Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SOMATOPHYLAKES

',xxEç). Le même terme désigne, à l'époque hellénistique ', deux institutions très différentes : la « garde royale et un groupe de grands officiers ou de hauts fonctionnaires de cour. 1. On rencontre notamment une garde royale à la cour de Denys de Syracuse 2, à la cour de Macédoine, sous Philippe' et ses successeurs autour d'Alexandre', de certains de ses satrapes 0, dans l'entourage de Mithridate 7, à la cour des Lagides s, des Parthes dans les Indes 10. Les empereurs romains eurent également, peutêtre à l'imitation des rois d'Égypte, leur garde personnelle MANI] ". C'est la garde d'Alexandre qui nous est le mieux connue : elle formait un corps distinct des èrxïpot 12, des phalangites 13 et des (17Cxa7t0ta( "', comprenant probablement un bataillon perse et un bataillon macédonien' Ce dernier bataillon des gardes semble devoir être identifié avec les « pages royaux aat)txoi 7cxïaEç ), créés par Philippe, réorganisés par Alexandre ' et recrutés parmi les enfants de la noblesse macédonienne 18, qui s'initiaient à la guerre sous les yeux du roi et formaient une pépi SOM 1396 SOM nière d'officiers '. Leur chef était le commandant de la qui semblent bien devoir être rattachés à la garde, se continua, dans les traditions des cours hellénistiques, en Macédoine, en Égypte et en Syrie 3. IL Dans l'entourage immédiat d'Alexandre se trouvait un groupe de 7, puis de 84 officiers généraux formant une sorte d'état-major : les Somatophylaques [cf. EXERCITUS, p. 9071. Ce grade est une des plus hautes marques de distinction et de confiance qu'Alexandre ait conférées; ruais il est difficile de décider s'il correspond à un titre purement honorifique ou à une fonction effective. II est plus probable, semble-t-il, que les Somas tophylaques n'avaient, en raison de leur titre, aucun commandement spécial; mais qu'ils recevaient, suivant les circonstances, des commandements ou des missions de confiance'. Ceux qui succombaient ou qu'une absence prolongée devait retenir loin de l'armée étaient immédiatement remplacés s. La charge de Somatophylaques se maintint dans les monarchies nées de l'empire d'Alexandre ° : nous connaissons des Somatophylaques de Philippe Arrhidée '°, d'Antigone de Persée t2 ; nous en trouvons en Épire 13, à Pergame t, chez les Arsacidesles Séleucides 16 et les Lagides''. C'est pour cette dernière cour que les renseignements sont les moins rares: les inscriptions et les papyrus nous font connaître 21 xcytcmy.a'roi éÀaxEç '". Ce titre servit vraisemblablement à désigner le commandant effectif de la garde royale t0; devenu un peu plus tard purement honorifique Y0, indépendant de toute fonction, il prit rang dans la hiérarchie des dignités auliques 21 que nous voyons apparaître à la cour d'Alexandrieentre 190 et 180 "2, que ce soit un retour des anciens titres pharaoniques, un héritage des Perses, une survivance directe de l'usage macédonien 23, une création de Ptolémée Épiphane ou un emprunt à la cour d'An tiochus III ~'. Le titre, dès lors purement personnel et honoraire, est conféré à certains hauts fonctionnaires 26; on le perd, quand on est promu aux rangs plus élevés de la noblesse aulique 27. Comme tous les honneurs prodigués dans un but politique, celui-ci semble s'ètre démonétisé assez vite et parait avoir duré moins longtemps que le titre de euyyEV-lç : les derniers «o/.tcwp.atiopuaaxEç que nous connaissions datent de la fin du lie siècle. SOMNUS ("Titvoç). Les deux personnifications du Sommeil et de la Mort [MoBs, p. 200)i sq.] sont au nombre des fictions poétiques les plus expressives que l'Iliade ait transmises avec tout le relief des réalités religieuses sans que jamais l'opinion des âges suivants les ait consacrées par un culte 2. Hésiode toutefois leur a créé une généalogie en les faisant enfants de la Nuit'; plus tard seulement on leur donna pour père Erébos Elles figurent donc dans la lignée assez nombreuse des forces primordiales du monde physique et des influences morales qui régissent la vie de l'homme ; et méme avec les Songes, les Kéres, Némésis et Eris, on peut dire que Thanatos et Hypnos sont les seules qui se distinguent par des traits nettement personnels 6. Cependant, la nature de Thanatos est simple commue le fait qu'elle exprime, tandis que celle d'Hypnos est double ; car outre le fait du sommeil, suspension momentanée des facultés actives, elle représente aussi la cessation définitive de la vie en assimilant ce phénomène au premier. C'est à la faveur de cette assimilation que les deux personnalités sont conçues comme frères ,jumeaux" et associées dans les fonctions de l'ensevelissement. Des deux passages de l'Iliade ou llypnos joue le rôle d'un daenion 7rcôeaoioç, un seul borne son action à provoquer l'assoupissement passager 7 ; l'autre l'unit à Thanatos comme ministre des devoirs rendus à un morts. Le premier est SOM 1397 SOM la scène célèbre où Héra a obtenu d'Hypnos que, caché sous la figure d'un oiseau de nuit dans une touffe de palmier, il endormit Zeus d'un sommeil profond, détournant ainsi son attention de la lutte entre Grecs et Troyens'. A cette occasion, le poète appelle Hypnos frère de la Mort et exalte sa puissance en le nommant roi des dieux et des hommes. C'est dans l'épisode de la mort de Sarpédon que Hypnos partage avec Thanatos les fonctions d'ensevelisseur, commis par les dieux de l'Olympe; ils emportent le corps du héros loin de la mêlée, dans la Lycie sa patrie, où ses parents et ses frères lui rendront les honneurs funèbres'. Les deux aspects de la personnalité d'Hypnos sont caractérisés chez Homère, non pas seulement dans ces scènes qui ont la couleur mythique, mais là même oit intervient le sommeil en tant que phénomène physiologique, par des épithètes qui expliquent pour leur part le passage facile du sens vulgaire à la personnification. lin sommeil profond est v-ii,tpe-,oç, sans réveil, vlfuu.oç, insatiable, tout à fait pareil à la mort ; et la mort elle-même est définie à son tour par des qualificatifs et des descriptions qui l'assimilent à un profond sommeil. Hypnos ainsi compris n'est pas seulement la représentation du fait dont il porte le nom, mais encore celle de la mort douce et libératrice. Sophocle reste dans la tradition homérique lorsqu'il fait invoquer par Œdipe, sous le vocable de ai Évu7voç, le sommeil éternel, en l'honneur duquel existe une inscription latine des temps de l'Empire 4. C'est l'idée du sommeil pareil à la mort qui, chez Hésiode déjà, a fait localiser sa divinité dans le monde des enfers'. Les poètes Grecs et après eux les Latins ont ajouté fort peu de choses à ces traits dont l'épopée primitive a peint le sommeil. If suffit de rappeler l'invocation qu'Euripide met dans la bouche d'Oreste à son réveil'; et ce que le même poète a dit de la Nuit s'applique de tout point au sommeil dont elle est la mère' : « Toi qui apportes le sommeil aux mortels malheureux, sors de l'Érèbe, plane en déployant tes ailes et descends sur le palais d'Agamemnon. Parce qu'il apporte des songes agréables, le sommeil est appelé ami des Muses et d'Apollon ; et par l'ivresse bachique qui le favorise, il est considéré comme celui de Dionysos' ; ailleurs nous le trouvons parmi les divinités de la santé, à côté d'Hygie et de Salus dans les temples d'Esculape ". Le caractère mystérieux du rêve le fait d'ailleurs participer de la divinité du sommeil lui-même, auquel il maintient une sorte d'activité surnaturelle. IIomère l'appelle en effet divin et en fait un messager aussi réel et plastique que Hermès ou Iris1e. Le Songe écoute une recommandation des dieux dont il est le serviteur ; il obéit à leurs ordres, s'élance, part, et pour s'acquitter de sa mission, prend les traits d'un personnage connu, de même que le Sommeil s'est métamorphosé en oiseau chez Homère". Dans l'exercice de cette fonction, sa ressemblance avec Hermès est frappante : il est même probable que si en Grèce il n'y a pas eu de culte ni de pratiques à I'intention du Sommeil et des Songes divinisés, c'est que les hommages de ce fait allaient à Hermès ; la dernière coupe de vin avant le repos nocturne était en son honneur et ses images figuraient à la tête des lits, afin qu'il fit dormir et donnât de beaux rêvesf2. Invoqué arooctiniflç, il avait sur les monuments pour symbole le lézard qui signifiait le doux repos (g.vf)aryoç), et son caducée possédait des vertus soporifiques 13 Ce sont tous ces traits que les poètes romains ont exploités, sans jamais rien innover d'ailleurs, quand dans leurs oeuvres ils personnifiaient le Sommeil à l'imitation des Grecs ; car il est digne de remarque que malgré la tendance à tout personnifier sous la forme de génies de circonstance, la vieille religion romaine n'a point fait de place au Sommeil, dans ses Indi,gitamenta 14. Le sacrifice à Somnus avec le vocable de lenis qu'Ovide prête à Numa est isolé et parait n'être qu'une fantaisie littéraire's. D'autre part, les inscriptions en son honneur sont rares et toujours elles sentent l'imitation littéraire des Grecs. Ceci est également le cas des descriptions célèbres que nous rencontrons chez Virgile, Ovide, Valerius Flaccus, Stace et Silius Italicus 16. Cependant ceux-ci ne s'inspirent pas seulement des modèles littéraires, depuis Homère en passant par les tragiques jusqu'aux Alexandrins; c'est à l'art grec qu'ils sont surtout redevables ; car cet art, dès le ver siècle, a donné au couple fraternel du Sommeil et de la Mort une réalité plastique qui supplée à la réalité religieuse dont il fut toujours dépourvu. Les plus anciens monuments qui les représentent tous deux sont ceux dont parle Pausanias: la colonne de Sicyone sur laquelle figurait, avec le vocable de EalôSzrç, Ilypnos accosté d'un lion qu'il endorulait. et le coffret de Cypsélos à Sparte oit figurait la Nuit Ieluult dans ses bras les deux frères''. On a supposé que le vocable sous lequel Ilypnos était désigné a Sicyone, signifie qu'il transmet à Thanatos les mortels en les taisant passer du sommeil momentané au repos définitif' A. Les premières images d'Hypnos nous sont données par les vases peints : SOM 1398 SOM un vase d'ancien style nous montre Alcyoneus attaqué par Hercule durant son sommeil; au-dessus du géant plane une petite figure ailée dont la présence explique la facile victoire du héros' ; c'est celle d'Ifypnos. Il y joue un rôle analogue a celui que lui prête Homère, mais avec les traits d'un oiseau de nuit, dans la scène du mont Ida'. Ce sont les représentations de l'enlèvement sur le champ de bataille de Troie des corps de Sarpédon et de Memnon qui nous offrent pour la première fois Ilypnosavec son frère dans l'emploi d'ensevelisseursdivins3.Sur un cratère de Caeré les deux frères sont absolument pareils, imberbes tons les deux, de mémo couleur, d'expression identique; une inscription seule distingue Hypnos qui soutient la tète du mort alors que Thanatos le soulève par les pieds (fig. 6516); celte distribution des rôles va en quelque sorte devenir rituelle'. Mais ii partir du v` siècle, particulièrement sur les lécythes funéraires d'Attique ', les figures des deux frères se distinguent nettement ; comme nous l'avons montré ailleurs, Thanatos est barbu, d'aspect sauvage, le corps parfois moucheté de touffes de poils ; Hypnos est imberbe, d'expression douce et ,juvénile; enfin l'un et l'autre sont ailés a. D'abord les ailes sont rte grande envergure et attachées aux épaules; plus tard, la fantaisie des artistes les remplace par des ailes de papillons, ou, les supprimant dans le dos, elle indique la nature légère et errante des génies par des ailes placées sur les tempes et combinées avec les ondulations des cheveux Un détail caractéristique relevé sur lis lécythes est celui de la couleur des corps : il arrive en effet qu'une des figures est blanche, l'autre noire ; M. Pottier a démontré que cette dernière couleur appartient h Ilypnos'. Pour le surplus, un texte d'Euclide de Mégare (400 av. ,1.-C.) confirme l'interprétation qui distingue les deux figures a. Jusqu'au temps d'Alexandre, les images d'IIypnos conservent le caractère quelque peu fantastique qu'IIomère a donné h ce génie ; a partir de Lysippe, le type a été fortement idéalisé, comme il est facile de s'en assurer par la statue du musée de Madrid 10, par le bronze de Vienne et d'autres (fig. ti517) apparentés". Ilypnos y a les traits d'un jeune homme a la fois souple et vigoureux qui, même quand les exigences de la technique le fixent au sol, semble planer dans les airs. I1 a perdu les vastes ailes fixées aux épaules ; mais comme Hermès, a qui d'ailleurs il ressemble au point de pouvoir être aisément confondu avec lui, il porte des ailes attachées aux tempes ou dissimulées dans les boucles de la chevelure 12 L'expression du visage est le plus souvent douce et même souriante ; ruais il arrive qu'elle a tantôt un caractère de gravité mélancoli que, tantôt, un air d'accablement et, de fatigue. Un fragment de bas-relief, aujourd'hui au Louvre, représente une tête, parfois interprétée comme un masque de Méduse, que les yeux mi-clos et les traits détendus invitent â considérer comme une figure du Sommeil13, De même sur une gemme du Musée de Berlin, nous trouvons un personnage que tout nous invite d'abord a prendre pour Hermès psychopompe et qui plus probablement est le Sommeil selon le type créé par Lysippe ou par un sculpteur de son écoleu. Il tient dans la main gauche deux tiges de pavots et dans la droite une corne renversée d'où il répand sur la terre le repos bienfaisant. Les ailes, sous des formes variées et à mesure que leur emploi dans la sculpture devient moins caractéristique, les liges de pavots, un rameau trempé (les poètes nous l'apprennent) dans l'eau du Léthé, la corne surtout que, d'un geste apaisant, le dieu égoutte en glissant dans les airs, deviennent les attributs classiques du Sommeil'. L'art hellénisant d'Italie s'est emparé de ce type et l'a dans SOM 1399 SOP varié, souvent aux dépens du goût et aussi de la clarté, sur les couvercles des cistes d'Étrurie et sur les sarcophages, où sa parenté avec le génie de la mort a marqué à Somnus une place'. Pour adapter les représentations du Sommeil aux diverses conditions de la vie et de la morte, les artistes lui donnent ou les traits d'un vieillard barbu, grave et même triste (fig. 6518), ou ceux des Amours dont la présence sur les monuments funéraires s'explique d'ailleurs, même en Grèce, par des raisons plus générales et plus profondes que celles de leur identification avec les idées de la mort et du sommeil [cui'ino, p. 1609 sq.]. Nous n'avons pas à revenir ici sur une interprétation qui a déjà trouvé sa place ailleurs ; mais il n'est pas sans intérêt de mar quer les rapports que la mythologie et les représentations plastiques du sommeil ont avec la fable d'Endymion `. Lui-même n'est qu'un génie de la Nuit et du Sommeil ; on connaît les fables et les monuments qui le montrent, visité chaque nuit par Séléné-Luna [LUNA, p. 1382], qui souvent est identifiée avec Diane `. Des rnytlio Iogues racontaient qu'Hypnos faisait dormir Endymion les yeux ouverts, afin d'en pouvoir contempler le charme sans cesse. Le sommeil d'Endymion était devenu d'expression prover biale, et l'idée en correspondait à celle du repos éternel, au sein d'un bonheur pareil à celui de Cléobis et Biton, les héros endormis le temple de Héra et passés sans réveil dans la compagnie des dieux, en récompense de leur piété filiale'. Les nombreux sarcophages et bas-reliefs, ceux-ci également de caractère funéraire, qui représentent Endymion endormi, offrent un des aspects sous lesquels l'imagination des an ciens envisageait le repos de la tombe, le sommeil 'j'-FLAVIVS EV PH R.ANOR°ET I VAR1V5 S NDO blahle à la mort ou la mort qui n'est qu'un sommeil e. Sur les sarcophages, Somnus est souvent le vieillard barbu el d'aspect sévère dont nous avons parlé; ici le bas du corps drapé, le buste libre, les ailes placées aux tempes, ;rites de papillon ou d'oiseau de proie; là il tient dans ses bras Endymion, ou lui soutient la tête. Sur un des sarcophages les plus récents, le vieillard est debout, les jambes croisées, de vastes ailes au dos; il dort appuyé sur un bâton'. Citons encore deux sarcophages du Louvre, l'un (lui représente Somnus sous les traits d'un jeune homme se penchant sur Endymion endormi et versant sur sa tête le liquide soporifique, tandis qu'un Amour entraîne Séléné vers le héros"; l'autre est une touchante application du mythe à la vie réelle : Somnus, sans ailes, tenant une tige de pavots dans la main gauche, étend sa main droite ouverte sur une femme endormie du dernier sommeil; un enfant se penche comme pour la réveiller, le jeune mari contemple la morte d'un air rêveur : entre les deux figure un Amour aux ailes étendues, le visage empreint de désespoir (fig. 6519)". J. A. Huit.