SERA. Sous ce nom dont le sens propre est, en latin, barre de clôture, verrou, nous réunissons ici ce qui
VIII.
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concerne les serrures, les clés, et, en général, tout mécanisme inventé pour assujettir les battants de portes, armoires, coffres et autres meubles qui doivent être soigneusement fermés.
1. Gnècm,. Le moyen le plus simple et sans doute le plus ancien dont les Grecs aient usé pour fixer les battants d'une porte nous est indiqué dans l'lfitute. Plusieurs portes du camp des Achéens se fermaient, par un verrou long, ti.axpb; iyESç', analogue à l'Erztlt:nrç de sapin qui barrait celle du campement d'Achille 2 et que le poète appelle indifféremment x):'fça ou ôye6ç`. On peut rapprocher de ce verrou colossal, à la manoeuvre duquel trois hommes étaient nécessaires, ceux qui étaient en usage à Troie et à Tirynthe. Une poutrelle ronde glissait dans deux trous cylindriques pratiqués dans les jambages à mi-hauteur de la porte. Pour ouvrir on faisait rentrer cette poutrelle dans le mur d'enceinte à travers un des jambages percé à jour'. Au trésor d'Atrée, en arrière de la porte etàun tiers environ de sa hauteur totale, deux cavités ovales ménagées dans le mur en l'ace l'une de l'autre recevaient un verrou horizontal'. Chacun des montants de la Porte des Lions présente aussi, à une certaine distance de la feuillure, deux cavités rectangulaires, situées l'une au-dessus de l'autre et oit s'encastraient des verrous'. Une disposition analogue se rencontre dans l'lléroon deGjülbaschi-Trysa. Deux cavités rectangulaires de 0 m. 07 de côté se font vis-à-vis sur la face intérieure des montants, à 1 ln. 3i du seuil. Leur profondeur n'est que de 4 à 5 centimètres. Il n'y a pas d'entrées permettant d'y introduire les deux extrémités d'une barre d'un seul tenant. C'est pourquoi MM. Benndorf et Nieui)n supposent que ce verrou était composé de deux pièces qu'un engageait séparément dans les gâches et qui se réunissaient vers le milieu (le la porte par un assemblage à mi-bois consolidé au moyen d'une clavette'. À l'appui de leur reconstruction, ils citent un passage de l'Iliade où est décrite la porte principale du camps. Le système qu'ils proposent et qui a reçu l'approbation de M. Diois t", était certainement connu des Grecs, car plusieurs des commentateurs anciens d'Hornère entendent le mot
~a'gpol3o_» de la même façon 1l, Mais ile l'inconvénient. d'être moins résistant qu'une poutre d'une seule pièce. En fait, la porte par où entre Hector, plus grande que les autres, devait avoir deux verrous. On les tirait sans doute en sens inverse, et une cheville verticale les rendait solidaires 12.
Ce premier système très simple de fermeture au moyen d'une poutre horizontale, pénétrant de part et d'autre dans les montants de la porte, fut en usage depuis les temps mycéniens jusqu'à l'époque classique. Sa solidité le recommande pour les clôtures d'enceintes. Quelquefois pourtant on l'a jugé insuffisant et on lui a adjoint un verrou vertical se fixant dans le seuil. Une gàclre de
puis à l'état
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0 1n. 375 de long sur 0 m.30 de large est creusée au milieu de celui de la Porte des Lions 1. Le verrou vertical se trouve déjà dans les palais crétois. A Cnossos, on voit dans le sol, en arrière de la grande porte de l'ouest qui donne accès au palais par le «Corridor de la Procession », une gâche de0m.1)59 X0,031'). A Phaestos, le seuil d'une grande porte qui séparait la grande cour du quartier privé présente toute une série de trous rectangulaires où devaient s'engager des verrous La porte du nord, dans le « sanctuaire des doubles haches », à Cnossos, avait deux battants. La gâche unique est située dans la partie gauche du seuil. Le verrou était fixé sur le vantail de droite qui était plus large que celui de gauche et se rabattait sur lui Dans une porte de la « Villa royale », au contraire, le battant de droite, fixé par l'unique verrou, joue le rôle de dormant. L'autre se fermait, sans doute, au moyen d'un verrou horizontal. Ce verrou horizontal devait être d'un usage très fréquent en Crète, puisque les portes à un seul battant 6, et beaucoup de celles à deux vantaux s, n'ont point de gâches dans le seuil.
Les lourdes poutres de bois qui fermaient les portes et les poternes des enceintes fortifiées ne pouvaient guère être manoeuvrées que de l'intérieur. Dans les édifices et les maisons il n'en était pas de même. Les portes du temple d'Athéna à Troie s'ouvrent du dehors au moyen d'un instrument appelé xàvl!c, Ce mot, qui désigne généralement le verrou dans les poèmes homériques (il y est synonyme de ézEés "), prend ici un autre sens, celui de clé, et nous voyons se constituer par l'adaptation de la clé au verrou un rudiment de serrure. Les éléments en sont indiqués dans l'Odyssée. Euryclée sort du thalamos. Elle tire le verrou en travers de la porte au moyen d'une courroie 9. Cette courroie, attachée au verrou, traversait donc le vantail et pendait à l'extérieur. Elle servait à fermer la porte du dehors, mais non à l'ouvrir, sans quoi cette fermeture n'eût plus eu de sens10. Dans un autre passage", la manoeuvre nécessaire pour ouvrir une porte est minutieusement décrite. Pénélope veut entrer dans le thalamos où sont les armes d'Ulysse: elle détache pour cela la courroie de la poignée (xopbv-q), qui servait à tirer la porte n. Cette courroie, tendue, maintenait le verrou dans sa girelle. Elle était certainement nouée à la poignée par un noeud à secret 13. Pénélope introduit ensuitelaclé dans la porte, et « ellerepousse les verrous en les frappant juste au point voulu » (Avpéwv
On a proposé de cette serrure diverses reconstructions''. Nous reviendrons sur plusieurs d'entre elles qui ont été réellement en usage chez les Grecs. Mais il n'y en a aucune qui réponde aussi exactement à la description homérique que celle de M. Diels. Elle s'appuie sur deux séries de monuments. Ce sont d'abord les représentations de la clé qu'on a appelée « clé de temple » parce que, connue une survivance hiératique, elle s'est conservée entre les mains des prêtresses dans un temps où d'autres
types plus pratiques, comme la clé laconienne, s'étaient introduits dans l'usage courant)" ». Une statuette de terre cuite archaïque provenant de Corcyre représen te une femme tenant de
la main droite un oiseau et de la
plain gauche la clé en question". On retrouve celleci portée par des prêtresses, généralement sur l'épaule, dans un bas-relief funéraire attique' et dans des pein tures de vases de style libre
(fig. 6348, 63/49 ; cf. fig. 5989, 5990) 18,
isolé, comme symbole, sur des pierres funéraires attiques de l'époque romaine 1D. Ces clés étaient formées d'une barre de métal, courbée deux fois à angle droit comme on le voit sur nos figures. Les tiges parallèles sont inégales. La plus courte est quelquefois arrondie en haste ou terminée par une boule (fig. 6349. 6350). La plus longue, au contraire, s'élargit vers l'extrémité, où est ordinairement attachée la bandelette, signe de consécration 20. En outre, dans un bel exemple, gravé sur la pierre funéraire d'llabryllis, prêtresse d'Athéna Poilas (ne siècle av. J.-C.) n, une courroie est nouée à
l'angle de la haste longue (fig. 63491. Ce ne peut être, comme l'a vu Diels, que lacourroie qui servait à fermer la porte du temple. Le musée de Boston possède une clé en bronze de cette forme, d'une longueur de 0 m.405, trouvée dans le sanctuaire d'Artémis Iléméra à l.ousoi 22D'après la forme de l'inscription 23, ce serait la copie assez exacte d'un original remontant au ve siècle. Voilà « la clé d'airain bien
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courhéeà la poignée garnie d'ivoire », que décrit Homère'.
Plusieurs peintures de vases nous offrent l'image de la porte du thalamos 2. Dans l'une d'elles une servante ouvre cette porte à l'aide de la grande clé de temple (fig. 6351) 3. On remarquera sur le battant de droite l'entrée garnie de métal, sur celui de gauche, en bas, la boucle pendante de la courroie.
Voici comment il faut, d'après ces divers documents,
se représenter la serrure homérique (fig. 6352 et 6353). A l'intérieur de la porte un verrou de bois glisse dans deux embrasses fixées au vantail de gauche et pénètre dans une gâche disposée sur celui de droite. Ce verrou porte sur sa face supérieure une barbe, sans doute de métal, d'une assez forte saillie La tète de la clé, en frappant sur cette barbe, poussait le verrou hors de sa gâche. 11 fallait une certaine adresse pour l'atteindre du premier coup; le poète n'a pas négligé ce détail tout à l'honneur de Pénélope '. La clé, on l'a constaté sur les monuments, s'élargissait souvent vers l'extrémité; la manoeuvre en était ainsi plus aisée. Enfin le choc violent de la tige de métal sur la plaque de bronze qui garnit le verrou et le glissement à force de celui-ci dans ses embrasses de bois, produisaient un bruit, qui, amplifié et prolongé par la résonnance des lourds vantaux, pouvait être comparé au mugissement d'un taureau paissant dans la prairie '. La clé, on le voit, servait uniquement à ouvrir la porte, la courroie, uniquement à la fermer.
L'entrée de serrure figurée sur les vases [.IANCA, fig. 4128, 4129; fig. 6351] est très étroite. Elle ne permettait donc qu'un déplacement fort court de la clé en ligne droite. Plutôt que d'admettre qu'on ait imprimé à celle-ci un léger mouvement de rotation autour de la branche transversale prise comme axe, (on pourrait penser en effet que c'est à ce mouvement de bas en haut que le mot v€xoir m» fait allusion , M. Diois croit que le verrou portait plusieurs barbes que l'on frappai t successivement, ce qui doublait ou triplait la longueur de sa course 7.
La serrure du thalamos d'Ulysse avait deux verrous.
Peut-étre étaient-ils solidaires. Dans cette hypothèse, la reconstruction proposée par M. Diels 3, suisaut laquelle ils auraient été fixés chacun it tin vantail différent et se seraient déplacés en sens contraire, n'est pas sans vraisemblance. Elle a été suggérée par un système de fermeture en usage dans l'Lgypte ancienne . Elle s'accorde, d'autre part, avec la mention que nous avons rencontrée dans l'Iliade]', d' y91Es ilry,,uo,fol. Uu autre système de fermeture, très simple, en usage dans certaines régions de l'Europe", se compose comme la serrure homérique d'un verrou de bois muni d'encoches ou d'ailettes. Une tige de métal courbée à
angle droit et dont la haste la plus longue se termine par une poignée en anneau, pénètre dans le vantail et par un mouvement de rotation fait avancer ou reculer le verrou. La courroie homérique n'est plus ici d'aucun usage"'. On a découvert 'uu
sur le Lycée, avec des
figurines archaïques (fig. 6354) 13. La poignée se termine par l'anneau caractéristique. Une autre plus petite s'est rencontrée en l,trurie dans le sacellum (Li Bolsena, en compagnie d'objets sacrés ; elle daterait de l'époque républicaine". Ce type avait aussi bien en Grèce qu'en Italie sa place dans les sanctuaires à côté de la « clé de temple ». On l'employait aussi dans les appartements. En effet, sur les vases peints plusieurs portes de thalamos ne présentent pas trace de courroie'' {.IASn4, fig. 4131].
Jusqu'ici nous n'avons pas trouvé de serrure véritable. Dans les deux variétés que nous venons de décrire, il n'y a pas de secret. La clé est d'une l'orme trop commune pour 'être une garantie contre la fraude. Un noeud compliqué paraissait plus sûr. Nous avons vu Pénélope dénouer la courroie de la poignée de la porte ". Plus tard, Philoitios, sur l'ordre d'Ulysse, après avoir fermé au verrou les portes de la cour, les liera avec un câble de Byblos''. Ulysse entoure d'une corde le coffre à couvercle qui contient les présents d'Arété, et il y fait un noeud savant que lui enseigna Circé". Les sceaux étaient encore un moyen de contrôle plus efficace. Dans le palais de Cnossos on en a rencontré un grand nombre qui avaient été apposés sur des coffres contenant des archives de terre cuite [sioxum]. Quelques-uns conservent la trace des cordes qui liaient ces coffres ". Les Grecs s'en servaient aussi bien pour s'assurer d'une porte, et, en particulier, paraît-il, pour enfermer les femmes dans le gynaeconitis 20. La serrure ne fut vraiment créée que par l'adaptation au verrou de la balanos. C'était une cheville de bois de ferme variable que l'on plaçait dans une boite, appelée x).avo5lxri, fixée sur la porte au-dessus du verrou. Quand on poussait celui-ci dans sa gâche, un trou creusé
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sur sa face supérieure (~,47ar,ux) venait se placer sous l'ouverture inférieure de la RaÀavoôéxr. La (3x),avoç y descendait alors par son propre poids et immobilisait, le verrou La serrure à une seule Qx)avoç était en Grèce d'un usage fort ancien. Suidas la considère comme archaïque. Eustache croit à tort que c'est elle qu'llomère a voulu décrire dans le chant XXI de l'Odyssée 3. Peutêtre l'auteur de la Otdç â,réa,r, y fait-il allusion, quand il parle du verrou secret qui fermait les portes du thalamos d'Iléra, et que nul autre dieu ne pouvait ouvrir'. Mais il le donne encore comme une création merveilleuse d'IIéphaistos. Au ve siècle, cette serrure simple est en usage aussi bien aux portes des maisons s qu'à celles des villes °. Elle s'est conservée jusqu'à l'époque hellénistique, car on a retrouvé dans des maisons du Fayoum, contemporaines des Ptolémées, un verrou de bois percé du zpu7crux 7 et une glissière qui peut être un fragment de (3a).avo3éxr 8. Elle est même employée encore aujourd'hui dans certains cantons de la Grèce. M. Dawkins la signale à Karpathos, oit elle porte le nom de p.xvr«Àa
Pour l'ouvrir du dehors, il faut deux clés, une qu'on introduit dans une fente pratiquée le long dela(a).avoôdxr, et avec laquelle on soulève la ix),avoç, l'autre, analogue à la clé archaïque à anneau, décrite plus haut, qui déplace le verrou. La première était également connue des anciens. Eustache dit qu'elle ressemblai 1, à une faux 10. On en a retrouvé quelques exemplaires à Dodone" et en Elrurie 12.
Nous sommes, d'ailleurs, mal informés sur les instruments qui servaient à extraire la f3x),avoç du 'cpé t za et aussi de la (3z.10e,« éxr, car elle était primitivement amovible". On les appelait f3aaa',zypxt". Le passage où Aeneas le Tacticien raconte la construction d'une (3xxvxvpx de fortune par les ennemis d'une certaine ville, est resté jusqu'ici inintelligible'". Du moins, le chapitre que cet auteur a consacré à la fermeture des portes d'enceintes fortifiées nous permet-il de suivre les perfectionnements de la serrure à ,tii) xvoç. La (3tilxavoç était primitivement en bois et sortait à volonté de sa boite. On pouvait la couper, l'entailler, la lier à un fil que l'on retirait plus tard, la soulever petit à petit en versant du sable fin dans la (3aàavoôé's. On en prenait des moulages, même quand elle était en place, avec de la glaise. On l'arrachait avec des pinces. Aussi Aeneas conseille-t-il de la garnir de fer ainsi que le verrou'". On prit bientôt l'habitude de la faire en métal17. Il vaut mieux, dit-il encore, qu'elle ne puisse s'enlever f8. On l'entourera donc d'une chemise de fer; et on la soulèvera (tel du moins paraît être le sens de la phrase) au moyen d'un crochet passant sous le verrou. Aeneas recommande aussi d'insérer dans le verrou trois Pà).avot de forme différente'". Qu'on pût les soulever
en même temps avec une seule clé et voilà constitué le type de serrure qu'on trouve encore aujourd'hui en usage à Karpathos20, àCllypre2i, en Galicie'', et jusque dans les ,tes Féroé21. Dans ce système, les pv)zvoi (appelés (3a),z)aaà Karpathos) sont percées de fenêtres disposées en ligne, et formant une sorte de couloir où l'on introduit la clé. Celle-ci est en bois. Elle a des dents qui s'ajustent exactement au bord supérieur de chaque fenêtre. En la soulevant, on soulève du même coup toutes les 3é)x2vot; le verrou est affranchi, et on le tire à la main 2'. Quelquefois il est creusé en longueur. On y enfonce la clé et c'est elle qui, après en avoir chassé les ),ccot, le ramène en arrière. Des clés semblables en bois ou en métal existaient dans l'antiquité. On en a trouvé en Égypte 2', Saint Augustin y fait allusion96. Dans les « tombeaux des princes », à Tamassos (Chypre), on voit sculptées à l'intérieur des portes des serrures du type que nous venons de décrire27. On ne pouvait les ouvrir, comme celles qui existent de nos jours à Karpathos 28, qu'en passant le bras par un trou pratiqué dans la porte ou dans le mur. Enfin les r),r,tôcç èp.oiàol que Parménide met aux mains de Diké29 sont peut-être des clés de bois.
Mais M. Diels30 y reconnaît la clé laconienne. Celle-ci, fondée sur le même principe que la précédente, est formée d'une tige de fer ou de bronze, courbée à angle droit, sur la partie transversale de laquelle s'élèvent trois dents (voy oO. On applique cette clé sous le verrou, de façon à enfoncer les dents dans les trous à f3z),avot ; elle sert à l'affranchir, puis à le tirer hors de sa gâche. Elle a l'avantage sur la précédente que sa poignée reste toujours perpendiculaire à la surface de la porte, et qu'on peut l'employer aussi bien de l'extérieur
que de l'intérieur. Les Grecs la connaissaient déjà au commencement du ve siècle. A l'époque d'Aristophane on commença sans doute à construire en métal le pène et les (3zaavoi. Cela permit de réduire le volume de la clé. Les femmes dans les Thesmophoriazousae se plaignent de ne plus pouvoir pénétrer dans la chambre aux provisions, parce que « les hommes maintenant portent sur eux de vilaines clés
secrètes, de l'espèce laconienne, avec trois petites dents';' ». Une clé laconienne à quatre dents, longue de 14 centimètres (fig. 6355), a été trouvée à Mycènes 12. Plusieurs viennent d'Égypte; une en particulier, d'un tombeau de Thèbes fort ancien33. Il est donc vraisemblable que la clé laconienne est une invention partie d'Égypte, importée en Ionie, puis de là dans la Grèce continentale". Pline en fait honneur à Théodoros de Samos °', dont on connaît les relations avec Sparte".
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C'est par la Laconie, où lïorissaient les industries du métal 1, qu'elle se répandit dans le reste du monde hellénique; puis elle passa dans le monde romain où elle eut une brillante fortune.
Les différents appareils servant à fermer les portes et les fenêtres portaient le nom générique de x),d9pa 2. Voici ceux dont on relève l'emploi à l'époque classique et à l'époque hellénistique. D'abord des verrous verticaux (xatiax)ieGsç) 3, qui pénètrent dans le seuil et assujettissent tantôt le seul dormant tantôt les deux vantaux
Leur gôche est quelquefois formée d'une douille de métal fixée dans la pierre au moyen de chevilles de bois ". On en munissait aussi les volets de fenêtres Le verrou vertical supérieur pénétrant dans le linteau parait inusité en Grèce 8. Les barres horizontales (p.oy),oO s'engageant dans les montants, héritage de l'époque mycénienne, y suppléaient dans une certaine mesure ". Elles servaient aussi à fermer les fenêtres f0. Une forme un peu différente de verrou s'est rencontrée dans une maison du Fayoum. « Une grosse cheville de bois traversait une pièce de bois fixée sur le battant de la porte et venait s'enclaver dans un trou préparé à cet effet dans le montant'» ». Enfin nous avons vu que les Grecs employaient des serrures de différentes espèces en bois ou en métal. Leur aspect sans doute leur avait fait donner le nom de ye),wvtov f2. Les monuments, peintures de vases, portes de tombeaux, ne nous en montrent guère que l'entrée (fig. 6351) (x),etlp(a113. Ces serrures ne s'ouvraient primitivement que d'un seul côté. La clé restait pendue à l'intérieur'''. Quand on sortait, on l'enlevait en passant le bras par un judas (èir )ménagé dans le vantail fig. 4126, 4128, 4129, 4131)'". Souvent il y avait deux serrures indépendantes, se maneuvrant l'une du dedans, l'autre du dehors. Pour plus de sûreté, on fermait la première soimême et on faisait fermer la seconde par un serviteur qui jetait ensuite la clé par l'ônrf°. La nuit et dans les circonstances graves, on étayait les battants de la porte d'entrée avec une poutre oblique engagée dans le sol, et calée, au besoin, par une grosse pierre".
IL ROSIE. Les systèmes de fermeture en usage chez les Romains ressemblent beaucoup à ceux de la Grèce hellénistique. Parmi les plus anciens il faut certainement compter la grande barre, sera, qui se fixait dans les deux montants de la porte et n'était pas solidaire des battants 1S. On désignait aussi, semble-t-il, par le mot sera les verrous ordinaires glissant dans des embrasses clouées au vantail et s'insérant dans les montants ou
dans le seuil'". On appelait encore ces verrous pessuli90. Le mot parait s'appliquer surtout aux verrous verticaux fixés au bas des portes. Quelquefois, le dorthant seul en était pourvu ; le plus souvent chaque battant en possédait un 21 ou même plusieurs L2. Il arrive qu'un seul pessulus suffise à fermer entièrement la porte'; c'est peut-être alors un verrou horizontal, mais plus petit. que la sera. Enfin on voit dans Apulée des pessuli manoeuvrés avec une clé 24 Fink pense qu'il s'agit ici des (3iXavot qui arrêtent le verrou 26. On pourrait appuyer cette conjecture d'un autre passage : « ad claustra pessuli recurrunt26 n : claustruln a quelquefois le sens de verrou 97. Il n'est pas impossible, toutefois, qu'on ait manoeuvré deux verrous, l'un horizontal. l'autre vertical, avec la même clé. C'est le système qui s'est conservé aux portes de l'église des Saints Cosme et Damien à Rome. Une roue dentée, qu'on faisait tourner avec une clé (fig. 6356) mettait
du même coup en mouvement un pène et une
crémone 2".
On a parfois confondu avec la sera et les pessuli le repagulum. Le sens de ce mot a été l'objet de
longues discussions 22. Les uns y voient un long crochet fixé au chambranle et pouvant mordre dans un anneau attaché à la partie intérieure de chaque battant ?° ; les autres, un simple verrou35 ; d'autres enfin, une traverse de bois unie par un crampon à l'un des montants et venant se fixer sur l'autre par un crochet 32. Malgré la glose citée plus haut, les repagula n'avaient certainement rien de commun avec les crochets dont parle Apulée 33, et dont on voit la disposition exacte à Pompéi 34. C'étaient, comme le dit Fink t1, des barres de bois obliques engagées d'une part dans le vantail et de l'autre dans le sol. Déjà Aristophane fait allusion à une poutre ainsi employéeM1G. On voit encore dans beaucoup de maisons de Pompéi le dé de pierre un peu évidé, enfoncé dans le sol à 1m. 50 environ en arrière de la porte, sur lequel elle reposait". Le texte de Festus 38 devient parfaitement intelligible quand on songe aux pieux plantés en terre obliquement, qui maintiennent alternativement ouvertes ou fermées les portes à claire voie des cours de fermes. A Rome aussi, ces poutres obliques paraissent avoir été un mode de fermeture très ancien, d'origine rustique, conservé par tradition dans les édifices reli
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gieux '. II y en avait au moins deux, une pour chaque battant 2. On ne pouvait les arracher sans effort et sans bruit 3. Les chevaux impatients de franchir la barrière les rencontraient d'abord sous leur sabot'.
Mais dans les villes, à Pompéi, les repaqula ne sont plus qu'une garantie complémentaire contre toute tentative d'effraction. La fermeture des portes y est assurée par des moyens d'une complication et d'une ingéniosité que laissent mal entrevoir les
textes. L'examen des seuils, des montants, est déjà fort instructif. On voit souvent dans les montants des entrées principales des cavités rectangulaires, quelquefois garnies de plaques de terre cuite °, destinées à recevoir les extrémités de la sera 6. Sur les seuils, les gâches à verrous, quelquefois absentes se présentent le plus souvent soit par paires e, une gâche pour chaque battant, et même en plus grand nombre. Dans une maison de la IIIe région °, le vantail de droite de la porte d'entrée, beaucoup plus
large que l'autre, était fixé par un verrou dont la gâche a 0 m. 06 de côté. Sous l'autre vantail il s'en trouve
trois, plus petites, creusées l'une au ras de la feuillure, les deux autres à 0 m. 02 en arrière. Un autre seuil laisse voir d'un côté une gâche de 0 m. 09 x 0 m. 03 près d'une de 0 m. 03 X 0 us. 02, de l'autre une petite gâche entre deux grandes. Il est évident que les petites gâches recevaient des verrous de métal ; les grandes, des verrous de bois. Ceux-ci étaient garnis de lames de fer ou de bronze et ressemblaient plutôt à des crémones 10. Ils glissaient à l'intérieur du vantail. Ils étaient munis, à leur partie supérieure, d'une poignée en forme d'étrier". L'une d'elles, provenant de Boscoreale, a été étudiée par M. Pernice 12 (fig. 6357). Elle est fixée sur une première plaque de bronze par deux tiges plates de même métal. Cellesci glissent dans des coulisses, pratiquées dans une seconde plaque plus longue placée sous la première; puis elles traversent un verrou en forme d'El, dont les deux branches
horizontales, qu'on levait ou baissait au moyen de la poignée, venaient sans doute s'engager dans des mentonnets fixés sur le dormant ou sur le chambranle (fig. 6358). Les deux tiges ne sont pas rivées sur le verrou. M. Pernice pense qu'elles traversaient le vantail et s'attachaient par des tètes larges à une seconde
coulisse placée sur la face externe de celui-ci. Il avoue que, même dans ces conditions, l'ensemble ne (levait pas très solidement tenir à la porte. Nous admettrons donc que la poignée était reliée par les deux tiges non seulement au verrou à deux branches, mais encore à une crémone de bois glissant dans l'épaisseur du vantail et s'enfonçant dans le seuil. On obtient ainsi un système complet de fermeture, absolument solidaire du battant et dépendant d'une seule poignée, qui n'est pas sans analogie avec celui de l'église Saint-Cosme et Saint-Damien (fig. 6356). 11 a dû être fréquemment employé à l'intérieur des maisons.
Quant à l'appareil en usage pour les portes d'entrée, on peut encore le voir en place et dans toute sa complexité sur un moulage du musée de Pompéi. C'est d'abord à Om.50 du sol environ une barre de bois fixée par un pivot sur le vantail de droite et qui devait jouer le rôle de loquet. Un peu au-dessus. un crochet court relie les deux battants. A 1 mètre du sol, à droite, une grosse serrure de métal s'ouvrait de l'intérieur. Un peu audessus, à gauche, une autre serrure qui ne s'ouvrait que de l'extérieur commande un long verrou transversal. Plus haut, un second loquet de bois ; enfin, un crochet de métal semblable au premier, mais dirigé en sens contraire, domine le tout13. Sur un autre moulage on voit en place une serrure intérieure bien conservée. Le pêne n'y remplit point comme d'habitude l'office de verrou. C'est une tige de métal fixée sur le vantail de gauche par une sorte de manivelle et s'insérant à volonté dans la serrure, qui unit les deux battants "4.
Ces serrures sont. du type laconien en métal. C'est celui qu'on rencontre le plus souvent à Pompéi et dans les autres établissements romains. Pourtant, à Pompéi même ii y eut des
serrures de bois, comme le prouve une clé de grande taille, en forme de gril, conservée au musée de Naples13 Des serrures de métal il reste des boîtes dont la plaque de front est percée d'une entrée f6 ;
des pènes traversés dans leur partie moyenne par des trous ordonnés en un dessin géométrique plus ou moins compliqué" ; des clés présentant en relief des dessins correspondants 'R (fig. 6359); quelques chevilles encore en place dans les cavités du pène. L'intérieur était garni de planchettes entre lesquelles glissait le pène, et qui maintenaient en place les chevilles mobiles. Celles-ci descendaient dans les cavités du pène par leur propre poids. 11 fallait qu'elles fussent indépendantes, sans quoi un
il
'
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simple crochet aurait eu raison des serrures les plus compliquées. Dans quelques-unes pourtant on a cru retrouver les traces d'un ressort '. Celles des objets mobiles, des coffres, devaient en être munies. Autrement il eût suffit de les retourner pour faire tomber les chevilles hors de leurs gâches. C'est ce qui devait arriver aux serrures mobiles ou cadenas suspendus par une tige ou par une chaîne. 11 existe un assez grand nombre de ces objets; les serrures ressemblent tout à fait aux serrures de portes, sinon qu'elles sont du type dit à moraillon 2. La plaque de l'entrée, quelquefois rectangulaire, le plus souvent ronde, est percée d'une ou deux ouvertures longitudinales, pour le ou les moraillons. Le musée de Naples en possède une de grande
deux moraillons sont encore en place et l'on peut voir à côté le pène à double crochet qui les fixait du même coup; d'autres, au lieu d'être
aplatis, sont allongés plus ou moins, souvent en forme de barillets (fig. 6364).
On a trouvé à Pompéi, à côté des clés laconiennes, des clés à révolution, composées comme les clés modernes d'une tige avec anneau et (Fun panneton (fig. 6357). Quelquesunes sont d'un joli travail4 (fig. 6362). Coteau
sen donne le dessin d'une serrure dans laquelle la cheville qui maintient en place le pène est fixée sur un ressort'. C'est le principe du système à révolution. Le panneton de la clé dans son mouvement circulaire soulève le ressort, puis rencontrant les barbes du pène ainsi libéré, l'entraîne. Quelquefois, la tige de la clé se termine par une pointe qui pénétrait dans un trou de la palastre (boîtier de la serrure). Le plus souvent elle est forée de manière à recevoir une broche fixée sur celle-ci. Le panneton est ajouré suivant la forme des gardes disposées à l'intérieur de la serrure'.
Cette serrure à révolution est-elle une invention romaine ?On ne sait. M. Diels a essayé de montrer qu'elle était connue en Grèce dès la fin du ve siècle'. 11 signale quelques clés figurées sur des vases peints de cette
époque et qui ressemblent assez à la clé à panneton, ruais elles n'ont pas d'anneau. Quant aux entrées de serrures représentées sur les vases et les tombeaux, elles n'apportent qu'un témoignage bien incertain.
Signalons encore certains cadenas en usage dans l'empire romain' (Fig. 6363 à 636:ij. La tige mobile (e) terminée par une tète large, est maintenue par trois ressorts recourbés (a). On l'affranchit au moyen d'une clé qu'on enfonce suivant la fente tranversale
de l'entrée. En glissant le long de la fente longitudinale, elle écarte les
ressorts. Des gardes disposées à l'intérieur du cadenas correspondent à l'ajour de la clé. On trouve aussi des combinaisons de clé laconienne avec platine (fig. 6366) 2. Ces clés à platine sont souvent montées sur une bague [ANULOS, fig. 349] ; il en est de même des petites clés à
dents ou à panneton 16. Ces clés, pourvues
d'un anneau et pouvant se porter comme
une bague, étaient quelquefois réunies en -) trousseau ".
avait chez les Grecs et les Romains une signification symbolique 12. Comme telle on la trouve tantôt dans les mains des simples mortels, tantôt dans celles de dieux. Dans le premier cas elle est portée par des femmes (exclusivement), le plus souvent sur
l'épaule, quand c'est la grande cléde temple (fig. 6348) f3 C'est l'insigne des prétresses14. A ce titre Io est appelée xà ioüyoç "11p1ç par Eschyle""; Iphigénie est xn,l6o(ly0ç d'Artémis 1'. Cassandre porte les clés divines 17 ; la prêtresse est, en effet, gardienne du sanctuaire 'g. C'est comme gardienne du thalamos divin qu'Athéna en porte la clé t0. A Athènes elle est xkrlôou7oç de la ville 20. Eros est x),rôouyoç d'Aphrodite21.
La clé peut exprimer la puissance des dieux, et d'abord d'une manière tout à fait définie. Les puissances souterraines, Pluton 22, Éaque 27, Perséphone 2'', Anubis 2' Hécate2", ont les clés de l'Iladès. A Lagina, en Carie, avait lieu, tous les quatre ans, en l'honneur d'Hécate, une procession de la clé (x).etôdç 7coµ7z, ou âyey-'). Cette cérémonie, célébrée d'abord dans l'enceinte sacrée, puis
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dans la ville voisine de Stratonicée, durait plusieurs jours [HÉCATE, p. 49]'.
Pour d'autres divinités le symbole s'épure et se généralise 2. Diké porte les clés des portes du jour et de la nuit Janus, gardien des portes célestes, devient
Kronos de la religion mithriaque tient régulièrement une clé dans sa main droite, ou deux clés, une dans chaque main ; c'est aussi un portier céleste, un dieu de la lumière '. Hécate est appelée 7CavTbs xéasoo xneiûyov «vaaaav Pluton, dispensateur des biens de la terre, en possède les clés '. La même interprétation mystique s'applique à la toute puissante Cybèle 8. Dans une autre religion, Sérapis est y~c xat Oanaaaq xnrlôas "syo,v9. Ce syncrétisme aboutit et s'achève en saint Pierre: les clés sont symboliques: 1° de son rôle de portier de l'au-delà; 2° de sa puissance comme vicaire du Christ ". RENÉ VALLOIS.