Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SERVITUS

SERVITUS (Terme de droit) orificE. Le droit attique a certainement connu les deux espèces de démembrements de la propriété que nous nommons, d'une part, servitudes réelles ou prédiales, ou encore services fonciers et qui consistent dans l'attribution à un fonds déterminé d'une portion des avantages compris dans la propriété d'un autre fonds, d'autre part, servitudes personnelles, consistant dans l'attribution à une personne déterminée d'une portion des avantages compris dans la propriété d'un meuble ou un immeuble. Malheureusement, la matière des servitudes est une de celles sur lesquelles les sources sont les plus pauvres. Il est, en conséquence, bien difficile, non seulement de connaître les règles relatives aux différentes servitudes qui pouvaient être admises et pratiquées à Athènes, mais encore de reconstituer une théorie générale des servitudes. Laissant de côté les servitudes personnelles dont nous nous occuperons ultérieurement [ususraucTEs] nous rapporterons seulement les quelques notions que nous possédons sur les servitudes réelles, qu'elles soient établies par la loi, ou par le fait de l'homme. 1° Servitudes réelles établies par la loi. Le législateur athénien s'était occupé, de très bonne heure, de régler les rapports entre les fonds contigus, de manière à prévenir, autant que possible, les difficultés et les inimitiés qui seraient nées fréquemment del'étatdevoisinage, si chacun des deux propriétaires voisins avait voulu user de son droit absolu de disposition et d'usage sur son propre fonds. Solon déjà avait compris dans ses lois les objets les plus importants de la police rurale touchant les rapports de voisinage' ; et Platon, dans son Traité des lois, pose un certain nombre de règles tirées ou inspirées des lois de Solon ou de la législation postérieure qui les avait étendues ou développées. Bornage. Il ne semble pas qu'en Grèce, et notamment à Athènes, le bornage ait jamais eu un caractère obligatoire. On procédait généralement avec un soin minutieux à la délimitation des propriétés, surtout lorsqu'il s'agissait de terrains appartenant à l'État ou aux dieux. Les particuliers n'étaient pas moins attentifs à délimiter leurs domaines, et les Mol qui les entouraient avaient vraisemblablement un caractère sacré. Pour établir une ligne de démarcation, on pouvait, au lieu de planter simplement des bornes, environner tin terrain d'un fossé qui l'isolait des fonds voisins °, ou créer tout autour un fossé circulaire 3, ou bien établir un mur de grosses pierres ou en pierres sèches Le plus souvent, la délimitation s'opérait simplement au moyen de bornes 5. Solon décidait que, si quelqu'un plante une haie le SER 1281 SE R long d'un fonds étranger, il ne pourra pas dépasser la ligne des bornes; s'il construit un mur', il devra laisser la distance d'un pied et, s'il creuse un fossé, une distance égale à la profondeur du fossé La loi de Solon ne concerne toutefois que les clôtures établies par la volonté d'un seul des deux propriétaires. Ceux-ci pouvaient très bien se mettre d'accord pour construire un mur ou pour creuser un fossé à frais communs, et alors la clôture pouvait être établie sur la ligne même de démarcation et être mitoyenne'. Les distances légales à observer ne concernaient point, d'ailleurs, les murs de clôture élevés sur la voie publique ; il n'était point nécessaire alors qu'il y eût un intervalle quelconque `. Plantations et fouilles. La même loi de Solon fixait les distances à observer entre les plantations faites sur un fonds et la limite des fonds voisins. Cette distance était de 5 pieds pour les arbres ordinaires, de 9 pieds pour les figuiers et les oliviers, les arbres de cette seconde catégorie poussant plus loin leurs racines Pour les constructions, la distance était réduite à 2 pieds. Lorsque les distances ci-dessus n'étaient pas observées, le contrevenant devait certainement réparer le dommage °. Le propriétaire lésé pouvait aussi couper les racines ou les branches qui empiétaient sur son terrain. On peut même supposer que les branches qui dépassaient l'alignement appartenaient au propriétaire du terrain au-dessus duquel elles se trouvaient, et, que celui-ci pouvait en récolter les fruits 7. La loi de Solon se préoccupait aussi des fouilles. Pour éviter que le curage d'un fossé ne provoquât des éboulements au détriment du fonds voisin, elle exigeait que le propriétaire qui creusait un fossé sur un terrain ne l'établit qu'à une distance égale à la profondeur du fossé. S'il s'agissait de creuser un puits, il fallait même laisser un intervalle de 1 orgye (6 pieds environ). On voit, d'autre part, que, pour empêcher des fouilles trop rapprochées de tarir les sources publiques, on traçait quelquefois autour d'elles, avec des bornes, une sorte de périmètre de protection Mais, en dehors de ces limites, toutes les fouilles étaient permises, même si elles avaient pour résultat de détourner, au profit de leur auteur, des eaux jaillissant sur un fonds voisin et n'ayant point de destination publique 9. lieginee des eaux [noua]. Droit de passage. L'existence, dans le droit attique, de la servitude légale de passage pour cause d'enclave n'est pas douteuse O. Platon qui s'en occupe, la règle de la manière suivante. Pour l'enlèvement. et le transport des récoltes, on peut passer partout, même sur les fonds appartenant à autrui, à condition qu'il n'en résulte aucun dommage pour les propriétaires de ces fonds, ou que du moins celui qui y passe n'y gagne trois fois plus que les autres n'y perdent. Il y a lieu, dans tous les cas, à une indemnité pour le tort causé par le passage; l'évaluation en est faite sur les lieux par les agronomes, et la condamnation est prononcée, soit par les agronomes, soit par le tribunal, suivant que la somme est inférieure ou supérieure à 3 mines. A supposer que la règle du VIII. droit attique ne fût point conçue dans les mêmes termes que la disposition de Platon, du moins celui-ci s'est-il probablement inspiré de la législation athénienne. Le droit attique admettait aussi la servitude légale de passage pour aller à un tombeau. Lorsqu'un individu avait sur son terrain le tombeau de famille du précédent propriétaire, le devoir strict que celui-ci avait d'honorer ses ancêtres, lui donnait le droit de pénétrer sur ce terrai n pour accéder au tombeau et y porter, aux jours fixés, les offrandes consacrées 12, Au surplus, pour jouir de la servitude légale de passage, dans cocas comme dans les autres, il fallait vraisemblablement payer une indemnité'". Autres servitudes légales. Il existait encore, clans le droit attique, d'autres servitudes légales, mais d'une importance moindre. Ainsi une loi de Solon ''° interdisait de placer des ruches d'abeilles à moins de 300 pieds de celles que le voisin avait déjà élevées 15. Il existait aussi probablement des servitudes ou prohibitions analogues à nos bans de vendanges, car, d'après une disposition du Traité des lois, la récolte des fruits de provision, tels que les raisins et les figues, ne peut commencer avant le lever de l'arcture, c'est-à-dire avant la fin d'août, sous peine d'amende non seulement contre le propriétaire, mais encore contre celui qui est venu en aide à son voisin ouà un propriétaire plus éloigné'a. 2° Servitudes réelles établies par le fait de l'homme. Les servitudes peuvent dériver non seulement d'un texte (le loi, mais encore de la libre convention des parties. Les sources, il est vrai, sont presque entièrement muettes sur les servitudes établies par le fait de l'homme. Nul doute cependant que l'on devait rencontrer dans le droit grec la plupart des servitudes prédiales que l'on rencontre à Rome, comme le jus eundi, le jus agendi, la via, l'aquaeductus, le jus oneris ferendi, etc. La loi accordant aux particuliers une liberté presque absolue en matière de contrats, une servitude quelconque pouvait être établie par convention, du moment qu'elle ne se trouvait pas en opposition avec des règlements d'intérêt général et, supérieur. Pour l'établissement d'une servitude ainsi que pour la transmission de propriété, et à plus forte raison, un simple pacte suffisait. Une quasi-tradition analogue à celle que le droit romain exigeait n'est pas plus nécessaire, à cet effet, que la tradition ne l'est pour le transfert de la propriété 17. Il est difficile de savoir, en l'absence de renseignement précis, si pour les servitudes il existait un système de publicité analogue à celui qui avait été organisé pour les mutations de propriété ou pour les constitutions d'hypothèque. La solution affirmative est vraisemblable t8. On a prétendu que jusqu'à présent les documents ne nous signalent aucun cas de servitude conventionnelle proprement dite ". On peut cependant, croyons-nous, en rencontrer au moins un dans le passage du plaidoyer contre Calliclès où l'orateur fait allusion aux fossés d'écoulement établis d'accord entre certains domaines"0. Il s'agit là d'une servitude conventionnelle, bien qu'elle se rattache à une servitude légale. D'autre part, les textes et les monuments qui nous signalent l'établisse 161 SER 12fd2 SE R ment des nombreux canaux souterrains qui alimentaient les villes d'eau potable, impliquent également l'existence de servitudes d'aqueduc au profit de ces villes sur les terrains particuliers traversés par ces canaux 1. On doit présumer, en effet, que les cités n'achetaient point toute la partie du sol situé sur le parcours des conduites. Elles devaient se borner à acheter le droit de passage pour ces conduites, ce qui était une servitude conventionnelle 2. DROIT ROMAIN. Les servitudes (servitutes) sont, à Rome, des droits réels établis sur la chose d'un tiers au profit soit d'un fonds, soit d'une personne, Elles se divisent, par cela même, en deux grandes catégories. Les unes, appelées servitudes réelles ou prédiales (servi/lites rerum ou praediorum), consistent dans l'attribution d'un fonds déterminé d'une portion des avantages compris dans la propriété d'un autre fonds ; les autres, appelées servitudes personnelles( servitutespersonarum), consistent dans l'attribution à une personne déterminée d'une portion des avantages compris dans la propriété d'un meuble ou d'un immeuble'. Les servitudes prédiales, de même que les servitudes personnelles, compétent sans doute à une personne, car tous les droits exigent comme sujet une personne ; mais elles diffèrent des servitudes personnelles, en ce qu'elles sont inhérentes, non pas à tel individu, mais à la qualité de propriétaire de tel fonds déterminé. Abstraction faite des caractères spéciaux aux deux catégories de servitudes réelles ou personnelles, il y a des principes généraux, applicables à toute espèce de servitude, dérivant de la nature même du droit qu'elle confère. 1° Tonte servitude est un démembrement de la propriété,. Il en résulte plusieurs conséquences : (1) une servitude n'est jamais présumée exister; c'est à celui qui veut s'en prévaloir à en prouver l'existence et l'étendue; b) nul ne peut avoir une servitude sur sa propre chose : nemini res sua servit'', car tous les avantages qu'un propriétaire peut retirer de sa chose rentrent dans son droit de propriété ; e) toute servitude doit procurer un avantage à une personne ou à un fonds ; une simple gêne à la propriété d'autrui, sans profit pour personne, ne peut constituer une servitude'. 2° Toute servitude constitue un droit réel, c'est-à-dire un droit applicable à tout le monde, même au propriétaire de la chose. Mais ce droit, portant directement sur la chose, ne peut entraîner pour le propriétaire aucune obligation de faire. Le titulaire d'une servitude peut seulement exiger du propriétaire de la chose asservie qu'il s'abstienne de faire quelque chose, par exemple, de bétir, ou qu'il laisse faire quelque chose, qu'il laisse passer, par exemple. Mais il ne peut exiger que le propriétaire de la chose grevée fasse quelque chose. En d'autres termes, une servitude peut consister in non faciendo ou in patiendo, mais non in /'aciendo" 3° La servitude est un rapport entre une chose et une personne déterminée, ou entre deux fonds également déterminés. Ce rapport, une fois établi, subsiste aussi longtemps que ces deux éléments; mais Fun des deux disparaissant ou changeant, le rapport périt de toute nécessité. De là plusieurs conséquences: a) les servi tuiles prédiales sont naturellement perpétuelles, comme les fonds eux-mêmes qu'elles concernent; les servitudes personnelles, au contraire, sont viagères, leur plus longue durée se mesurant nécessairement à celle de leur titulaire qui est une personne ; b) ni l'aliénation de la chose asservie, ni, quand il s'agit d'une servitude prédiale, l'aliénation du fonds dominant, ne fait obstacle au maintien de la servitude ; c) toute servitude est. inaliénable, car son aliénation doit modifier tin des termes du rapport ou dénaturer le droit. Une servitude ne peut„ pour la même raison, être l'objet d'une aliénation partielle : d'où la règle servitus .servitutes esse non potest ". h,° Les servitudes sont consacrées par le droit civil. Le droit réel qu'elles confèrent est sanctionné par une action civile in rem, l'action confessoire [CONFISSORiA ACTIO]. Laissant de côté les servitudes personnelles dont il sera traité ailleurs [CS[CSFRLCTOSj, nous exposerons ici seulement la théorie des servitudes prédiales ou réelles. Caractères généraux des servitudes prédiales. Ces servitudes consistent en un droit établi sur un immeuble au profit d'un autre immeuble. Elles supposent donc deux fonds voisins, appartenant à deux propriétaires différents, l'un le fonds dominant (praedium dominans) au profit de qui elle est, établie, l'autre le fonds servant (praedium servum ou servions) qui en est grevé. Ces servitudes sont d'origine assez ancienne; elles datent vraisemblablement. de l'époque où les grands domaines, propm'i été collective du ne /ens ou d'une famille, se sont morcelés au profit de chaque pater. Dès qu'il y cul certaines parcelles moins favorisées que d'autres, parce qu'elles étaient moins heureusement sit nées, manquant, par exemple, de l'eau nécessaire à la culture ou à l'alimentation des hommes et des animaux, ou bien n'étant pas dotées des voies de communication nécessaires, leur propriétaire fut amené à demander à ses voisins les avantages dont il était privé. De même, en ville, le propriétaire d'une maison pouvait éprouver le besoin de faire passer sur le fonds voisin le conduit nécessaire pour relier sa maison à l'égout collecteur. Ainsi naquirent les servitudes prédiales, soit rurales, soit urbaines. L'origine même de ces servitudes justifie les conditions exigées par les lois pour qu'il puisse y avoir une servitude prédiale. l° Une servitude de ce genre ne peut être établie que pour l'utilité et dans la mesure des besoins du fonds dominant. Il faut d'abord que la servitude prédiale procure un profit au fonds dominantf0. Dès lors, on ne saurait voir une servitude dans un avantage qui, comme la faculté de se promener, de chasser ou de pêcher, ne profite directement qu'à une personne, sans que le fonds qui lui appartient y gagne rien ". Mais il suffit qu'une servitude rende le fonds dominant pl us agréable ". L'étendue de la servitude prédiale est, d'autre part, déterminée par les besoins du fonds dominant : ainsi celui qui a une servitude d'aqueduc ne peut en user que pour irriguer son fonds et ne petit prêter d'eau à ses voisins'3. 2° Pour que les services dus puissent être utiles, il faut que, dans la disposition matérielle ou topographique des deux fonds, il n'y ait pas d'obstacle s'opposant à l'exercice de la servitude. Il faut donc, en principe, SER 1243 SER que le fonds dominant et le fonds servant soient contigus. Cette condition, qui a toujours été maintenue pour les servitudes rurales, a toutefois été abandonnée pour les servitudes urbaines; pour celles-ci, le fonds dominant, et le fonds servant peuvent être séparés par un ou plusieurs fonds intermédiaires'. 3° Une servitude prédiale ne peut être établie qu'à perpétuité et non pour une durée déterminée. En effet, les fonds de terre ayant une existence et des besoins permanents, la servitude, qui est une qualité d'un fonds, doit être naturellement perpétuelle, car, si elle était temporaire, elle servirait plutôt l'intéret d'une personne que celui de l'immeuble. Le préteur vint toutefois corriger sur ce point la rigueur du droit civil et il permit de se prévaloir, par voie d'exception, d'une modalité établissant une servitude à terme ou sous condition e Les servitudes prédiales supposent une causa perpetua, c'est-à-dire un état de choses assez permanent et assez fixe pour que l'usage de la servitude soit assuré non seulement dans le présent, mais encore dans l'avenir, indépendamment de toute intervention du propriétaire du fonds servant. Ainsi, une servitude d'aqueduc ne saurait être établie sur un étang ou sur une citerne 3. 5° Les servitudes prédiales sont indivisibles, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent appartenir à une portion indivise d'un fonds, ni grever une part indivise du fonds servant. Une servitude prédiale ne peut, en conséquence, être ni établie, niexercée, ni perdue pour partie '. Ce principe ne s'oppose point à ce que l'on règle l'exercice de la servitude, de manière, par exemple, à ce qu'une servitude de passage ne s'exerce que sur une partie déterminée du fonds servant'. Division et énumération des servitudes prédiales. Les servitudes se divisent en servitudes rurales et urbaines, suivant la nature du fonds (praedium) dominant. On entend alors par fonds urbain tout bâtiment, situé à la ville ou à la campagne, et par fonds rural, tout fonds non bâti °. Une même servitude, comme la servitude de passage, peut donc titre tantôt rurale, tantôt urbaine, suivant la nature du fonds au profit duquel elle est établie 7. L'intérêt de cette division se manifeste à divers points de vue : 1° les servitudes rurales comptent parmi les res mancipi, vraisemblablement parce que ce sont les plus anciennes et que, pour un peuple agriculteur, elles ont la plus grande importante; les servitudes urbaines sont, au contraire, res nec mancipi [MAXCn'IUM] ; 2° les servitudes rurales s'éteignent par le simple non usage, tandis que l'extinction des servitudes urbaines suppose une usucapio libertatis (v. infra) ; 3° les servitudes rurales sont seules susceptibles d'hypothèque. Voici quelles étaient, d'après les Institutes les principales servitudes prédiales. Servitudes rurales : 1° la servitude de passage, qui est alors qualifiée, suivant son étendue : jus eundi ou iter, comprenant le droit de passer à pied ou à cheval ou en litière ; jus agendi ou actes, comprenant liter et, en plus, le droit de passer avec des bestiaux ou des véhicules; la ria, compre nana le droit de passage le plus complet et comportant un chemin d'une largeur déterminée ; 2° la servitude d'aqueduc, ou droit de conduire de I'eau à travers le fonds servant à l'aide de tuyaux ou de rigoles, pour l'amener sur le fonds dominant '°; 3° la, servitude de puisage (aquae haustus)" ; 1° la servitude de pacage (jus pascendi) et le droit, d'abreuver un troupeau sur le fonds d'autrui (jus appulses pecoris ad tiquant); à° diverses servitudes donnant le droit de prendre sur le fonds servant, pour les besoins du fonds dominant, du sable, de la chaux, des pierres ou d'autres matériaux Jd. Servitudes urbaines. 1° Jus oneris ferendi, ou droit d'appuyer des constructions ou autres gros ouvrages sur le mur du voisin, avec cc caractère spécial que le propriétaire du fonds servant se trouve obligé d'entretenir en bon état le bâtiment assujetti, sauf la faculté de se libérer de son obligation en abandonnant ce bâtiment ; 2° jus agni imrnilendi ou droit de faire pénétrer des poutres dans le mur du voisin 11 ; 3° jus stillicidii vol /luminis recipiendi, c'est-à-dire le droit d'envoyer sur le fonds du voisin les eaux pluviales qui dégouttent d'un toit (stillicidiunt) ou qui en descendent par un conduit (/lumen) ; 4° jus allies non tollendi, droit d'empêcher que le propriétaire voisin ne fasse ou n'exhausse des constructions sur un fonds, ou bien jus prospiciendi, droit d'empêcher que la vue dont on jouit ne soit compromise ou abimée d'une façon quelconque '° ; 5° jus projiciendi, droit d'avoir un balcon en saillie sur le fonds voisin. Constitution des servitudes prédiales. L'établissement d'une servitude peut se faire de deux manières différentes : 1° par voie de translatio c'est-à-dire lorsque le propriétaire, tout en gardant la propriété de sou fonds, en détache certains avantages qu'il aliène, à titre de servitude, au profit d'un immeuble voisin ; par voie de deductio, lorsque la servitude est réservée par un propriétaire sur un fonds qu'il aliène au profit d'un fonds qu'il conserve. Les procédés qui permettent d'établir ainsi une servitude ont varié suivant les époques. Ancien droit civil. Par voie de translatio, une servitude rurale ou urbaine peut être établie : 1° par in jure cessio : c'était la mode ordinaire de constitution entre-vifs 17 ; 2° paradjudicelio, c'est-à-dire que le juge, saisi de l'action en partage, avait le droit, en divisant le fonds commun, de constituer une servitude sur l'une des parts au profit de l'autre 15 ; 3° par testament, au moyen d'un legs per vindicationem. Les trois mêmes procédés peuvent servira créer une servitude par voie de deductio. La mancipatio peut être employée également dans les deux cas, ruais seulement quand il s'agit de servitudes rurales, les seules qui soient res ntuncipi. La mancipatio petit, d'ailleurs, servir pour créer une servitude quelconque sur un fonds italique, niais par voie de deductio seulement, car, en ce cas, c'est le fonds lui-même et non la servitude qui fait l'objet de la niancipetio 1". La tradition et l'usucapion ne pouvaient, dans le droit SE11 1234 SEN civil, servir à créer des servitudes, car ces modes supposent l'acquisition de la possession, et le droit civil ne reconnaissait, pas la possession des servitudes. Anciennement, l'acquisition d'une servitude, par voie d'usucapion devait être possible, car Paul parle d'une loi Scribonia qui aurait prohibé cette usucapion 1. Droit prétorien. La réforme capitale du préteur l'ut d'admettre la quasi-posssessio des servitudes [rossessui], quasi-possession résultant, pour les servitudes positives, des actes mêmes ou des travaux exécutés parle titulaire de la servitude sur le fonds servant, et, pour les servitudes négatives, de l'abstention même du propriétaire du fonds servant. Cette idée de la quasi-possession des servitudes parait avoir été définitivement admise vers la fin du premier siècle de notre ère 2. Voici les conséquences de cette nouvelle manière de voir 1° les servitudes ne purent désormais s'établir par voie de tradition, ou plutôt de quasi-traditio : celle-ci est réputée faite aussitôt que le propriétaire du fonds dominant commence à exercer la servitude parla volonté du propriétaire asservi ' ; 2° une servitude qui n'a pas été constituée a domino peut s'acquérir par le long usage (diularnus usus) ; la praescriptio tonal lernporis est ainsi accordée à celui qui, ayant acquis la servitude de bonne foi, la possède depuis dix ou vingt ans, selon qu'il s'agit, de présents ou d'absents; il semble toutefois que l'on n'exige point ici de juste titre ; 3° les innovations du préteur permirent, de créer des servitudes sur les fonds provinciaux. Jusque-là, en effet, ce résultat était impossible; tous les procédés du droit civil, étant inapplicables aux fonds provinciaux, ne pouvaient servir à y créer des servitudes. On arrivait seulement, au moyen de pactes et de stipulations, à créer un lien personnel entre les propriétaires respectifs des fonds, mais ce rapport disparaissait quand les fonds changeaient de mitre La tradition, mode d'acquisition du jus gentium, put servir à créer une servitude sur les fonds provinciaux. Dans les hypothèses précédentes, la servitude, bien qu'établie en droit prétorien, n'est point constituée en droit civil Le préteur arrive toutefois à protéger son existence : a) en accordant au propriétaire du fonds dominant les intei'di ta quasi-possessoires [1N'I'EnDICrUM]0; b) en lui donnant, d'autre part, soit une exception, soit même une action confessoire utile [CUNFEssoRIA A"Tlo] Ou l'action publicienne idti,ICIANA Acrto]'. Droit Justinien. Sous Justinien, il n'est plus question d'in jure cessio ni de mancipatio. Le droit civil a fini, d'autre part, par admettre les modes de constitution consacrés par le droit prétorien. 11 en résulte qu'une servitude prédiale peut, désormais, être établie : 1° par quasi-tradition ; 2° par deductio dans une tradition 3° par quasi-possessio longi temporis, celle-ci devant avoir la même durée que la possession pour prescrire la propriété; 1° par testament, en vertu d'un legs, qu'elle qu'en soit la forme ; 5° par adjudicalio. Ifni, servitude peut-elle aussi s'établir par actes et stipulations, pactis et stipulationibus, comme le dit Justinien ° ? La. question est controversée ; elle se pose aussi pour l'usufruit, et nous renvoyons à usus FRUCTUS. Extinction des servitudes prédiales. Les modes d'extinction sont les suivants: 1° La perte du fonds dominant ou celle du fonds servant. Il suffit même que l'un des deux fonds ait subi une modification telle que la servitude ne puisse plus s'exercer, pourvu toutefois que cette modification ne soit pas simplement temporaire, comme celle qui résulterait d'une inondation '. 2° La confusion, ou réunion des deux fonds dans la même main, en vertu du principe nemini tes sua servit10. 3° La renonciation consentie par le titulaire de la servitude au propriétaire du fonds asservi. Régulièrement, d'après le droit civil, cette remise ne peut s'opérer que par une in jure cessio, ou par la niancipatio, s'il s'agit d'une servitude rurale. Si la renonciation résulte d'une simple convention, la servitude n'est pas éteinte jure civili ; mais si son titulaire veut exercer l'action confessoire, il peut être repoussé par l'exception de pacte ou de dol ". 4° Le non-usage, c'est-à-dire lorsque la servitude n'est plus exercée pendant un certain temps. Un exercice partiel empêche toutefois l'extinction de la servitude, en raison de son indivisibilité, ruais il y a non-usage lorsqu'on se borne à l'aire des actes autres que ceux que comporte l'exercice de la servitude 1'". Le nonusage doit s'être prolongé pendant un temps assez long pour l'aire présumer la renonciation du titulaire, à savoir deux ans à l'époque classique, el, sous Justinien, dix ans entre présents, vingt ans entre absents10. Le point de départ du délai varie, d'ailleurs, suivant qu'il s'agit d'une servitude rurale ou d'une servitude urbaine. Pour les servitudes rurales, le délai court du jour du dernier acte d'exercice, par exemple, du jour où l'on passe pour la dernière fois sur le fonds servant. Pour les servitudes urbaines, le délai ne court que du jour où le propriétaire du fonds servant a fait un acte contraire à l'exercice de la servitude, par exemple du jour où il a bouché les jours par où s'exerçait la servitude 11. Cette différence s'explique par le caractère dominant, des deux espèces de servitudes. Les servitudes rurales supposant, en général, pour leur exercice, l'intervention de leur titulaire, le fonds servant, se trouve en étal de liberté par cela même qu'aucun acte d'exercice ne s'est produit. Au contraire, laservitude urbaine, comme celle de jour, continuant de s'exercer par elle-même, sans le fait du propriétaire du fonds dominant, le fonds servant ne se trouve réellement en état, de liberté que du jour où il a été fait un acte contraire à l'exercice de la servitude. L. RBAOCiiT.