Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SOCIETAS

SOCIETAS. Le contrat de, société est un contrat conventuel et de bonne foi, dont nous ignorons les origines, mais qui n'a sans doute été reconnu comme tel, qu'après la création de la procédure formulaire. Historiquement, le premier type de société connu est la communauté, l'indivision qui paraît avoir été fréquente à Rome comme en Grèce, surtout à l'origine, après la mort du père, entre frères, consortes, sous le nom de consortium'. C'est le genre d'association qui sert de type dans les textes juridiques et parait expliquercertains caractères essentiels des sociétés postérieures, l'extinction par la mort, l'infamie du condamné, l'emploi du jus fraternitatis dans le contrat et l'action Les, jurisconsultes ont distingué plusieurs espèces de sociétés3 : 1° la société universelle de tous les biens présents et futurs, y compris les dettes actuelles et futures, sauf cependant le bénéfice ou le dommage des faits illicites commis par un des membres (societas omnium bonorum)4; 2° la société des seuls acquets et gains futurs (societas quaestus, lucri, compendii), issus du produit du travail des associés, de leurs acquisitions à titre onéreux ; elle est présumée à défaut de déclaration SOC 1367 SOC explicite' ; 3° la société portant sur un seul bien, fonds, esclave (s. unius rei) ; sur une seule opération, contrat, travail, achat, vente 2. La convention (politio) entre un propriétaire et un entrepreneur (politor)' pour l'élevage de bétail, la mise en culture d'un champ, ressemble plutôt, à l'origine, au colonat partiaire"; plus tard, elle peut être considérée soit comme un contrat d'entreprise `', soit comme une société d'un seul bien 6 ; 4° la société relative à une série d'opérations, métier, commerce, industrie (s. alicujus negotiationis) et qui exclut par suite la mise en commun des gains de toute autre source 7 ; telles sont les sociétés de marchands d'esclaves (venaliciarii), de banquiers (argentarii) e, oit des règles spéciales de l'édit des édiles rendent responsables tous les associés envers les tiers 9 [ABGENTARII, p. 408], de propriétaires de gladiateurs [GLADIATOR, p. 1577]. Ces différentes formes de sociétés sont les sociétés privées (privatae)1 °, toutes temporaires. Elles diffèrent donc nettement sous la République et le Haut Empire des sociétés corporatives, des corporations professionnelles et autres, soda]ités, collèges, qui ont la perpétuité, la personnalité juridique, une fortune commune, une existence indépendante de celle des membres individuels [COLLEGIA, FABRI, SODALIC1uK]. Sans doute beaucoup de membres de corporations ont pu constituer entre eux des sociétés privées, au sens étroit; mais en général, les corporations n'ont pas de but professionnel, n'exécutent pas d'entreprises, de travaux en commun t1 ; leur patrimoine est indépendant des patrimoines particuliers des associés. C'est seulement à partir du me siècle et au Bas-Empire que dans les corporations officielles, devenues des rouages essentiels de l'administration publique, par exemple chez les naviculahii, les pistores, les suarii, les metallarii, chez les collegiati municipaux, les biens des membres sont, comme les propriétés collectives, affectés au service de la corporation '2, même s'ils changent de main par aliénation volontaire, héritage ou autrement '3. Les sociétés privées diffèrent également des sociétés de publicains, de fermiers des domaines publics, des mines, des salines que l'Etat a, de bonne heure, assitniléesaux corporations 14 Les éléments du contrat de société sont: 1° l'intention formelle de former une société (a/j'ectus societatis), sans laquelle il y a simplement indivision et ouverture de l'action communi dividundo et non de l'action pro socio 2° un apport soit égal, soit inégal de chacun des associés, consistant soit en propriété ou en jouissance d'un objet, soit en travail, en activité quelconque (opera, industria, gratia) ; 3° l'attribution à chacun d'une part des avantages, des bénéfices, sans quoi le contrat n'est pas valable et constitue une société léonine 4° un but licite 16. Un membre ne peut être reçu qu'avec le consentement de tous les autres 17. La société n'a ni la personnalité juridique, ni une existence distincte de ses membres qui sont copropriétaires des biens communs. Mais elle fait naître entre eux des obligations, des créances, des droits, sanctionnés par l'action pro socio. Ils doivent effectuer chacun leur apport fournir la garantie contre l'éviction qui pourrait en être faite, apporter aux affaires sociales le même soin qu'aux leurs, en étant responsables de leur dol et de leur faute, s'acquitter des fonctions que leur compétence spéciale leur a fait attribuer'^. Ils participent tous aux bénéfices et aux pertes (lucri et damai communicatio), soit d'après une convention spéciale, ou d'après une estimation faite par un associé ou un arbitre et qui peut être attaquée en justice, soit à parts égales, quelle qu'ait été la proportion des mises 20. Le contrat fait par un associé avec des tiers n'a d'effet qu'entre les parties, mais la jurisprudence a tempéré en faveur des tiers la rigueur du droit, par exemple, quand la caisse commune bénéficie d'un emprunt, quand un associé a reçu mandat de gérer et dans l'action institoria 21. La société se dissout de plusieurs manières2' : 1° ex personis. Par la mort, ou la ruine de chaque associé, ou par sa capitis deminutio, quelconque à l'époque classique, seulement maxima ou media dans le droit de Justinien 2'. La société en effet a été fondée sur le choix et la valeur propre des personnes 24. Elle ne peut continuer que par un nouvel accord entre les survivants et par un accord spécial avec l'héritier du défunt, pour et contre quis'exerceavecuneformulespécialel'actionprosocio' ; 2° ex rebus. Quand le but social est atteint ou que l'actif a disparu 26 ; 3° ex voluntate. Par un accord de tous les associés, par l'arrivée du terme fixé, par la sortie volontaire d'un associé(renuntiatio)qui l'expose naturellement à l'action pro socio, quand elle est dolosive, intempestive, sans motif raisonnable ou légitime 27 ; 4° par l'action en dissolution. L'action pro socio, de bonne foi, peut être intentée pendant la durée ou après la fin de la société. Elle comporte l'infamie contre le défendeur condamné28 ; mais il n'est tenu que dans les limites de ses ressources, probablement dès l'époque classique, dans toutes les formes de société 29. Le partage des biens communs comporte en outre l'action commuai dividundo'0. Cti. Ltictlv.4is.