Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SELLA

SELLA. Ce mot, contraction de sedula, tirée de sedeo, comme sedile, sella, désigne, en général, un siège et comporte autant de variétés de sens que le grec Ëôpa. La plupart des types de sièges en Grèce ont déjà été décrits à CATHEDRA, ainsi que divers types romains; d'autres seront étudiés à soLluM; restent à voir ici ceux que désignait plus spécialement le terme sella, seul ou précisé par une épithète. Le thronus était un salivas habituellement à dossier et bras ; la cathedra avait un dossier sans bras; la sella n'avait ni dossier ni bras. C'était la forme de siège la plus commune, employée, dans toutes les classes, par hommes et femmes'. Nue ou ornementée, mais jamais tapissée, on la couvrait d'un coussin [puLviNus] avant d'y prendre place. La sella gestatoria ou chaise à porteurs, dans laquelle on se tenait assis, s'oppose à la LECTICA, où l'on s'étendait, et il a été traité des deux à la fois. Pour la sella familiarica ou pertusa, voir LATRINA, p. 988; pour les sièges de bain, BALNEUM, fig. 768. On appelait parfois sella le siège du cocher dans son char2 [cunnus] ; mais, en pratique, le mot s'appliquait le plus fréquemment au siège officiel de plusieurs magistrats romains, sous le nom de sella curulis. De ce dernier mot, l'étymologie la plus vraisemblable est. celle que Gavius Rassuse tire précisément de currus 4. La disposition des villes anciennes ne permettait pas à tous de circuler librement en voiture dans les rues; les magistrats en avaient le droit dans certaines cérémonies; à l'origine ils jouissaient probablement sans restriction de cette prérogative. Entre toutes les attributions du pouvoir, la plus essentielle était.la fonction de justice. Or elle restait attachée à la personne, non à un lieu déterminé; d'autre part, le magistrat agissant comme juge se plaçait toujours dans un endroit élevé sur une estrade rSUGGESTUS, TRIBUNAL', et il officiait assis". Sur l'estrade on posait la sella'; tribunal et sella, d'après les textes, paraissent aller nécessairement ensemble; cela fait antithèse à la formule de piano. Le magistrat a le droit de procéder assis à toutes les affaires qui le comportent, telles que l'administration de la justice, la levée des troupes 7, la prise des auspices; peut-être même étaitce une obligation, à peine de nullité. Le caractère symbolique de la sella du magistrat tient à celui de la position assise: on est en devoir de la quitter et de se lever en présence d'un homme plus âgé ou honorée. Le public agissait ainsi quand le magistrat faisait son entrée dans l'amphithéàtre, pendant les jeux'. A César dictateur fut conféré en 708 le droit de s'asseoir sur la sella curulis dans la curie, à côté des consuls10; en 710 celui de s'en servir en tous lieux". On l'accusa d'ailleurs de prétendre au pouvoir royal, quand il refusa de selever devant le Sénat1". Les empereurs témoignaient de leur autorité en s'asseyant entre les consuls. Ainsi le magistrat avait toute liberté pour le choix du lieu où il rendrait la justice, et son siège lui était nécessaire, d'où la forme de la sella, siège pliant, facile à emporter et pouvant suivre le dignitaire, comme la hache et les verges; et il n'est pas besoin de faire fond sur la tradition " 3 d'après laquelle ces altae curules auraient été introduites, pour la première fois, à Vétulonie par Tarquin l'Ancien, qui les emprunta aux Étrusques.. Les rois ont dû se servir du soLIUM (epdvoç) à dossier 14 ; on retira le trône et le char aux magistrats de la République, héritiers de leurs attributions; mais le nom de curulis resta au siège du magistrat le plus élevé, en tant que juge; puis, même après avoir perdu toute juridiction sur la capitale, les consuls gardèrent et le tribunal et la sella ; tous deux se rencontrent plus tard, à titre isolé de simple distinction, en dehors de toute idée de juridiction. La sella curulis était toujours carrée'", probablement en ivoire 16 et d'habitude soutenue par des pieds recourbés de hauteur sans doute variable. La forme en a pu être plus simple quand ce siège servait hors de Rome SEL -11 80 -SEL et dans les camps. Les monuments nous montrent, en effet, deux t"lsee: tantôt chaque paire de pieds est en deux branches incurvées enmme des tenailles, suivant le modèle gravé au revers de nombreuses monnaies , notamment d'une monnaie de Cyrène (fer siècle av.-J.-C.), au nom de L. Lollius ; on a retrouvé un spécimen de cette variété (fig. 6288) dans les fouilles de Pompéi 2 ; tantôt le pliant est constitué de deux séries de bâtons parallèles et tout droits, reliées l'une à l'autre, de façon à basculer librement, au milieu de la longueur des bâtons, à la façon des ciseaux. Tel est le type d'une autre monnaie de la même province, un peu plus tardive d'après le style 3 ; il est exactementreproduit(ffg.6289) sur une pierre tombale du musée d'Avignon qui laisse voir le coussin supérieur maintenu par des courroies; le fond était d'ordinaire tressé, donc à jour 6. C'est à cette variété de sella curulis qu'il convient, selon toute vraisemblance, de rattacher la sella castrensiS qui était placée pour le général en chef 2 sur le tribu nal, d'où il prononçait ordinairement tolites ses harangues 1. La possession de ce siège entraînait les qualificatifs de magistrales curulis 8, honni" curulis 9; elle allait de pair avec celle des faisceaux et se trouvait dévolue à tous ceux qu'accompagnaient des licteurs : le roi (indépendamrneut du soliunf), l'interroi 10, tous les magistrats pourvus de l'imperiuin consulaire ou prétorien, consuls", préteurs 12, décemvirs et tribuns de cette espèce t3, proconsuls, propréteurs l'", dictateur: l'elogium de M. Valerius mentionne qu'il eut dans le cirque une chaise curule d'honneur'; de son vivantJules César reçut une sella aurea et une couronne 1U; elles sont gravées sur une monnaie à la légende : Caesar die. per 17. Ajoutons encore le magister equituln enfin les édiles curules [AErm,ES, p. 96] 10. Pour le praefectus Urbi, qui n'est qu'un représentant, nous n'avons pas de renseignement positif : il semble pourtant qu'on puisse, dans l'affirmative, se prévaloir d'une monnaie18. Dépourvu de licteurs et de pouvoirs judiciaires, le censeur avait toutefois, au moins à partir d'une certaine époque, le siège curule 21 ; mais il faut exclure de la série tons les magistrats inférieurs. On y ajoutera, en revanche, les magistrats municipaux, parce qu'ils ont les faisceaux : tel le quatuorvir d'A_vignon22 et un duumvir jure dieundo de Nuceria2:1 Parmi les prêtres, seul le llamen Dialis a la sella curais, parce quil est investi de tous les hon neurs de la plus haute magistrature. Les présidents de jeux, en principe, ne jouissaient pas de cette prérogative 31 ; c'est à un autre titre qu'on la conféra, pour les jeux de 714, au triumvir Antoine et à son collègue Octave (fig. 6290) 25, Il y a là peut-être un de ces exemples de faveurs exceptionnelles, qui font qu'on voit, en 37 8 apr. J.-C., Ptolémée, roi de Maurétanie, assis sur une sella curulis26, comme la République en avait accordé une à Eumène de Pergame De par les nombreuses magistratures accumulées sur leur tête, les empereurs ont dû avoir de tout temps le droit de paraître en tous lieux assis sur un siège 27 ; mais bientôt ils n'usent plus de faisceaux et négligent de venir au Sénat. Ils prenaient place aussi, dans les solennités, sur le siège spécial appelé sella aurea [ISIPE RATOR, p. 426], qui ne différait pas par sa construction de la sella curulis (fig. 6291) 38. A défaut de la curulis, d'autres magistrats avaient du moins une sella. Le questeur, en particulier, remplissait à l'aerariuin des fonctions pour lesquelles il (levait être assis; mais elles étaient attachées au temple de Saturne; il n'avait donc pas besoin de siège portatif; aussi sa sella, également sans dossier, reposait sur quatre pieds droits non échancrés et ne se repliant pas [QUAES'i'OiO . Tous Ies questeurs, urbains et provinciaux, étaient à ce point de vue sur le mème rang, et aussi les proquesteurs 30; de même tous les présidents de tribunaux, civils et criminels, n'ayant SEL 1 181 SEL pas droit à la eurulis. Enfin les magistrats plébéiens ont le subselliunt, siège plus bas, servant à plusieurs L'ornementation des sellae est allée se développant, s'exagérant; on en a l'indication par les diptyques du Bas-Empire dont il a été donné ailleurs des exemples tCONSLL, p. 1476 et s.] 2. Les griffes et tètes de lions ont été introduites dans ce mobilier sous l'influence d'idées chrétiennes. V1creR CHABOT.