Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SOCCUS

SOCCUS. Variété de chaussure. Elle fut en usage chez les Grecs', mais nous ignorons quel nom elle portait chez eux. On a misa soccus en relation avec cur.zot3 et rsûxyaçt; rapprochement aussi hasardeux que l'étymologie proposée par Isidore de Séville 3. Les philologues modernes supposent un radical (sac), impliquant, l'idée d'une chaussure qui s'adapte de façon ferme au pied et le recouvre 6, mais sans lacets', comme une pantoufle. Les Romains l'ont empruntée aux Grecs a, et l'on voit que, chez eux, hommes et femmes s'en servaient : l'Édit de Dioclétien sur le maximum9 mentionne des socci viriles et ntuliebres. L'adjectif viriles y est traduit en grec par 7,ept dptvot, que Blbmner fD voudrait interpréter : pantoufles servant à la promenade nonchalante, 7ttpefa.,e rly" ; SOC 1366 SOC mais les autres espèces de socci sont désignées vaguement par ro'iulotra. De cette distinction, du moins, on conclura à deux premières variétés de socci. D'abord une chaussure banale, sans élégance, qu'on mettait, non pas avec la toge, mais avec le PALLIUM' sans apparat. P. RuLilius Rufus, poursuivi par la haine de Mithridate, échappa aux cruautés du roi en changeant de vêtements, pour prendre soccosque et pallium D'autre part, certains auteurs blâment l'usage du soccus chez les hommes comme une mollesse toute féminine'. Cela suppose un nouveau genre de .soccus, de forme sans doute différente et plus décoratif; de fait, il est question de socci où l'or entre comme ornement'; mais alors on emploie plutôt le diminutif socculus, pour désigner une chaussure efféminée (fig. 6485), qui peut s'agrémenter, en outre, de perles ou pierres précieuses 5. Quand donc un grand personnage, comme Caligula`, chaussait le soccus, c'était apparemment le soccus pour dames, bien plus luxueux. A la fin du m° siècle, les distinctions se multiplient encore ; l'Édit de Dioclétien énumère': socci purpurei sive foenicei, fixés à 60 deniers, socci albi, socci Babulonici purpurei sire albi. Force nous est de négliger ces sous-groupes. Troisième variété principale : le soccus des acteurs comiques. Des textes très explicites l'opposent au cothurnes, réservé à la tragédie°. Pline le Jeune' avait deux villas aux bords du lac de Côme, l'une élevée sur des rochers et dominant le lac, l'autre bordant le rivage : il appelait Tragoedia la première (quod quasi cothurnis), Comoedia la seconde (quod quasi socculis sustinetur). Donc le soccus comique était une chaussure basse. A priori il semble peu admissible que la même chaussure ait été attribuée à tous les personnages, de conditions diverses, d'une même pièce ; entre les cothurnes aussi il y avait des variétés [GOTHURNUS]. On ne sait même si la comédie grecque, à cet égard, a transmis ses coutumes à la comédie latine. En Grèce, le soulier des comiques, selon des témoignages que d'autres d'ailleurs contredisent, s'appelait ɵPâ 10 ou plutôt 4161T-es [EMBAS] ; il était plus bas que le cothurne et ne convenait pas indifféremment, comme celui-ci, aux deux pieds; d'après un grammairien", c'est justement dans la palliata qu'on trouve les comici cum soccis [COMOEDIA, fig. 1879]. Les peintures de vases donnent peu de représentations de la comédie ancienne ; on y voit des acteurs pieds nus (fig. 5593) ou munis de sandales (fig. 5592); nous avons surtout des scènes empruntées aux farces de l'Italie méridionale [PHLYAKES] ; or, dans nombre d'exemples, les personnages vont nu-pieds 12, preuve que l'acteur de mime n'était pas seul à jouer planipes" ; les acteurs apparaissent également sans souliers dans les préparatifs d'un drame satyrique (fig. 1426). Certains cas sont d'ailleurs douteux''', quand le peintre céramiste n'a pas marqué la chaussure d'une couleur particulière I8. On voit (fig. 6486) lesoccus avec le pedum de Thalie sur une pierre gravée 's; une autre pierre représente 17 un personnage grotesque dansant, qui porte la même chaussure, espèces de pan toufles fort lâches i8. Des bronzes étrusques (fig. 1088) représentent des baladins dansant avec des chaussures couvrant le pied et très relevées au talon, d'apparence assez semblable à celle qu'offrent les pierres gravées et quine s'éloigne pas beaucoup du soccus efféminé qui a été décrit plus haut. VICTOR CHAPOT.