Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SORANUS

SORANUS. Ce vocable religieux qui par sa terminaison en rappelle beaucoup d'autres figurant au catalogue des MUGIT Anux'iA', se rencontre pour la première fois, avec un sens ironique, chez Cicéron ; ruais il est beaucoup plus ancien et pourrait même remonter aux temps les plus reculés de la religion romaine. Ayant à caractériser un augure de bas étage, dont la science n'est faite que de charlatanisme, Cicéron le nomme ou Pisidien ou Soranus'. Ce sont les commentateurs anciens de Virgile, sur la foi d'un texte de Varron et, grâce à eux, Pline l'Ancien qui nous permettent d'éclaircir l'énigme posée par le passage du traité de la Divination 3 ; et c'est Virgile lui-même qui adapta la cérémonie, oit Soranus est invoqué, au dessein de son Enéide. Voici l'invocation que le poète place dans la bouche d'un chef Étrusque, allié d'Énée't : a 0 toi le plus grand des dieux, Apollon gardien du mont sacré de Soracte, toi que nous implorons avant tous les autres lorsqu'en ton honneur s'enflamme un amas de pins et que, forts de notre piété', nous marchons à travers le feu sur tin lit de charbons SOR 1401 SOR ardents. 0 Père! O Tout Puissant'. épargne à nos armes le déshonneur, etc. » Le culte et les pratiques auxquels il est fait ainsi allusion, ont pour théâtre le pays des Falisques et plus spécialement le mont Soracte qui se dresse, visible de loin, à l'est de la plaine qui longe la voie Flaminienne Là, tous les ans, un collège de prêtres appelés llirpi (loups en langue Sabine), célébraient une fète de purification et de propitiation dont l'épisode caractéristique était une marche à pieds nus sur la braise d'un bûcher. Le dieu, objet de cet hommage, était appelé Soranus; et les prêtres eux-mêmes étaient des Hirpi Sorani 2. Le vocable dérivé du nom de la montagne a été, par la linguistique, rattaché à Sora 3, soleil ; et la fête elle-même doit être considérée comme une variété des cérémonies solstitiales [PALILIA] qui chez les peuples de race indo-européenne ont pour objet d'honorer le feu céleste sous le symbole de ses émanations terrestres'. Dans la religion latine, la divinité du feu a tout d'abord été identifiée avec Die Pater invoqué à ce titre sous le nom de Soranus ° et ensuite, par l'influence de l'hellénisme, avec Apollon, le dieu solaire par excellence La fête dii mont Soracte était encore en honneur au déclin de la République ; mais le miracle des prêtres traversant les flammes sans en subir les atteintes s'expliquait naturellement, pour Varron, grâce à un onguent dont ils se frottaient la plante des pieds'. Pline l'Ancien nous apprend qu'elle subsistait encore de son temps et même qu'un sénatus-consulte de Rome conférait aux prêtres Sorani l'exemption du service militaire avec d'autres immunités. Pour Strabon la cérémonie était en rapport avec la religion de FERONIA, qui possédait au pied du Soracte un temple fameux dans tout le Latium; elle attirait un grand concours de peuple, avide de contempler la jonglerie pieuse dont elle était l'occasion et que le scepticisme des archéologues n'avait pas encore réussi à déconsidérer auprès des masses a. Des pratiques analogues se retrouvent d'ailleurs dans le culte de Zeus Lykaios en Arcadie' ; et Mannhardt en a très ingénieusement rapproché les fêtes populaires de celles du Loup Vert à Jumièges en Normandie et de la Vache Verte en Souabe, les unes et les autres célébrées au temps de la moisson, c'est-à-dire du solstice d'été, pour obtenir une récolte abondante 10. Nous nous bornons à renvoyer aux commentaires de Servius sur le passage cité de Virgile, pour les contes populaires dont elles ont été l'objet dans l'Italie ancienne J. A. HILP. GRÈCE. Le tirage au sort était une des coutumes les plus répandues chez les Grecs de tous les temps. Ils la pratiquaient avec prédilection, dans la vie publique comme dans la vie privée. pour prendre une telle extension, pour avoir une telle durée, il a fallu que cette coutume, à peu près immuable dans le détail de l'exécution matérielle, se conformât, pendant une longue évolution, à la pensée changeante des générations successives. Les hommes primitifs demandent à leur dieu toutes les décisions qui intéressent le groupe social; la volonté du dieu s'exprime par le sort (xnilpos)'. Chacun de ceux qui s'en remettent à la puissance souveraine inscrit sa marque sur un caillou, fixe sa personnalité sur un osselet'; lorsqu'un de ces objets est tiré d'un vase ou d'un casque par une main aveugle en apparence, c'est une divinité qui désigne un homme et fixe le destin. Ce procédé religieux ne s'applique pas seulement aux choses de la religion : le culte, à cet âge lointain, comprend tout, gouvernement, administration, justice. On recourt au sort quand on a remporté la victoire et qu'on partage le butin, ou bien quand on a eu le dessous et qu'on doit livrer un lot, de captifs, ou bien encore quand le dieu irrité veut du sang humain. Rien de plus historique au fond que ces vieilles fables où sont tirés au sort les jeunes gens ou les vierges qu'un roi, un dieu, un monstre exige comme esclaves ou comme victimes '. Mais il est une circonstance où le tirage au sort a une valeur, une solennité toute particulière et revêt, une forme différente : il devient électif. Le chef, qui est aussi le prêtre, doit toujours être désigné à la vénération par un signe certain : le sang le plus pur, la parenté la plus directe avec le dieu ancêtre. Ses pouvoirs se transmettent, avec son caractère sacré, par hérédité; mais que la lignée s'interrompe, qu'il y ait doute sur la question de succession, et l'on s'en remet au dieu du soin d'indiquer son descendant légitime, de déclarer qui mérite entre tous d'èlre appelé ito'(EVr3. Il abien des moyens, le dieu, pour révéler ses préférences et dicter ses commandements : il peut faire un miracle'; le plus souvent il attend qu'on le sollicite. Les prétendants se présentent à lui ou lui sont présentés par leurs partisans, et lui, par le sort, il fait son choix. Le sort est vraiment, selon une expression de Platon, un a jugement de Dieu o, Attis xp/rtç Dans la vie de famille comme dans la vie publique, dans les cités et dans les camps, les Grecs des temps héroïques consultaient le sort à toute occasion. Quand des frères ont à partager l'héritage paternel, ils préparent des lots, qu'ils tirent, au sort 0. Quand des vainqueurs se partagent le butin, les captifs, les champs conquis, ils opèrent un prélèvement en faveur des chefs, et tirent le reste au sort ': c'est ainsi que les Héraclides auraient tiré au sort. dans un vase rempli d'eau les trois royaume, 176 SOR 7 4,02 SOR du Péloponése I (fig. 6820) et donné un lot à chacun de leurs compagnons2. Quand des aventuriers ou des colons s'établissent sur un coin de terre, ils demandent an sort leurs titres de propriété ". Les dieux n'ont-ils pas fait de même pour le monde entier, et n'est-ce pas par le sort que Zeus, Poseidôn et Hadès ont obtenu chacun son empire"? Aussi la langue grecque a-t-elle toujours désigné du même mot, xar1F os, le sort et le patrimoine Les charges sont réparties par le même procédé que les prolits. Lorsqu'un chef doit fournir un homme pour le service militaire, les frères tirent au sort à qui partira'. En temps de guerre, le chef s'en remet aux (h4.cisions du sort pour ne pas faire de mécontents. Devant Troie, les neuf guerriers qui brillent de se mesurer avec Hector en combat singulier déposent chacun dans un casque leur sort marqué de leur signe particulier et en font tirer un par Nestor'. Chaque fois qu'Ulysse est embarrassé pour désigner ceux de ses compagnons qui auront à remplir une mission périlleuse, il les fait désigner par le soit'. Dans les jeux, le président tire au sort les rangs ou les places des concurrents 9. Le tirage au sort est si complètement entré dans les moeurs, que des armées ennemies peuvent s'entendre sur une consultation de ce genre, qui devient presque un jugement de Dieu : au moment où va s'engager le duel de Paris et de Ménélas, on jette les sorts des combattants dans un casque pour savoir qui aura l'avantage de lancer son javelot le premiert0. Dans plusieurs de ces cas. la conception religieuse du tirage au sort se manifeste clairement. Avant le moment décisif, les intéressés adressent d'ardentes prières à Zeus pour qu'il fasse le choix le meilleur", et souvent ces intercessions produisent leur effet : le sort tombe sur celui que désigne le grand nombre ou que souhaite la sagesse f2. Le tirage au sort se ressentira toujours de ses origines religieuses. Elles sont manifestes dans la divination. La clérolnanlie fut une des pratiques auxquelles les oracles des Grecs restèrent le plus fidèles (D1vINATIO, p. 301-302 ; ofACI[.uM, p. 222]. Cette spécialité des sciences sacrées avait pour patron Hermès. Le porteur de la verge magique" était le dieu du hasard et de la bonne chance, le dieu des sorts et particulièrement des dés. Apollon avait gardé pour lui le reste de la mantique ; il avait abandonné au fils de Maia la doctrine des Thriai et l'usage des cailloux qui portaient leur nom'". Quand on tirait au sort, le premier coup était réservé à Hermès; mais souvent, pour éviter toute contestation, on introduisait dans l'urne une feuille d'olivier, qu'on tirait d'abord : c'était l'`Eous x),91pos"4. Un autre fait, la façon dont sont nommés les prêtres, rappellera jusqu'à la fin du paganisme grec que le tirage au sort est un appel aux dieux. Mandataires de la cité, délégués auprès d'une divinité, les prêtres sont présentés par les hommes, mais choisis par la puissance à laquelle il s'agit de plaire. On demande parfois à la grâce des dieux de se manifester par un oracle 18, ou par la voix d'un prêtre en fonction 17 ; d'ordinaire on l'oblige respectueusement à se déclarer par les sorts. Et, comme les hautes magistratures sont sorties des sacerdoces les plus antiques, comme elles en ont conservé certaines attributions, les esprits imbus des croyances traditionnelles continuent d'avoir sur le tirage au sort des magistrats les mêmes idées que sur celui des prêtres. C'est encore Platon qui, en exprimant la pensée des vieux âges, se fait à maintes reprises l'interprète d'une opinion commune en son temps : « En ce qui concerne les choses sacrées, dit-il, nous laissons la divinité choisir elle-même qui lui agrée; nous nous en remettons ainsi à la voie divine du sort... Pour déclarer qu'un homme est cher à la divinité, qu'il est heureux, nous recourons au sort : celui que le sort désigne doit commander, celui qu'il repousse doit obéir; disons-le, rien n'est plus juste... Le sort est un dieu". » Mais de très bonne heure, aussi loin vie remontent les souvenirs de la race hellénique, cette conception divine enveloppe des conceptions plus humaines. Toujours et partout on a largement pratiqué un système qui a tous les avantages d'un choix rapide sans engager la responsabilité de personne. Aujourd'hui, on a encore recours au sort dans les cas où il n'existe aucune raison théorique ni juridique de décider dans un sens ou dans l'autre et où cependant il faut en finir. Dans les sociétés primitives, le tirage au sort est une ressource bien plus précieuse, parce qu'il sert, non seulement quand on ne peut pas, mais quand on ne veut pas choisir : c'est un de ces subterfuges par lesquels une rouerie naïve met le divin à son service. Par le sort on force les dieux à créer de la légitimité, comme par le serment on les somme de créer de la vérité, comme par l'ordalie on leur fait faire oeuvre de justice. 11 faut donc admettre que, dans les temps les plus reculés, le tirage au sort a pu donner satisfaction aux tendances diverses des hommes groupés en sociétés. Effectivement, le tirage au sort appliqué au choix des chefs et portant sur quelques personnages de marque part d'un principe nettement dynastique ou, si l'on préfère, fortement aristocratique. Fustel de Coulanges a insisté à bon droit sur ce principe, qu'il a été le premier à dégager 'y. Mais il n'a pas vu, parce que son attention s'est concentrée sur une seule question, que dès l'origine, bien avant que la Grèce fût organisée en cités, le tirage au sort appliqué à un partage et portant sur tous les membres du groupe social, a un caractère tout aussi vigoureusement démocratique. Avec cette légère réserve nous dirons : « Le tirage au sort n'était ni un procédé égalitaire, ni un procédé essentiellement SOR -1403 SOR oligarchique. Il a pris l'un ou l'autre caractère suivant les temps et suivant la façon dont il a été appliqué'. n L'élément psychologique qui est l'essence même du tirage au sort pouvait s'adapter à tous les régimes. Aussi les historiens et les philosophes de la Grèce devaient-ils être un jour embarrassés pour indiquer le caractère politique de l'institution. Quand le principe démocratique l'out emporté dans une grande partie de la Grèce et qu'il eut surtout marqué d'une puissante empreinte la civilisation athénienne, alors même le tirage se maintenait en si bonne posture dans les cités oligarchiques et perpétuait dans les autres tant de survivances d'aspect hétérogène, qu'il était bien difficile, tout en constatant la large place qu'il s'était faite dans les constitutions démocratiques, de ne pas l'observer sous son double aspect et de ne pas en ètre gêné. De là résultent les jugements divers qui nous étonnent et nous déroutent. Dans l'idée d'Iiérodote', un des traits essentiels du régime populaire, c'est la désignation des magistrats par voie de tirage au sort (7ti,(o NEv p~â; à?-Et). Les adversaires de la démocratie extrême lui reprochaient, plus que tout autre défaut, cette façon de nommer les hauts fonctionnaires. « C'est folie, disait Socrate, qu'une fève décide du choix des chefs de la République, tandis qu'on ne tire au sort ni un pilote, ni un architecte, ni un joueur de flûte, ni d'autres artistes du même genre, dont les fautes sont bien moins dangereuses que celles des magistrats '. D'un ton plus transcendant et plus altier, Platon exprime le même sentiment, quand il déclare que le sort dans la répartition des dignités établit une égalité d'ordre inférieur, l'égalité en nombre, poids et mesure, qui est à la portée de tout législateur et de toute cité'. Aristote luimêmel qui combat si souvent les conceptions politiques de Platon, déclare plusieurs fois dans la Politique que le tirage au sort des magistratures, de celles au moins qui n'exigent pas de connaissances spéciales, caractérise le gouvernement démocratique et s'oppose au système préféré par l'oligarchie'. Enfin, la Rhétorique aristotélicienne va jusqu'à définir sommairement la démocratie la constitution qui fait distribuer les charges par le sort'. Cependant on voyait bien que le tirage au sort convenait tout autant à maintenir l'égalité dans un petit groupe de privilégiés que dans une masse de citoyens et qu'en fait il fonctionnait partout. Le rhéteur Anaximénès attribue indifféremment à la démocratie et à l'oligarchie l'habitude de tirer au sort le plus grand nombre des magistratures'. Pour Platon il y a tout de même des cas où le tirage au sort tient le milieu entre le gouvernement monarchique et la démocratie'. Les plus exaltés des démocrates pouvaient même trouver que le sort aveugle assignait trop fréquemment les charges aux partisans de l'oligarchie; ils en arrivaient à voir dans le système électif un moyen bien plus sûr de pousser leurs hommes aux affaires'. Aristote ne croit pas se donner un démenti quand, dans le même ouvrage, il fait ressortir le caractère démocratique du tirage au sort et combine ce mode de nomination, ainsi que le mode opposé, l'élection, avec toutes les solutions données en Grèce aux questions du droit électoral et de l'éligibilité J5. Un esprit si logique a pu dire catégoriquement ôr~.oxpa.Ttx~1 pb montrer que les cités tant oligarchiques que démocratiques constituent les magistrats et les juges a.(pÉso; xa' p; u. Voilà une contradiction apparente qui a sa valeur. Trop souvent on se laisse entraîner par la première série de nos textes et par le spectacle que présente Athènes au moment oit ses institutions sont le mieux connues : on répète que le tirage au sort est une invention de la démagogie ". Il n'en est rien" temps historiques, c'est dans Athènes qu'on observe le mieux les multiples usages du tirage au sort. Mais nos renseignements proviennent pour la plus grandipartie de la période où toutes les institutions du passé avaient reçu l'empreinte démocratique : le choix préalable des noms soumis au sort ne pouvait plus avoir la rigueur exclusive qui aurait empêché la nomination des magistrats de se conformer au principe égalitaire du gouvernement. Il ne faut ni croire à la brusque apparition d'un procédé qui est, au contraire, d'une antiquité préhistorique, ni projeter sur tous les siècles la lumière d'un seul. L'intérêt d'une étude sur le tirage au sort chez les Athéniens consiste précisément à le suivre dans son évolution. « I1 a été aristocratique quand la société athénienne l'était; il est devenu... démocratique lorsque la société l'est devenue. Il n'avait lieu d'abord qu'entre les Eupatrides. Plus tard il fut pratiqué entre les riches. Plus tard enfin, toutes les classes y furent admises' 1. Les archontes. La question de la nomination des archontes a été vivement discutée. Naguère on ne savait pas de quelle époque il fallait faire partir le tirage au sort; on en constatait seulement l'existence certaine dans la seconde moitié du ve siècle. Les uns, (t la suite de Boeckh, de Schoemann et de Curtius, tenaient pour Clisthènes 16 ; les autres, avec Grote et Lugehil, se rabattaient sur Aristide ou même sur Éphialtes 17, et c'est à cette opinion que se ralliait l'auteur de l'article ARCHONTES (p. 383-3M). Seul, Fustel de Coulanges osait, confiant en ses convictions sur la genèse religieuse des institutions antiques et en sa minutieuse étude des textes, relever une hypothèse abandonnée depuis l'époque lointaine de Meursius" et soutenir que le tirage au sort remontait aux origines mêmes de la constitution athénienne [ATTILA IESpUBL1CA, p. 537-538) Fustel de Coulanges avait raison contre tout le monde L0. La IIoy,tTE(a d'Aristote nous dit, en effet: « Solon institua pour le tirage au sort des magistrats une liste de candidats préalablement choisis par chacune des tribus. Pour les neuf places SOR 9404 son d'archontes chacune présentait dix candidats entre lesquels décidait le sort. De là vient l'usage, qui dure encore, de tirer au sort dans chaque tribu dix candidats et de faire désigner ensuite les titulaires par la fève. Solon mit aussi le tirage au sort en rapport avec le système censitaire : la preuve en est dans la loi sur les trésoriers qui est restée en vigueur jusqu'à nos jours et qui prescrit de tirer au sort les trésoriers parmi les pentacosiomédimnes. Telles sont les règles établies par Solon au sujet des neuf archontes'. » Ce passage semble décisif. Cependant ni l'autorité (l'Aristote, ni ce fait si frappant qu'elle vient à l'appui d'une intuition qui avait su s'en passer, n'ont désarmé la critique. Le plus grand nombre des historiens est resté fidèle à une opinion invétérée. Aristote aurait fait remonter jusqu'à Solon le tirage au sort des archontes, institué seulement en *87/6, sans autre raison qu'un raisonnement à conclusion rétrospective : il aurait connu le tirage au sort à deux degrés, usité de son temps, le tirage au sort après élection dans les dèmes, usité après 187/6, et aurait inféré de la loi solonienne sur le tirage au sort des trésoriers l'existence d'une loi solonienne sur le tirage au sort des archontes. L'objection n'est que spécieuse. Observons d'abord que, de l'aveu unanime, le tirage au sort des magistratures était pratiqué à l'époque de Solon, puisque nul ne petit plus contester qu'il ait existé dès lors pour les trésoriers. Mais examinons la question en elle-même, telle qu'on l'a posée, au point de vue des archontes. Si Aristote avait eu la fantaisie de rapporter à Solon une institution du ve siècle, il n'aurait pas commis cette erreur de creuser un fossé dans l'intervalle, en s'imaginant que la règle du tirage au sort n'avait plus été appliquée depuis l'expulsion des Pisistratides jusqu'à l'archontat de Télésinos (487)6)3. S'il avait rapporté aux archontes ce qui était vrai pour les trésoriers, il les aurait fait tirer au sort directement parmi tous les pentacosiomédimnes, comme les trésoriers, et n'aurait pas inventé pour eux le choix préalable dans les tribus. En réalité, Aristote ou plutôt ses auteurs, les atth idographes, avaient à leur disposition les xûotietç oh étaient gravées les lois de Solon : ils ont pu connaître celles qui concernaient les archontes aussi bien que celles des trésoriers`. Le témoignagne d'Aristote devrait donc mettre fin aux vieilles controverses. Hérodote ne parlait pas en étourdi, quand il disait que le polémarque en fonction à Marathon, Callimachos, fut désigné par la fève'; Dèmètrios de Phalère avait bien la compétence qu'on peut attribuer à l'auteur d'une 'A3769Tmv vvxYpxLr„ quand il affirmait qu'Aristide, éponyme de 489/8, fut choisi par la fève parmi les pentacosiomédimnes" ; s'il est vrai que les orateurs attribuaient volontiers à Solon toutes les anciennes institutions, Démosthènes ne se trompait pas en lui attribuant une loi qui mentionne le tirage au sort des thesmothètes, c'est-à-dire des archontes ; c'est bien à une antiquité reculée, non pas à une durée d'une ou de deux générations, que pensait Plutarque quand il déclarait, à propos de Périclès, que l'archontat était donné par le sort ix 7rx'Axtou8. Même Pausanias avait ses raisons pour faire succéder immédiatement à l'archontat décennal un archontat annuel décerné par le sort'. En effet, Aristote ne prétend pas que Solon ait le premier fait tirer au sort les magistratures. Il dirait même explicitement le contraire, si la constitution de Dracon, analysée dans un chapitre précédent de la floytTEix1', n'était pas apocryphe. Il indique seulement les règles auxquelles Solon soumet le tirage au sort des magistratures : Txç Tt '' I'Twv11. Quant au tirage au sort lui-même, il le prend pour un fait acquis ; non qu'il songe à la constitution de Dracon, mais peut-être en avait-il dit un mot dans un chapitre perdu, au commencement de l'ouvrage, à la place indiquée par Pausanias.-Et c'est bien parce qu'à ses yeux le tirage au sort des magistratures existait avant Solon, avec la même condition de l'élection préalable, avec le même caractère de sélection aristocratique, c'est bien parce que dans son idée Solon se contenta de faire cadrer cette institution avec le régime des tribus gentilices et des classes censitaires qu'Aristote a pu dire dans la Politique sans la moindre contradiction: ~t Il parait bien que Solon conserva tel qu'il le trouva établi le choix des magistrats » 12. Ce choix, que l'auteur déclare d'essence a aristocratique » et qu'il donne là-dessus pour une des concessions faites par Solon au peuple 1"", ne peut être ni le pur tirage au sort, ni la pure élection ; il est forcément le tirage au sort parmi des candidats élus. Quoique restreinte, la réforme de Solon n'en avait pas moins dans sa pensée une importance considérable. En conférant le droit d'élection préalable aux tribus, c'està-dire à tous les citoyens, en reconnaissant le droit exclusif d'éligibilité préalable aux pentacosiomédimnes, c'est-à-dire aux plus riches, Solon se conformait à sa politique constante : il ruinait un privilège des 7`url. Le Conseil des anciens archontes, l'Aréopage, à qui était confié jusqu'alors le recrutement des magistrats 15 s'arrangeait toujours de façon à convertir le tirage au sort en une véritable cooptation, qui se faisait ptaTlvèv1v xai 7rnouriv'riv. Les chefs des grandes familles ne furent plus seuls à désigner les noms à tirer au sort; une naissance illustre ne fut plus la condition nécessaire pour être désigné. Solon dut encore se flatter d'obtenir un autre résultat : se rappelant la tentative de Cylon et les suggestions auxquelles il avait été en butte lui-même, il espérait peut-être, à une époque où l'archontat donnait SOR 1''.05 SOR encore une grande puissance', empêcher les ambitions de faire sortir d'une urne la tyrannie 2. Si le réformateur se berça de cette espérance, il ne tarda pas à être détrompé. La sincérité du tirage au sort ne fut pas plus assurée après qu'avant la réforme. On est même généralement d'accord pour admettre que, durant tout le vie siècle, les archontes furent nommés par élection. De prime abord, les faits semblent donner raison à cette hypothèse. Quand les choses se passent régulièrement, on voit arriver à l'archontat de grands personnages, comme l'ami de Solon Dropidès (585/4)3 et le Philaïde Hippocleidès (566/5) 4. Le plus souvent, les partis se disputent avec violence la charge de premier archonte. Deux fois, les séditions l'empêchent d'être pourvue : ce sont deux années d' « anarchie ». Une autre fois, un usurpateur, Damasias, la garde deux ans et deux mois. Chassé par force, il est remplacé le restant de l'année par des décemvirs, dont cinq pris parmi les Eupatrides, trois parmi les cultivateurs et deux parmi les artisans 3. Enfin, Pisistrate et ses fils, maîtres du pouvoir absolu, conservent les lois existantes et, sans porter atteinte aux magistratures légales, ont soin que les premières soient toujours occupées par l'un des leurs 6. C'est ainsi que plusieurs d'entre eux exercent la charge d'archonte, entre autres Pisistrate le Jeune ', durant une période où figurent encore parmi les éponymes un Miltiades (5124/3)8 et un Habron (518/7)9. La chute des tyrans et la réforme de Clisthènes ne changent rien aux habitudes prises, mais érigent le fait en droit1?. Le chef de l'oligarchie soutenue par les Spartiates, Isagoras (508/7)", est remplacé, après le triomphe de l'Alcméonide Clisthènes, par Alcméon (507/6) ' Quand Athènes, effrayée par la défaite des Ioniens à Ladé, tente un rapprochement avec les Pisistratides et la Perse, c'est un ami des tyrans, Hipparchos, qui l'emporte (496/5)". En 493/2, c'est Thémistocle ". A Marathon, le polémarque est un citoyen au nom de bon augure, Callimachos". L'année qui suit Marathon, Aristide obtient l'archontat comme récompense de ses services 16. Ces longues luttes pour la possession de l'archontat, cette distribution des charges en famille, ces noms de grands personnages issus de la plus haute noblesse ou admirablement préparés à la place qu'ils occupent : tout cela est inconciliable avec un régime de tirage au sort; tout cela serait un miracle continuel, si c'était un pur produit du hasard. Les auteurs mêmes qui attribuent à Solon une loi sur la nomination des archontes sont d'avis qu'elle resta lettre morte ". Ils n'auraient pas tort, si l'on était réduit à choisir entre le système de l'élection et celui du tirage au sort absolu. Mais la question ne se pose pas ainsi. Déjà Fustel de Coulanges " avait montré que le tirage au sort, mitigé par l'élection préalable, pouvait amener aux affaires les hommes d'État qu'on avait intérêt à y appeler. Déjà il avait donné son sens vrai àce passage d'Isocrate que personne avant lui n'avait compris: « Nos ancêtres n'aimaient pas cette sorte d'égalité qui donne les mêmes faveurs aux bons et aux méchants ; l'égalité qu'ils aimaient est celle qui donne à chacun suivant son mérite; aussi n'était-ce pas entre tous les citoyens qu'ils tiraient au sort les magistrats, mais ils faisaient un choix à l'avance des hommes les meilleurs et les plus propres à remplir ËpyWV 7cpoxpivovToç) 19. Or, voilà qu'Aristote nous apprend qu'en effet le système institué par Solon était une xkgcWats Ex npoxp(Ttev. Le tirage au sort était précédé d'élections dans ]es quatre tribus. Si tous les Pisistratides étaient présentés tous les ans par la même tribu et si la règle du tirage au sort attribuait au moins deux postes sur les neuf aux candidats de chaque tribu, il y avait déjà bien des chances que la famille des maîtres fût souvent représentée dans le collège des archontes. Mais nous ne savons pas du tout si chaque tribu était obligée d'apporter dans l'urne dix noms différents, si elle n'avait pas le droit de multiplier les chances d'un candidat favori jusqu'à rendre sa nomination certaine, ou même si elle était tenue d'épuiser son droit de présentation et n'avait pas la faculté de rendre le tirage au sort fictif. A l'époque classique, les pythaïstes, ces ambassadeurs envoyés auprès d'un dieu, seront tirés au sort; mais, comme on voudra des gens riches pour représenter dignement la cité, on réduira le nombre des candidatures au point de faire désigner par le sort des frères". Le prophète de Didymes sera, lui aussi, tiré au sort en principe ; mais le choix préalable ou xp(atç pourra s'exercer de telle sorte qu'un jeune homme soit nommé âxkr)pWTE(21. Aristote lui-même montre tout le parti qu'une habileté sans scrupules peut tirer d'un choix restreint et d'un tirage au sort purement formel. « Il y a danger, dit-il, à tirer au sort les magistrats sur une liste de candidats élus : il suffit que quelques citoyens, même en petit nombre, veuillent se concerter, pour qu'ils se fassent constamment nommer à volonté " ». La combinaison de l'élection préalable et du tirage au sort pouvait donc être un procédé assez souple pour faire du choix préalable une véritable élection et du tirage au sort une formalité inutile. La confusion entre le choix préalable et l'élection directe ne se serait pas produite, si les anciens n'avaient pas souvent employé le mot ambigu de «!puits (choix) et si les modernes n'avaient pas d'ordinaire donné à ce terme le sens étroit de 7EtooT09(1 (élection) par opposition à xa=r,poç (tirage au sort). Là encore Fustel de Coulanges 23 a frayé une voie où d'autres se sont engagés récemment "Al a montré « qu'un certain choix n'était nullement incompatible avec le tirage au sort », que, par conséquent, Pausanias a pu dire de Callimachos aoXE(FU.pyEi'4 f,p-gTO 25 aussi bien qu'Hérodote avait dit de lui '7 ),a'03v 7CO).EµapZÉet5l26, et que les mots par lesquels Dèmètrios de Phalère définit la nomination d'Aristide, TTIV SOR U06 SOR démentis par ceux qu'emploie Idoménée de Lampsaque, i;Aouivnsv Ti s 'A6riva(o,v'2. Il aurait pu donner cette preuve frappante, que Platon, après avoir décrit les deux opérations nécessaires pour constituer le Conseil de sa cité, à savoir la désignation de 90 candidats par chacune des quatre classes, puis le tirage au sort d'un conseiller sur deux candidats, appelle ce système une acEatç intermédiaire entre la monarchie et la démocratie3. Enfin, si la Politique d'Aristote oppose assez fréquemment les àpyal x;p ro( et les gyui xa-rlp(roi' pour qu'on ait pu hésiter dans quelques cas d'aspect différent ", aujourd'hui la Ilo)(trEia lève tous les doutes sur un point essentiel: le droit de aicEïaOat rxç xpxâç accordé par Solon au peuples n'est autre que le droit de x) oüv rxç üpzh.ç ix Somme toute, il n'y a pas apparence que le tirage au sort prescrit par Solon ait jamais été abrogé au vie siècle, parce qu'il se prêtait autant que l'élection directe aux transactions des partis et aux influences dominantes. Toutefois la réforme de Clisthènes ne put pas manquer d'avoir une répercussion sur l'organisation du tirage au sort. Rien n'indique que le nombre des candidats soumis au tirage ait changé: il était bien simple d'en demander quatre à chacune des dix tribus nouvelles, au lieu de dix à chacune des quatre tribus anciennes. Comme une des dix tribus eût été forcément exclue d'un collège à neuf magistrats, on adjoignit au collège des archontes un greffier réservé à la tribu disgraciée du sort' : il est naturel que cette règle se soit établie en même temps que le système qui la nécessitait. Hipparchos et Thémistocle, Callimachos et Aristide ont pu facilement être nommés en vertu d'un régime qui, en théorie, assurait à chaque candidat, non pas un 1/40, mais 25 °/° de chances et qui, en pratique, autorisait sans doute les abstentions nécessaires pour que la 7rpdxptatç devint une nomination. Aristote affirme que, depuis la chute des tyrans jusqu'à l'archontat de Télésinos (487/6), tous les archontes ont été aiotrol°. S'il a voulu dire que l'usage faisait de la 7rpdxptatç l'opération essentielle et annulait presque la xX'rlp ootç, il a raison. S'il a cru qu'une loi formelle prescrivait l'élection des archontes par l'assemblée du peuple, il a tout simplement été induit par une liste de noms illustres en la même erreur que la plupart des historiens modernes. Et, de toute façon, il donne tort à ceux qui supposent que la formalité du tirage au sort a été supprimée sous la tyrannie. Ainsi, jusqu'en 487/6, le tirage au sort des magistrats a subsisté tant bien que mal, sans avoir jamais, à quelque degré que ce soit, le caractère d'une institution démocratique : les candidats proposés au sort étaient toujours en petit nombre, soigneusement choisis par les tribus (ix 7rpoxp(r(,v) ; ils appartenaient toujours exclu sivement à la première classe, ainsi qu'en témoigne Démètrios de Phalère à propos d'Aristide (Ex 71EVti«xs 7;s,.Ei(■tvmv). Mais, après la victoire de Marathon, on décida une réforme sérieuse. L'ancien système avait permis naguère aux amis des tyrans d'arriver au pouvoir et de conclure de louches ententes avec certains chefs de la noblesse, traîtres à la cause de la liberté. C'était le moment où le peuple, éveillant pour la première fois d'un sommeil congénital la loi de l'ostracisme, l'appliquait coup sur coup au Pisistratide Ilipparehos (488/7) et à l'Alcméonide Mégaclès (487/6). Il fallait ôter à leurs partisans tout espoir de recommencer les rnenées électorales qui avaient mis l'archontat à leur disposition. Urgente, la réforme n'était d'ailleurs pas dangereuse pour l'État; car, depuis que les stratèges étaient élus à raison (l'un par tribu (501), ils prenaient une importance croissante, reléguant peu à peu le polémarque et ses collègues dans des attributions strictement administratives ou de simple apparat. Pour que le tirage au sort fût plus effectif, on voulut que le choix des candidats se fit sur une base plus large. De la tribu le droit de présentation passa dans les dèmes qui composaient la tribu, dans les dèmes qui étaient depuis Clisthènes les cadres de la vie politique. Pour que les dèmes eussent un nombre de candidats proportionnel à leur population, on demanda cinquante candidats à chaque tribu: le système convenait aussi bien pour les candidats présentés à l'archontat que pour les titulaires envoyés au Conseil. Mais la classe des pentacosiomédimnes, qui fournissait aisément quarante candidats, ne suffisait pas à en fournir douze fois et demie autant. Cette nécessité, sans doute aussi le désir légitime d'étendre le privilège de l'éligibilité préalable, entraîna un autre changement Tandis qu'en 489/8 on ne pouvait encore obtenir l'archontat qu'à condition d'être pentacosiomédimne, nous verrons qu'en 478/6 on pourra déjà y arriver avec le cens des zeugites fo: c'est donc que dans l'intervalle, très probablement par la loi même qui demandait aux dèmes cinq cents candidats, le droit de concourir au tirage au sort de l'archontat fut étendu à la classe intermédiaire des chevaliers ". Telles furent les réformes accomplies en 487/612. Elles substituaient un privilège de classes à un privilège de familles13. D'après Plutarque li, un changement définitif aurait eu lieu en 478. Pour donner au peuple un salaire bien gagné à la bataille de Platées et pour organiser la démocratie, Aristide aurait fait rendre un décret aux termes duquel les archontes devaient être choisis parmi tous les Athéniens. Afin de tirer quelque chose de ce texte, on a soutenu qu'en 478, l'appauvrissement du pays, dévasté par les Mèdes, empêcha de trouver dans ce qui restait des classes riches les cinq cents candidats nécessaires pour le tirage au sort des archontes, et qu'il fallut par mesure exceptionnelle les chercher dans le peuple entier, sans SOR 1407 SOR tenir compte du cens'. 11 n'est pas impossible que les Athéniens aient recouru cette année à un pareil expédient; mais alors ils ont dû le faire sans rien changer à la loi 2. Il est toutefois plus probable que nous avons là, sinon une fable de pure invention, du moins une déformation anachronique de ce qui s'était passé en 487/6. C'est en 457 qu'eut lieu réellement, non pas une suppression de toute condition du cens, mais un abaissement du cens exigé. La réforme d'Éphialtes venait de faire faire un grand pas à la démocratie. Pourtant on n'avait pas touché à la nomination des archontes sur le moment. Mais, à la suite d'abus commis par les dèmes, on décida que les zeugites, eux aussi, pourraient être désignés par l'élection préalable pour le tirage au sort Plus tard la nomination des archontes subit de nouvelles modifications. Les noms soumis au sort furent désignés, non plus par une élection préalable, mais par un premier tirage au sort. Cette désignation fut faite, non plus par les dèmes, mais par l'ensemble de la tribu, et, par conséquent, la présentation de cent candidats, au lieu de cinq cents, parut suffisante'. Aucune de nos sources n'indique la date de ces changements. On a été jusqu'à se demander s'ils ne seraient pas antérieurs à la réforme de 457 '; dans l'autre sens, on a voulu les ramener tous deux au ive siècles. Un seul point est à peu près certain : ils ne sont pas contemporains. Mais on s'accorde assez généralement à dire que la présentation de cent candidats par la tribu entière a précédé le double tirage au sort'. Or, s'il en est ainsi, si ce sont les acdxotrot dont le nombre a été ramené de cinquante à dix par tribu, cette mesure a été un retour au système de Solon à peine amendé, une réaction caractérisée contre le tirage au sort. Si, au contraire, les dix candidats sont tirés au sort dans la tribu comme l'étaient précédemment les cinquante candidats dans les dèmes de la tribu, d'une façon ou de l'autre tous les citoyens de la tribu qui le veulent prennent part à ce premier tirage au sort, et la mesure qui a remplacé les cinquante candidats des dèmes par les dix candidats de la tribu n'a eu qu'un caractère administratif sans signification politique. La question a donc son importance. It ne nous semble pas qu'on ait bien vu l'ordre historique et naturel des choses. Isocrate parle de l'élection préalable comme d'une institution qu'aucun Athénien de son temps n'a pu connaître, et les plaisanteries de Socrate sur le tirage au sort des archontes n'ont de sel ni même de sens que si elles tournent en ridicule un tirage au sort absolu La 7rpdxptatç a donc disparu dès le ve siècle. Appelons, en effet, l'attention sur un passage de la Politique qu'on a trop négligé. Après avoir constaté l'incompatibilité des magistratures viagères avec le régime démocratique, Aristote ajoute : « Si pourtant quelque magistrature a sauvé ce privilège d'une antique révolution (E; «p7xtxç µETa°•.o).-ilc), c'est qu'alors on limite ses pouvoirs et qu'au lieu de la recruter par le choix, on la remet au sort (E, aipi'r u xAYIp» ro( ç notE?v) 9. Aristote ne peut penser qu'à l'Aréopage et aux archontes qui le composent après leur sortie de charge. L'antique révolution qui a limité ses pouvoirs a déterminé aussi un changement dans le recrutement des archontes. C'est dans les mêmes circonstances, par l'action du même parti, que se sont faites la réforme d'Éphialtes et la réforme complémentaire. Elles marquent l'une et l'autre l'avènement de la démocratie. Ce n'est pas à dire qu'elles soient exactement de la même année. La réforme d'Éphialtes est de 46`2/1. A cette époque, il est vrai, les membres du Conseil étaient déjà tirés au sort sans 7ro6xptet„ puisque vers 460 les Athéniens, donnant à Érythrées une constitution sur le modèle de la leur, prescrivaient le tirage au sort direct pour la nomination du Conseil 10. C'est là un précédent d'un très grand intérêt et qui confirme bien la date approximative qui nous est suggérée. Mais le régime appliqué au Conseil n'a guère pu être étendu au corps respecté des archontes sans d'assez longues hésitations. La aodxptatç subsistait en 457. La réforme de cette année, celle qui fait partager aux zeugites le privilège des deux premières classes, est donc une première étape dans une voie où la seconde, celle du tirage au sort à deux degrés, dut se présenter presque aussitôt. Une des principales raisons qui semblent avoir décidé le peuple à ces deux changements, c'est, d'après un mot de la IloatTE:x", la facilité des fraudes électorales dans les dèmes. On espéra sans doute que le tirage au sort s'y ferait plus honnêtement. Mais nous savons par la même 11o),,re(a qu'au Ive siècle les dèmes ne se faisaient pas faute de vendre les fonctions qu'ils devaient tirer au sort ; à telles enseignes qu'il fallut leur enlever une bonne partie de ce droit et enrichir de leurs dépouilles la tribu tout entière''. Le tirage au sort de l'archontat avait passé par les mêmes phases, probablement pour la même cause. A quelle date? Il y avait longtemps à l'époque d'Aristote : déjà la nomination des archontes était le type traditionnel du tirage au sort dans la tribu en masse. D'autre part, après les réformes accomplies au milieu du ve siècle, les abus durent disparaître quelque temps ; en tout cas, ils ne durent devenir criants qu'il la longue. C'est donc vers la fin du ve siècle ou le commencement du ive que nous sommes amenés à placer la réforme qui fit tirer au sort les candidats dans les tribus. La mesure put être prise après la défaite de l'oligarchie, qui avait supprimé en 411 le tirage au sort des hautes magistratures, pendant la réorganisation de la république. Il est bien plus vraisemblable qu'elle fut adoptée après la chute des Trente, sous l'archontat d'Euclides, tandis qu'on procédait à la refonte générale et à l'assainissement des institutions. Dès lors, il n'y avait plus de raison pour conserver le nombre énorme de cinq cents candidats. La tribu, n'ayant plus à pourvoir tous ses dèmes, pouvait en présenter dix seulement. Le principe était sauf, puisqu'on ne limitait pas le nombre des citoyens admis au premier tirage, et l'on simplifiait le second, plus encore que le premier, en diminuant le nombre des candidats dans la proportion des quatre cinquièmes. Compatible avec l'idée SOR 1 43)8 SOR démocratique, supprimant toutes complications superflues, cette diminution convenait bien à une époque où la guerre du Péloponèse avait décimé la population de l'Attique en l'appauvrissant. §2. Les membres du Conseil. De l'archontat passons à la Bou'« ou Conseil, qui était aussi une âp~fl, une haute magistrature. On peut admettre, sur la foi d'Aristote', qu'un Conseil de quatre cents membres fut créé par Solon ; mais aucun texte ne nous renseigne sur son recrutement : tout ce qu'on sait, c'est que le nombre de quatre cents était en rapport avec le système des quatre tribus; le reste est hypothèse pure 2. Quand Clisthènes constitua le Conseil des Cinq Cents, il est probable qu'il prescrivit immédiatement la plupart des règles qui restèrent en usage durant le ve et le ive siècle pour assurer cette représentation annuelle du peuple 3. Peut être cependant ces règles ne furent-elles fixées qu'en 502, année de réorganisation où fut formulé définitivement le serment d'investiture exigé des conseillers'' et qui devint le point de départ des années prytaniques'. En tout cas, elles étaient si bien entrées dans les moeurs politiques, vers le premier tiers du ve siècle, qu'Athènes les transcrivit dans la constitution qu'elle imposa, en ce temps-là, aux lirythréens 0. Les cinq cents sièges de conseillers étaient répartis entre les dèmes, proportionnellement à leur importance et à raison de cinquante par tribu Les conseillers de chaque dème étaient désignés par la fève" parmi les démotes âgés de plus de trente ans qui se portaient candidatst0. A chaque conseiller on adjoignait par le même tirage au sort un suppléant (iti'iayeSv) pour les cas où le siège deviendrait vacant pour cause de docimasie ou d'apocheirotonie, de mort ou d'incapacité ". Pour des fonctions aussi absorbantes que celles de bouleute etsurtout de prytane, le tirage au sort ne pouvait pas suffire à produire un recrutement. démocratique : de bonne heure l'Etat pourvut aux besoins de ceux qui assumaient cette charge 12. Le montant du yi Obç (iou).euitxdç ne nous est pas connu sûrement pour le ve siècle. Il était peut-être déjà ce qu'il sera au ive siècle ; en tout cas, il était assez élevé pour assurer l'effet qu'on en attendait : on le fixe généralement à une drachme par jour. Le Conseil choisi par la fève est pour Thucydide la cheville ouvrière du gouvernement démocratique: quand l'historien oppose le régime normal à l'oligarchie, il emploie l'expression Quatre Cents imaginé par les révolutionnaires de 411 dans leur projet de constitution pouvait-il bien user largement du tirage au sort, comme d'une procédure commode, dans son règlement intérieur ; mais, à aucun prix, il ne devait ni se recruter par tirage au sort ni recevoir de solde". Si le Conseil des Cinq Cents fut rétabli par Théramènes, sous le régime des Cinq Mille, ce n'est qu'en 410/09 qu'on le voit de nouveau tiré au sort et que reparaît l'expression officielle 'll (iou).'i) o) de la démocratie, le p.laOdç fut de cinq oboles par jour pour les bouleutes et de six pour les prytanes ". Au Ive siècle, époque de prospérité matérielle, la valeur de l'argent avait bien diminué : cinq oboles, c'était juste ce qu'il fallait pour l'entretien d'un célibataire t7. Le u.taùdç n'était donc pas pour tenter les citoyens obligés de gagner leur vie et celle d'une famille. Effectivement, des recherches faites sur la situation sociale des bouleutes au temps de Démosthènes il résulte que la proportion des riches était bien plus forte dans le Conseil que dans la moyenne du peuplef" : les petites gens ne tenaient pas à donner leur nom pour le tirage au sort. la démocratie entraîna, avec la multiplication des charges rétribuées, l'extension du tirage au sort. Un moment vint où son domaine comprit toutes les fonc ception des fonctions militaires et de quelques autres qui demandaient des connaissances financières ou techniques ". De ces fonctions attribuées par le sort Aristote dresse une longue liste. Après les membres du Conseil et avant les archontes, il énumère : les dix trésoriers d'Athèna (rav.iat r'rlç 'A.0-Ovâç), qui (levaient être pris parmi les pentacosiomédimnes d'après la loi non abrogée de Solon, mais qui étaient pris en réalité parmi tous les citoyens sans distinction de cens"; un trésorier de l'assistance publique, chargé de remettre le diobole quotidien aux indigents infirmes" ; les dix polètes 22; les dix apodectes23; la commission des dix logistes, prise parmi les membres du Conseil'; les dix euthynes, chacun avec ses deux parèdres'9; les dix surveillants des temples (iepeuv Erctaxeua(rrai)2a; les dix astynomes 27; les dix agoranomes"; les dix métronomes' 29; les trente-cinq inspecteurs du commerce des grains (atrxi,é),xxeç), jadis au nombre de dix 76 ; les dix épi mélètes du port marchand introducteurs des actions jugées dans le délai d'un mois ei s.' ooyo)ç 33; les quarante juges des dèmes (o) T.Etrapé.xovra), héritiers des « trente » dont le nombre néfaste eût rappelé la tyrannie"` ; les cinq agents voyers (roorotoi) "~ ; les dix logistes 30 et leurs dix synègores37 ; le greffier de la prytanie (ypazp.areùç xarâ 7puravaiav) et le SOR 1409 SOR greffier du Conseil (ypap.p.atiEl); tifs oua-~ç) 1 ; les dix sacrificateurs préposés aux auspices (iEpoaoto( i7t( tià ixOép.xtia) et les dix sacrificateurs de l'année (iEpoaotol xx' ' Evtzu'côv) i; l'archonte de Salamine et le démarque du Pirée ; les dix épimélètes chargés de la procession des Dionysies(Eatp.E),aTa:Tï1çaop.r71ç), qui étaient primitivement élus 4; les dix athlothètes ". A cette longue liste on pourrait ajouter, par exemple, l'hiéromnémon 0. De plus, à toutes les époques, on répartit au sort toutes sortes de fonctions plus ou moins durables. Ainsi, le mode de désignation usité pour les trésoriers d'Athéna fut étendu par le décret de Callias aux « trésoriers des autres dieux » 7, par un décret du ive siècle à des commissaires chargés du recouvrement des arriérés On voit dans une inscription les bouleutes et les héliastes tirer au sort dans leur sein deux commissions de to7o 0to(, chacune à raison d'un membre par tribu 2 ; dans une autre, un collège de cinq magistrats établis au Pirée (métronomes, agoranomes ou sitophylaques) s'adjoint un greffier tiré au sort, en même temps qu'un greffier pris au choix 10• Au ve siècle, la fève désignait les surveillants (En(axonot) envoyés dans les villes de la confédération athénienne 11. Les plus humbles emplois rétribués étaient tirés au sort comme les plus hautes magistratures: les 4?000garnisaires (tppoupot) et les 500 gardiens des arsenaux maritimes (vpoopoi 900t7(mv) étaient nommés comme les membres du Conseil" S 4. Les prêtres. Puisque le sort était toujours regardé comme une intervention des dieux, ce Triode de nomination convenait particulièrement aux sacerdoces et à toutes les fonctions du culte. Il continuait d'être appliqué aux magistrats qui avaient eu primitivement un caractère religieux et conservaient la trace de cette origine dans leurs attributions ou leur Litre, par exemple aux archontes et aux Taµ(zt d'Athéna. A plus forte raison, Lirait-on au sort les prêtres 1t, l'hiéromnémon et les pythaïstes envoyés à Delphes'`, les surveillants des temples, les différents collèges de sacrificateurs. les épimélètes de la procession dionysiaque 13, Remarque fort importante pour la chronologie athénienne, on suivait d'année en année l'ordre officiel des tribus pour désigner le prêtre d'Asclépios (au moins de 350/49 à 322/1 et depuis la réorganisation des tribus en 307/6), et peut-être en fut-il de même pour les prêtres de Sérapis depuis 137 /6f'. Les exemples de prières élus sontraresà Athènesf7. Cependant, si les fonctions religieuses étaient généralement distribuées par le sort, on se relàchait de ce principe quand on pouvait, par un choix judicieux, attirer aux dieux et aux hommes les générosités des riches 18 : on aimait mieux, par exemple, ne pas tirer au sort les parasites conviés aux banquets sacrés d'llèra clès f0. § 5. Formalités du tirage au sort des magistrats. VIII Aucun auteur ne nous donne de détails sur la cérémonie qui accompagnait le tirage au sort des magistrats. 1.1 est vraisemblable qu'elle commençait par des prières pareilles à celles dont parle Platon", pont«, demander à Dieu et à la bonne fortune de faire servir le sort au triomphe de la cause la plus juste ». Quant aux formalités matérielles, tout ce que nous en savons par les orateurs et les grammairiens, c'est qu'on se servait de tablettes en bronze (rat,iaix) portant le nom des candidats'', et de fèves blanches et, noires 22. 11 est cependant certain qu'il y avait une urne par tribu pour les tablettes. Mais comment s'y prenait-on pour les fèves' D'après une conjecture généralement admise23, au temps où le tirage au sort des archontes se faisait sur 500 candidats, on jetait dans une onzième urne 10 fèves blanches et 490 noires, on tirait alternativement un nom de candidat et une fève, et le premier candidat dont le nom coïncidait avec une fève blanche était nommé archonte, après quoi l'urne de sa tribu était enlevée, et le tirage continuait de la mème façon pour les tribus suivantes. Mais ce système soulève une objection capi tale : il aurait très bien pu se faire qu'on épuisai, les cinquante noms d'une tribu sans amener de fève blanche. Le seul moyen de soumettre au sort les cinquante noms d'une tribu consistait à les mettre en rapport avec cinquante fèves, une blanche et quarante-neuf noires (ou bien, si l'on désignait le suppléant immédiatement après le titulaire, sans recommencer intégralement l'opération, avec deux fèves blanches et quarante-huit noires). Avec ce jeu de cinquantefèves, deux modes de tirage étaient possibles : on pouvait se servir de la même urne à fèves pour les dix tribus, ou accompagner chaque urne à candidats d'une urne à fèves. Dans les deux cas, le tirage pouvait se faire simultanément dans les dix tribus ou successivement dans chacune d'après un ordre déterminé par le sort. Resterait à se demander comment étaient réparties entre les élus les places de l'archontat, dont on sait seulement qu'elles étaient tirées au sortIci encore deux hypothèses sont possibles. Si le tirage au sort des élus se faisait simultanément dans les dix tribus, et peut-être s'il se faisait successivement dans chacune, les archontes une fois désignés pouvaient obtenir d'un nouvel et dernier tirage au sort leur charge propre et leur rang dans le collège, soit que ce tirage fût double (noms et charges), soit qu'il fût simple (noms) et se fit en suivant l'ordre de préséance officiel pour les charges (archonte, roi, polémarque, thesmothètes, greffier). Si le tirage au sort des élus se faisait successivement dans chacune des dix tribus, le tirage au sort préalable qui fixait l'ordre des tribus pouvait aussi entraîner l'attribution à chacune des dix charges, en suivant pour les charges l'ordre de préséance. Entre toutes ces hypothèses, nous n'avons pas de raison pour fixer notre choix. 177 SOR 1110 SOR Les auteurs ne nous disent pas non plus à quel moment de l'année se faisait le tirage au sort des magistrats. Mais comme tous les magistrats, tirés au sort ou élus, étaient soumis à la docimasie avant d'entrer en charge et comme tous, excepté les membres du Conseil et les trésoriers au vt siècle, entraient en charge au commencement de l'année civile, le premier hécatombaion, les mêmes nécessités qui fixaient la date de l'élection à la première prytanie où les présages étaient favorables après la sixième' devaient imposer la même date pour le tirage au sorte. L'opération se faisait donc au plus tôt au mois d'anthestérion (fin février) au plus tard au mois de skirophorion (fin juin). Elle pouvait ainsi rejeter la docirasie sur les tout derniers jours de l'année '. On tirait au sort toutes les magistratures en une journée : le décret qui institue les trésoriers « des autres dieux » dit qu'ils seront désignés par la fève « en même temps que les autres magistrats»). Pendant longtemps, le tirage au sort eut lieu dans des locaux différents. Les fonctions pour lesquelles les candidats étaient choisis par les dèmes se distribuaient dans le Thëséion ; celles pour lesquelles on était proposé par la tribu en niasse étaient tirées au sort ailleurs, on ne sait ou '. Mais, à l'époque d'Eschine et d'Aristote, quand les dèmes eurent perdu leur droit de proposition, sauf pour les membres du Conseil et les gardiens des arsenaux, toutes les magistratures furent également tirées au sort dans le Thèséion ', sous la présidence des archontes'. 5 6. Effets du tirage au sort des magistrats. Quand la démocratie athénienne eut définitivement accommodé à ses besoins le système du tirage au sort, elle n'abandonna pas au hasard la nomination de ses magistrats. Il ne faudrait pas croire que tout le monde pût concevoir l'espérance d'arriver un ,jour à l'archontat. Sans doute, la condition de cens fixée par Solon et confirmée, quoique élargie, en 457 était devenue caduque: tout citoyen pouvait se donner comme pentacosiomédimne6, à plus forte raison comme chevalier ou comme zeugite, et, par conséquent, ces différences de classes disparurent totalement. Mais, pour prendre part au tirage au sort, il fallait s'y présenter (ipyeetat xMeur6 tvoç)0 t pour devenir le candidat de sa tribu, il fallait faire personnellement acte de candidature. Les petites gens ne pouvaient guère s'offrir le luxe de l'archontat. Tandis que n'importe quel citoyen pouvait profiter d'un jour de loisir pour aller à l'assemblée toucher, selon les jours de séance, une drachme ou une drachme et demie, les archontes donnaient tout leur temps pour recevoir quatre oboles par jour, et encore à charge d'entretenir leur héraut et leur aulèteS0• On s'abstenait prudemment quand on gagnait sa vie par un travail quotidien ou qu'on était engagé dans les affaires, surtout si l'on ne demeurait pas en ville''. Les nécessités sociales produisaient à peu près le même effet que jadis les interdictions légales : l'archontat était aux citoyens riches ou aisés'=. II en allait ainsi pour le Conseil, où le salaire montait à 5 ou 6 drachmes; il ne pouvait en être autrement pour une charge encore plus mal rémunérée. De plus, la crainte de la docimasie, de cet examen qui suivait le tirage au sort, opérait spontanément une épuration préventive. 11 fallait, pour s'y exposer, non pas seulement avoir toujours rempli ses devoirs de fils et de citoyen, mais appartenir aux vieilles associations de culte, être issu en ligne paternelle et maternelle d'ascendants athéniens depuis la troisième génération, posséder des tombeaux de famille en terre attique 13. Les incapables étaient intimidés par la perspective de l'âroyetpo-covfa, du vote qui pouvait à chaque prytanie leur infliger la honte d'une déposition, ou par la pensée d'avoir à rendre des comptes à la sortie de charge. Autant de freins aux appétits injustifiés. Les moeurs publiques n'étaient pas si mauvaises, après tout, qu'on briguât une magistrature tirée au sort sans y avoir quelque titre : nous entrevoyons, par exemple, que les épimélètes des arsenaux maritimes, quoique tirés au sort, étaient en grande partie des citoyens habitués par leurs occupations privées aux choses de la marine'. La preuve que la docimasie et le vote de confiance n'étaient pas de pures formalités et des menaces vaines, c'est que, dans le tirage au sort des magistratures, on tirait deux noms pour chaque place : le premier était celui du magistrat désigné O,ay,év), le second celui du remplaçant éventuel (rt),a/Ibv)' Donc, dans la pratique, le Conseil et l'assemblée du peuple avaient, tant au commencement qu'au cours de l'année, la faculté de révoquer les décisions du sort. i3 7. Le tirage au sort des magistrats et les partis politiques. Protégé plutôt que gêné par ces précautions, le tirage au sort était devenu un mode de nomination égalitaire. Le parti oligarchique le détestait. On sait de quels sarcasmes le poursuivaient Socrate et ses disciples. C'est dans ce milieu qu'on dut détourner de son sens l'interdiction rituelle prononcée par les pythagoriciens contre les fèves16 et la convertir en un conseil d'abstention politique''. Victorieuses en 411, les hétairies firent la part aussi petite que possible à l'odieux procédé : dans la constitution qui devait inaugurer une ère nouvelle, le nombre des citoyens capables était réduit à cinq mille, et le sort n'avait plus à distribuer que les fonctions inférieures dans les trois sections du Conseil (sur quatre) qui n'étaient pas de service 16. Cette tentative et celle des Trente échouèrent. Le tirage au sort des magistrats prévalut jusqu'à l'époque romaine. En 103/2 une révolution faite par les marchands d'esclaves et le parti romain supprima ou tout au moins restreignit la vieille institution". Ainsi s'explique qu'Argeios ait été archonte deux ans de suite (97/6, 96/5) et Mèdeios trois ans (91/0-89/8). La constitution aristocratique, suspendue en 88 par Athénion, qui se jeta dans les bras de Mithridate, fut rétablie SOR 1411 SOR par Sylla et dura. Athènes, soumise à Rome, pouvait bien modifier la nomination de ses magistrats. QuES D'ATHÈNES. § 1. La justice. Dans l'administration de la justice, le tirage au sort put être continuellement une garantie contre l'arbitraire (les magistrats et contre les concerts frauduleux. Les Athéniens en multiplièrent les applications et en perfectionnèrent les procédés à un degré inouï. Dès le jour où l'on allait demander une action au magistrat compétent, celui-ci donnait un numéro à la demande par voie, de tirage au sort. Du moins on ne peut expliquer que par cette procédure l'origine des express partie et du magistrat'. Les affaires civiles qui doivent être soumises aux arbitres publics sont réparties entre eux par un tirage au sort auquel procèdent les « quarante ou plutôt les quatre d'entre eux qui représentent la tribu du défendeur". Comme les métèques, les isolèles et les proxènes ne font point partie officiellement des tribus et que les procès civils où ils sont en cause rentrent tous dans la compétence du polémarque, celui-ci les divise en dix lots, qu'il assigne par la voie du sort aux dix tribus, pour qu'à leur tour, dans chaque tribu, les « quatre » les tirent au sort entre les arbitres'. Mais c'est dans les tribunaux d'héliastes que triomphe le tirage au sort. Nous pourrions nous contenter de renvoyer à l'article DIRAsTA1, où le sujet a été traité avec un soin tout particulier, si depuis n'avait paru la HoÀursitz, avec une série de chapitres consacrés à la question. Là oit les conclusions de cet article sont confirmées par le nouveau document, il est indispensable de remplacer les références de qualité douteuse, les seules dont on disposât; ailleurs, il nous faudra, rectifier quelques erreurs ou combler quelques lacunes, jadis inévitables. Avant tout, on discerne plus nettement aujourd'hui des périodes différentes, si l'on examine les applications du tirage au sort au recrutement des héliastes, à la constitution des jurys, à la répartition des jurys entre les magistrats et à l'attribution des locaux. Selon une opinion soutenue dans l'antiquité, on peut admettre que le tribunal des héliastes était tiré au sort dès l'époque de Solon, son fondateur'". Mais soumettaiton au sort les noms de tous les citoyens âgés de trente ans qui se présentaient", ou seulement ceux de candidats désignés par une élection préalables`/ Chacun de ces systèmes a ses partisans; les textes ne permettent pas de décider'. En tout cas, le recrutement des héliastes était facile, tant qu'ils bornaient leur juridiction à l'appel des jugements prononcés par les magistrats et ne l'ornaient qu'un seul tribunal. Dans le courant du v° siècle, tandis que la prospérité d'Athènes et l'extension de son empire multipliaient les affaires litigieuses dans d'énormes proportions, le développement de la démocratie fit de la justice populaire la seule et unique instance. Pour avoir le personnel nécessaire et pour attirer aux tribunaux les gens du peuple, on leur offrit l'appât de la solde, du µta0b, ôtxcta-r,xéc, et, si auparavant le tirage au sort était tempéré par le choix préalable, il ne le fut plus désormais'. Tous les ans étaient, désignés par le sort 6000 jurés, à raison de 600 par tribu°. On les prenaitprobablement sur les dèmes, et non pas sur la tribu en masse". C'étaient surtout les vieillards qui se présentaient". La théorie de Fraenkel'", d'après laquelle on aurait, dès l'époque de Périclès, nommé à l'Héliée tous les citoyens âgés de trente ans qui se déclaraient disposés à siéger, a. donc le tort d'anticiper sur l'avenir ; la théorie de Schoemann ", qui croit à un corps d'héliastes tirés au sort en nombre déterminé, est juste pour le ve siècle et le commencement du Iv`'. Nous ignorons comment on s'y prenait en ce temps pour répartir les 6000 héliastes en dix sections'"; mais nous savons, surtout par les Gué'pes d'Aristophane, que les tribunaux étaient assignés aux magistrats d'une façon durable" et qu'un seul tirage au sort attribuait à chaque tribunal son jury pour toute l'année". Après l'archontat d'Euclides (404/3), on assiste à une importante réforme. Le nouveau système nous est connu par les dernières comédies d'Aristophane, l'Assemblée des femmes (390 ou 386) et le Ploutos (388). Les changements portent à la fois sur le recrutement des héliastes, sur la constitution des sections et sur leur répartition. L'énorme perte en hommes subie par Athènes pendant la guerre du Péloponèse et la suppression des µtau: nécessitée par la détresse financière ont pour effet de vider les cadres de l'Héliée. Inutile de tirer au sort parmi les postulants, il n'y en a plus assez. Tous ceux qui remplissent les conditions légales et se présentent, sont admis. [I suffit donc désormais de tenir à jour tous les ans la liste des héliastes. Lorsque Athènes se releva de ses désastres, que la population augmenta de nouveau et qu'on rétablit les I.ta4o!, on ne revint pas à l'ancien principe; on resta fidèle à cette règle : « Peut siéger comme juré tout citoyen âgé au moins de trente ans, à condition qu'il ne soit pas débiteur public ni frappé d'atimie17. » On conserva la répartition des héliastes en dix sections. Cette répartition s'obtient, et s'obtenait peut-être déjà dans la période précédente, par voie de tirage au sort. Pour les détails de l'opération nous renvoyons à l'article DIE ASTAI (p. 189). Nous rappellerons cependant, que les dix sections ainsi formées sont désignées par les dix premières lettres de l'alphabet, depuis A jusqu'à K, et que les héliastes ainsi répartis recoivent chacun une tablette de bois ou de bronze (atvzxtov) portant son nom et sa sections (voir fig. 2410 . De plus, nous nous permettrons deux observations : 1° on peut considérer comme un point acquis que, d'abord, le tirage au sort se fit tous les ans pour la totalité des héliastes inscrits et que, plus tard, il se fit seulement d année en année pour les héliastes nouvellement inscrits : en un SOR 1412 SOR mot, l'assignation des héliastes aux sections, d'annuelle, devient viagère' ; 2° au début, on n'arrivait plus à remplir les sections, faute de jurés. C'est à cette époque d'ôat•(avOpw7(x et de pénurie qu'on autorisait les héliastes de bonne volonté à faire inscrire leur nom dans plusieurs sections" : le cumul dont il est question à l'article DIIOASTAI (p. 189) n'est pas une fraude, mais n'est pas non plus un fait licite en tout temps; c'est une tolérance momentanée, un expédient'. Il n'y a plus de sections attachées pour un an à tel magistrat ou à tel tribunal. Les jours de jugement, les thesmothètes assignent les sections aux tribunaux. Voici comment ils procèdent. Ils se servent de deux urnes (xkr,parr pta) : dans l'une ils mettent des jetons portant les lettres des sections, A-K; dans l'autre, des jetons où les tribunaux sont désignés par les lettres A et suivantes. Ils tirent simultanément un jeton des deux urnes, et la section désignée va siéger dans le tribunal désigné (voir DIIKASTAI, p. 191-192)". Aujourd'hui on ne possède plus seulement deux jetons portant à l'avers la légende E,7N.o9E~wv et au revers les lettres A et E, c'est-à-dire des jetons de section (voir fig. 2111 et 2412); on a encore un jeton identique marqué de la lettre i, c'est-à-dire un jeton désignant un tribunal'. Une troisième période, sur laquelle on n'avait jadis que très peu de renseignements et qu'on confondait malencontreusement avec les précédentes, nous est aujourd'hui connue dans le détail. Depuis qu'on a pu déchiffrer et restituer les quatre derniers rouleaux du papyrus qui nous a conservé la floaersil d'Aristote', on voit jouer tous les ressorts de la machine ingénieuse et compliquée qu'était la justice populaire d'Athènes dès la première moitié du Ive siècle 7. Si le sort n'intervient plus dans la confection du rôle des héliastes, il met en mouvement tout le reste. Les sections subsistent', mais ne sont plus que des subdivisions de la tribu à l'usage de l'administration judiciaire. Chaque jour, sur l'agora, où sont concentrés les tribunaux, on tire au sort les membres de chaque jurys. Sur une esplanade qui précède les tribunaux sont aménagées dix entrées (Eïaolot), une par tribu, qui mènent à vingt locaux pour tirage au sort (x),-1owT-iipla), deux par tribu 10. A chaque entrée sont placées dix boîtes (m,'rrta) marquées chacune à la lettre d'une des sections A-K. Chaque héliaste doit, en passant, jeter sa tablette d'identité, son 3t',dxtov, dans la boîte de sa section. Alors un appariteur (barpé--r,c) secoue les boîtes, et un thesmothète, chargé de cette manipulation dans toutes les tribus, tire de chaque boîte une tablette : ainsi est désigné l'afficheur de la section (ÉU7ci"ix-rlç), celui qui doit afficher toutes les tablettes de la boîte sur le tableau (xxvoviç) marqué à la même lettre, dans l'ordre fixé par le sort. L'afficheur est tiré au sort chaque jour, pour que la durée de la fonction ne puisse pas favoriser la fraude. Les tableaux sont placés au nombre de cinq dans chaque xarlow--gotov. A ce moment entre en scène l'archonte de la tribu. Il va passer d'un x'/,-gpm-rptov àl'autre pour tirer au sort les héliastes de la tribu appelée à siéger. Il met dans l'urne des dés en bronze, blancs et noirs, à raison d'un dé blanc par cinq jurés à nommer et d'un dé noir pour cinq héliastes qui se présentent en surnombre. Chaque fois que l'archonte amène un dé, il règle la situation des cinq héliastes dont la tablette a la même place sur les cinq tableaux : chaque dé blanc fait cinq jurés; chaque dé noir renvoie cinq héliastes. Les (■ blackboulés tt n'ont qu'à reprendre leur tablette et s'en aller. Quant aux jurés, y compris les afficheurs, il faut qu'ils se fassent répartir entre les tribunaux qui siègent ce jour-là ". Avant qu'il soit procédé à cette désignation des jurys, les thesmothètes assignent sa lettre par tirage au sort à chacun des tribunaux qui doivent être pourvus et la font afficher par un appariteur à l'entrée du tribunal : ce sont les lettres attribuées pour ce jour aux tribunaux qui vont être tirées au sort par les jurés, c'est-à-dire les lettres A, M et ainsi de suite, selon le nombre des tribunaux à pourvoir". Le moment est venu de se servir des deux hydries placées à chaque entrée et réservées à chaque tribu. Dans dix de ces vingt hydries on met, par parts égales, des glands ) vol), autant que de jurés et marqués aux lettres des tribunaux. Les jurés sont appelés un à un par le héraut. Chacun à son tour s'avance, tire un gland de l'hydrie et le montre à l'archonte de sa tribu. L'archonte a devant lui une série de boites, marquées chacune à la lettre d'un des tribunaux à pourvoir. Quand il a vu le gland, il jette la tablette du juré dans celle de ces boites qui porte la même lettre que le gland. L'opération terminée, les boites sont portées aux tribunaux. On est sûr, de cette façon, que chaque juré se rendra au tribunal qu'il a tiré au sort, et non pas à celui qu'il voudrait : toute entente sur la composition d'un tribunal devient impossible 13. Autre garantie. A chaque tribunal, le linteau de la porte d'entrée est peint d'une couleur différente, d'où les noms de tribunal vert et de tribunal rouge, les seuls qui nous soient connus. Avant de franchir la grille du tribunal, le juré montre à l'appariteur le gland qu'il a gardé et reçoit un béton de la même couleur que le tribunal dont le gland porte la lettre. S'il entrait dans un autre tribunal, il serait trahi par la couleur du bâton. Un dernier contrôle est assuré par une formalité, la restitution des tablettes aux jurés par les afficheurs, à qui les appariteurs ont apporté les boites de chaque tribu". Reste à partager les jurys et les tribunaux entre les magistrats appelés à la présidence. Deux urnes (x)arlp(uT-i3ta)1fi sont placées dans le premier tribunal, avec deux séries de dés en bronze, les uns indiquant la couleur des tribunaux, les autres portant les noms des magistratures. Deux thesmothètes tirés au sort jettent chacun une série de dés dans une urne. A la première magistrature tirée au sort est assigné le premier tribunal, et ainsi de suite. Chaque résultat est immédiatement proclamé par le héraut' 6. Bien d'autres détails sont remis à la décision du sort par le règlement des tribunaux. Le fonctionnaire chargé de distribuer aux jurés les jetons de présence est désigné par le sort", Le président de chaque tribunal tire une tablette de chacune des dix boîtes où sont réunies les SOR -91,13-SOR tablettes des dix tribus ; il met les dix tablettes ainsi obtenues dans une autre boîte vide, pour un second tirage. Il en prend cinq cette fois : la première désigne le juré qui sera chargé de la clepsydre ; les quatre autres, ceux qui seront préposés aux bulletins de vote. Ici encore on veut empêcher toute collusion, toute fraude. Quant aux cinq jurés dont les noms ne sont pas sortis dans le second tirage, ils ont à prendre les mesures nécessaires au paiement du ;xeeOi,'. § `?. Le Conseil. Ces innombrables manipulations se retrouvent plus ou moins dans les règlements des divers corps de l'Etat. Le sort, qui constituait le Conseil, continuait (le le faire fonctionner. C'est le sort qui, depuis l'an 410/09, assignait à chaque membre du Conseil la place numérotée oh il devait siéger C'est lui qui déterminait, au commencement de l'année, l'ordre dans lequel les tribus allaient exercer la prytanie. C'est lui qui donnait chaque jour à l'un des prytanes la dignité d'épistate et faisait de ce président pour vingtquatre heures le président de la République3. C'est lui qui au Ive siècle, quand on voulut affaiblir l'épistate des prytanes, désignait dans les tribus qui n'avaient pas la prytanie les neuf proèdres chargés de présider le Conseil et l'assemblée, et puis, dans ce bureau, le prytane des proèdres4. Enfin, c'est lui qui constituait au sein du Conseil une commission administrative de logistes5, et peut-être le collège des É761ILe7.rlrai 2it'rv vsoi o s °. Même clans le Conseil oligarchique des Quatre Cents, le sort était chargé de numéroter les sections, de composer le bureau, de désigner le président, de régler l'ordre du jour 7. § 3. L'armée et la marine. Dans l'armée et dans la marine, on tirait au sort les missions agréables ou les postes dangereux. D'après un récit quelque peu légendaire, Périclès, au siège de Samos (41.0/39), aurait divisé ses troupes en huit corps, qu'il aurait fait tirer au sort tous les jours : celui qui amenait la fève blanche n'avait qu'à se reposer et à faire bonne chère pendant que les autres se battaient. De la, disait-on à tort, l'expression proverbiale « avoir un jour blanc e, pour se donner du bon temps Quoi qu'il en soit, en 357, pour l'expédition d'Eubée, on tira au sort les cavaliers qui devaient partir pour File °. Pendant la guerre du Péloponèse, continuellement les stratèges consultent le sort, tantôt pour se partager les escadres et les divisions, tantôt pour assigner sa mission à chacun d'eux '0. Eschyle se conforme aux moeurs militaires de son temps, quand il représente la défense des sept portes de Thèbes assignée aux sept chefs par le sort 11. « Arès, dit le poète, distribue le travail à coups de dés » i2. Dans le projet. de réforme triérarchique présenté par Démosthènes en 354, projet qui n'altérait pas essentiellement le régime des symmories établi en 357, tous les détails du service sont réglés par le sort. Les trois cents trières de la flotte, qui forment trois catégories égales en nombre, doivent être réparties par « quinzaines » entre les vingt symmories, et à raison de trois, une de chaque catégorie, entre les cinq groupes de chaque synuuorie"'. Achacun des cent groupes doit être attribue'+ un centième de la fortune publique, un capital imposable de soixante talents '''•. Le recouvrement par les triérarques des agrès non rendus doit être partagé par lots égaux entre les dix épimélètes des arsenaux maritimes, puis entre les smmories et les groupes l'. Dix emplacements avec trente cales doivent être assignés aux dix tribus dans le port de guerre. Les vingt symmories doivent être réparties deux à deux entre les dix tribus ; chaque cale, devant contenir trente trières, doit être divisée en trois trittyes réservées chacune à l'une des trois catégories ". Toute cette organisation doit se faire par tirage au sort. § 4. Les clérouquies. L'État tirait au sort les avantages qu'il faisait aux citoyens dans les colonies ou clérouquies. Les lots découpés sur la terre étrangère étaient toujours tirés au sort, comme l'indique le mot qui les désigne, x)rl,,oeç 7 ; mais on connaissait deux modes dassignation : s'il y avait de quoi pourvoir tout le inonde, surtout en pays barbare, les lots étaient répartis par le sort entre les citoyens qui se présentaient; si le nombre des lots était limité d'avance, surtout en pays grec, ils étaient distribués à ceux des postulants que désignait le sort. D'après le décret sur la clérougide de Bréa, pour obtenir une part, il suffisait d'abord d'être citoyen ; ruais un amendement fut voté aux termes duquel il fallait appartenir aux classes pauvres des thètes et des zetsgitesk3. Au contraire, les parts faites à Salamine 'a et dans la plaine de Chalcis" vers la tin du vie siècle, à Égine du temps de Périclès2 , furent assignées par le sort à un nombre fixe d'Athéniens, ainsi que les rentes annueltr's de deux cents drachmes qu'on concéda sur les propriétés de Mitylène réduites à l'état de fermes92. § 5. Les concours, etc. Le règlement des concours gymniques réclamait à chaque instant un tirage au sort : la coutume homérique n'avait fait que se développer dans la tradition olympique. L'institution des concours cycliques et dramatiques appliqua le même principe. C'est probablement le sort qui désignait les tribus qui avaient à fournir un chmur d'enfants on un ehro;ur d'hommes pour l'exécution des dithyrambes2' : c'est lui qui, au temps de la synchorégie, accouplait les tribus chargées de faire la dépense en commun 2t. Dans les concours cycliques et vraisemblablement dans les concours dramatiques, l'archonte adjugeait les didascales aux chorèges par la voie du sort, c'est-à-dire qu'il tirait au sort l'ordre dans lequel chaque chorège devait choisir son didascale 2ô. Au Ive siècle, quand le rôle de flûtiste eut grandi dans le dithyrambe, on procéda de la même façon pour l'attribution du flûtiste aux cho'urs des tribus 2t. Pour les représentations dramatiques, les poètes du v' siècle recevaient du sort leur protagoniste 97. Les rangs des choeurs dans le programme du concours étaient fixés µ SOR 1414 SOR par le sort : les poètes trouvaient que c'était un avantage d'être joué le dernier'. Les juges étaient tirés au sort sur une double liste de proposition dressée en partie par les membres du Conseil, en partie par les chorèges'. Un curieux exemple de tirage au sort est celui que présente le règlement des astynomes. Ces fonctionnaires sont chargés de veiller il ce que les joueuses de flûte, de harpe et de cithare ne soient pas louées plus de deux drachmes. Si l'on est plusieurs à se disputer la même artiste, les astynoines l'adjugent par le tirage au sort'. Ce qui est remarquable dans ce cas, c'est que le tirage au sort est destiné à empêcher les prix de monter au-dessus du maximum légal et la loi de l'offre et de la demande de produire ses pleins effets. tirage au sort tenait une grande place dans la vie interne des dix tribus. Dès l'origine, leur formation territoriale est due à la décision du sort. Clisthènes voulut que chacune d'elles comprit trois triltyes, c'està-dire trois des dix parts faites respectivement dans le district urbain, dans la Paralie et dans la Mésogée : les trente trittyes furent réparties entre les tribus par le sort'. L'Hippothoontis, par exemple, se composa du Pirée, d'Éleusis et de Décélie. La tribu avait à déléguer tons les ans un de ses membres dans chacun des innombrables collèges de dix membres : si elle ne le tirait pas au sort directement, elle proposait ses candidats pour le tirage au sort et souvent par le tirage au sort. Comme la cité, pour la nomination de ses prêtres elle s'en remettait aux dieux 5. Le dèine. Dans le dème, comme dans la tribu, on avait déjà fort à faire avec le tirage au sort des magistratures publiques. Sans doute certains actes de corruption avaient fait diminuer à cet égard les attributions du dème ; elles n'en demeuraient pas moins considérables, puisqu'on continuait de tirer au sort sur les dèmes les cinq cents membres du Conseil et les cinq cents gardiens des arsenaux '. Mais les dèmes étaient des communes qui avaient leur administration propre : il y avait là de quoi donner amplement satisfaction au goût athénien pour le jeu de la fève. Encore que l'pïdvawv o'(oçx s'appelllt aussi âp/atpsatvt, on s'y occupait bien plus de tirage au sort que de scrutin et le scrutin ne servait la plupart du temps qu'à la présentation des candidats pour le tirage au sort (apdxotatç). Le sort désignait le démarque 8 et le trésorier', au moins dans certains dèmes, comme il désignait l'euthyne et le logiste10 ou même les personnages chargés extraordinairement d'administrer des fonds Ir. Les fonctionnaires de caractère religieux semblent avoir été tirés au sort dans tous les dèmes12. On voit les gens d'llalimonte choisir quatre des leurs dans les familles les plus nobles et tirer au sort un des La conjecture d'O. Millier, De demis p. 50, est ainsi confirmée. Cf. V.von Schlffer, art. 5a;;,.,, dans la Bealencycl. de Pauly-Wissowa, p. 16. Contra : Hanssoullier, Op. V. von Sch811'er, L, c. 1l Michel, 140, 1. 11 (Plotbeia); ef. Hanssoullier, Op. cit. 1rt Sadd. s. e. Cf. E. Koch, dans les Gr. Stad. f. Beria. Lipsius, Leipt. 1894, quatre pour le sacerdoce d'iléraclès", les gens de Pitthos choisir les femmes parmi lesquelles seront tirées au sort les deux organisatrices des Thesmophories14, les gens d'Aixonè tirer au sort, sans doute parmi les candidats choisis préalablement, quatre sacrificateurs pour le sanctuaire d'llébé'°. En un mot, le'ie4tapytxè, y 2p.1.6a'reiov ou registre des démotes servait si souvent à l'opération du tirage au sort, qu'on a pu, par une étymologie erronée, chercher l'explication de ce terme obscur dans cette opération même 16. le dème désignaient également leurs fonctionnaires, surtout ceux du culte, par voie de tirage au sort. En règle générale, les 7É'rq nommaient ainsi leurs prêtres 17. Ils choisissaient donc parfois ainsi les dignitaires de cultes familiaux adoptés par la cité: par exemple, le prêtre de Poseidon était tiré au sort dans le 7svoç des Étéobouta.des18, l'hiérophante des mystères éleusiniens dans le ' Vrç des Eumolpides et probablement le dadouque dans le 7évoç des Eérykes ". Des orgéons liraient au sort leur prêtresse"; des thiasotes, leur prêtre et leurs sacrificateurs '-' . D'après le règlement des lobacchoi, l'eucosmos était désigné par le sort ou nommé par le prêtre, c'est-àdire choisi par le dieu ou par son représentant, et les rôles des divinités représentées dans les fêtes étaient tirés au sort parmi tous les sociétaires 22. A l'époque impériale on voit un éranos tirer au sort tout son personnel de fonctionnaires, l'xp,EOavta'r ç, le Y1ap.patEtIç, les 2au.iat, les ailvôtxat ; il n'y a d'exception que pour le protecteur et patron de la société, le npoerzr-riç V. LE TIRAGE Ali SORT EN DEHORS D'ATHÈNES. En dehors d'Athènes, le tirage au sort occupait une grande place dans nombre de cités II est naturel que les Athéniens l'aient propagé sous forme d'institution politique dans les villes qui dépendaient d'eux. La constitution imposée à Érythrées vers 400 déclare qu'un Conseil de cent vingt membres figés au moins de trenteans sera nommé parle système de la fève ; le tirage au sort doit être opéré la première fois par les fonctionnaires athéniens, les épiscopoi elle phroul'arque, puis, d'année en année, par le phrourarque et le Conseil en charge''. Il est probable, d'ailleurs, qu'Érythrées tira au sort dorénavant plusieurs magistratures A Délos, comme au Pirée, un greffier xkr)pw•rdç est mentionné avec un collège d'agoranomes ". II semble aussi que les Athéniens aient souvent établi dans les clérouquies et dans les villes de la confédération le système judiciaire que caractérisait le tirage au sort. De là vient la scène comique où Aristophane représente avec une paire d'urnes (x,ôto) l'épiscopos envoyé à Néphélococcygie27. Mais le tirage au sort se retrouve dans bien des cas où l'influence athénienne n'est pour rien. D'après une tragédie perdue de Sophocle, les Étoliens auraient de tout temps désigné leurs magistrats par ce procédé (xuzp.w 39, p. 843 E: cf. Lev. Patin. 1. c. Voir Marthe, Op. cit. p. 34-35; P. Foucart, 1053; cf. Busolt, Gr. Gesch. 111, I, p. 431. SOR 1415 SOR 7LaTpiw)' ; toutefois le poète a pu très bien attribuer en passant une institution athénienne à un peuple grec, et Polybe mentionne seulement des pyatpea(at de la ligue italienne à Thermos 2. Mais à Delphes le Conseil était composé de trente membres, probablement désignés par le sort'. Un décret de Ténos mentionne T-i,v (iouaiiV xa) un document officiel distingue âpyovTaç Tvé TE de Dioclès introduit le tirage au sort des magistratures, ce qui n'empêche pas les riches de rester maîtres du gouvernement'. A Tarente, l'oligarchie fit mieux : tous les collèges de magistrats furent dédoublés, les places étant assignées moitié au choix, moitié au sort, et de cette façon, dit Aristote, les fonctions furent accessibles au peuple et cependant bien remplies'. Pour mettre un terme aux intrigues des élections, on prit une mesure radicale à 1-Ferait' en Arcadie : on décida de tirer au sort toutes les fonctions'. En Élide, les Hellanodikes sont tirés au sort dans la classe qui possède la plénitude des droits politiques 9. Thèbes, au temps de Plutarque, semble avoir eu un archonte xu4.t6TOÇ10. Les élections elles-mêmes pouvaient nécessiter un tirage au sort: quand les candidats avaient obtenu le même nombre de voix, il est probable que souvent on en appelait au sort, ainsi qu'il est formellement prescrit dans un décret d'Ioulis ". Le tirage au sort appliqué soit à la désignation des jurés, soit à la répartition des jurys entre les magistrats présidents, soit â la distribution des tribunaux ou des affaires à juger, se retrouve également d'un bout à l'autre de la Grèce, sur le continent, dans les fies, en AsieMineure. Pour prononcer entre Naxos et Paros, les Érétriens tirent au sort un tribunal arbitral de trois cent un juges7L. La convention de sympolitie intervenue entre les deux villes phocidiennes de Médéon et de Stiris décide que l'Iriérotamias de Médéon s'adjoindra aux archontes de Stiris pour a tirer au sort les dicastères qui devront être tirés au sort »'". Dans une inscription de Lindos il est également question de juges tirés au sort '4. Une loi d'Éphèse demande que le sort répartisse les trente commissaires chargés d'exécuter certaines décisions de la justice en groupes de cinq et qu'il partage les affaires entre eux'". Le tirage au sort des fonctions religieuses est plus répandu encore. Comme le disent les inscriptions, c'est la divinité qui, par le sort, proclame le prêtre (7.7coôEty©Eig nomme d'après ce principe la prêtresse de Gaia à Aigai en Achaïe'', le prêtre de Dionysos à Délos 18, celui des 7câTptot BEO( à Astypalée i9, celui d'Hélios et son suppléant (i7taaySv) à Rhodes21. Même coutume en Asie, à Priène, à Pergame"'. Elle est fermement établie depuis le PontEuxin 2' jusqu'à Syracuse 23, dans le sanctuaire de Sérapis comme dans le temple de Zeus. En Sicile, on pratique la règle de l'élection préalable : trois noms sont proposés au dieu, qui en choisit un 24. Dans file de Cos, non seulement on désigne par le sort le prêtre d'Apollon et Héraclès à Halasarna ; mais on parvient, pour la prêtresse de Déméter à Antimachia, à combiner le tirage au sort avec la vénalité des sacerdoces, en ne mettant dans l'urne que les noms des candidates qui se sont engagées à payer éventuellement une sornme fixée"". Outre les prêtres, des dignitaires religieux de toutes sortes étaient tirés au sort : à Didymes, le prophète de Poseidon 2'; à Andania, les hiéroi, les hiérai et les vierges saintes 27 ; ailleurs, les commissaires des processions 28. Naturellement, les associations imitaient la cité dans la nomination de leurs prêtres 29 Dans une bonne partie de la Grèce on trouve le tirage au sort appliqué à une formalité qu'Athènes réglait tout autrement. D'après une règle constante, celui qui recevait le droit de cité devait se faire inscrire dans une des tribus et souvent dans l'une des subdivisions de la tribu30. Mais, selon les villes, la tribu était choisie par le naturalisé ou déterminée par le sort. La formule du type athénien, d'est pua^ï1ç ~ç àv (3oéa,ïTat 3t. Elle est en usage dans les villes thessaliennes de Larissa 32 et de Phayttos33, dans les îles d'Égine 14, de Céos 3', d'Andros 3°, de Ténos 34 de Thasos 38, enfin à Byzance 30 et à Ilion 40, en somme dans la partie septentrionale du monde grec. Le tirage au sort le plus simple, celui de la tribu (ixtxa-gptôoxt .1r) ou e) puailv), est prescrit dans les décrets de Trézènefl5, de Dymè en Achaïe 42, d'Iasos Y°, de Priène", de Smyrne 45 et probablement, en règle générale, dans ceux d'Aigialè d'Amorgos S6 et de Magnésie du Méandre 47. De là vient qu'à Smyrne le registre de la tribu, analogue au Tr,OtOV. Voici déjà des formules plus compliquées : à Calymna48 et à Stratonicée Q9, le sort assigne au nouveau citoyen sa tribu et son dème (É7ctxaripwoxt ix) wu)`-i,v xx) ô■rµov); à cos" et à Éphèse'', sa tribu et sa chiliastys 61.1y7EVE(XV). Mais à Olymos sa le sort lui'désigne les trois groupes dont il doit faire partie (i7Ctx),-fiOw xi ix) Ti)v tpukr)v xa) 6u•('EVEtzV xx) 7CZrpxV), et à Samos5t les quatre Dans certaines villes, les décrets spécifient le ou les magistrats chargés d'opérer le tirage au sort, par SOR -14.16SO R exemple, les essènes à Éphèse', le décades à Trézène. Le peuple de Dymè confie la tâche à l'ensemble de la ouvxq/fx et indique dans quel ordre les tribus seront tirées au sort. A Smyrne, lors de la sympolitie conclue avec Magnésie du Méandre, ce furent les commissaires ou E;EZxrx( nommés à cette occasion qui répartirent les noms des Magnètes entre les x 'epovrl tx des tribus. Souvent il est ordonné que la stèle où sera gravé le décret honorifique portera en sus le procès-verbal de l'opération avec mention du résultat: cette disposition est formellement insérée dans le décret même à Priène (EalypdrLxt 2e à Éphèse 2, à Calymna et à Magnésie', elle est sousentendue, puisque le décret est suivi du procès-verbal (Ë)rx7s), avec le nom de la tribu, de la chiliastys et du dème tirés au sort. Il faut observer que dans les villes où le tirage au sort était de règle, il pouvait arriver qu'un décret exceptionnel, en accordant le droit de cité au fils d'un citoyen naturalisé ou d'une citoyenne, lui assignât d'office la tribu de son parent (à Calymna 1, à Aigialè), ou bien que, pour honorer plus spécialement, le nouveau citoyen, on l'autorisât à se choisir sa tribu à Magnésie). Les moindres détails de la vie publique comportaient le recours au sort. C'était un principe général, en Grèce, de laisser prononcer le sort, si les votes étaient également partagés dans l'assemblée ou au tribunal A l'armée, il est de règle que le partage du menu butin se fasse par tirage au sort entre tous les soldais qui ont l'ait campagne, après prélèvement de la dîme en faveur des divinités". Celte règle est si bien entrée dans les moeurs, qu'elle s'impose en Crète aux cités unies par un traité d'isopolitie et les oblige à se partager le butin proportion nellement au nombre des hommes mis ligne 7. Partout, dans les repas qui suivaient les sacrifices, les parts découpées sur la victime étaient tirées au sort'. De ci de là, le procédé traditionnel s'applique aux circonstances les plus diverses. A Thèra, on tire au sort les citoyens qui s'établiront en Afrique"; chez les Lacédémoniens 10, chez les Achéens", les soldats qui occuperont un poste périlleux12. Il arrive, à Sparte, que les éphores tirent au sort le membre de la gérousia qui soutiendra une proposition devant le peuple ". Quand Rhodes réglemente la fourniture de l'huile dans le gymnase, elle décide de tirer au sort les jours de vente entre les marchands autorisés''°. Les statuts de l'oracle pythique prescrivent de fixer par le sort l'ordre des consultations 15. A Andania, les 1Liérai et les vierges saintes ont dans la procession les places que le gynéconome leur assigne par tirage au sort 16. Dans une fête célébrée tous les GO ans, les Béotiens tirent au sort les statues qu'ils porteront et les rangs qu'ils doivent occuper dans la procession 17. Dans les jeux gymniques, on tire au sort pour apparier les concurrents. Lucien décrit minutieusement l'opéra Lion, telle qu'elle se pratique à Olympie [OLYMPIA, p. 187). On apporte une urne d'argent (rite.;!) consacrée au dieu. On y met de petits jetons de la grosseur d'une fève, avec une lettre gravée. Il y en a deux qui portent un A, deux qui ont un B, deux autres qui ont un I', et ainsi de suite, selon le nombre des athlètes. Un des concurrents s'avance, adresse une prière à Zeus, plonge la main dans l'urne et en tire un jeton. Puis un autre en fait autant. Debout auprès de chacun d'eux, un mastigophore lui arrête la main et l'empêche de lire la lettre qu'il a tirée (voir la fig. 65à1). Quand tous ont fini, l'alytarque ou l'un des Hellanodikes fait le tour des concurrents rangés en cercle, inspecte les jetons et apparie pour la lutte ou le pancrace les deux qui ont tiré la même lettre. Si le nombre des concurrents est impair, on met dans l'urne un jeton dont la lettre n'a pas de correspondante, et l'athlète au quel il échoit s'assied jusqu'à ce que les autres aient fini l'épreuve éliminatoire. C'est une grande chance d'être ainsi l'É~eôcos, celui qui, par la grâce des dieux, attend, frais et dispos, le moment de lutter avec des adversaires fatigués 'e. D'Olympiela règle du tirage au sort s'estrépandue dans toutes les palestres du monde gréco-latin : on la voit appliquée depuis la Lycie 1° jusqu'à Rome 20. Dans les jeux hippiques, on fixait également par le sort l'ordre dans lequel devaient se placer les chars 21 !OLYMPIA, p. 189]. Le tirage au sort, dont l'emploi est si fréquent dans le droit public des cités grecques, sert aussi à régler certaines questions dans le droit des gens. Il peut, après la conclusion d'un traité de paix, désigner celle des parties contractantes qui doit en commencer l'exécution : ainsi procédèrent les Athéniens et les Spartiates après le traité de Nicias'. Il peut aussi, dans un traité d'arbitrage, désigner la cité qui doit servir d'arbitre: cette clause figure dans un accord intervenu entre Éphèse et Sardes Un peuple aussi habitué que les Grecs à jouer avec le sort en trouvait naturellement dans la vie privée de continuelles occasions. Le moyen était si commode pour sortir d'une difficulté2'°, pour mettre un terme aux compétitions et aux rivalités, pour prévenir les conflits! Comme au temps d'Homère, quand on voulait faire un partage, surtout un partage de succession, on déterminait les lots et on les tirait au sort : à Mylasa27 même à Athènes26, persistait la coutume qui avait valu au patrimoine le nom de xÀ' poc, et dans l'Égypte ptolémaïque elle est pratiquéefréquemment2''.Apartir de l'époque romaine, abondent, surtout dans les villes d'Asie, à Aphrodisias38, VIII. 1 78 SOR 1417 SOR à Éphèse', etc., les fondations testamentaires qui ont pour objet des distributions d'argent appelées xn"npta : les parts en nombre fixe devaient être remises à des citoyens tirés au sort. Dans la Casina de Plaute, copiée sur les li),gpouµevol de Diphilos, des rivaux tirent dans un seau d'eau la belle qu'ils convoitent'. Est-ce un trait de moeurs populaires? Est-ce une parodie de la légende de Cresphonte? Le doute est permis. Le sort réglait même les questions d'étiquette. C'était la mode de tirer au sort les places dans les symposia 3, les portions dans les banquets'. On voit à combien d'emplois variés et profanes s'accommodait, dans les maisons des particuliers comme au grand jour de la vie publique, une coutume qui fut en son temps un rite religieux. GUSTAVE GLOTZ. ROME. Le tirage au sort a joué un rôle beaucoup moins important dans les institutions romaines que dans les institutions grecques. L Dans les comices, le sort désigne la tribu, la centurie qui vote la première. A Rome et dans les municipes', les votes des sections, curies, tribus, centuries, sont proclamés soit dans l'ordre choisi par le président, soit surtout dans l'ordre fixé par le sort [coMrrIA, p. 1385, 1396]. A Rome, dans les comices par tribus, le tirage au sort désigne la tribu où doivent voter les Latins; dans les comices municipaux la curie où peuvent voter les simples incolae, citoyens romains ou latins a II. La formation de la liste des jurés pour chaque procès criminel a lieu à Rome selon deux procédés : l'un exceptionnel, l'edilio, l'autre habituel, la sot-Win, tirage au sort. L'editio est la présentation des jurés par le demandeur. Elle figure dans la lex repetundarum qui est probablement la loi Acilia que fit voter Gracchus 3 ; d'après une interprétation', chaque partie aurait proposé 100 jurés sur la liste générale des 450, aurait pu en récuser 50, et il en serait resté 100, auxquels se seraient ajoutés quelques noms choisis par le préteur lui-même ; dans une autre hypothèse l'accusateur aurait choisi à son gré 100 noms après les éliminations nécessaires et après la récusation de 49 par l'accusé, les 51 restants auraient formé le jury. Ce procédé figure aussi dans la loi Licinia de 55 contre les délits électoraux 6; l'accusateur choisit probablement dans la liste générale, formée d'après les 35 tribus, quatre sections; l'accusé en récuse une et on garde les jurés des trois autres sur lesquelles il peut récuser cinq noms. Le tirage au sort et la subsortitio, le tirage au sort supplémentaire, ont déjà été exposés [JUDIGIARIAE LEGES, p. 659-660]. Ils fonctionnent encore sous l'Empire ], III. A Rome, pour se répartir les différentes fonctions, les membres de chaque collège de magistrats, égaux entre eux d'après le principe de la collégialité, pouvaient employer soit le roulement, soit l'action commune, soit la répartition à l'amiable ou par le tirage au sort. Entre les censeurs, le tirage au sort est resté la règle [CENSOR]. Entre les consuls, le roulement, impossible du reste pour beaucoup d'actes, a disparu de bonne heure; il n'est resté que l'action en commun ou la répartition, soit à l'amiable (inter se parare, comparare) 8, soit par le sort (sortiri)9; c'est par ce dernier mode qu'ils se répartissent surtout les missions extraordinaires, les champs d'opérations, les quatre légions ordinaires'0; le sénat peut leur recommander de s'entendre entre eux, de s'en remettre à son arbitrage (extra sortent, extra (irdinent), mais ne peut le leur imposer ". Il en est encore ainsi, même après la loi Sempronia de 1'23, qui oblige le sénat à désigner les provinces consulaires avant l'élection des consuls 'a, et après les lois de Sylla 13; le sénat ne peut modifier sans leur consentement la répartition faite par les consuls 14, sans y être autorisé par une loi ou par un plébiscite''. Après Sylla, la répartition des provinces consulaires se fait par le sort après l'élection des consuls, soit avant soit après leur entrée en charge ; après le tirage au sort, ils ont le droit de permuter16. Les tribuns consulaires tirent au sort les compétences fixées par le sénat". Entre les questeurs, les fonctions sont réparties généralement par le sort, le jour de l'entrée en charge, à l'aerferium'B ; exceptionnellement, sous la République. par le choix des magistrats supérieurs qui ont les questeurs comme auxiliaires, avec l'autorisation du sénat et du peuple" Sous l'Empire, les consuls et l'Empereur ont libre choix pour leurs questeurs et de 44 à 56 pour les questeurs urbains chargés de l'aerarium20 [QEAESTOR, p. 799'. On tire aussi au sort les scribes entre les questeurs zt. Entre les préteurs et les gouverneurs de provinces, la répartition des compétences a lieu dès le début, non à l'amiable, mais par le tirage au sort, le plus tôt possible avant l'entrée en charge ; le sénat peut soumettre tous SOT 1418 SPA les lots au tirage ou en remplacer quelques-uns par des attributions nouvelles'. Pour les préteurs revêtus d'un sacerdoce qui les retient à Rome, il n'y a de tirage qu'entre les provinces urbaines'. Le sénat ne peut sans doute modifier la répartition que par une loi ; cependant, dès le 11e siècle av. J. C., il peut permettre à un gouverneur de ne pas aller dans sa province, et lui confier d'autres fonctions3. Le nouveau régime créé par Sylla comporte nécessairement deux tirages au sort, le premier pour les fonctions des préteurs à home pendant la première année, sans doute immédiatement après la désignation, le second dans l'année pour les gouvernements provinciaux [PRAETOR, p. 629-630] 4. En 52, la lex Pompeia de provinriis établit un intervalle de cinq ans entre la préture ou le consulat et le gouvernement provincial : pour les consulaires on devait tirer au sort parmi ceux qui n'avaient pas encore eu de province" [PROViNCIA, p. 71871.9]. C'est à peine si ce régime fonctionne sous la République ; il est supprimé par César qui revient aux règles de Sylla; mais le tirage au sort ne fonctionne que d'une manière intermittente pendant les guerres civiles. Auguste rétablit le régime de Pompée pour les provinces sénatoriales ; le sénat établit chaque année la liste des lots et celle des candidats, en tenant compte de la date de la magistrature, des privilèges de la paternité 6 ; quelquefois, sans doute sur l'invitation de l'Empereur, il attribue directement une province, surtout pour prolonger les pouvoirs d'un gouverneur actuel'. Un sénateur, inscrit sur la liste du tirage, peut se récuser avant ou après l'opération, ou en être exclu par punition 8. Dès le début du une siècle, l'Empereur indique autant de personnages consulaires ou prétoriens que de provinces et le tirage au sort n'a plus lieu que pour la répartition C'est par le sort ou à l'amiable que, dans la loi municipale dite lex Julia 10, les quatre édiles se répartissent entre eux l'entretien de la voirie dans les quatre régions de Rome. Dans la procédure de l'interrègne, vraisemblablement le tirage au sort fixe l'ordre où se succèdent les décuries du sénat et les sénateurs de chaque par les Étoliens en l'honneur de Zeus Soter et d'Apollon Pythien « comme souvenir du combat contre les barbares qui avaient attaqué les Grecs et le temple d'Apollon, sanctuaire commun de la Grèce ». Puis le stratège étolien, au nom de la ligue, invita toutes les cités grecques à reconnaître la fondation de ces nouveaux jeux et à prendre part à leur célébration. Les deux décrets d'Athènes et de Chios, qui nous sont parvenus, font connaitre les conditions dans lesquelles ils devaient être célébrés. Le prix n'était pas une somme d'argent, mais une couronne, comme dans les quatre grands jeux de la Grèce. Les concours de musique, pour l'âge des concurrents et les honneurs que les villes décernaient à leurs compatriotes vainqueurs étaient assimilés aux jeux Pythiens; les concours gymniques et équestres à ceux des jeux Néméens. Les cités grecques s'engageaient à envoyer un certain nombre de théores'. Dans l'acte de fondation, la fête devait être quinquennale; mais des inscriptions témoignent que, peu d'années après, elle était annuelle et que la présidence avait été transférée des 1+ toliens aux A mphicti ons (AMPRICTIONES) les Delphiens étaient chargés d'envoyer des théories aux villes et aux rois de race hellénique. On a peu de renseignements sur les concours gymniques et équestres. Nous sommes mieux informés sur les concours musicaux, gràce à quatre listes complètes qui datent du nue siècle (entre 272 et 269). Ils étaient présidés par les hiéromnémons, l'archonte de Delphes, et le prètre de Bacchus, chef de la corporation des artistes Dionysiaques. Dans la première partie consacrée à la musique et au chant, il y avait des concours de rapsodes, de citharistes, de chanteurs accompagnés de la cithare. Dans la seconde, des choeurs de danse composés d'hommes ou d'enfants exécutaient la danse pyrrhique•ou cyclique. La troisième partie comprenait les représentations dramatiques où concouraient des troupes tragiques et comiques, composées chacune de trois acteurs ; on trouve même un choeur comique formé de sept choreutes'. A l'époque gréco-romaine, le nom de Soierie fut donné à un certain nombre de jeux ou de simples sacrifices institués pour commémorer un événement ou un personnage auquel une cité attribuait son salut. Comme exemple du premier type, on peut citer les ',2w2ripta de Priène' fondés vers 297 en souvenir de la liberté recouvrée ; pour le second, les Swtirpa xx( Dlouxte(o ', fête quinquennale par laquelle la province d'Asie voulut perpétuer la mémoire de l'intègre jurisconsulte Q. Mucius Setevola, qui l'ut gouverneur en 98 avant notre ère. P. FOUC.ART.