportions du corps humain ; Euphranor, peintre et sculpteur, composa des volumes sur la symétrie et les couleurs 13 ; au me siècle, le sculpteur Antigonos deKarystos''` posséda une culture très variée : non seulement, il semble avoir écrit sur son art, mais encore il composa une 'IX'70pi6V 7rapŒ é 1uiv auvay(0)? et des biographies de philosophes. Même à Home la tradition ne se perdit pas, et Varron louait fort, parait-il, les cinq volumes écrits par Pasitélès sur les chefs-d'oeuvre du monde entier'. Les inscriptions, en particulier les signatures d'artistes'0, nous apportent sur le caractère des sculpteurs des renseignements d'une authenticité certaine ". La signature d'un sculpteur comprend d'ordinaire son nom, indiqué d'une façon plus ou moins complète 'a, et un mot, verbe ou, plus rarement, substantif'', indiquant que le monument est l'oeuvre du sculpteur en question (fig. 4082). Ce qu'on reinarquetovant tout dans les signatures, c'est le souci qu'a l'auteur de se rattacher à une tradition artistique; il éclate naïvement dans la signature de deux Argiens du vie siècle, Eutélidas et Khrysothémis, qui déclarent tenir leur art de leurs devanciers20; on le SCU 11544 SCU La condition politique. Un premier point frappe SCU 1155 SCU lèges de marntorarii [laAnmonAnlusl et, pratiquement, il ne devait guère y avoir grande différence, à Rome, entre la condition du marbrier et celle du sculpteur. La fortune. De même que le prestige attaché au titre de citoyen romain, manquait aux artistes celui que donne la fortune. Que demandait-on, en effet, à un sculpteur? Avant tout les statues dressées pour des motifs politiques soit à Rome, soit en province' ; or cette habitude d'élever des statues à un très grand nombre de magistrats et de fonctionnaires entraînait la nécessité d'une fabrication plus rapide que soignée2. Le goût des empereurs romains pour les grandes constructions triomphales, arcs et colonnes, dans l'exécution desquelles ne pouvait se faire jour la personnalité des nombreux ouvriers employés, aboutissait au même résultat. Quant aux amateurs, lorsqu'ils étaient riches, ils achetaient des oeuvres grecques authentiques; lorsqu'ils ne le pouvaient pas, ils se contentaient de répliques ; mais, sauf lorsqu'il leur fallait un portrait, ils ne recherchaient guère les oeuvres d'une inspiration originale '. A l'artiste créateur succédèrent donc le praticien et le copiste. La conséquence économique fut que les sculpteurs ne purent se faire rétribuer comme de véritables artistes. lls avaient, en outre, à lutter contre une très forte concurrence, et le travail servile, en particulier, nuisait beaucoup au travail libre. Si Arcésilas exigea 1000000 de sesterces pour une statue de la Félicité et 1 talent pour le modèle d'un cratère en gypse', ces prix extraordinaires sont dûs à un engouement passager pour l'artiste grec. Mais le prix courant d'une statue semble avoir baissé, surtout si l'on songe aux habitudes de la prodigalité romaine ; de 3000 drachmes sous Alexandre, il tombe sous Hadrien à 500 ou 1000 5 ; le chiffre de 8000 sesterces indiqué par une inscription du midi de l'Espagne 6 comprend toute une parure de bijoux; la somme la plus forte relevée par Friedlànder est 16000 sesterces'. Aussi, certains ne se contentaientils pas d'être sculpteurs, et ajoutaient-ils à ce métier celui, peut-être plus lucratif, de restaurateurs de statues et de courtiers en oeuvres d'art : tel ce C. Avanius Euander, Grec d'Athènes, ancien esclave, qui refit une tête pour l'Artémis de Timothéos et vendit des statues à Cicéron 8. Ainsi ne s'attachaient aux artistes ni le mérite de la beauté réalisée ni celui de la fortune acquise ; c'étaient de simples industriels le plus souvent fort modestes, presque toujours des étrangers ou des esclaves récemment affranchis. L'opinion. Ces circonstances expliquent la dureté des jugements émis sur eux parles écrivains latins alors même que se fut développé le goût de l'art et de la critique d'art 9. La pensée romaine resta toujours celle qui est exprimée dans les fameux vers de Virgile 10. «On ne me décidera jamais, dit Sénèque ", à placer au nombre des arts libéraux ni 1a peinture, ni la statuaire, ni la sculpture, ni tous ces métiers qui se mettent au service du luxe n; et ailleurs": « Tout en adorant les idoles on méprise ceux qui les façonnent ». Cette idée se répand si bien qu'elle modifie la conception grecque chez les Grecs eux-mêmes. AuIve siècle, le jeune Hippocrate de Platon13 rougissait de devenir sophiste à l'école de Protagoras, mais acceptait de devenir statuaire à celle de Phidias ou de Polyclète ; Plutarque déclare qu'après avoir contemplé le Zeus Olympien ou la Héra d'Argos aucun jeune homme bien né ne désirera devenir ni Phidias ni Polyclète, car une oeuvre peut être agréable sans que l'ouvrier soit digne d'estime". Ce préjugé contre l'artiste s'exprime mieux encore dans le Songe de Lucien : « Suppose même que tu sois Phidias ou Polyclète et que tu fasses de nombreux chefs-d'oeuvre, dit l'Éducation libérale (Ilatôs(x) au jeune homme, tous admireront ton art, mais personne de sensé ne souhaitera te ressembler ; car tu seras toujoursconsidéré comme un artisan et un ouvrier manuel, et l'on dira que tu gagnes la vie avec tes mains 1s. » Quelques lignes plus haut, il est vrai, la Sculpture (`Epp.oynuVlxrfi TEwrl) a déclaré que Phi(lias, Polyclète, Myron, sont adorés comme des dieux 16, et Galien17, àla même époque, partageait les arts et les métiers en deux classes: d'une part ceux qui fatiguent le corps et qu'on appelle manuels ; de l'autre les professions augustes et intellectuelles: médecine, rhétorique, musique, géométrie, auxquelles il ajoute la peinture et la. sculpture qui occupent les mains sans demander un grand emploi de la force physique. Chez certains esprits, les idées romaines n'avaient donc pas complètement éliminé l'ancienne conception grecque; il n'en est pas moins vrai SCU 1156 SCy que les paroles de l'Éducation libérale concordent trop bien avec le jugement de Plutarque et des écri vains latins pour ne pas exprimer une opinion courante alors en Grèce et, à plus forte raison, en Italie. CHARLES DuGAS.