Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SERTA

SERTA. Le mot latin serra désigne particulièrement la guirlande de fleurs tressée. En grec les termes a l vvo7, r,récoç répondent au double sens de guirlande et de couronne. A bien des égards, d'ailleurs, il n'y apas de distinction à faire entre les deux objets. C'est surtout comme motif ornemental de la sculpture et de la peinture décoratives que la guirlande mérite une étude particulière. Pour ce qui concerne sa confection, le nom et la culture des plantes qu'on y employait, nous renvoyons à CORONA. Avant qu'on eut l'idée de tresser les fleurs et les feuilles en faisceau, la guirlande ne consista qu'en un simple rameau de feuillage, ou en plusieurs liges liées bout à bout. Sous cette forme primitive, l'usage en remonte évidemment à la plus haute antiquité, bien qu'il n'en soit nullement question dans les poèmes homériques'. Il n'est pas douteux non plus qu'avant d'en faire une parure on n'ait considéré la guirlande comme un symbolereligieux2, un attribut désignant, les personnes ou les choses auxquelles on voulait reconnaître un caractère sacré. C'est à ce titre qu'elle figure parmi les offrandes qu'on dépose dans la tombe auprès du mort. Des momies égyptiennes, datant des XX° et XXIe dynasties, ont été trouvées parées de couronnes et de guirlandes en fleurs naturelles 3. A Rome, la Loi des XII tables mentionne encore, parmi les rites funéraires, l'usage de tongae coronae, qu'il faut sans doute entendre dans le sens de sertae 4. Dans les cérémonies religieuses, la guirlande a la même signification que la couronne ou la bandelette [INFULA]. De même que l'on couronnait le prêtre et la victime du sacrifice, on suspendaitdes fleurs et des branchagessoit autour de l'autel, soit aux murs ou à la corniche des temples'. La guirlande proprement dite, faite de fleurs et de feuilles tressées, n'apparaît qu'à une époque relativement tardive. Sur les vases à figures rouges où sont représentées des scènes de sacrifices, l'autel n'est jamais orné que d'un simple rameau'. On a donc quelque raison d'accepter le témoignage de Pline, qui place au temps du peintre Pausias, c'est-à-dire vers le premier tiers du iv" siècle, l'invention de la couronne et de la guirlande tressées. Qu'il faille ou non en faire honneur, comme le vou drait Pline, à la maîtresse du peintre, Glycera, on doit reconnaître que les monuments figurés n'offrent, avant cette date, aucun exemple de ces objets Le premier, qu'à ma connaissance, on en puisse signaler, nous est fourni par un vase italiote de style récent'. Sur le putéal de la Tholos de Marmaria, à Delphes'. On voit (fig. 6380), des jeunes filles occupées à suspendre et à charger de 1emnisques [LEMHlscos] une lourde guirlande de feuillage, pareille à celles que nous montrent si fréquemment les reliefs hellénistiques. Ne serait-ce que pour cette raison, il semble impossible d'assigner au putéal une date voisine de la construction du temple, et de ne pas en abaisser l'exécution au moins jusqu'à la fin du Ive siècle. Le motif bien connu de la guirlande à festons, posée sur des bucrânes ou des têtes de taureaux, n'apparaît dans l'architecture que vers la lin du III° siècle. C'est à Magné sic du Méandre f', qu'on le rencontre pour la première SEP, -125t.)SER fois ( fig. 6331), dans des édifices construits de 220à.205 `. Il est aisé d'imaginer après quels essais on en est venu à ce genre de décoration. L'usage s'établit, au moins dès le Ive siècle, de suspendre les tètes des victimes soit à l'autel du dieu, soit aux murs ou aux colonnes de son temple déjà parés pour la cérémonie du sacrifice de lieurs et de feuillage. A Délos, au grand Portique Nord (tin du me siècle), des têtes de taureaux se détachent en ronde bosse sur les triglyphes. Réduite à elle seule, cette décoration n'est pas du plus heureux effet. Elle se complétait évidemment par l'ornement naturel de la guirlande defleursqu'on posait sur les têtes de pierre. On ne tarda pas à la reproduire à son tour. On la représente d'abord, notamment à Magnésie, au portique du grand autel, comme une légère chaîne de feuillage, droite et serrée. Puis, on la charge peu à peu de fleurs et de fruits; on la rend plus souple et plus lâche. Les têtes de taureaux ou les bucrânes font place à des supports d'un autre genre, tels que des aigles, des masques, de petits Éros 3. Le motif, avec ces diverses variantes, trouve surtout son application dans trois catégories de monuments : édifices ioniques (entablement), autels et sarcophages'. En général, la guirlande est nouée (le larges et lourdes ténies, arrondies à leurs extrémités. Dans les peintures murales des maisons dé tiennes le bandeau qui court au-dessus des orthostates est parfois orné d'une guirlande polychrome, mais toujours rectiligne et sans supports. Les peintures céramiques de l'époque hellénistique reproduisent assez rarement la grosse guirlande à festons; les vases à décor blanc sur fond noir l'ignorent, mais on la rencontre sur des vases à engobe blancs. On peut enfin signaler, dans l'architecture ionique de la mème époque, un autre essai de décoration végétale qui procède du même principe : à Didymes, à Sardes, les bases des colonnes ioniques ont un tore orné de feuilles de laurier ou de chêne, qui semble figurer une épaisse couronne 0. L'artromain reproduira avec une prédilection marquée le motif de la guirlande, et surtout la guirlande à festons. Elle apparaît déjà dans les reliefs du monument de Saint-Rérny7, rendue dans le même style qu'en Grèce à l'époque hellénistique,et portée par des Éros volants. L'artaugustéen répétera, sans se lasser, le mérnethème,rnaislelraiteradansunematimanière un peu différente et cherchera d'autres effets [sl. PoLCROM, fig. 63lij. On e montré comment se dis tinguent, à ce point de vue, les reliefs romains el les reliefs llellénisl.i ques3.Danslespremiers, la guirlande est toujours moins serrée; les fleurs s'échappent plus librement sur le fond, la transition est mieux ménagée entre le fond et la forte saillie du relief ; les contours sont mieux dégradés. Enfin, les lourdes ténies retombantes font place à de minces bandelettes plissées et légères, qui voltigent entre les festons. Dans la décoration des sarcophages et des cippes funéraires, la guirlande cesse peu à peu (l'être le sujet principal, pour devenir l'accessoire et servir de cadre aux motifs de remplissage, transformés en véritables t ubleaux°. AvcC les peintures pompéiennes des trois derniers styles, la chaîne defeuillage devient de plus en plus légère et ténue, comme unesimple liane,etprend uncaractèretrèsdifférent de celui qu'on lui voit dans les reliefs »mus, fig. ?526j. On s'est demandé si le mot encarpa (ENCARPAj, employé et mal défini pal' Vitruvef0, ne désignait pas l'ornement sculpté ou peint dont il vient d'être parlé". Cette explication, que l'étymologie paraît rendre vraisemblable, ne peut, en tout cas, valoir pour le passage de Vitruve en question, où il apparaît assez clairement que l'auteur traite du chapiteau ionique et non de la frise. L'allribu SER 1260 SER tion du môme sens au mot carpusculi' a aussi été discutée. G. Lenoux. nerons d'abord comment l'esclavage était fondé en droit chez les anciens et quelles étaient, dans la pratique, les conséquences de ce droit. Deorr almc. Il est impossible de connaitre l'origine de l'esclavage et de saisir le moment où il est né. Dans les poèmes homériques, il apparaît déjà comme un t'ait ancien, consacré par la coutume, et se perpétuant par les divers modes en usage chez les peuples de l'antiquité'. La source principale, c'est la guerre 2. L'esclavage n'en était point seulement la conséquence, il en était souvent aussi la cause : on envahissait un pays et on en prenait les villes pour faire des captifs'. La piraterie concourait, avec la guerre, pour recruter les esclaves. La filiation (esclave né. d'un esclave) est une autre source de l'esclavage, moins odieuse et aussi plus honorée. Enfin l'esclavage était quelquefois volontairement subi en cas de meurtre, et à titre d'expiation : on se vendait, comme pour dépouiller le vieil homme en perdant sa personnalité juridique, et l'on cherchait chez les dieux mêmes des exemples d'un pareil dépouillement'. La condition des esclaves se ressent, à l'époque homérique, de leur origine et de leurs occupal.ions. Issus de familles ayant occupé une situation semblable ;icelles de leurs maîtres, quelquefois d'aine famille royale, partageant, avec eux les charges de la vie intérieure et de la vie des champs, les esclaves avaient alors une situation assez douce relata vemen 1, et on ne trouve dans les poèmes homériques aucune trace des traitements durs et méprisants dont plus lard les exemples se multiplient. Ce qui devait, d'ailleurs, contribuer à adoucir la situation des esclaves par la confusion des rangs et le partage des fonctions domestiques, c'était leur petit nombre relatif. Ils se multiplient pendant la période suivante. La cause en est d'abord dans les invasions et les conquêtes qui firent des peuples vaincus des milliers de captifs. La cause en est aussi et surtout dans les modifications profondes qui se produisirent en matière économique. L'esclave n'était plus nécessaire seulement au service domestique et à la culture des champs, il devenait indispensable pour les nombreuses industries et pour le commerce. Ainsi, dans l'Attique, où il existait, en moyenne, aux v° et vue siècles av. J.-C., 30000 citoyens males, la population servile comprenait, selon toute vraisemblance, au moins 3(10000 têtes. Cette extension de l'esclavage n'est point, du reste, spéciale Ô. Athènes : partout l'institution se développa; elle fut acceptée comme un fait nécessaire par les esprits les plus éminents, et défendue par les plus grands philosophes. Cependant, comme on le dira dans la deuxième partie de cet article, l'esclave, chez les Grecs, ne fut jamais regardé exclusivement comme une chose. S'i l est une propriété, il est dit Aristote, une propriété qui a une âme, icr' gLi Tt ieuyov'', et cette considération n'a pas été sans exercer une influence notable sur la condition juridique des esclaves. L'esclave, dans le droit grec, est généralement désigné sous le nom de èoGao; : celui d'r.vèàé i lov que l'on rencontre souvent est la désignation ancienne de l'esclave, propriété humaine a. Lorsque l'on se réfère à la si tual.ion de l'esclave dans la famille du mitre, on emploie l'expression oi-Eti-y; (plus anciennement ôu.oo;). C'est dans le même sens que les Athéniens se servent quelquefois, pour désigner les esclaves, de l'expression rade;, qui s'applique aussi aux mineurs en puissance'. Il. SOOHCESIEL'ESCLAVAGE.-i° La naissance est devenue la principale source de l'esclavage. Sont d'abord esclaves de ce fait ceux qui sont nés de deux parents esclaves. Il y a plus de difficulté lorsque les deux parents sont de condition différente, l'un étant libre et l'autre esclave. Plusieurs systèmes ont été proposés sur ce point. Nous serions porté à admettre que l'enfant né d'un homme libre et d'une femme esclave est libre; le droit attique aurait adopté la règle que l'enfant suit la condition de celui de ses parents qui se trouve dans la situation la plus favorable'. La loi de Gortyne, dont les règles paraissent avoir été spéciales àla Crète, admet des unions régulières, non seulement entre individus de condition égale, libre ou servile, mais encore entre une femme libre et un homme esclave: elle règle la condition des enfants, issus d'une union de ce genre d'une manière différente suivant le domicile de ce ménage inégal. Si l'esclave vient culez la femme libre et l'épouse, les enfants, naissent libres; si, au contraire, la femme va demeurer chez l'esclave, les enfants naissent esclaves. La captivité, c'est-à-dire l'esclavage résultant de la guerre et de la piraterie, est une source de l'esclavage non moins abondante que la naissance. Depuis les guerres médiques, la guerre se faisait, surtout entre les diverses cités de la Grèce, et ce fut aussi parmi les Grecs que la captivité fit des esclaves. C'était une coutume généralement suivie qu'après la prise d'une ville on emmenait en captivité les femmes et les enfants, après avoir égorgé les combattants'. Les prisonniers faits à la suite d'une bataille rangée tombaient également en esclavage, mais la règle était ici plutût de les considérer comme les prisonniers de l'État, et ils étaient rachetés par voie d'échange avec les prisonniers faits par l'ennemi, ou moyennant le paiement d'une rançon dont; le taux variait suivant les temps, le nombre et la qualité des prisonniers 10. La guerre n'était qu'un mode de recrutement intermittent de l'esclavage, mais la piraterie y subvenait d'une façon continue. Cet usage, qui date en Grèce de l'époque la plus reculée, se maintint et se développa quand le besoin des esclaves devint plus général, l'activité des pirates étant, en même temps, stimulée par l'appât d'un gain plus élevé. Les pirates, ainsi qu'en témoignent les inscriptions, ne se bornaient pas à capturer sur mer les navires de commerce ; ils faisaient aussi des descentes SEP% 1261 SEIi sur les côtes, emmenant en captivité des femmes et même des hommes. Les pirates pouvaient, d'ailleurs, devenir corsaires, et des cités donnaient quelquefois des lettres de marque pour enlever des hommes à une cité ennemie, quand elles n'employaient pas leurs propres vaisseaux à des courses de brigandage'. A côté de la piraterie qui se faisait avec les formes et l'appareil de la guerre, il y en avait une autre qui s'exerçait au sein même des villes par la ruse et les 3° La naissance et la captivité peuvent être considérées comme des modes de constitution de l'esclavage se rattachant au jus gentium, en ce sens qu'on les trouve admis non seulement à Athènes, mais dans toutes les autres républiques de la Grèce. Il est aussi d'autres causes se rattachant au jus civile, causes ordinairement spéciales au droit attique, et qui sont moins anciennes, généralement, et aussi moins fécondes que la captivité et la naissance. D'abord la vente des enfants. Le père de famille avait originairement le droit de vendre ses enfants et de les faire ainsi tomber en esclavage. Mais ce droit fut supprimé par Solon, sauf dans le cas où une fille se serait laissé séduire [PATHIA POTESTAS]. La misère, qui contraignait parfois à vendre et à exposer les enfants, pouvait forcer l'homme libre à se vendre soi-même : la perte de la liberté était compensée par la sécurité que l'on avait d'ètre sous l'autorité d'un mai tre puissant. Il n'était pas rare, à l'époque primitive, qu'un vagabond entrât au service d'un propriétaire pour un an ou pour un nombre d'années indéterminé 3. Or, rien ne l'empêchait de stipuler que l'engagement serait perpétuel au lieu d'être temporaire, c'est-à-dire de se donner en esclavage`. II est probable, toutefois, que ce mode de constitution de l'esclavage ne dut pas survivre à la réforme de Solon dont nous allons parler. A l'époque où la propriété appartenait au yivoç plutôt qu'à l'individu, celui-ci ne pouvait guère engager que sa propre personne, et le corps du débiteur répondait de sa dette. Le créancier pouvait donc, à défaut de paiement, faire vendre son débiteur. Cet état de choses fut prohibé par Solon {SEISACHTEIAI. Mais l'esclavage pour dettes parait avoir subsisté plus longtemps dans les autres cités de la Grèce, même sous la domination romaine '. Le droit attique ne maintint l'esclavage pour dettes que dans un seul cas, où il avait, du reste, plutôt le caractère d'une peine, à savoir dans le cas où un Athénien, fait prisonnier par l'ennemi, avait été racheté par un de ses concitoyens, qui lui faisait l'avance de sa rançon. Si le captif ainsi racheté ne remboursait pas son libérateur dans les délais convenus, il devenait son esclave 6. A Athènes, sauf le cas que nous venons de signaler, du prisonnier qui ne payait pas sa rançon, et de l'affranchi ingrat l'esclavage ne pouvait être prononcé, à titre de peine, contre un citoyen. Le législateur, qui appliquait si largement la peine de mort, même à des infractions qui, dans nos idées modernes, n'ont qu'une gravité fort contestable, n'osait point enlever aux coupables un bien qui lui paraissait beaucoup plus précieux que la vie. La vente comme esclave, nécessairement accompagnée de la confiscation générale, figure néanmoins dans l'échelle pénale du droit attique, mais cette mesure ne frappe que les étrangers. Le premier cas de ce genre a lieu lorsqu'un étranger est, à la suite d'unepxpç'évioiç, convaincu d'avoir usurpé le droit de cité : il est condamné à être vendu comme esclave, et ses biens sont confisqués au profit de l'Etat8. La vente comme esclave est aussi prononcée dans d'autres cas contre les métèques qui ne remplissent pas les obligations spéciales que leur impose leur condition particulière dans la cité'. 4° Le commerce peut enfin être considéré comme une source dérivée de l'esclavage, et c'est là, du reste, que les autres viennent généralement aboutir. Le commerce s'alimentait surtout dans les pays étrangers où la guerre, la piraterie, l'abus de la puissance paternelle ou de l'autorité des rois et des tyrans pouvaient réduire une niasse de personnes à la condition servile. C'est ainsi que la Thrace était devenue un pays producteur d'esclaves, les pères vendant leurs propres enfants aux marchands étrangers. Les principaux marchés d'esclaves étaient à Délos, à Chio et à Byzance et s'approvisionnaient, de préférence, dans les provinces de l'Asie Mineure, en Thrace et en Scythie. Athènes avait également son bazar, où les esclaves étrangers étaient exposés en vente par des tratiquants ou par des maîtres désireux de les revendre. Il y avait même, à Athènes, un commerce de réexportation pour d'autres pays, par exemple pour la Sicile I'. Le législateur avait édicté certaines règles spéciales concernant le commerce des esclaves. Il avait à ce sujet établi une action particulière, nommée âvs'o' ç ôlx'q [ANAGOGÈS Dnli;j. D'un autre côté, la loi qui punissait sévèrement les ravisseurs d'hommes [ANDRAPODISMOH GHAptlàj, protégeait les marchands d'esclaves honnêtes, et il était défendu de les maltraiter, sous peine d'âitox-ilpu;tç [AroEf;✓toxlsj ". Cette protection spéciale se justifiait par le profit que retirait le trésor athénien des ventes d'esclaves, car il y avait un impôt sur ces opérations". considéré, dans le droit attique, que comme une chose susceptible de propriété, comme un corps, 6Gip,x, il en résulte que, vis-à-vis de l'État, l'esclave se trouve dans la même situation qu'un objet mobilier quelconque, et, en principe, il ne peut être l'objet que de la législation civile et non de la législation politique. Cependant, à Athènes, pas plus qu'ailleurs, on ne pouvait faire abstraction de la personnalité des esclaves et les envisager uniquement comme tin de ces animaux auxquels on les compare souvent, boeuf ou cheval. Les Athéniens non seulement étaient portés, par leur humanité relative, à tenir compte, dans une certaine mesure, de la personnalité de l'esclave, mais encore ils avaient le plus grand intérêt à ménager la population servile qui était si nombreuse dans la cité et qui, à un moment donné, pouvait causer les plus grands embarras et même des dangers sérieux. S'il n'y a jamais eu, à Athènes, de révoltes d'esclaves semblables à celles SER 1262 -SER qui ont failli faire sombrer Rome et Lacédémone, on y rencontre cependant quelques exemples de rébellions ou de défections en face de l'ennemi', qui font comprendre tout l'intérêt qu'avaient les Athéniens à user de bienveillance envers leurs esclaves. Si donc, au point de vue juridique, les esclaves étaient retranchés de la société civile, ils y occupaient cependant, en fait, une situation importante et relativement assez favorisée. Sans parler des esclaves publics Lmtmoso] ou de ceux qu'on nommait y , lç oixoûvTE; qui, comme nous le verrons, avaient une situation privilégiée, il est certain que les esclaves, en général, n'avaient point, vis-à-vis de la cité, cette situation inférieure qu'ils occupaient dans la famille. Ainsi, ils jouissaient d'une liberté de langage beaucoup plus grande que les citoyens mêmes de certaines autres villes Il ne semble pas qu'un règlement quelconque ait établi une différence extérieure de costume entre les esclaves et les citoyens'. Les esclaves n'étaient point exclus, en principe, des cérémonies religieuses et des sacrifices publics. Ils pouvaient être initiés aux mystères d'Eleusis, s'ils étaient de nationalité grecque. Ils avaient leurs fêtes particulières'. Ils n'étaient pas non plus exclus de l'armée ni de la flotte. Ils jouèrent même sur celle-ci un rôle considérable, et plusieurs fois la liberté leur fut accordée en masse en récompense de leur conduite pendant la guerre 5. A certains points de vue cependant il existe une ligne de démarcation entre les citoyens et les esclaves. Il était interdit à ceux-ci de fréquenter les gymnases et les palestres où se réunissaient les citoyens et, à plus forte raison, les assemblées du peuple Une différence importante entre les hommes libres et les esclaves a trait à la répression pénale. L'amende, qui joue un rôle si important dans la législation pénale de l'Attique, est une peine qui ne frappe que les hommes libres; l'esclave, au contraire, comme le dit Démosthène', répond toujours avec son corps, c'est-à-dire qu'il subit un châtiment corporel là où l'homme libre n'est condamné qu'à une peine pécuniaire. L'esclave, n'ayant aucune personnalité juridique, n'a point d'action devant les tribunaux : c'est son maître qui le représente à cet égard, comme à tous les autres. L'esclave est même incapable de déposer à titre de témoin, sauf peut-être contre celui qui est accusé de meurtre'. En toute autre hypothèse on n'admet pas son témoignage libre et on ne l'interroge que par la torture. La loi de Gortyne reconnaît toutefois à l'esclave le droit de prêter témoignage sous la foi du serment dans un cas, celui où une femme esclave est violée par son maîtres. La loi reconnaissait cependant la personnalité de l'esclave, par la protection qu'elle lui accordait contre certains attentats dirigés contre sa personne ou sa vie. Ainsi, tandis qu'à Sparte l'esclave était abandonné aux insultes publiques, à Athènes, la ypaps à pewç était recevable contre celui qui maltraitait un esclave" [HYBREOS GRAPH , AnirAS nucr.]. L'esclave était aussi protégé dans sa vie par une autre disposition qui n'honore pas moins la législation athénienne : elle punit le meurtre de l'esclave à l'égal de celui de l'homme libre ". Une dernière disposition également protectrice de la personne de l'esclave, qui parait aussi avoir été inspirée par le désir de sauvegarder les intérêts du maître, est celle qui punit le rapt de l'esclave de la même manière que le rapt d'une L'esclave, par rapport à son maître, était considéré comme une chose possédée quelconque, un corps, awp.a. L'État n'a point, en principe, à intervenir dans les rapports du maître et de l'esclave : le premier a, vis-à-vis du second, le même droit d'user, de jouir et d'abuser qui lui appartient vis-à-vis de tout autre objet, compris dans son patrimoine. Le maître peut donc d'abord régler à son gré l'emploi des différents esclaves qu'il possède. 11 est entièrement libre de les affecter à tels ou tels travaux, en tenant compte ou non de leurs qualités physiques ou intellectuelles. Le mitre peut, en conséquence, les occuper au service intérieur de la maison, aux travaux des champs, à des exploitations rurales, industrielles ou commerciales 13.11 peut les appeler du nom qu'il lui plaît [NOMEN] 1~. En échange des services divers qu'il exige de son esclave, le maître lui donne la nourriture et le vêtement, le tout à son bon plaisir et selon l'intérêt qu'il peut avoir au bienêtre et à la conservation d'un esclave qui est son bien et qui représente une certaine valeur 15. Il arrive même qu'il témoigne de son affection pour lui en le recueillant après sa mort dans le tombeau de la famille ou même en lui élevant quelque monument". L'autorité que le maître possède sur l'esclave lui confère un droit discrétionnaire de correction. Les coups sont le châtiment ordinaire de l'esclave rebelle. Mais outre le fouet [ELAGELLUM, p. 1155; PORNA, p. 53071, le maître a à sa disposition d'autres punitions de toutes sortes, telles que moulins, cachots, geôles, entraves (fig. 6382) 17, carcan, cangue [GOMPES, NIMELLAE], privation de nourriture, etc., avec toute une série d'exécuteurs et de bourreaux. Les esclaves peuvent aussi être marqués au fer rouge sur le front ou ailleurs 's. Le droit du maître sur son esclave doit, de même que celui du père sur son enfant, aller jusqu'au pouvoir de le mettre à mort. Le législateur apporta toutefois certaines restrictions à ce droit exorbitant, moins peut-être dans des vues d'humanité que dans des considérations d'intérêt général, afin de prévenir les actes de violence privée19. La loi athénienne interdit au maître de mettre à mort son esclave, et la sanction de cette défense paraît avoir été celle qui était édictée pour l'homicide involontaire 20. Il était toutefois impossible, en cas de meurtre SER 1263 SER d'un esclave, d'appliquer au maître la disposition de la loi qui condamnait le coupable à l'exil jusqu'à ce qu'il eût composé avec les parents de la victime, puisqu'ici la victime n'avait pas de famille légale : aussi l'expiation devait-elle consister dans une sorte de sacrifice purificaIoire 1. La castration des esclaves, si elle n'était pas interdite par les lois, était du moins considérée par les Grecs comme une chose repréhensible, et l'emploi d'eunuques dans le service domestique était un fait exceptionnel La loi athénienne, tout en admettant dans de larges limites le droit de correction sur l'esclave, fournit à celui-ci un secours efficace contre les excès du maître, grâce au droit d'asile et à la faculté de changer de maître. A Athènes, comme dans les autres cités grecques, il y avait des sanctuaires spécialement affectés aux esclaves fugitifs : c'étaient notamment le temple de Thésée et le temple des Erinyes 3. L'esclave, réfugié dans un temple, qui craignait, après avoir été repris d'être l'objet de mauvais traitements, pouvait exiger de son maître qu'il le mît en vente, 7rpacty aireiv, afin de pouvoir passer sous un commandement plus doux. Mais, faute de renseignements sur l'exercicede ce droit, on ne peut guère faire que des suppositions sur la manière dont il fonctionnait`. Le droit de propriété qui appartient au maître sur son esclave, lui permet de s'assurer de la personne de celuici et de le revendiquer en tous lieux. Le maître peut user de tous les moyens possibles pour retenir sous le joug l'esclave qu'il soupçonne de vouloir prendre la fuite'. Si, néanmoins, l'esclave aréussi à s'enfuir, le maître peut se mettre lui-même à sa poursuite ou confier ce soin à des hommes chargés spécialement de ce métier 6. La poursuite peut s'exercer non seulement sur le territoire de l'Attique, mais encore, conformément aux principes du droit des gens alors en vigueur, sur le territoire des cités amies. Ilyeutmême, à ce sujet, des traités de restitution conclus entre certaines villes, notamment entre Athènes et Sparte et tous leurs alliés lors de la trève de Nicias 7. Le droit de propriété du maître lui confère aussi le droit de disposer de l'esclave à son gré et d'en faire l'objet d'un contrat quelconque, pourvu que ce contrat soit licite. Le maître peut d'abord vendre son esclave, et ce droit ne paraît comporter aucune restriction, comme celle de ne pas séparer le mari de la femme, un enfant de ses parents'. L'esclave peut également faire l'objet d'un contrat de louage'. La location des esclaves procurait, en général, de gros revenus à leurs maîtres. L'esclave peut pareillement être l'objet d'un contrat de prêt 10. Nous citerons enfin, parmi les contrats dont l'esclave peut faire l'objet, comme tout autre bien mobilier, le contrat de gage". L'esclave, n'étantguère considéré que comme une chose, ne peut naturellement avoir de patrimoine, et tout ce qu'il acquiert en servitude est acquis au maître. Toutefois, l'usage avait fini par concéder aux esclaves, non seulement à Athènes, mais dans toute la Grèce, certains droits sur son pécule c'est-à-dire sur la portion du patrimoine du maître dont celui-ci laissait l'administration à l'esclave, et qui était composée des sommes que le maître lui don Hait, des économies faites par l'esclave sur sa nourriture ou d'autres profits réalisés par lui. Ainsi il arrivait assez souvent que le maître laissât à l'esclave loué une partie de son salaire à la condition que l'esclave subviendrait aux frais de sa nourriture et de son entretien. Ce qu'il épargnait sur son nécessaire, faisait le fonds d'un pécule qui pouvait encore s'accroître d'autres manières. Quelquefois aussi, le maître, pour stimuler le zèle de ses serviteurs, leur donnait, un intérêt dans ce qu'ils étaient chargés de fabriquer ou de vendre". Le pécule pouvait également s'augmenter des petits profils réalisés par l'esclave et dus à son habileté, à son esprit d'intrigue ou à la générosité du maître ou des amis qui le fréquentaient. Le maître pouvait enfin autoriser un ou plusieurs de ses esclaves" à exercer librement une industrie, à charge par eux de lui verser périodiquement une redevance plus ou moins forte, prise sur leurs profits et désignée ordinairement sous le nom d'fi osooxtf. Les esclaves dans cette situation sont qualifiés soit de -papi; oixoûvseç, parce qu'ils ont un dornicile à eux, distinct de celui de leurs maîtres, soit de âvèpx7;oôa .i.taOopopouvra, en raison de la redevance qu'ils paient". Le pécule des esclaves, quelle qu'en soit l'origine, ne paraît avoir consisté, à Athènes, qu'en objets mobiliers, et les textes ne signalent pas un seul exemple d'esclave ayant été propriétaire d'immeubles". Mais, peut-être, le droit des esclaves était-il plus étendu dans les autres cités de la Grèce. A Gortyne, la loi reconnaît formellement la propriété des serfs sur le bétail, mais il est douteux que leur droit ait pu s'étendre sur la terre 77. L'esclave n'ayant aucune personnalité, son pécule ne saurait lui appartenir, et, juridiquement, ce pécule appartient au maître de même que l'esclave, et en quelque sorte par voie d'accession. Sans doute, en fait, le maître ne touche pas ordinairement au pécule, car c'est son intérê t même de le voir se développer. Mais, en droit, le maître peut retirer à l'esclave le pécule et même, dans l'usage, il se réservait d'y recourir en certaines occasions solennelles, il est vrai, mais encore assez fréquentes Dans l'intervalle, cependant, l'esclave peut user de son pécule, soit pour se procurer plus de bien-être en se donnant lui-même, par exemple, un serviteur, soit pour se payer les plaisirs et les divertissements des hommes libres. Il peut enfin s'en servir pour se racheter de la servitude [APELEUTHEROG 78. Le droit qui appartient au maître sur le pécule de l'esclave lui confère par là même le droit de recueillir ce pécule par voie de succession [suCCESSIO]. Les esclaves, considérés au point de vue du droit de propriété que le maître a sur eux, font partie de l'cuad L'esclave, ne pouvant disposer de sa personne sans le consentement de son maître, se trouve légalement dans l'impossibilité de fonder une famille en se mariant avec une esclave appartenant au même maître que lui ou à un maître différent Toutefois, en fait, on permettait assez souvent des unions de ce genre, et elles n'étaient point interdites par une loi de Solon, qui, au dire de Plutarque, aurait porté contre les esclaves d'autres prohibitions", SER -1264SER Les mai Ires favorisaient, d'ailleurs, les unions entre leurs esclaves. Il faut reconnaitre que si, dans le droit attique, il n'y a pas de mariage proprement dit entre deux esclaves, et si le motydgos n'est jamais employé par les auteurs grecs pour désigner leurs relations', il y a cependant une sorte de fixité, sinon légale, du moins usuelle dans les rapports d'un homme et d'une femme esclaves, et dans ceux des parents avec les enfants qui naissent de ces unions, c'est-à-dire qu'il y a une forme du mariage et une image de la famille'. Des actes privés, d'ailleurs, sinon les lois, reconnaissent, en fait, l'existence de ces unions et de la famille à laquelle elles donnent naissance 3. Abstraction faite des rapports de famille dont nous venons de parler, il ne saurait être question de relations ,juridiques, de contrats, par exemple, entre les esclaves d'un même maître, car ils sont censés parler au nom du maitre, qui ne peut évidemment traiter avec lui-même. Il n'y a de possibles que des actes juridiques entre des esclaves appartenant à des maîtres différents°. La liberté étant une condition indispensable de la personnalité ,juridique, l'esclave est légalement incapable de contracter avec des tiers, et il ne peut figurer dans un acte que comme le porte-parole de son maître. Si, par suite de l'emploi qu'en a fait son maître, l'esclave s'est trouvé en rapport avec des tiers, par exemple, à raison de l'exploitation d'un domaine ou d'une industrie qui lui a été confiée, l'esclave ne peut les actionner en exécution des engagements qu'ils ont contractés envers lui. C'est donc le maître qui, juridiquement, plaide soit en demandant soit, en défendant, dans tous les procès soulevés à l'occasion des actes de l'esclave 5. Si nous supposons d'abord que des actes délictueux ont été commis contre la personne de l'esclave, le soin d'en assurer larépression appartient au maitre. Si, par exemple, l'esclave a été tué ou blessé volontairement par un tiers, le maître peut intenter contre celui-ci la ypxviî ?dvou et la ypx~i Tpx~51AxTOy Éx 7rcovoivç. L'action est alors intentée non point au nom de l'esclave, mais au nom du maître. Que si l'esclave a été lésé pécuniairement par suite de l'i nexécution des engagements qu'un tiersavait contractés envers lu i, le maitre peut agir contre ce tiers au moyen de l'action née du contrat où a figuré l'esclave, afin de contraindre ce tiers à remplir ses engagements envers lui ou intenter contre lui la Ux-l p),4-î)q [RLARCS Du rE] Il se peut qu'à l'inverse, l'esclave cause à un tiers un préjudice par suite soit d'un délit, soit de l'inexécution des engagements qu'il a contractés envers ce tiers. L'esclave n'ayant point de patrimoine propre sur lequel le tiers puisse obtenir la réparation du préjudice qu'il a subi, le maître peut être actionné comme civilement responsable du dommage causé par ce dernier. La situation du maitre vis-à-vis de son esclave est donc semblable à celle qu'il a vis-à-vis des animaux qui lui appartiennent : il est également responsable du dommage causé par ces objets soumis àsa maîtrise. Le maitre responsable, c'est d'ailleurs celui auquel appartenait l'esclave au moment de l'accomplissement de l'acte dommageable'. La loi de Gortyne' pose toutefois à ce sujet une règle spéciale et décide que celui qui a acheté un esclave a trente jours pour effectuer la7resoéc u;, c'est-à-dire l'action rédhibitoire en raison de la découverle de vices cachés; mais s'il laisse passer ce délai sans agir, il est désormais tenu de tous les dommages causés par cet esclave, soit avant, soit après son acquisition. Lorsque le maître est complice de l'acte dommageable commis par l'esclave, il est directement responsable du dommage pour l'accomplissement duquel l'esclaven'apparait que comme un instrument. Il ne peut alors se libérer de la responsabilité qui pèse sur lui qu'en réparant intégralement le dommage causé, comme s'il avait été le seul auteur. Que si le maitre est resté étranger au fait dommageable, sa responsabilité a lieu néanmoins, mais elle est moins rigoureuse, en ce sens qu'il n'est tenu que propice rem, c'est-à-dire à cause de l'esclave et qu'il peul; se libérer en abandonnant l'esclave à la partie lésée. L'abandon noxal, admis pour les animaux, l'est également pour les esclaves, qui sont assimilés à des animaux juridiquement'. A côté des esclaves appartenant à des particuliers, et dont nous nous sommes occupé jusqu'à présent, il existe à Athènes, comme dans les autres cités grecques, des esclaves publics ou appartenant à l'l:tat, et que l'on ment étudié les causes de cessation de l'esclavage, ainsi que la condition des affranchis [APELEuTIIEROI]. Les questions d'esclavage ou de liberté peuvent donner lieu à plusieurs actions distinctes. Ainsi d'abord il peut y avoir contestation entre deux personnes relativement à la propriété d'un esclave. L'action en revendication qui s'engage à propos d'un esclave est la Six-ri üvôpx7rd6en, à l'égard de laquelle nous ne possédons presque aucun renseignement. Nous savons seulement que cette action était soumise à la procédure sommaire introduite par les Elaxyloysiç [EISAGOGEIS]'0. Un second cas de contes tation est celui où: une personne réclame la mise en liberté d'un individu qui, en fait, se trouve en état d'esclavage ou, à l'inverse, réclame comme esclave un individu qui est libre en fait. Nous avons précédemment indiqué les règles à suivre à cet égard [APRAIRESrs Ers VI. Du SERVAGE. L'esclave dont nous avons jusqu'à présent étudié la situation, c'est, en quelque sorte, l'esclave meuble, juridiquement assimilé à toute autre propriété mobilière. Le droit grec a-t-il connu une autre espèce d'esclave, que l'on peut qualifier d'esclave immeuble, c'est à-dire semblable au sol auquel il est attaché, ou, en d'autres termes, retrouve t-on dans l'ancienne Grèce ce que l'on a nommé, à d'au Ires époques, le servage de la glèbe? La question a été précédemment étudiée spécialement pour les Hilotes à Sparte, pour les Pénestes en Thessalie et pour les dv sguàîat et les xnxpieTou en Crète [APDAMIOTAF, IIILOTAE]. En ce qui concerne notamment l'Attique, la question du servage dépend de la situation que l'on veut attribuer à la classe d'individus nommés 7rE) rm [RELATAI] ou à,xTüp.opot [HEETÈMOROI] et de la signi fication que l'on donnera à la réforme accomplie par Solon SER 1265 SER et nommée par ses contem porains eetv«;r9ef« [sEISACUTUEIA]. DROIT ROMAIN. A Rome la division fondamentale (summa divisio) en ce qui concerne la condition juridique des personnes, c'est que tous les hommes sont libres ou esclaves'. Les Institutes de Justinien disent, en conséquence, que îe la liberté est la faculté naturelle de faire tout ce que l'on veut, sauf les obstacles résultant de la force ou du droit. Quant à la servitude (servitus) c'est une institution du droit des gens par laquelle, contrairement à la nature, une personne est soumise au droit de propriété d'une autre 2 n. L'esclavage est donc la condition des personnes qui sont la propriété d'une autre. Pendant longtemps à Rome, comme en Grèce d'ailleurs, l'esclavage fut considéré comme naturel et légitime. Cicéron semble l'accepter comme fait inséparable des nécessités de la vie 3. Sénèque, tout en recommandant aux maîtres l'humanité envers leurs esclaves, ne combat nulle part le principe de l'esclavage`. Les jurisconsultes de la période impériale, imbus des idées philosophiques modernes, considèrent bien l'esclavage comme contraire à la nature, mais ils observent que c'est une institution du droit des gens (jus gentium), parce qu'elle existe chez tous les peuples de l'antiquité'. Quant à sa légitimation, ils la trouvent dans l'événement qui en a toujours été la principale source, la guerre : le vainqueur ayant le droit de tuer le vaincu, possède, à plus forte raison, le droit d'en faire sa propriété ou de le vendre, ac per /toc .servare a, d'où le nom de servus pour désigner l'esclave'. Même après que le christianisme eut hautement proclamé que tous les hommes sont égaux et libres, l'institution de l'esclavage avait pénétré si profondément dans lesmceurs qu'il était impossible de l'en faire disparaître et, sauf certaines mesures légales destinées à protéger l'esclave contre les abus de pouvoir du maître, sauf une diminution notable des causes de servitude et une facilité plus grande donnée aux affranchissements, l'esclavage, sous Justinien, était aussi florissant que dans la Rome antique. CAUSES DE L'ESCLAVAGE. -Les jurisconsultes romains distinguent ceux qui sont nés tels et ceux qui le sont devenus. Ils divisent aussi toutes les causes de l'esclavage en deux classes : les unes appartenant au jus gentium, les autres au jus civile 3. Les causes dérivant du jus gentium, les plus anciennes sont la captivité et la naissance. La captivité d'abord, conformément au principe antique dont les Grecs avaient déjà fait application. Il y a toutefois certaines distinctions à observer. Lorsqu'il s'agissait d'un peuple avec qui les Romains n'entretenaient aucune relation d'amitié ou d'alliance, le principe s'appliquait à tout captif fait sur ce peuple, même en dehors de toute guerre déclarée. Mais dans les rapports avec les peuples amis ou alliés, la capture d'un prisonnier n'était une cause d'esclavage légal que si cette capture avait eu lieu à la suite d'une guerre régulièrement déclarée suivant un certain cérémonial consacré (justum bellum) '. Pris dans d'autres conditions, notamment par des brigands, des pirates ou dans une guerre civile, le captif ne perdait pas sa qualité d'homme libre 10. VIII. Au surplus, d'après une tradition fondée sur l'équité et passée dans le droit, le captif qui s'échappe et retourne dans ses foyers cesse d'être esclave par application du jus postlin66nii POSTLIMINIUM). En ce qui concerne le fait de la naissance, la règle est que les enfants d'une femme esclave naissent esclaves. C'est un principe, en effet, que les enfants issus d'une union non légitime suivent la condition de leur mère". En principe, pour déterminer le sort de l'enfant, on s'attache à la condition qu'a la mère au moment ott l'enfant acquiert une personnalité distincte, c'est-à-dire au moment de la naissance''. Mais, de bonne heure, on admit que l'enfant naîtrait libre du moment que la mère aurait été libre à un moment quelconque de la gestation''. Les causes de l'esclavage jure eivili ont varié suivant les époques. Le principe, à cet égard, fut toujours que, si l'homme libre ne peut volontairement aliéner sa liberté, celle-ci peut cependant lui être enlevée à titre de peine. Ainsi, dans l'ancien droit, le citoyen qui ne s'est pas fait porter sur les registres du cens est vendu au profit de l'État comme esclave 1.4, règle qui tomba en désuétude avec le cens ]CENSuS]. La loi des XII Tables, d'autre part, décidait que le voleur pris en flagrant délit, fur manifestu.s, était attribué comme esclave à la victime du vol [FODTUM], mais le préteur y substitua une amende t0. A l'époque classique, on trouve d'autres causes d'esclavage jure civil). : 1" la femme libre qui, connaissant sa condition, entretient des relations avec un esclave, contre le gré du maître de ce dernier, perd au profit de ce maître sa liberté et ses biens. Telle était la disposition du sénatus-consulte Claudien, abrogé par Justinien1f; 2° la condamnation aux mines (ad inetellum) ou aux bêtes féroces (ad bestias) entraîne également la perte de la liberté; ces condamnés sont nommés, en conséquence, (servi poenae). Mais, dans le dernier état du droit, il n'est plus question de cette cause d'esclavage, Constantin ayant supprimé la condamnation aux bêtes et Justinien ayant décidé que la condamnation aux mines n'entraînerait plus l'esclavage"; 3° une disposition de l'édit du préteur punit de l'esclavage une fraude qu'avait suggérée le principe de l'inaliénabilité de la liberté humaine, la misère aidant. Un homme libre se faisait vendre comme esclave par un complice, partageait le prix avec lui et réclamait ensuite sa liberté inaliénable. Une décision de Q. Mucius Scoevola décida que l'auteur d'une pareille escroquerie deviendrait esclave de l'acheteur, à la condition qu'il eût vingt ans au moins, qu'il fût de mauvaise foi et que l'acheteur fût de bonne fora; 4° des institutions impériales, rendues dans le but de réprimer l'ingratitude des affranchis, ont permis au patron de demander devant le magistrat la révocation de l'affranchissement [LIDERTUS]. Condition juridique des esclaves. Envisagée en elle-même, et abstraction faite du point de savoir si l'esclave a un maître ou s'il n'en a pas, sa condition juridique peut se résumer dans cette règle posée par le jurisconsulte [Jlpien: en droit civil, l'esclave n'a pas de personnalité ; c'est une simple chose ; mais, en droit naturel, la 159 SER 1266 S GR personne de l'esclave ne diffère pas de celle des autres hommes ; il a les mêmes droits et les mêmes devoirs. De cette conception rigoureuse du droit civil résultent de nombreuses conséquences. Ainsi notamment : 1° L'esclave, n'étant pas membre de la cité, ne peut exercer aucun droit politique ; il ne peut, dès lors, aspirer à aucune magistrature, ni figurer dans l'armée `' 11 n'y a pour l'esclave ni famille, ni mariage. En fait, l'esclave peut bien avoir un père et une mère; mais il n'y a entre eux aucune parenté légale, cognatin servilis nulla est. De même, l'union de l'esclave (contubernium) est un pur fait et, même contractée avec l'assentiment du maître, elle ne saurait jamais constituer un mariage, malrinm7ziuin [MATnIDONIU3 . Cette union, que le maître peut dissoudre à son gré, ne donne dès lors au mari aucun pouvoir sur sa femme, simple compagne de servitude, ni au père aucun pouvoir sur ses enfants .1'ATa1A DoTESTAS]. 3° A la différence de l'homme libre, l'esclave ne peut avoir aucun patrimoine actif; tout ce qu'il acquiert appartient à son maître 2. L'esclave n'a pas non plus, à l'inverse, de patrimoine passif, c'est-à-dire qu'il ne peut contracter aucune obligation personnelle; on admet seulement qu'il s'oblige par ses délits, et encore cette obligation ne peut-elle produire d'effets à son égard qu'après le jour où il a acquis la liberté'. 4° L'esclave ne peut paraître en justice ni comme demandeur, ni comme défendeur, car les voies (le procédure ne sont ouvertes qu'aux hommes libres `. Si donc il est blessé ou violenté, c'est le maître seul qui peut se plaindre, s'il le veut, du tort qu'on lui a fait, comme il pourrait le faire pour un animal blessé ou pour un objet brisé. Cette assimilation de l'esclave à une chose n'empêche pas cependant qu'il soit un être humain et qu'il y ait entre lui et les autres objets, susceptibles d'appropriation privée, une différence essentielle, qui le fait rentrer, à un titre semblable, dans la catégorie des alieni ,juris comme les enfants en puissance. Ce caractère d'être humain devait forcémententraîner certaines atténuations à la rigueur de la conception primitive et à la reconnaissance, à certains points de vue du droit public ou privé, de la personnalité qu'il possède en fait. Dès les temps les plus anciens, d'ailleurs, cette personnalité de l'esclave avait été admise au point de vue religieux. Aussi, bien qu'en droit les esclaves n'eussent pas de sacra privata, c'est-à-dire de culte qui leur fût propre, ils n'étaient pas absolument exclus de tout culte. On voit notamment qu'ils participaient à la fête des dieux Lares jcorlerrALiA] 0. D'autre part, les lois reconnaissent au tombeau de l'esclave le caractère de res relie qin m et lui donnent la protection assurée à la sépulture des autres citoyens°. Au point de vue du droit privé, la personnalité de l'esclave fut également, surtout, à l'époque classique, reconnue à bien des égards, sous l'influence de cette idée que l'esclave, au lieu d'être simplement, comme en Grèce, l'outil vivant de son maître, est considéré à Rome comme son instrument juridique. L'esclave peut, en quelque sorte, servir à son maître de porte-parole; il est entre ses mains une sorte de machine intelligente qui lui permet d'augmenter sa capacité et d'étendre le cercle de son activité juridique. On admit dès lors que l'esclave avait qualité pour figurer, au lieu et place de son maître, dans certains actes juridiques et qu'il pouvait, en empruntant sa personnalité (ex persona domini), le rendre propriétaire, créancier. Le citoyen, qui ne pourrait par l'intermédiaire d'un autre citoyen, acquérir un droit de propriété ou un droit de créance, le peut par l'intermédiaire de son esclave Cette aptitude juridique n'est toutefois reconnue à l'esclave que dans l'intérêt et par représentation du maître: elle fait défaut, dès lors, au servus sine domino, qui ne peut emprunter la capacité d'aucun maître 8. Le droit civil ne permettait toutefois à l'esclave que de rendre son maître propriétaire ou créancier, mais non de le rendre débiteur, même avec son consentement. Le droit prétorien alla plus loin et permit aux maîtres de devenir débiteurs par l'intermédiaire de leur esclave, agissant, bien entendu, de leur aveu. C'était ainsi donner aux maîtres le moyen de procéder, par l'intermédiaire de leur esclave, à des opérations de commerce qui supposent des engagements réciproques. L'édit du préteur donne, en conséquence, au maître la faculté d'user d'un double procédé. Le maître peut d'abord mettre son esclave à la tête d'une entreprise commerciale ou industrielle, de telle sorte que ceux qui contracteront avec l'esclave, dans la limite de ses pouvoirs, auront une action contre le maître, comme l'action exercitoria ou institoria9. Le maître peut, d'autre part (et cette seconde combinaison lui permet de limiter ses risques de perte), mettre l'esclave à la tête d'un pécule 'mELULtmsI jusqu'à concurrence duquel l'esclave peut s'engager envers les tiers. Ces deux combinaisons, bien qu'inventées dans l'intérêt exclusifdu maître, arrivaient toutefois à donner une grande indépendance de fait aux esclaves préposés, par exemple, au commandement d'un navire, à la direction d'un comptoir ou d'une industrie. La personnalité de l'esclave s'affirme, d'un autre côté, en matière de procédure. Dlcapable, à l'origine, de figurer en justice, l'esclave peut, sous l'Empire, porter plainte devant le magistrat, quand il se prétend affranchi dans un testament supprimé par l'héritier du maître ou quand il allègue une violation de la convention d'affranchissement intervenue entre lui et son maître 10. Le droit civil, qui d'abord ne reconnaissait d'autre obligation civile à la charge de l'esclave que celle résultant de ses délits, finit par admettre que, par ses contrats, l'esclave peut devenir créancier ou débiteur naturel ". En ce qui concerne le droit des personnes, on voit successivement admettre par la jurisprudence ou par le législateur de nombreuses règles qui reconnaissent ou protègent la personnalité de l'esclave. Ainsi, contrairement à la règle co,[jnatio servilis nulla est, la ,jurisprudence attribue, après l'affranchissement, des effets juridiques à la parenté formée en état d'esclavage ; elle constitue notamment un empêchement au mariage et, donne naissance à l'obligation alimentaire". D'autre part, on applique aux esclaves, par voie d'analogie et même avantl'affranchissement, laloi pompeiasur le parricide 10. S ER 1267 SER Dans ses rapports avec son maître, la situation de l'esclave peut, en droit strict, se résumer ainsi : le maître a sur l'esclave une puissance absolue et sans limites, la poleslas dontinica semblable au pouvoir qu'un propriétaire a sur la chose qui lui appartient. Le maitre peut donc, non seulement se servir de l'esclave à son gré, mais encore louer ses services, l'aliéner, le punir et même le mettre à mort'. L'esclave n'a pas non plus de patrimoine: tout ce qu'il acquiert devient la propriété du maitre, comme accessoire de la personne de l'esclave, et, à ce même Litre, tous les biens qu'il avait avant de tomber en esclavage deviennent la propriété du maître. On pourrait être tenté de croire que ce droit absolu du maitre sur l'esclave s'exerça, à l'origine, dans toute sa rigueur et que ce fut seulement à une époque de civilisation plus avancée qu'il s'humanisa. Ce fut cependant le contraire qui eut lieu. Aux premiers siècles de Rome, en effet, le pouvoir du maitre sur l'esclave ne fut qu'une sorte d'autorité domestique, dont il usait avec ménageaient,l'esclave étant considéré comme faisant partie de la famille. Cette modération tenait à plusieurs causes notamment à la communauté d'existence et d'occupations qui établissait entre les esclaves et leur maitre des rapports intimes et souvent affectueux 3. Tandis que l'esclave, admis à la table du maitre, prenait ses intérêts et s'efforçait de contribuer à la prospérité de' sa maison, le maitre, de son côté, voyait en lui moins un outil animé qu'un compagnon de travail dont il était le protecteur naturel. A ce Litre, le chef de famille avait envers l'esclave des devoirs de même nature qu'envers ses enfants. Il devait pourvoir à sa nourriture et à son entretien, lui donner les soins nécessaires en cas de maladie, et, s'il manquait à ses devoirs, il _encourait le bliimedu censeur, sanction énergique tant que les moeurs restèrent pures'. Vers la tin de la République, la situation change. Les esclaves ne sont plus que des étrangers ou des barbares tirés par la force de tous les points du monde connu. La diversité de race, de religion, de moeurs, les sépare profondément du citoyen romain qui les méprise, les considérant comme des êtres inférieurs. Le nombre des esclaves s'est, du reste, considérablement accru. Au lieu de l'esclave unique de chaque sexe que l'on rencontrait autrefois, même dans les familles riches, au dire de Pline ", c'est par centaines qu'on les compte dans les maisons puissantes 6. Le luxe raffiné des villes et le développement des exploitations agricoles ont créé des besoins qui ne peuvent être satisfaits que par un personnel nombreux (familia urbana, familia rustica)'. La plupart des esclaves n'ont plus aucun rapport direct avec leur maître, et ils ne comptent, aux yeux de ce dernier, que pour leur valeur marchande. C'est alors que se produisirent ces abus, ces cruautés dont l'histoire a gardé le souvenir et que, pour une maladresse, un Vedius l'ollio faisait jeter ses esclaves en pàture à ses murènes'. Le législateur dut intervenir pour réprimer ces abus et limiter les pouvoirs du maître, et cela non pas seulement, dans un but d'humanité, mais aussi dans l'intérêt de l'État, car la rigueur des inailres pouvait exciter les esclaves à la révolte, ainsi que l'avaient prouvé les guerres serviles. Un courant d'idées favorable aux esclaves se produisait, d'ailleurs, chez les moralistes et les philosophes tels que Cicéron, Horace et Sénèque. Ces idées se traduisirent dans la législation classique par un certain nombre de mesures favorables aux esclaves. Une lui Petronia, rendue sous Auguste ou Néron, fut, la première immixtion des pouvoirs publics dans les rapports de l'esclave avec son maitre. Elle décide que ce dernier ne pourra plus, sans une cause légitime vérifiée par le magistrat, livrer son esclave pour le faire combattre coulre les bêtes féroces''. Un édit de Claude décida que le maitre qui abandonnait son esclave oit gravent in/irm.italem le rendrait libre et Latin Jumien, et que celui qui le tuerait au lieu de le délaisser serait puni comme meurtrier10, Hadrien supprima les ergaslula'l. Sous son règne, un sénatus-consulte retira aux. mai Ires le droit de punit' les crimes gravas commis par leurs esclaves; l'instruction doit être confiée au préfet de la ville et, si elle est faite par le maitre, celui-ci doit livrer l'esclave au préfet des vigiles pour l'exécution de la peine12. Deux constitutions d'Antonin le Pieux complètent ces décisions. L'une punit le maître qui tue son esclave sans cause comme s'il avait tué un citoyen ; l'autre prescrit aux gouverneurs de province de forcer les maîtres trop cruels à vendre leurs esclaves13. Pour donner plus d'efficacité à la protection accordée à l'esclave, un magistrat fut chargé, au moins depuis Néron, de recevoir les plaintes des esclaves contre leurs maîtres : c'était, à home, le préfet de la ville et, dans les provinces, le gouverneur ". Septime Sévère chargea le préfet de la ville de protéger la pudeur des esclaves 15. L'esclave accusé d'un crime est justiciable de ce magistrat, et un sénatus-consulte de l'an '20 lui donne les garanties de procédure accordées à tout citoyen'". Aux adoucissements que les empereurs païens apportèrent successivement à la situation des esclaves, les empereurs chrétiens ajoutèrent peu de chose, se préoccupant plus de multiplier les causes d'acquisition de la liberté que d'améliorer le sort des esclaves. Si, au point de vue du droit, la condition des esclaves est absolument uniforme, en fait, elle peut varier, d'abord suivant les fonctions auxquelles le maître les emploie, d'après leurs aptitudes personnelles et aussi d'après son affection ou son caprice (v. infra), ensuite selon qu'il leur constitue ou non un pécule (PacuLJCa(. À côté des esclaves appartenant à un particulier (servus privatus), il y a deux autres sortes d'esclaves dont la situation est spéciale, à savoir les esclaves sans maitre et les esclaves publics. Les esclaves sans maître (servi sine domino) comprennent certaines catégories de condamnés (à mort, aux travaux forcés, aux bêtes), servi poenae, les esclaves SE[t -1268SER derelicti ou abandonnés par leur maître, les servi Irere(litarli, lorsque l'hérédité dans laquelle ils sont compris ne trouve personne qui puisse ou qui veuille l'accepter. Les esclaves sans maître ne peuvent réaliser aucune acquisition pour qui que ce soit, car l'esclave ne peut avoir qu'une capacité d'ernprunt, émanation de celle du maître, qui lui fait ici défaut 1. Toutefois, par une raison d'humanité, on a reconnu à ces esclaves la capacité de recevoir un legs d'aliments'. I,es esclaves publics sont ceux qui appartiennent à l'État, servi pub/ici populi romani. Ils sont ordinairement affectés au service des magistrats ou employés dans l'administration. Au point devue juridique, ilsse trouvent dans une situation supérieure à ceux qui ont pour maître un particulier, car ils peuvent avoir un patrimoine et peuvent, par testament, disposer de la moitié de leurs biens;' Cessation de l'esclavage. L'esclavage peut cesser soit par des causes indépendantes de la volonté du maître, soit par une renonciation volontaire de ce dernier à sa puissance dominicale. L'esclavage peut cesser, indépendamment de la volonté du maître, par l'effet du postliininiurn [POS'rLIMINIUM], lorsqu'il s'agit d'esclaves devenus tels par la captivité. Quant à la renonciation volontaire du maître à sa puissance, elle s'effectue au moyen de l'affranchissement dont nous avons précédemment indiqué les modes [MANUmissio] et les effets [J.nuL:RTUS]. Procès relatifs à le liberté. Ces procès liberalis causa) se présentent sous deux formes différentes : tantôt un esclave réclame la qualité d'homme libre )vindicat io in liéertatenl), tantôt tin citoyen prétend qu'un homme libre est son esclave (vindicatio in servitulenn). Dans le premier cas, l'esclave ne peut agir en justice que par l'intermédiaire d'un adsertor libertatis, c'est-à-dire d'un citoyen venant affirmer devant le magistrat que l'esclave est, injustement retenu en servitude. Dans le second cas, l'esclave peut défendre en personne son procès, car il est in possessions libertalis. Le procès de liberté s'intentait, dans le système des actions de la loi [1,F:G1s AC'rto], dans lit l'orme ordinaire des actions réelles, par une aclio sacrenienli, où à la vindicatio d'une partie devait répondre une contraoindicatio de l'autre, et oh la restitution de l'esclave au maître qui ne le possédait pas devait ètre garantie par des.cautions (prudes titis et virrdiciaruln). La difficulté que l'esclave pouvait éprouver, soit à trouver un adsertor disposé à s'exposer à la perte du sacra mentent, soit à fournir les caulionsrequises, avait fait admettre un certain nombre de règles favorables à la liberté. Ainsi les vindiciae sont toujours données secunduin libertateio, c'est-à-dire que la personne sur la qualité de qui on plaide doit rester en liberté provisoire pendant le procès'. D'autre part, les procès de liberté ne sont pas soumis aux jurés ordinaires, mais au tribunal des deceinviri litibus judicandis La preuve, dans les procès de liberté, incombait Lou jours à celui qui voulait changer l'état de choses existant, sine dolo male, au moment de la poursuite '. Le jugement avait naturellement autorité de chose jugée entre les parties. Mais, quand il reconnaissait la liberté de l'une d'elles, celle-ci voyaitson état assuré à l'égard de tous'. Si, d'ailleurs, le procès avait été soutenu par un adsertor, celui-ci agissant en son propre nom, il n'y avait chose jugée qu'entre lui et le maître. La question pouvait donc être reprise si l'esclave trouvait un autre adsertor, cela trois fois au moins et peut-être davantage'. Sous le système formulaire, les procès de liberté, au lieu d'être intentés dans la forme des actions réelles, le sont sous celle des actions préjudiciables [PnAraumcruM], au moyen d'une formule posant au juge la question an liber sit La nécessité de l'adsertor, les faveurs relatives à 1a liberté provisoire et à la possibilité de recommencer le procès subsistèrent même après Dioclétien ". Plus tard, les procès de liberté donnèrent lieu à une procédure extra ordinern qui se passait, à l'origine, devant les consuls, et plus tard dévolue à un préteur spécial, le praetor de liberalibus causis". Justinien supprima la règle admise jusque là concernant la nécessité de l'adsertor, de même que la faveur admise par corrélation en matière de chose jugée t2. Les interdits possessoires, retinendae et recuperandae possessionis, son! applicables en notre matière [INTrRnIC'ruM]. C'est même à propos des revendications d'esclaves que se rencontre l'application la plus fréquente et la plus importante de l'interdit ulrubi".On rencontre, en outre, des interdits exhibitoires", destinésà faciliter au maure l'exercice de ses droits. L. Bnnucm=.r. SITUATION ET FONCTIONS DES ESCLAVES. hitl]cP. On a vu que la guerre, les captivités qu'elle en'raine, sont à la base de l'institution de l'esclavage ; elles en furent l'occasion première; faut-il admettre avec certains auteurs' que lacause véritable fut dans le mépris du travail? Citer les peuples encore voisins de l'état de nature. a-t-on dit, le travail passe pour attentatoire à la dignité de celui qui s'y livre, non pour l'effort corporel qu'il demande, mais pour la régulari té et la discipline qu'il suppose. Les menues besognes journalières sont imposées aux femmes; aussi, dans les civilisations primitives, les esclaves demeurent une rareté : ils sont inutiles à la chasse ; pour l'élevage, les nomades s'en peuvent aussi passer. Quand commence la vie agricole, plus absorbante, la femme ne suffit plus et l'on tire parti de l'ennemi vaincu. Mais encore préférait-on, surtout à l'origine, tuer les captifs hommes et conserver les femmes et les enfants 2. Ces observations sont très exagérées; l'esclavage est, rare dans les temps reculés, parce qu'alors la vie reste mesquine et sans luxe. Il est manifeste qu'à l'époque SER 1269 StR homérique le travail manuel était estimé; même les gens de haute naissance n'y répugnaient pas '. Hésiode 2 proclamait qu'il n'a rien de honteux. Une opinion tout autre se fait jour plus tard, mais elle domine surtout dans les Étals aristocratiques, ceux qui ont connu le servage. A Sparte, le citoyen fut une manière de rentier, tout à ses devoirs civiques et militaires, et auquel la loi interdisait tout travail'. En Crète, d'après une vieille chanson, l'homme heureux était le guerrier nourri par ses serfs A Thespies, l'exercice d'un métier est dégradant. Dans d'autres cités, la qualité de citoyen est incompatible avec l'exercice d'une profession mécanique' ; à Thèbes, le boutiquier n'arrive aux magistratures que dix ans après s'être retiré des affaires'. A Épidamne, les ouvriers étaient tous esclaves d'état', et le commerce extérieur un service public Corinthe ne connut guère que l'oligarchie, mais sa prodigieuse activité économique appelait la collaboration de l'homme libre qui, même artisan, y était considéré 10. L'avènement de la tyrannie fut de toutes manières une révolution : ce régime s'appuyait sur les basses classes, qu'il enrichit souvent des dépouilles des nobles, et qui occupèrent dans la cité une place prépondérante. Certains tyrans allèrent jusqu'à imposer le travail à tout le monde et les démocraties obéirent à la même tendance. Une loi, due à Solon ou à Pisistrate, condamnait à Athènes l'oisiveté et astreignait à une tâche quelconque tous ceux qui n'avaient pas de moyens réguliers d'existence'' Une autre autorisait l'action en diffamation contre tout, individu qui reprochait à un citoyen sa profession, si modeste qu'elle l'ût'3. Thucydide''` est d'avis que le plus humble ouvrier doit être associé aux affaires publiques ; de fait, les artisans détenaient à l'ecclesia la majorité' et, en justice, remplissaient les jurys '9. L'extension des privilèges politiques à la richesse mobilière dénote un état d'opinion favorable aux arts manuels, et on ne croyait pas avilir la qualité de citoyen en la conférant aux industriels étrangers domiciliés [METOIroi; l'. Quelques métiers seulement semblent avoir été tenus en défaveur, au moins dans les premiers temps et dans certains milieux". Mais il faut tenir compte des préjugés de l'aristocratie, qui trouvent leur expression dans les théories des philosophes. Socrate, parmi eux, eut peutêtre des vues plus judicieuses, si Xénophon ne lui a prêté sa propre façon de voir" ; mais les autres ont émis sur l'esclavage des idées qui, aujourd'hui, nous paraissent singulières. Platon accepte l'institution, comme indispensable et, d'ailleurs, avantageuse autant que périlleuse dans l'état des sociétés présentes; ils s'abstient de la réprouver ou de la justicier, se bornant à mettre en regard sa république idéale, où aucune servitude n'existerait''. Aristote déclare l'esclavage à la fois nécessaire et naturel, parce qu'il l'observe dans le monde où il vit, et en conclut que la condition même de l'homme l'a imposé". Ces grands esprits parlaient pour une élite intellectuelle, pour leur public; ils subissaient la contagion d'un snobisme » auquel la masse de la population demeura réfractaire". Aristotereconnaissaitque,si l'esclave est une propriété, c'est une propriété qui a une âme, x-cmez til Ei4,u»v. Les poètes, ceux du théâtre surtout, plus rapprochés de ]a nature humaine, firent entendre parfois d'éloquentes paroles: yugot oéôsiç Sou)oç, disait Philéinon23. D'autres écrivains ont môme émis cette idée erronée que dans la très haute antiquité l'esclavage n'existait pas2'' ou qu'il n'y avait pas d'esclaves achetés". En réalité, les coups de force ont de tout temps produit de nombreux cas de servitude. Dans IIomère, les esclaves'' sont généralement des femmes, parce que l'industrie d'alors, une très petite industrie, est surtout familiale, se passe d'accessoires mécaniques compliqués et se pratique principalement à la maison, d'où les termes de Sp,é1ç, Spairl1, tirés de âhu.oç, et non, comme on l'a dit, de iopar, de même que fa/nulus dérive de J'arnilia ". Les tentes d'Agamemnon renfermaient un grand nombre de femmesL8; les tragédies qui se rattachent au même cycle font chanter des choeurs de captives. Celles ci, dans cette civilisation à demi-orientale, rendaient encore un autre genre de services : en Orient,, l'esclavage n'a jamais joué un grand rôle; on avait des esclaves pour ses besoins personnels; l'achat ou le rapt des femmes remplaçaient la prostitution réglée qui se rencontre plus tard". Les hommes cultivaient le champ du maître, faisaient paître ses bestiaux. Des uns et des autres la situation était douce : Eumée le porcher fut élevé avec Climène, fille de Laerte ; il menait une existence presque indépendante dans un coin reculé du domaine'". Ces êtres déchus jouissaient au moins de la sécurité ; l'isole meut était alors si dangereux qu'on voyait dans son maître un protecteur qu'on ne cherchait pas à fuir; Homère semble ignorer l'atl'rancllissement3i Dans les temps qui suivirent, l'agriculture continua à être la source principale de richesse; alors naquit le servage ; tel est l'état d« t une famille de paysans établie de père en fils sur une parcelle de terre, dont elle ne peut jamais se séparer et qu'elle exploite, moyennant une redevance annuelle, pour un propriétaire riche" ». Ce régime est l'oeuvre de l'aristocratie; il repose sur le principe de la division du travail social ; il fallait deux classes dans l'État; l'une pour gouverner et combattre, l'autre pour nourrir la première. Il y a une analogie frappante entre les obligations de l'affranchi et celles du serf, et c'est une indication pour nous. Un affranchi assumait cette condition pour éviter la misère; des hommes libres aussi, leurs dettes les y acculaient. Il y eut d'abord une série d'engagements isolés, sporadiques, progressivement étendus au point d'englober une partie de la plèbe. Ce système prévalut longtemps à Sparte (pilotes), en Crète xl,aow15Mou4f.L.tcââT«tetpalûvti2133),enThessalie(Pénestes) jusqu'à la conquête romaine, où fut enfin réduit à rien le rôle militaire de la classe riche; ailleurs, il disparut au SEH 1270 SER plus tard à l'époque hellénistique I, grâce au développement, de la classe moyenne et étant admis que le même homme pouvait s'occuper de la chose publique et de ses affaires privées'. En Attique, les esclaves l'emportaient de beaucoup en nombre, pour l'agriculture ', surtout pour les travaux viticoles'; dans toute exploitation un peu étendue, les travailleurs étaient placés soifs l'autorité d'un régisseur, é trsrx'r , Ë7céTpolros, de condition généralement servile, dont Xénophon détaille les qualités nécessaires. Mais plus nombreux encore furcut les esclaves qu'employèrent le commerce et l'industrie ; cette autre activité prit en Grince, au ville siècle, un développement rapide : le sol du pays, souvent rocheux et privé d'eau, put avec peine soutenir la concurrence du blé d'outre-mer Désormais, on se concentre dans les villes et on y entreprend une industrie. Là on était jadis contenté des produits manufacturés des Phéniciens, auxquels on vendait les matières premières; mais l'idée se fit jour enfin de les imiter, pour se passer d'eux ; ce mouvement se dessine d'abord dans les régions côtières ioniennes, puis dans les villes de la Grèce propre en relations avec l'Ionie; c'est à Athènes qu'il atteignit son apogée. Les pauvres de la campagne cherchent une occupation à la ville, mais on ne transforme pas en un jour un paysan en artisan ; un citoyen jouissant de tous ses droits n'aime guère à se mettre à la solde d'un autre ; il coûte cher et produit peu. Un esclave -este mieux dans la main du patron, et il est manifeste qu'en général l'entreprise préférait le travail servile La population libre s'émut; les tyrans parfois tinrent compte de ses voeux ; I'ériandre, àCorinthe, défendit l'importation d'esclaves de luxe ; mais le mouvement était impossible à empêcher ou à endiguer. D'abord les guerres se multipliaient; c'étaient des hommes libres que la mort y frappait, en réduisant le nombre, et après la prise d'une ville toute la population appartenait au vainqueur; ruais de préférence on tuait les hommes faits, gardant les femmes et les enfants, plus faciles à emmener, même sous faible escorte ; en outre, les enfants pouvaient être plus aisément acheminés et entraînés à la vie qui les attendait. On a parlé plus haut des effets de la piraterie ; enfin, il -.établit un immense commerce d'esclaves; l'avantage de ce dernier mode de recrutement était d'ouvrir un choix bien plus large que les captures de prisonniers ; on pouvait ainsi puiser dans des races très diverses, appliquer à l'entreprise projetée les travailleurs les plus aptes', notamment ces barbares " qu'une existence plus rude, moins rai'finée, désignait, plutôt que des citoyens, pour les besognes grossières ou une domesticité absolue ; d'ailleurs cette servitude était, jugée conforme à la nature des choses", alors que quelques-uns, comme Platon1' ou Aristote, regrettaient l'asservissement de tout homme di' l'ace hellénique; or, les guerres éclataientsouvententre Grecs; sur le tard, les esclaves grecs furent accaparés par les monarques orientaux et le monde romain; il fallut un apport barbare pour combler tous ces vides1t, Une preuve de l'importance attachée àl'origine ethnique des esclaves est dans leur mode de désignation n. Souvent, on laissait à l'esclave un nom particulier, sans l'helléniser, ou on l'appelait d'après son ancienne nationalité barbare: (bpi:, I`:a'.o, 'I' éS sont typiques pour les sujets paresseux et balourds; pourtant de telles qualifications n'emportent pas toujours un sens défavorable. En Attique, les esclaves reçoivent aussi des noms de héros, de dieux inférieurs, de personnages historiques, hormis ceux des Tyrannoctones. Mais en somme, dans les tableaux chronologiques qu'on a dressés, c'est l'ethnique barbare qui permet le plus longtemps et le plus sûrement de reconnaitre un esclave. Les documents de Delphes 13 sont utiles à consulter sur ce point : dans les actes d'affranchissement livrés par les fouilles, on compte très peu d'individus de souche hellénique; et presque toutes les autres races y sont représentées16 C'est Chios qui inaugura le commerce servile, d'après Théopornpe t1 ; peu après, les Thessaliens installèrent un marché à Pagasai"; sur celui de Tapais" devaient pulluler les Scythes, les Thraces sur celui de Byzance 20. Délos, à cet égard, n'eut un rôle prédominant qu'à l'époque romaine 21. Dans toutes les grandes villes, d'ailleurs, ce négoce florissait; le marchand suivait les armées 2`-', achetait à bon compte au soldat Vainqueur l'ennerni réduit à merci, et qui obtenait la vie au prix de sa liberté [Lv'TRA], débarrassait aussi les pirates de leur butin, se faisait lui-même ravisseur d'hommes, puis, lors des grandes fêtes internationales, venait exhiber sa marchandise 26. A Athènes, le marché aux esclaves se tenait mensuellement, au renouvellement de la lune 2b, sur l'agora, dans les xé,ànvr 23 ; les esclaves, dévêtus, étaient exposés sur un tréteau, Tp3.zeIa 29; belles filles et jeunes gens paraissaient seulement dans un endroit clos. On faisait marcher et courir les sujets, on s'enquérait de leurs défauts, que le vendeur devait déclarer; mais qui ne devine les scrupules de ce genre de négociants? Malgré les pénalités, plus d'un ne se faisait pas faute de tromper les clients. Les prix de vente variaient naturellement dans des proportions considérables2"'; la rançon des prisonniers de guerre parait s'être élevée progressivement de deux mines (v1( siècle) jusqu'à cinq, pour se maintenir vers ce dernier chiffre après Alexandre'". Une inscription attique de 415" nous donne exceptionnellement une série de prix, qui fait apparaitre la préférence accordée aux articles syriens. Les actes d'affranchissement fournissent de nombreuses données pour les derniers siècles avant notre ère ; quelques chiffres sont, peut-être fictifs, a-t-on dit 36; il est possible, en effet, que le paiement n'ait pas eu lieu; mais l'évaluation devait correspondre aux fluctuations des cours, et cela nous SER 1271 SEN suffit. La moyenne oscillait entre trois et cinq mines pour les deux sexes; les variations les plus sensibles se rencontrent dans la catégorie des esclaves femmes; pas de limite si elles sont achetées par caprice amoureux; l'une d'elles (i monte » jusqu'à 30 mines '. Pour los hommes, le prix devait dépendre des talents de l'esclave et de son métier; des renseignements épars montrent que l'ouvrier mineur s'acquérait sans grande dépense et que l'arti san coûtait, beaucoup plus cher On a essayé d'évaluer le nombre total des esclaves de la Grèce propre' : vers 432, il v en aurait eu un iniiliou environ, et ce chiffre représenterait les trois huitièmes de la population totale ; il est sûrement au-dessous de la réalité ; c'est fort exagérer en effet de n'admettre, avec l'auteur de ce calcul, la présence d'aucun esclave dans les contrées de population dorienne ; même en tenant pour trop élevés les chiffres que nous donnent Timée, Aristote pour Corinthe (460000), Égine'470 000), et ceux que nous avons pour l'Attique (100 000) au temps de Démétrios de Phalère, en 300", on est conduit à une impression toute différente. De bonne heure, le nombre des esclaves a dépassé celui des hommes libres, c'est tout ce qu'on peut affirmer '. Certes, l'interdiction du mariage, dans l'état de servitude, restreignait grandement la repopulation de l'élément servile, et les oixo1;EVEïç 7 ou oixdTptêEç 4, esclaves nés dans la maison, ne se rencontraient pas dans toutes les familles de citoyens ; pourtant certains indices, procurés par les actes d'affranchissements, donnent à penser que la rigueur de la loi fléchissait bien souvent et que le maître tolérait des relations sans effet juridique, dont il avait, d'ailleurs, le profit : l'enfant, en principe, lui appartenait, et il ne lui déplaisait pas de voir se perpétuer les meilleurs éléments serviles, comme aujourd'hui l'on vise à la reproduction des animaux de bonne race'. C'est à Athènes que les esclaves, parait-il, étaient le mieux traités ' ; on peut le croire, en dépit de certaines situations aperçues dans la comédie, où il faut reconnaître sans doute le grossissement habituel au théâtre13. Un mime d'Hérondas 12 met en scène la dureté d'un mailre bien vite adouci. En somme, c'est au mauvais serviteur qu'étaient réservés les moyens de correction qui ont été énumérés, plus haut, (p. 1262) Exclus de certaines fêles, comme les Thesmoplrories à Athènes'', les sacrifices à Héra dans l'île de Cos f4, ils avaient, dans quelques autres, égalité avec les citoyens, ou même prééminence sur eux : ainsi à Athènes, aux premiers jours des Anthesléries et aux fêtes de Dionysos'°. Il n'en est pas moins vrai que beaucoup d'esclaves cherchaient à se soustraire par la fuite aux sévices du mailre, comme au travail forcé ; plus de 20000 esclaves athéniens accoururent auprès des Spartiates qui venaient d'occuper Décélie''; d'autres tentaient, individuellement, de gagner quelque sanctuaire inviolable, comme le Théseion,le temple des1rinnyes, l'autel d'Athéna l'olias, et plusieurs (lors d'Athènes [AsvnAj. Le fugitif(? éT'iV était poursuivi par le mailla' qui donnait son signa lement et promettait une récompense (côlacpx) ; un vo il même poindre les commencements d'une assurance contre ce risque des patrons13. En dehors de la Sicile et de la Grande-Grèce 20, les révoltes en masse ne furent pas très fréquentes ; pourtant 1000 esclaves quittèrent un joui Samns21 ; autre émeute à Abydos plusieurs à Clins" ; au Laurion, en 103, les mineurs massacrèrent leurs surveillants et ravagèrent le pays'". Il faut retenir ces faits, rapprochés du tableau idyllique présenté par Xénophon"de la maison d'Ischoumehos, pour se rendre compte qu'en Grèce, suivant les maîtres, et suivant leurs serviteurs aussi, la condition des esclaves élail essentiellement variable, très dure ou relevée par une amicale bienveillance. On les employait à des fonctions de toutes sortes. Sur leur activité aux champs, comme agriculteurs ou gardiens de troupeaux, nous savons fort peu de chose" [nu STO.A ers1,, mais elle ne fait pas doute ; il se trouve seulement que nos sources mentionnent bien davantage les esclaves occupés dans la maison. La plupart étaient des femmes ; à cet égard, les données de l'épigraphie confirment, dans une large mesure, les témoignages des auteurs''. Les forces féminines suffisaient à broyer ou moudre le blé2", bien que cette pénible besogne fût parfois infligée aux esclaves vicieux " ; des femmes encore, d'habitude, fabriquaient le pain et faisaient la cuisine 30. La ma itresse de maison, ellemême, filait, lissait, brodait, aidée de ses esclaves 31. Le personnel domestique comprenait une foule de valets ou femmes de chambre, de préposés dont les attrixutions n'étaient peut-être pas rigoureusement délimitées. Les textes mentionnent l'r'.yopa»t-,ç, qui allait au marché .l2, le portier (Ooo63pôç) [JA7 iTolj 33, 1'ûôoovdcoç 31 pour porter l'eau ; les esclaves cuisiniers, sau' exceptions rares, n'apparaissent point avant le Ive siècle'^.Lemaitre, d'ordinaire, déléguait la direction du ménage à sa femme; mais celle-ci, dans les grandes maisons, s'en reposait sur le 7.o»X-'Trlç ou sit 'trlç, i7ffTEo7COç 33, assisté parfois d'un'tON.:xç 39eu d'une Txp.lx3B. Elle avait, en général, sa servante préférée (âL2, pa 39 ou xo qnà-rpta Y0), pour les services intimes; un texte nomme le axcxvo,pdpoç 41, et cette fonction, ajoutée à bien d'autres, atteste le gaspillage de main-d'u'uvre. « Un esclave pour chaque chose », conseillait Démocrite ". Mèmelesphilosophes, comme il appert de leurs testaments, conservés par Diogène Laërce, possédaient un grand nombre d'esclaves, y compris Aristote qui blâmait cet abusl6. Les serviteurs vraiment utiles, nourrices (TiTOM), ou pédagoguesqui accompagnaient les enfants''", formaient la minorité ; la plupart, avaient un rôle d'apparat ; SER 1272 SER généralement, un esclave i~x.d),auO(t;) se tenait aux côtés du mainte ou de la maîtresse dans leurs sorties ' ; les gens riches se faisaient suivre de toute inc escorte Ajoutons que, comme les demeures particulières, les sanctuaires avaient leurs esclaves (HIeRODULij. L'I;tal en occupait très peu 'urxrostotl ; à Athènes ils étaient balayeurs, bourreaux, archers de police, gardions des poids et mesures étalons, ouvriers monnayeurs. Sur un citantie'. d'Éleusis, on trouve aussi des "a-ypdcaca `, mais en somme cette forme du socialisme d'état, qui mettait les professions aux mains des esclaves publics, eut en Grèce très peu d'expansion '. Quelques exemples en Asie : à Didymes, des tE (A axï~eç °, esclaves sacrés, appartenant en réalité à la ville de Milet, travaillaient à la construction du temple d'Apollon ; Milet, encore entretenait des troupeaux communaux (ô'gµdota apdewr«.) et recueillir les laines ; peut-être aussi, dans des manufactures, pour la fabrication des étoffes, vêtements et tapis'. Les rois de Pergame possédaient de même leurs Çixatntxoi ou act),txai r cç, leurs fabriques de parchemins et d'étoffes, leurs briqueteries, dont les produits faisaient concurrence à l'industrie privée a. En Égypte, les premiers Plolémées avaient, sous la main de nombreux prisonniers de guerre, de race exotique. De ces esclaves du roi, les uns durent être employés, en même temps que des ouvriers libres, aux travaux publics; d'autres vendus ou loués à des particuliers" ; un papyrus, do ?6Ci environ mentionne, semble-t-il, la rémunération due au trésor royal pour cette location. Il serait superflu d'indiquer tous les textes qui signalent des esclaves adonnés à quelque industrie, comme menuisiers, tailleurs, droguistes, forgerons, luthiers, tanneurs, armuriers, ébénistes, cordonniers, etc... ". Ce sont dos esclaves que les auteurs montrent à l'ouvrage dans tous les ateliers dont ils parlent. ; aux mines également, les travailleurs sont presque toujours de condition servile (MsiALLA]. L'école socialiste moderne a prétendu que le travail des esclaves ne valait pas celui des citoyens 12 ; l'exemple de la Grèce ne vient pas à l'appui de celle opinion ; elle paraît judicieuse quand on envisage la combinaison très simple suivant laquelle le patron loge, nourrit, habille son serviteur et l'astreint à la tàctte ; mais celte combinaison était rare 13 (les esclaves domestiques mis à part) à cause de ses graves inconvénients : les vieillards ou les adolescents travaillaient peu ou mal et, en cas de chômage, l'industriel n'avait pas la ressource de réduire ou de congédier son personnel. Celui-ci ne rapportait rien, ei, il fallait le nourrir. D'où l'habitude qui se prit de louer des esclaves au lieu d'en acheter ; lorsqu'on manquait do bras, on en empruntait aux gens qui en avaient trop, et on en trouvait en un endroit spécial de la ville où se tenaient les ouvriers, libres ou non, en quête d'ouvrage ''•. Les gtn-Oùu.of mentionnés parles inscriptions devaient être souvent des esclaves loués. Même certains capitalistes achetaient des individus, non pour les em ployer chez eux, mais pourspéculer sur le besoin de maind'cpuvre des entrepreneurs et négociants ", et Xénophon conseillait à l'ltatd'imiter celle spéculation, en louant des travailleurs aux concessionnaires de mines. 11 n'est pas douteux que beaucoup d'esclaves étaient entièrement chargés de l'entreprise de leurs patrons, auxquels ils servaient une rente fixe, le surplus grossissant leur pécule. On a prouvé 1" que l'abondance extrême du travail servile n'avait nullement tué, ni même fort, compromis, le travail libre dans l'ancienne Grèce. La plupart des cités, notamment Athènes, regorgeaient de petits artisans, citoyens, d'étrangers ou métèques, de toutes conditions, patrons ou ouvriers, et enfin d'affranchis dont la situation, les occupalions tout au moins, ne différaient guère de ce qu'elles étaient durant la servitude ; les textes littéraires ou épigraphiques, lorsqu'ils désignent des travailleurs, ne permettent que rarement de reconnaître leur état civil. En définitive, le travail servile, plus rémunérateur que l'autre, faisait du tort à ce dernier ; on a pu se rendre compte 17 que le salaire de l'artisan, même en dehors d'un chômage prolongé, « était généralement supérieur à ses besoins personnels, mais inférieur à ceux de la plupart des ménages athéniens ». L'expérience qu'il en faisait était décourageante; il était fatal aussi que, dans une démocratie où il avait les mêmes droits politiques que les riches, il en vint à prendre les idées des riches, à dédaigner le travail comme eux et vouloir s'en exonérer. Les besogneux, qui formaient la majorité de l'assemblée populaire, et les démagogues, qui la flattaient, organisèrent un système de secours publics pour mettre les classes inférieures à l'abri du besoin. Pour cela, il fallait dépouiller les propriétaires ; à Athènes par des lois fiscales, ailleurs par la violence, on les appauvrit, les ruina; ceux qui les remplacèrent eurent souvent même sort à leur tour. Polybe18 a parfaitement discerné les suites inévitables de ces massacres, exils et spoliations : la paix fut rétablie par l'arrivée d'un despote qui maintint chacun à sa place, le peuple romain e. Tels furent en Grèce les effets de l'esclavage. ROME ET L'EMPIRE ROMAIN. L'histoire romaine présente cc phénomène étranger à l'histoire grecque : une cité unique étendant peu à peu ses possessions jusqu'à devenir maîtresse de la plus grande partie du monde alors connu. Une série de guerres heureuses a amené ce résultat. Si la cité victorieuse avait appliqué le système de l'égorgement des vaincus, sauf pour les femmes et les enfants, elle eût dépeuplé les territoires conquis et se fût encombrée d'un nombre d'esclaves exorbitant. Dès l'origine, elle usa d'une autre méthode, « conquit des hommes libres comme on faisait des esclaves" », s'assimila les peuples voisins en les associant aux privilèges de la cité, ou en les laissant d'abord à un degré inférieur, d'où ils parvinrent progressivement à s'élever 2t. Primitivement, du reste, le Latium ne connut que l'économie familiale rigoureuse et sans faste ; la classe libre était formée de paysans, laboureurs-soldats, ne connaissant d'autres SER 1273 SER richesses que la terre et ses produits ; pecunia, pa.sela désignaient la richesse et les revenus publics ; le riche s'appelait locuples, l'homme « qui a du fond», ; mais on l'estimait moins que l'agriculteur éprouvé', et l'on voulait que l'étendue du champ possédé par un père de famille ne dépassât pas la mesure de ses forces'. Régime d'«iroupyo(, comme (lit encore Denys d'Harlicarnasse et où suffisait, bien souvent, un seul esclave par foyer . Au service intérieur, les femmes pourvoyaient, comme dans la Grèce héroïque 6, et les métiers, source de luxe, passèrent pour avoir été d'abord interdits aux citoyens'. Mais les guerres fréquentes ruinaient le plébéien, qu'elles empêchaient de cultiver ses deux arpents ; il devait emprunter, et le champ familial, garantie de sa delle, passait au patricien, parfois avec la personne du débiteur insolvable. Cette extension de la propriété rompit l'équilibre entre le travail libre et le travail servile8 ; on se mit plus souvent à employer les bras de l'ennemi capturé; les guerres du dehors, entraînant les Romains vers une nouvelle civilisation, leur communiquaient le goùt du luxe, les habitudes de loisirs, et justement les besoins multipliés d'esclaves coïncidaient avec des facilités plus grandes pour en accroître le nombre Depuis la conquête de la Sicile, les ventes de prisonniers se multiplient; c'est par milliers à la fois que se chiffrent les hommes réduits en servitude10: Sardaigne et Corse, Gaule Cisalpine, Espagne 1' fournirent d'énormes contingents, qui devaient encore être dépassés par ceux que César préleva sur la Gaule1L. A ces barbares, la nouvellea.ristocratie, plus raffinée, frottée d'hellénisme, comineucait à préférer les sujets grecs et orientaux ; les guerres du dernier siècle de la République lui donnèrent ample satisfaction : Épire, Macédoine, Achaïe, Cilicie, Pont, Chypre, etc... contribuèrent à cet enrichissement 13, et dans une mesure telle que, parmi les récits qui en sont faits, quelques-uns paraissent légendaires. En province aussi, et même chez les princes clients, on perdait la liberté pour dettes : Marius, ayant demandé à Nicomède des auxiliaires, eut cette réponse que presque tous les Bithyniens valides avaient été emmenés comme esclaves et dispersés par les fermiers de l'impôt 1'. Enfin, après la ruine des marines indépendantes, carthaginoise, rhodienne, etc..., les pirates, devenus maîtres de la mer, procédaient sur les côtes à de hardis coups de filets et venaient vendre à Sidé16, ou à Délos 18, leur cargaison, énorme sans doute, quelque réduction qu'on fasse subir aux chiffres invraisemblables de Strabon Le système grec de la vente au camp, après la bataille, ne tomba naturellement pas en désuétude 1d. Les marchands avisés parcouraient de préférence l'Asie Mineure et la Syrie f"I; Ilorace donnait à l'un d'eux le nom de « roi de Cappadoce "0 ». C'étaient ordinairement des Grecs, V111. qui se rendaient ensuite à Rome, où la demande et 1'achat étaient formidables; mais des Romains de naissance, comme Caton le Censeur, prenaient part, à ce commerce, achetaient de tout jeunes esclaves, et les revendaient à meilleur prix, dressés et éduqués 21. Comment ces ventes se pratiquaient, l'exemple de la Grèce l'indique; il n'y fut rien changé, sauf que l'adresse des marchands s'y montra plus grande encore, la loi romaine étant plus sévère et plus ingénieuse pour traquer le mauvais marchand, peu enclin a dévoiler les vices cachés [REnmurroluA Ac:rao]. Pour le prix des esclaves à Rome, nous avons une l'oule de données, si considérables même que l'établissement d'une moyenne en devient impossible 22 ; les circonstances étaient pour beaucoup dans la fixation des cours. La question du nombre total des esclaves, dans la capitale et dans l'Empire, de leur répartition dans les diverses provinces, n'est pas moins épineuse. A l'origine, ce nombre était très faible; Home, dont le territoire annexé demeurait peu étendu, avait besoin de soldatscitoyens, et devait éviter d'accroître les forces des ennemis campés à ses portes, par une population servile prête à l'émeute, à la fuite, à la trahison. Quand toute l'Italie ne connut plus qu'une seule domination, on prit moins garde au danger, très réel encore. Les révoltes d'esclaves pouvaient fournir aux citoyens ambitieux une ressource précieuse, une occasion et un instrument23. Signalons seulement la conspiration de 419 av. ,T.-C., qui visait l'occupation du Capitole 24, les révoltes de 198 (Latium), 196 (Étrurie), 185 (Apulie) 2", les guerres serviles de Sicile, où tant d'esclaves étaient éparpillés sur les latifundia, en 134-2 et 103, et surtout celle de 73-2, dont Spartacus fut Filme". Retord' n'a tenté que des évaluations isolées, de détail '', tablant timidement sur la proportion d'un esclave par deux hommes libres, qui était celle de Pergame au n° siècle 26; en ce cas, il y aurait eu à Morne, en 5 av. J.-C., 380 000 esclaves; au temps des révoltes, la Sicile en aurait compté environ !40000029; dans tout le reste de l'Italie, vers lamêrne époque, un million et demi à peine ; quant à Spartacus, il ne groupa que 120 000 hommes 30, et on en tua 115 000 en trois batailles 31. En somme, peu de chiffres, même vraisemblables. Mais d'une part la multiplication des services d'état, due à l'extension de la puissance romaine; et de l'autre l'influence des moeurs grecques, que la conquête avait propagées en Occident, tendaient à l'accroissement des deux catégories d'esclaves : servi publici, servi privati32. Servi publici. Ceux-ci nous l'avons vu, étaient assez peu représentés dans le monde grec, excepté dans les royaumes hellénistiques; il en va tout autrement dans le monde romain. Le fonctionnement des magistratures et 160 SER les travaux de l'État comportaient des emplois subalternes, auxquels les citoyens suffirent d'abord; mais quand ceux -ci furent plus régulièrement retenus àl'armée, il fallut pourvoir à leur remplacement; les esclaves y aidèrent. IL n'était pas difficile à l'État de s'en procurer : au lieu de vendre tous les prisonniers, le général victorieux n'avait qu'à en conserver une partie, pour la familia publica; Scipion en réserva ainsi :000 en 210 av. J. C.. après la prise de Carthagène, promettant la liberté à ceux qui se signaleraient par leur zèle et leur docilité' ; après la retraite d'Ilannibal, divers peuples' furent réduits à cette condition en châtiment de leur révolte De plus, l'État étant propriétaire des biens des proscrits, les esclaves de ceux-ci devenaient servi publici'`. Parfois même il en achetait, mais il arrivait que l'achat l'Ut une formalité, immédiatement suivie d'affranchissement, pour récompenser des esclaves privés qui avaient rendu service à la nation, dans un incendies, lors d'une conjuration', ou autrement. L'acquisition, sous la République, était faite par les censeurs"; sous l'Empire, quelques princes donnèrent des esclaves à l'État : Auguste disposa ainsi de ceux qu'il avait hérités d'Agrippa° ; Alexandre Sévère fit de même10. L'affranchissement des esclaves publics était, en principe, décidé par le sénat; après Dioclétien, par les empereurs Ces esclaves ne portaient souvent qu'un nomt2 : d'autres fois il en avaient un second, celui du général vainqueur qui les avait procurés à l'État, nom auquel s'ajoutait le suffixe araus'3. Exclus des munera et des honores'", les publiai P. R. pouvaient en revanche représenter l'État dans certains actes juridiques''. En règle aussi, le service àl'armée 1" leur était interdit'', et seulement dans des cas d'extrême nécessité il fut fait infraction au principe [DILECrUS,voLONES], par exemple après la bataille de Cannes"; mais ils étaient admis dans les bureaux militaires ou, en campagne, à la suite des riches Romains, pour les travaux manuels [CALONES]. On les rencontre en masse au service du culte, comme desservants du culte même1° ou auxiliaires des collèges des ment des Arvales [ARVALES FRATRES], qu'ils assistaient dans les sacrifices [sACRIFICIUM] et les piacula [r1AccLuu], ou encore comme gardiens des temples [AEDITOUS] ; en nombre bien moindre au service des magistrats, principalement des consuls [CONSUL' et des gouverneurs de provinces; ils fournissaient des scribes au tabulariunb des censeurs à nome, des lecteurs aux édiles 20, des gardiens pour les sièges des tribuns de la plèbe''. Sous le poids des services publics, successivement accrus, les corporations professionnelles, formées par mencèrent à plier au nle siècle avant notre ère; les corporati trouvaient la charge trop lourde, mais l'État les 127't SER força, par des prescriptions vexatoires, à rester dans les corporations22. Les esclaves d'État concoururent, dès la République, à assurer quelques-uns de ces services; on les en écarta peu à peu; leur recrutement devenait, sous les Antonins, assez difficile, et les empereurs s'applaudissaient de leur disparition progressive, car du même coup le sénat voyait se restreindre ses pouvoirs. Le service des eaux [cunA AQUARUM, AQUARU] avait (l'abord été confié à des entrepreneurs, qui s'aidaient de servi opifices leur appartenant''. En 33 av..I.-C., Agrippa y avait. généreusement affecté, à ses frais, une familia privata de 2£40 esclaves, qu'il légua à Auguste ; celui-ci leur maintint cette destination; Claude créa de nouveaux aqueducs et une seconde escouade d'esclaves, familia Caesaris 24. Les inscriptions donnent comme titre général : servus publicus statiouis aglbarum 2° et distinguent castellarii, eircitores, vüici, supra formas ; esclaves (ou affranchis) sont en général les plumbarii, le secrétaire de la ratio aquarum. Après Hadrien, les servi de la familia publica ne durent plus exister2". Pour l'extinction des incendies, les 'rRluMVnu CAPITALES avaient sous leurs ordres des esclaves publics, mais trop peu nombreux ; aussi quelques particuliers entretenaient à cet effet des familiae privalae'73, qu'ils prêtaient gratuitement, pour se rendre populaires 2". Auguste transféra ce service aux édiles curules, assistés de 600 esclaves29, et peu après aux vICOMAGISTRI ; chaque région de Rome obtint ses pompiers 30. En 6 enfin, il les remplaçait par 7 cohortes de Vigiles [vlclrrs]. Les opera publica eurent aussi leurs publici" , les manufactures de l'État [rADRICA] et la poste, au moins à l'époque impériale, sinon avant [euasus auaucus]. Des esclaves publics faisaient fonction de bourreaux [cARNnoEx], d'autres composaient le personnel de la bibliothèque au portique d'Octavie [BtBLloruECA] 12. I1 y en avait d'employés aux archives et écritures officielles [COMMENTAR4ENSES] ou dans l'administration financière 33, mais on ne trouve comme exactores tributorum que des esclaves impériaux 3" ; à la même classe appartiennent les horrearii ou custodes des greniers publics [HORREA]. Beaucoup de villes, quelle que fût leur condition (municipe, colonie, etc ..), avaient également leurs esclaves publics 32, qui les représentaient dans divers actes juridiques, leur servaient de percepteurs (actores) pour les revenus communaux30, assistaient les prêtres ou gardaient les temples ; les assemblées provinciales et les diverskoina pouvaient aussi posséder des esclaves 37. Enfin les servi publici des villes tenaient les emplois variés que nous les avons vus remplir à Rome'". D'une façon générale, les servi publici cédèrent le pas à la familia Caesaris, et même dans les cités ils reculèrent devant les employés de condition libre 39. Servi privati. II y en aplusieurs classes. Al'origine, un SER 1 275 SER seul esclave servait le maître à la ville et à la campagne I, surtout à la campagne, où vivaient les premiers Romains. Il était comme un membre de sa famille (faonilïaris); quand les esclaves se multiplièrent, ils restèrent des M'aitiares 2, aussi longtemps qu'ils vécurent autour du paterfamilias. Mais les moeurs changèrent, les riches prirent des goûts de citadins, et la maison se scinda en familia rustica et familia urbana, la première réléguée en quelque sorte loin des yeux du maître, qui lui restait inconnu. L'esclavage rural n'a pas eu partout le même développement. Très longtemps, l'Italie du nord y demeura étrangère ; au n° siècle de l'Empire, dans la région de Côme, les champs étaient encore, sous l'influence des usages celtiques, cultivés par des travailleurs libres' ; ceux-ci prédominaient au moins dans les contrées élevées de l'Apennin, mais en plaine c'était bien vite le régime des LA'rierxDIA, notamment en Étrurie' et en Sicile. Une véritable hiérarchie se constitua dans le personnel agricole : en tète, le régisseur (villicus), au-dessous des surveillants de second ordre (inonilores) 5, les conducteurs de travaux (nta,gistri operum et singulorum oeiorum), gardes des bois' et des champs (saltuarii) pour ne citer ici que les titres les plus répandus. Puis une variété, presque infinie dans les grands domaines, de spécialistes chargés dans les champs, les vignobles, les plans d'oliviers, les jardins, les vergers, à la ferme, aux étangs, à la basse-cour, de cultures particulières ou du soin d'animaux différents v1LLA]; en outre, pour assurer l'équilibre et la régularité du travail, un certain nombre de ntediastini ', hommes à tout faire, qu'on transférait, suivant les besoins, d'un service à l'autre. Beaucoup de ces esclaves, punis pour quelque forfait, vivaient enchaînés [COMPCS, dans des ateliers (ergastula) sou terrains, éclairés par d'étroites fenêtres où leurs mains ne pouvaient attein dre'; quelques-uns de leurs pareils faisaient la police, liant et frappant avec des courroies [LORA11IDS] leurs camarades pris en faute. Sur ces exploitationsrurales, on trouve des renseignements et des théories dans le De re rustica de Varron et dans celui de Columelle. Mais l'organisation primitive de la villa, où les esclaves étaient divisés en décuries 10 et répondaient à des appels périodiques, vint bientôt à se disloquer. Le prix plus élevé des esclaves, le rendement amoindri du sol amenèrent les propriétaires à émanciper leurs esclaves contre une rente fixe ; les travailleurs agricoles se transformaient en serfs de la glèbe. Dès la fin de la République, on voit des esclaves placés sur le fonds comme colons" ; d'autres à qui le patron loue le fonds et donne les boeufs 12. L'esclave cesse d'être un simple instrument matériel aux mains du patron, devient vis-à-vis de lui un contractant 11, Sous l'Empire, en général, le propriétaire réserve la meilleure partie de ses domaines, autour de la ni/ta proprement dite, et la fait travailler par sa faniitie ou celle de so❑ fermier général. Le reste est divisé en petites parcelles C'est dans la familia urbane que l'esclavage prend sa physionomie la plus cariletéristique. A vrai dire, l'influence de la Grèce est ici très sensible ; elle se fait sentir dès l'époque républicaine, le thézitre nous permet d'en juger" : esclaves, hommes et femmes, y abondent, tiennent généralement les fils de l'intrigue. Dans le comédie nouvelle, chez Ménandre en particulier, et dans toutes les œuvres grecques ou latines qui en dérivent, que trouve-t-on invariablement? « Courtisanes de condition servile, rêvant de conquérir à tout prix leur liberté; esclaves gourmands, grossiers, égoïstes, menteurs, indiscrets, extraordinairement impertinents, au demeurant susceptibles de fidélité et d'attachement à leurs maîtres 1, . 11 Quand Rome eut conquis tout l'Orient grec, le luxe de la domesticité devint extravagant. Il faut renoncer à énumérer tous les noms sous lesquels on trouve désignés les mille emplois 11 entre lesquels se partageait le service au dedans et au dehors de la maison. Comme la famitia rustica, la /amilïa urbana est divisée en décuries commandées par des décurions". Les chefs sont choisis parmi les hommes de confiance (ordinarii) °, ceux-ci secondés au besoin par des lieutenants (vicarii)20. Toutes les fonctions sont hiérarchisées. En tête, si le mai ore ne gère pas lui-même, est un procurator22, fondé de pouvoirs, dont le principal agent (actor) est ordinairement un comptable 22 ; les comptes de la maison sont tenus par le diépensatorurbain 26, qui règle les dépenses et a sous sa dépendance le coudas promus ou crLLAatos, qui s'occupe particulièrement de l'approvisionnement et a les rapports directs avec les boulangers, les meuniers, dont sont pourvues les grandes maisons 24, et avec le nombreux personnel de la cuisine [COQaus]. Toutes ces attributions étaient réunies anciennement dans les mains de FATRIENSIS, l'ATRIUM constituai-il alors à peu près toute l'habitation mus] ; quand elle se fut agrandie, il resta chargé de la garde et de l'entretien des appartements et de leur mobilier, ayant sous ses ordres d'autres esclaves dont les noms indiquent les fonctions : diaetarius ou diaetarcha 2O, scoparius 26 ad imagines'-`, a sacrario23 supellecticarius [sC;PCLLEx], ab argento, ab auro2', a erystallinis'6, etc., ou bien ils sont désignés simplement comme atriarii3l. A Rome, le portier [JANITOI1, osTIARITJS] est un esclave inférieur, qui a de bonne heure remplacé le chien de garde à la porte d'entrée sur rue et comme lui, est enchaîné ". Fig. 6384. Esclave faisant office de loci... SER 1276 SER A-t-on pénétré dans la maison, on est reçu par des serviteurs (esclaves ou affranchis) qui attendent les hôtes pour les introduire et pour les nommer (ab Jlospitiis 1, ab admissione [ADMIssro, VELARn], nomenclatures cubicularii 2). Les cztbicularii, qui sont ainsi en rapport avec les hôtes ou qui approchent, à toute fleure, du maitre ou de la maîtresse, dans la chambre à coucher, au bain, à la promenade, sont, hommes ou femmes, choisis avec un soin particulier pour leur beauté, toujours soigneusement entretenue, et pour les talents qu'on leur a donnés le divertissement des êtres disgraciés, nains, monstres, idiots [NANUS, MORIO, FATUUS]. S'ils sortent à pied ou en litière, le sénateur, le riche publicain, ou leurs femmes, veulent être entourés d'un nombreux cortège d'esclaves 15 qui les suivent (pedisequi) 16 ou qui les précèdent (antealnbulones) f7; des AnvEasrronEs les ramènent et, le soir, éclairent la marche avec des lanternes ou des flambeaux 16; le NOMENCLATOR vient en aide à leur mémoire absente ou paresseuse 19. 11 faut encore pour les voitures, si l'on sort de Rome, et pour [nELrcATOS, PAEDAGOCIUM]. Les uns veillent à la toilette, à la coiffure, à la parure, à l'habillement, aux parfums, à tous les soins de la personne [ORNATOR, CALAMISrIII M TONSOR, UNCTORi, les autres sont chargés de la garde-robe (a veste , ad vesteln, veslispicus, vestispica" vesliplicu.s, vestiplica 6) ou des bijoux et parures (ab ornamentis , e //biilis 7, ad ntargaritas s). Des fresques (lu Palatin nous présentent (fig. 6383) le vestibule d'une demeure somptueuse, où des esclaves attendent les invités; l'un de ces serviteurs, sans doute le servus ab Jto.spitiis 1 °, s'avance avec son bà ton vers la porte d'entrée, faisant de la main droite un geste acueillant; à l'autre extrémité, le servus a partibus" va recevoir les chaussures desconvives (cf.frg 1696 et 1706); un troisième tient en main une guirlande, peut-être doit-il parer les hôtes pour le festin ; d'autres portent une serviette [MANTELÉ, MAPPA (v. aussi fig. 17001, une cassette. Le service de la table est des plus raffinés; les détails sont multipliés à plaisir ; chacun en est confié à un valet spécial [COENA, TRICLINIUM]: d'autres esclaves remplissent les salles, ils ont été choisis parmi les plus beaux et les plus rares, pour rehausser par leur présence l'éclat du festin t2. Des musiciens, des danseurs des deux sexes, des acteurs, des bouffons y apportent d'autres amusements; ils ne font pas toujours partie (le troupes recrutées par quelque entrepreneur13 ; beaucoup ont, été achetés parle maitre, qui en tire plaisir et, vanité et se fait accompagner par eux, même dans ses voyages f4 ; puis, le gorlt s'abaissant, on en vint sous l'Empire à avoir pour peintures, où sont visibles les chaussures que le dessin des Miltheilun,gen n'a pas reproduites lnülsen, L. c.), viennent S l'appui de l'opinion selon laquelle le soin de la chaussure des convives appartenait aux esclaves du logis; selon d'autres, il était réservé aux serviteurs que les convives ainenaient et qui restaient pros d'eux pendant le repas, Seuec. De boise/'. Ill, 27,4; Gp. XXXVII, 6: Petron. les écuries 20, pour l'escorte [cuRSOnes], un autre personnel. L'aristocrate romain, sous l'Empire, affiche généralement des prétentions littéraires3 : il compose, déclame des vers ou improvise dans ces recilationes dont la vogue est si répandue [Larron] ; ses esclaves [rARELLAnnj portent aux amis l'invitation à y assister ; d'autres se tiennent dans la salle pour applaudir. Beaucoup d'esclaves étaient gens instruits ; la Grèce déjà avait eu ses esclaves philosophes 23. A Rome, des femmes mêmes en eurent à leur service, aussi bien que des grammairiens et autres lettrés 93 ; la plupart des patrons possèdent leurs lectures; on voit, sur un sarcophage du Louvre un personnage lisant dans le livre déroulé que lui présente un esclave (fig. 638i) ; un riche Romain gardait chez lui un esclave chargé de lui réciter les vers d'lIomère, un autre pour llésiode, d'autres encore pour chacun des 18 Sue. Oct. 29: Seruas moulure.; Cic. in Pis. IX, 20 lanleeoorius ; cf. C. 72; Di.q. XXXIII,7, 12, 9; Soet. Cl. 2 [v. nnxso, yecnroa 21 CI'. Orlando, Le 18 sq. 55 Lucian Afeee, coud. 36. -21 Clame, Aius. de sculpt. pl. 153, n. 333. SER 1277 SER lyriques grecs '. Les servi amanuenses, notarii ab epistulis ou seriptores librarii écrivent les lettres [saluait] sous la dictée du patron, qui n'écrit pas lui-même 2, font des lectures à ses visiteurs 3, tiennent sa bibliothèque, copient pour lui des manuscrits 4 [ramollies] ; T. Pomponius Atticus dresse à cette dernière tâche toute sa familia, en vue d'une véritable industrie, car il vend les exemplaires ainsi exécutés ". Le lileratus accompagne partout le patron homme de lettres ; l'activité érudite de Pline l'Ancien a sa source dans les dépouillements et compilations que ces auxiliaires accomplissaient pour lui ; Calvisius Sabinus en acheta un 100000 sesterces Des esclaves grecs (magister graecus, litterator 7) dirigent l'éducation des fils de la maison [PAEDAGOGUS] et quelquefois des filles 8 ; dans un milieu plus modeste, un CAPSARJUS tout au moins, portant la boite qui contient les tablettes et les livres, les accompagne à l'école 9. L'enfance continue à être aux mains de domestiques serviles [NPTRIX, PAEDAGOGUS, Il y avait enfin, chez beaucoup de riches Romains, des esclaves médecins [MEDmCLS, p. 1672] pour la famille pour l'infirmerie de la maison [VALETUDINARIUM], et ceuxci avaient pour aides d'autres esclaves (mediastini, iatraliptae, nnctores f1). Pour compléter le tableau sommaire de la famille servile, il faut parler encore des esclaves qui exerçaient au dehors un art, un commerce, un métier, car outre ceux qui travaillaient, comme les boulangers et les meuniers nommés plus haut, pour la nourriture de la maison et pour l'habillement, les lani/ieae qui filaient dans l'ancien temps sous la surveillance de la domina, plus tard sous celle d'un lanipendus ou d'une lanipenda 12, auxquels s'ajoutèrent des tisserands (TEX'ronrs)n, des tailleurs(vestifex, ve.sldictes, sarcinatorI"), des foulons'", des cordonniers16 ; pour les constructions ou la réparation des bâtiments, des architectes, maçons, charpentiers, menuisiers, couvreurs, peintres, plombiers, etc.'', on eut aussi de ces ouvriers que l'on trouva avantageux d'instruire pour les louer. Quelques-uns commençaient de très bonne heure leur apprentissage sous la conduite d'un praeceptor f8. Caton l'Ancien déjà 19 prêtait de l'argent à d'habiles esclaves qui en dressaient de plus jeunes; ceux-ci étaient revendus. Crassus tirait de grands revenus de la location de ceux qu'il avait fait instruire 20 On alla plus loin : des esclaves exercèrent, d'une manière indépendante, une industrie, un métier, un commerce, soit en mettant en vente des marchandises pour le compte du maître [1NS'rrroR], soit en faisant fructifier son capital moyennant redevance, ou même le pécule qui leur était abandonné [MERCA'roR p. 1737]. On a craint plus d'une fois d'exagérer le nombre des esclaves accumulés à Rome et en Italie ; de ce que les textes signalent des serviteurs aux attributions étroitement délimitées, il ne résulterait pas évidemment que cette spécialisation était la règle, et l'esclave à tout, faire une exception. Mais ce qui prouve l'énormité de cette population servile, ce sont certaines nécropoles réunissant les restes d'une seule et unique familia [cou msuuum] ; ce sont encore plusieurs dispositions légales interdisant les affranchissements au delà d'un total déjà fort élevé [MANDMissio]. Pline, sans méconnaître le mal qui en résultait, compte cette multitude pour une richesse de l'Italie 21. Tacite 22 signale la diminution progressive de la race ingénue, dont Rome commençait sous Tibère à s'effrayer. Un jour, le Sénat avait décidé d'imposer un vêtement distinct aux esclaves ; on y renonça : o c'était un danger grave qu'ils pussent nous compter » 23. Il y eut encore des familiae ambulantes, des bandes serviles d'artistes dramatiques, dont il a été déjà question, que leurs maîtres promenaient de ville en ville, et qui se vendaient en bloc24 : troupes de gladiateurs [GLADJATOR], acteurs de tous genres donnés en spectacle dans les jeux du cirque et de l'amphithéâtre [uni], combats d'hommes et d'animaux [VENATiOI. 011 pouvait, à ces rudes fonctions, compromettre sans crainte des existences aussi peu précieuses. C'étaient des esclaves aussi qu'employaient surtout, dans le monde romain comme dans le grec, les mines et les carrières [MET ALLA, p. 1866] 2" La situation de fait de l'esclave devait varier infiniment suivant sa tâche, son savoir-faire et le caractère du maître 26' les témoignages contradictoires se heurtent dans nos sources; il faut se garder de confondre avec l'image de la réalité les conseils que donnent les théoriciens en la matière, Caton, Varron et Columelle. Les scènes de théâtre nous montrent des jeunes gens ou des vieillards que les passions asservissent à leurs valets, mais ces derniers y apparaissent aussi roués de coups`17. Coups de poing et coups de bâton, ce sont là les mauvais traitements journaliers, marques d'humeur et d'emportement, auxquels, suivant la volonté ou le caprice du maître, peut s'ajouter toute la série des châtiments ordinaires, les verges, les fouets de toutes sortes [rLAoELLUM], le carcan ou les fers aux pieds et aux mains du domaine rural ou au pistrinum [PisTOR, p 500], les carrières (lapicidinae) METALLA, p. 180131, le supplice de la fourche [FT'RCA] et enfin la mort, c'est-à-dire la mise en croix [caox] ; car le maître a tout pouvoir et il condamne sans procès et sans contrôle. Nous ne parlerons pas d'autres supplices pouvant entraîner la mort, ni des inventions d'une cruauté raffinée qui se déchaînait sous le moindre prétexte. Les servantes occupées à la toilette de leur maîtresse avaient le buste nu, afin que celle-ci pût, SER 1278 SER si elles commettaient quelque maladresse, les frapper, les piquer avec une aiguille, les déchirer à coups d'ongles 1. Auguste fit clouer un proruralor au mat d'un navire; Iladrien creva les yeux d'un esclave avec un sole à écrire 2. Ce fut cependant cet empereur qui retira aux maîtres le droit de faire mourir leurs esclaves et voulut que ceuxci fussent mis en jugement; et son successeur, Antonin, condamnait le maître qui avait tué son esclave, comme le meurtrier d'un esclave étranger 4. Dès le haut empire, l'humanité a commencé à rentrer dans le droit. Pour conjurer le danger dans l'intérieur des familles, une coutume atroce rendait tous les esclaves d'une même maison pour ainsi dire solidaires. Coupables de n'avoir point deviné le crime, de ne l'avoir point prévenu, quand le maître périssait par violence, ils étaient tous conduits au supplice. Cet usage fut consacré, au temps de Néron, par un sénatus-consulte, et à la mort de Pédanius, sous le même règne, on exécuta la loi avec une inflexible rigueur, en punissant de mort quatre cents hommes dont le seul crime était de s'être trouvés sous le même toit que leur maître assassiné Les jurisconsultes étendaient l'esprit du décret au cas du suicide, et ils voulaient que les esclaves qui n'empêchaient pas leur maître de se tuer fussent aussi punis de mort". Comme en Grèce, beaucoup d'esclaves cherchaient à fuir ; aussi, pour que le premier venu prit les reconnaître et les ramener, le maître leur mettait un collier 7 [coiLARE, fig. 1712-17t31 portant le nom du servus, celui du dominas et son domicile; on les marquait d'un fer chaud (inscriptus) , ou on leur rasait tout ou moitié de la tête (seozirasus, semilonsus) 9. Les libertés que certains esclaves savaient prendre leur étaient accordées à tous en quelques occasions, dans des solennités religieuses : aux COMIrrALESLOnt, aux fêtes instituées en l'honneur de Fortuna -roHTUNA, p. 1269] par Servius Tullius, à qui l'on attribuait une naissance servile, à celles d'Hercule au cirque Maxime, de Junon Lucina sur l'Esquilin. Feronia était la protectrice de cette basse population, qui célébrait les ides de sextilis consacrées à Diane sur l'Aventin et, aux sATURNALTA, était placée avec ses maîtres sur un pied d'égalité f0. Les moins misérables étaient sans doute les esclaves impériaux; le rang suprême de leur maître mettait à haut prix leur influence, dont ils tiraient parti, et ils pouvaient avoir, dans les bureaux, des situations de tout repos et avantageuses. Le souverain avait besoin d'auxiliaires ne vivant pas d'une vie entièrement autonome, mais rattachés à lui par un lien d'étroite dépendance; à ce besoin répondaient les affranchis et aussi, dans des conditions moins relevées, la classe servile. Parmi les esclaves impériaux, quelques-uns atteignaient à des fortunes et à des situations prodigieuses; ceux-là naturellement avaient des vicarii" Entre tous ces serviteurs de la classe riche, dont nous avons donné une énumération fort incomplète, les esclaves sans doute formaient la majorité ; mais il est certain que les affranchis n'étaient pas rares, et il pouvait même y avoir des hommes libres, que le dénuement avait réduit aux plus humbles métiers. Un rait indéniable est la multiplication des affranchissements sous l'Empire; la mode s'en mêlait, la vanité y trouvait son compte, et le maître ne faisait pas un abandon pur et simple, sans restriction ; il se débarrassait de toutes les charges que lui occasionnait son esclave, et celui-ci gardait des devoirs envers lui. Désormais, l'affranchi prenait sa part des distributions publiques, et il entrait dans la clientèle de son ancien patron, cette clientèle si utile aux ambitions des nobles et que le pouvoir impérial voyait d'un oeil inquiet. Encore la plupart des esclaves vivaient-ils à la ville ; aux champs, au contraire, ils disparaissent graduellement devant les colons '2. Qu'il en fût autrement sous la République, les lois agraires, des Gracques à César, imposant une certaine proportion de travailleurs libres, le prouvent surabon_ darnment. Pourquoi ce changement un siècle plus tard? Il a pour cause, a-t-on dit, la médiocre qualité et le faible rendement du travail servile Cette explication ne peut suffire. Remarquons, d'ailleurs, que le plus formidable apport d'esclaves en Italie s'accomplit juste au moment le plus propice à l'expansion de ce fléau. La guerre favorise le négoce de chair humaine; or c'est le citoyen qui est aux armées, où Marius a fait entrer les prolétaires ; et les guerres sont continuelles ; les généraux victorieux deviennent, chefs de partis, agitateurs ; la plèbe turbulente, entre deux expéditions, accourt auprès d'eux, à Rome, désertant les campagnes, car la populace espère toujours quelque bénéfice de la guerre civile. Au contraire, dès le commencement du tF siècle, les expéditions se font plus rares ; les limites de l'Empire sont à peu près fixées; les légions restentaux frontières, et le recrutement nouveau, régional, en exclut presque entièrement les Italiens, à qui il faut un emploi et un gagne-pain Ils trouvent l'un et l'autre à bas prix: le factieux usage des distributions gratuites leur permet de vivre, aidé de la mendicité. Il se forme de la sorte une classe inférieure : esclaves, affranchis, prolétaires, entre lesquels, certes, les distinctions juridiques se maintiennent, mais vont perdre de leur importance', gracie à l'adoucissement de la législation à l'égard des premiers et aux mesures de contrainte édictées contre les autres. On s'explique alors parfaitement l'attitude de l'l glise SER 1279 SER chrétienne en face de l'esclavage. Le désarroi économique qui se manifeste dès le ii siècle avait inspiré aux empereurs des mesures néfastes, inspirées par un idéal social mal conçu : la stabilité. La production se ralentit et les objets de première nécessité renchérissent; Dioclétien promulgue l'édit sur le maximum. Les activités veulent s'abstenir, effrayées par les risques, par l'état général du monde ; alors les empereurs les astreignent à la tache en renforçant le système des corporations. Chacun maintenant doit rester dans sa situation : ruraux, colons, ouvriers, artisans, même les décurions qui ont la responsabilité (le l'impôt'. Le chrysargyre [CUBVSARCVaUm] va bientôt peser lourdement sur le travail libre; les riches sont accablés de charges ; l'esclave livré à un maître généreux n'a pas le sort moins enviable. Les stoïciens, déjà, avaient bien reconnu les effets désastreux de l'esclavage : mépris du travail partout répandu ; le prolétaire enclin à attendre des riches sa subsistance, à les flatter pour l'obtenir [PAR ISiTGS, sron'rULA], les habitudes de dureté et de cruauté développées chez le maître, de duplicité, de fausseté chez l'esclave, pourtant chargé de l'éducation de l'enfant; l'immoralité des deux sexes encouragée par les facilités qu'elle rencontrait. Mais ces philosophes, indifférents au monde extérieur, ne visaient qu'à la sérénité de l'âme ; l'homme libre est celui qui triomphe de ses passions 2, dont la volonté s'affranchit de toute influence étrangère'. Le christianisme adopte cette conception, mais l'élargit: l'empire sur soi ne suffit pas ; la bienfaisance envers autrui est obligatoire. Mais elle est possible à chacun, quelle que soit sa condition : le maître doit se montrer meilleur pour l'esclave, l'esclave dévoué au maître; et alors aucun des deux ne sera privilégié : la véritable servitude est celle du péché ; des théologiens ingénieux font même dériver l'esclavage du péché originel ; ils s'expliquaient par là que les apôtres n'en eussent point exigé l'abolition'. En réalité, ceux-ci n'étaient préoccupés que de perfection morale ; le christianisme concevait les hommes comme assujettis les uns aux autres par le lien de la charité, et cette organisation divine n'excluait aucune combinaison humaine, s'appliquait sans effort à tous les systèmes des constitutions politiques 6. Les clercs eux-cernes ont des esclaves, au Iv" siècle encore.' ; mais celle servitude est légère, la qualification de servus n'apparaît presque pas dans l'épigraphie chrétienne ; on n'est esclave que de Dieu. L'Église, d'ailleurs, dans les premiers temps, avait d'autres luttes à soutenir, et plus urgentes ; elle ne négligea pas cependant les moyens détournés qui s'offraient d'adoucir l'esclavage et d'en tarir les sources : elle flétrit les jeux de l'arène et les représentations scéniques, la pratique de la castration, l'usure, entraînant la pire déchéance, donna l'exemple de la communauté de biens et préconisa le travail universel', qui rendait l'esclavage superfluf0. Mais il fallait du temps pour établir l'égalité civile, dont le triomphe même dans le monde gréco-romain dépasse les périodes de l'histoire ois nous devons nous renfermer. Représenlations d'esclaves. Il en existe fort peu de certaines dans l'art antique, et cela pour deux raisons : L'esclave n'a pas de costume distinctif véritable"; le fait est garanti pour Athènes par le traité anonyme de la République des _l theniens 12, et pour Rome par Sénèque "; ces témoignages limitent la portée de certaines gloses des lexicographes' °.On admetqu'il avaitsouventla tête rasée"; mais ce n'est point une règle, car le contraire s'observe souvent [comA, p. 1366] : on a vu plus haut (fig. 6382), enchaîné à un poteau, un esclave dont les cheveux sont. calamistrés. Le théàtre avait pour les rôles d'esclaves des masques qui les faisaient reconnaître par les divers arrangements de leur chevelure [PERSONA, p. 412 et fig. 5600]. On les reconnaît dans des scènes de comédie (fig. 1882), en particulier dans les phlyaques [PnLYAKES] 13 parce qu'on y devine leur rôle, plutôt qu'à leur extérieur qui ne diffère pas de celui d'autres personnages. D'autre part, les fonctions qui sont d'ordinaire celles de l'esclave pouvaient aussi bien être remplies par des personnes libres. Il est difficile néanmoins de voir autre chose que des esclaves dans ces jeunes gens nus ou court-vêtus qui, dans tarit de peintures et de bas-reliefs, se tiennent debout auprès des convives pendant le repas [CORNA]. Voit-on une femme à sa toilette, aidée d'une suivante (fig. 105, 282, 420), celle -ci est probablement de condition servile, mais rien ne l'atteste positivement17. On hésitera peu cependant devant cette servante au nez camus, aux grosses lèvres et aux cheveux frisés, mais courts, vêtue d'un simple chiton et portant sur la tête un ii xç, que nous montre (fig. 3685) un lécythe de Berlin 18. Sur la belle stèle athénienne d'lmenocleia1°, une servante est de même reconnaissable à son vêtement aussi bien qu'à son attitude devant sa maitresse; elle est agenouillée pour la chaos SER 1280 SER ser, et, celle-ci prend son appui en posant la main sur sa tête (fig. 6386). Les petits serviteurs, debout auprès de leur maître, sont fréquents sur d'autres reliefs attiques'. On considère comme un esclave le „ rémouleur » de Florence, qui est le Scythe écorcheur 2 de Marsyas, et avec raison sans doute, à cause de sa qualité de barbare. Les étrangers domiciliés à titre de métèques étaient gens de condition moyenne, des négociants ayant euxmèmes une domesticité ; quiconque se livre à des occupations vulgaires et offre une physionomie barbare a toutes chances de mériter la qualification d'esclave 3. Certaines postures humiliées sug gèrent la même interprétation', par exemple celle de personnages fré quemment représentés assis à terre ou sur un escabeau très bas (fig. 5683)5, comme l'„ esclave » à la lanterne de Mayence°. Le collier semble aussi un indice à retenir 7 ; il est donné à une figurine d'Athènes '. La cangue [NUMELLAE, fig. 5340] iodique avant Iout, un condamné; pourtant on la met de préférence au cou et aux poignets des esclaves 9. Les représentations de nègres sontfréquentes dans l'art 10,(fig. 6387) surtout celles d'Éthiopiens ou de Nubiens", mais c'est le type ethnique surtout qui a intéressé l'artiste. Ces représentations appartiennent pour la plupart à l'époque hellénistique et romaine où l'on prend intérêt aux sujets familiers et réalistes. En somme, on ne peut guère parler que d'une probabilité plus ou moins grande dans toutes ces identifications12. VICTOR Ci11A1OT.