Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SOLIUM

SOLIUM. Littéralement, endroit où l'on siège ; le mot paraît dérivé de sediunl, comme sella de sedia'. 1° Nous avons établi plus haut [SELLA] la distinction à faire entre le solium, sorte de TnnONUS à dossier et avec bras, la CATHEDRA avec dossier, mais sans bras, et la SELLA n'ayant ni dossier ni bras. Le soliuln est donc un siège d'apparat el, en principe, un trône où plusieurs ne peuvent s'asseoir Aussi est-ce celui des dieux, des héros et des souverains. Le sotiltnl se rencontre dans le rituel pour les repas offerts aux divinités : le dieu est placé sur un divan (lé','(es), la déesse sur un siège (solium, plus Lard sella), d'oit la distinction entre LECT1ST ERNI1'M('tsoliarstern ere !plus lard sellistern iuni) 3. Mais, hors ce cas spécial, toute personne divine est représentée sur un solium, notamment dans les descriptions des poètes l; de même les rois'. C'est un siège élevés, tel qu'il apparaît dans inc miniature du Virgile du Vatican, où l'on voit Latinus assis'; le haut dossier non ajouré servait à protéger par derrière coutre toute violence inattendue '. Le pater/'anlilias, considéré comme maître absolu chez lui, s'assied aussi sur un solium, lorsque le matin il donne audience à ses clients, dans l'atrium de sa maison 9 ; c'est un siège qui se transmet de père en filsi0. Des solin sont souvent consacrés aux dieux dans leurs temples", ainsi à Bacchus et à Cérès, comme le montrent deux exemplaires du Louvre ". Les peintures campaniennes en fournissent plusieurs représentations : tels les solin de Vénus et de Mars, caractérisés par l'oiseau et le casque qui y sont respectivement posés (fig. 6515)'3; sur un autre, Bacchus lui-même est assis 1', ou bien des souverains, comme la reine Pasiphaé ", ou celle qui personnifie l'Europe, entourée et honorée par les autres parties du monde 10. Dans tous ces exemples, le type est le même que pour le TnaoxUS, auquel nous renvoyons, large siège carré, recouvert 1 d'un coussin, avec pieds et dossier perpendiculaires ; le tout précédé d'un marche-pied ou tabouret qui aide à s'y installer. Le dossier, qu'enveloppe souvent une étoffe, est moins élevé que dans le vieux solium des rois de Rome. Ce dernier fauteuil, solennel et symbolique, ne s'est point transmis aux magistrats romains, dont les sièges sont sans dossier (SELLA]: les insignes de la magistrature sen-Machaut toujours à un amoindrissement, contemporain du passage de la royauté au consulat, il est à supposer que le trône des rois a été enlevé, en même temps que le char, aux magistrats de SOL -. 1392 SOL la République. 1.e roi montait sur son solium., quand il rendait la justice tt l'endroit ordinaire; s'il disait le droit ailleurs, il usait de son siège mobile 1. Souri( est, en outre, le nom de la baignoire, dès l'instant qu'on s'y peut asseoir ' [DALNi.fM, PvÉtosi; il s'agit surtout de bains chauds, dans une baignoire peu profonde el, pour une personne"; pourtant le mot a peut-être défini également une grande cuve commune, avec large rebord servant de siège 1; c'est encore le petit banc, disposé tout au bas d'une piscine de Pompéi (fig.763)",eLoùlebaigneur pouvait s'asseoir pour se laver. A la basse époque, le terme qualifiera ainsi le bassin luiintime 'l. Nous l'appliquerons en tout cas au genre de meuble (fg. 708 et 1250) adapté aux bains de siège, ayant une ouverture pour faciliter l'écoulement de l'eau dont s'aspergeaient les baigneurs. 3° Enfin, dans des cas plus rares, solium s'employait pour désigner un sépulcre ou un sarcophage', en particulier, semble-t-il, à propos des rois et par suite, plus tard, l'endroit de l'autel chrétien où étaient enfermés les corps ou les reliques des martyrs'. Vicies CIIAPOT. SOLU'b'10. Dans la langue juridique, solutio a deux sens : un sens large. Solvere signifie proprement délier. Lorsqu'un débiteur est lié (obligatos), c'est en le déliant qu'on le libère , et le mot solutio désigne tout mode volontaire d'éteindre une obligation : « Solutionis t'actant l, dit Paul 2. La solutio, ajoutent les jurisconsultes de, l'époque classique (Pomponius, Gains, Ulpien), ne peut s'effectuer que par des démarches inverses de celles par lesquelles l'obliyalio a pris naissance : « Ni/d/ quo colligattnm est »3Les obligations nées (le contrats formels s'éteignent donc par des procédés formels ; les obligations nées de contrats réels s'éteignent re ; les obligations consensuelles s'éteignent par le ennfrarius dance, lies /'Ornées de création et d'extinction des obliga tions ". Cette règle parait se rattacher è d'anciennes prescriplions du rituel religieux ". Mais elle n'a été formulée en ternies généraux quit( une époque récente', et elle a toujours comporté des exceptions. Elle ne s'applique qu'aux obligations eontractuelles 5 et aux modes d'extinction volontaires '. Le plus remarquable des modes d'ext'inclion non-volontaires qui y échappent est celui des droits déduits en justice, qui s'éteignent, quelle que soit leur source, par l'accomplissement intégral des solennités de la logis actio, et, plus tard, par la délivrance d'une formule [puis CONTESnATIO1, L'extinction d'un droit déduit en justice n'est pas une solutïo10. La règle de correspondance des formes trouve son application la plus exacte dans la pratique du formalisme. Aux formes sacramentelles qui ont présidé jt la naissance d'une obligation doivent correspondre, pour la solutio, des formes symétriques, niais inverses. Les obligations nées d'un contrat verbal par demandes et par réponses [STIDCLA'riol ne s'éteignent que verbalement 11, au moyen d'interrogations et de réponses inverses'z : oAeceplum ne /lobes? demande le débiteur qui se libère. « 0lcceplatn ha/mn répond le créancier. C'est ce qu'on nomme l'ACCLDTILATIO. ll existe même, pour éteindre les obligations nées lifle ris NOMINA TRANSSCRIPTICIAJ, un procédé forrnel, appelé aussi acceptilation, qui consiste en un virement (l écritures, mais dont le fonctionnement nous est mal connu 10. SOL 1393 SOL Enfin les obligations nées de la prononciation d'une formule solennelle de damnatio s'éteignent par le cérémonial de la solutio per aes et libram', qui a pour pièce principale' la prononciation d'une formule destinée à neutraliser les etfeLs de cette damnatio : Quod ego tibi tot millibus condemnatus sum, nue eo nomine a le soli') liberoque hoc aere aeneaque libra n 3. Les cas d'application de la damnatio sont peu nombreux à l'origine. On l'emploie surtout dans le nexum, oit elle fournit sa sanction à un acte per aes et libram (mancipation fiduciaire de l'obligé?) sur lequel elle se greffe i NEXUM] : aussi la solutio correspondante (nexi liheratio) '' comprend-elle également un paiement simulé par l'airain et la balance. Plus tard, lorsqu'apparaissent des applications nouvelles de la damnatio ', notamment dans le legs per damnationem et la condamnation judiciaire', la nexi liheratio s'étend naturellement aux obligations qui en naissent; et, comme la solennité per aes et libram ne s'en sépare point, par une de ces survivances illogiques dont nous avons tant d'exemples', la règle de correspondance des formes se trouve partiellement entamée 3. Les procédés formels de solutio dont il vient d'être question agissent en dehors de toute considération de cause ou d'intention, par le seul accomplissement des formes requises Peu importe que le paiement ait VIII. 1 eu lieu ou non 10 : ce sont des modes d'extinction abstraits, qui peuvent aussi bien servir à réaliser une donation, une constitution de dot, une compensation conventionnelle, une transaction, etc., qu'un paiement. Cela n'est guère contesté pour l'acceptilation ", et ce n'est guère plus contestable pour la solutio per aes et libram, bien qu'on ait soulevé des doutes sur ce point f2, Solulio dans son sens étroit signifie paiement. Payer, c'est exécuter l'obligation L3. Le paiement, qui n'avait originairement aucun effet extinctif par lui-même, a pu, par application du principe de correspondance des formes, éteindre les obligations contractées re, dès que celles-ci ont été admises" ; puis il s'est étendu aux autres obligations, formelles ou non, et a fini par être considéré comme la solutio" par excellence1f. Dès lors la règle de correspondance des formes se trouvait abolie. A quelle époque cette transformation s'est-elle réalisée? On est réduit à des conjectures. La transformation aurait eu lieu, selon les tins, dès le temps dePlant e17; selon d'autres, dès le temps de P. Mucius Scaevola (cos. 6 21)", ou au moins avant la fin de la République"; selon d'autres enfin à une époque plus tardive=^, peut-être seulement au temps de Claude 21. L'opinion intermédiaire parait la plus sûre 22. Sans doute, vers le vine siècle U. C., le paiement suffisait à éteindre la plupart des obligations23. 175 SOL 1394 SOL A l'époque classique, il les éteignait toutes ipso jure, quelle qu'en fût la source '. Les conditions de validité du paiement se rapportent soit à l'objet du paiement, soit aux parties. A. L'objet du paiement est l'objet même de l'obligation : acte ou abstention. Le plus souvent, c'est la datio (c'est-à-dire le transfert de propriété) de la chose due ((corps certain, denrées ou argent). Quel qu'il soit, l'objet du paiement doit être adéquat à l'objet de l'obligation. Il faut payer tout ce qui est dû, et exactement ce qui est dît. a) Tout ce qui est di?. Le créancier peut refuser un paiement partiel. Ce principe, difficile à justifier logiquement 2, s'explique historiquement par l'influence de la vieille règle de l'unilas actus', déjà admise dans la solutio per ses et libram'. Il n'autorise pas, d'ailleurs, le créancier à réclamer plus qu'il ne lui est dû en vertu d'une même cause. Ainsi le créancier d'une personne qui vient, de mourir peut être tenu de recevoir paiement partiel des héritiers, car, à Rome déjà, les dettes se divisent de plein droit entre les cohéritiers5. De même un créancier qui a plusieurs créances distinctes contre un même débiteur peut être tenu de recevoir paiement (le l'une à l'exclusion des autres a. Si le créancier accepte un paiement partiel, la créance s'éteint jusqu'à concurrence de la quantité payée '. b) Exactement ce qui est dd. Le créancier n'est pas tenu d'accepter en paiement aliud pro alios; mais il peut et ce n'est pas une dérogation au principe y consentir, soit d'avance, lorsqu'il accorde au débiteur, en contractant, une Tamiltas solulionis 9, soit à l'échéance, lorsqu'il accepte du débiteur une dation en paiement (datio in solutum volontaf ia). Les jurisconsultes romains semblent avoir eu quelque peine à faire rentrer la datio in solutum dans les cadres juridiques préexistants. Fallait-il, avec les Proculiens fe, la traiter comme une datio gratuite de l'objet remis in soluturn, jointe à un pacte de non petendo, ou, avec les Sabiniens", comme un achat de cet objet moyennant un prix égal à la somme due (le débiteur étant censé avoir payé cette somme et l'avoir reprise à titre de prix)? Les jurisconsultes employaient l'une ou l'autre de ces deux analyses à résoudre les questions délicates que soulevait la pratique de la datio in solutum, notamment celles de savoir comment elle éteignait l'obligation, et quel recours elle donnait à l'accipiens en cas d'éviction. Sur la première question, ]es Proculiens admettaient que l'extinction avait lieu exceptionis ope, et les Sabiniens (dont la doctrine prévalut) f2, qu'elle avait lieu ipso jure; sur la seconde, certains jurisconsultes (Marcien)" admettaient que le recours en éviction s'exerçait par l'ancienne action que la datio in solutum se proposait d'éteindre, et, d'autres (Ulpien)14, qu'elle s'exerçait par l'action empli". Cette dernière controverse ne semble pas avoir été tranchée par Justinien 's. La règle que le créancier n'est pas tenu d'accepter en paiement aliud pro alio a subi au BasEmpire quelques dérogations, qui constituent autant de cas de datio in solutum necessaria. Citons notamment la disposition de la Novelle IV de Justinien 17, d'après laquelle le débiteur d'une somme payable en or, qui se trouve embarrassé pour s'acquitter parce qu'il ne possède que des immeubles et qu'il ne peut les vendre, est autorisé à donner en paiement, après estimation, tout ou partie de ces immeubles pour ce qu'il doit. B. Les parties doivent être capables toutes deux de faire leur condition pire : car le créancier, en recevant paiement, perd sa créance ; le débiteur, en payant, perd çe qu'il paie (du moins lorsque le paiement a pour objet, comme cela arrive le plus souvent, une datio). Donc le SOL 1395 SOM pupille ne peut, dans la pratique, payer ou recevoir paiement, qu'avec 1'auctorita.x de son tuteur'. Le paiement peut être fait au créancier ou à son fondé de pouvoirs (tuteur, curateur; mandataire; adjectus solutionis gratia) 2 par le débiteur ou son fondé de pouvoirs (tuteur, curateur ; mandataire). En outre toute personne étrangère à la dette peut la payer', même à l'insu ou contre le gré du débiteur, et ce paiement libère toujours l'obligé Cette dérogation notable aux principes romains qui excluent la représentation dans les actes ,juridiques' s'explique difficilement ; on ne saurait se contenter des justifications d'équité ou d'utilité que proposent les jurisconsultes romains°; elle dérive bien plutôt des règles propres aux formes les plus anciennes de solulio7. La solutio per aes et libram était formaliste; elle éteignait l'obligation, même si son rituel avait été accompli par un autre que l'obligé ; et Tive-Live nous rapporte, en effet, une solutio per aes et libram effectuée par un tiers pour le compte du débiteurs. Lorsque la solutio sans formes s'est substituée à la solutio formelle, on lui a appliqué, par une de ces imitations dont nous avons d'autres exemples', la même règle qu'à sa devancière. La preuve du paiement s'administre conformément aux principes généraux [PROBATIO], notamment par des témoignages ou des actes écrits 10. Il y a deux types d'actes servant à constater des paiements. Les actes du type ancien, qui représente le type proprement romain", sont rédigés par les personnes qui peuvent avoir besoin de les invoquer, c'est-à-dire par les débiteurs qui ont payé. Ces instruments de forme objective puisent leur forme probante dans l'attestation des témoins dont ils portent les cachets. Les actes de l'autre type, plus récent, inspiré par l'institution des chirographa helléniques [CnnioGRAPnus] émanent des personnes à qui ils doivent être opposés. Ces instruments de forme subjective sont de véritables quittances (apochaequi ont fini par prendre la première place dans la pratique 13, Justinien a étendu aux quittances délivrées sans cause les garanties déjà admises pour les cautiones constatant des prêts: le créancier qui a remis une quittance à son débiteur peut, pendant un délai de 30 jours, contester le fait du paiement, selon les règles admises pour la querela non numeratae pecuniae1t, Lorsque le débiteur paie, il peut exiger que le créancier lui rende la quittance, la bâtonne ou l'anéantisse. De toute l'acon, la restitution ou la destruction de la quittance fait présumer le paiement' S