Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SPARSIO

SPARSIO. Ce mot signifie particulièrement deux coutumes de la vie romaine, distinctes, mais se rapportant l'une et l'autre au luxe des réjouissances publiques : 1° la dispersion parmi les assistants de cadeaux en nature ou en bons (et ces cadeaux eux-mêmes), sparsio missihum, [MtssuLIA] ; 2° l'aspersion des lieux de spectacle par une pluie artificielle de liquide aromatisé (et cette pluie elle-même). A peu près vers le temps où Pompée s'avisa, pour modérer la chaleur dans son théâtre, d'y faire creuser des rigoles où circulerait de l'eau', fut imaginé (notre témoin le plus ancien est ici Lucrèce2, mort entre 699=55 et 701=533) un autre moyen plus ingénieux de procurer aux spectateurs une fraîcheur agréable. Des appareils à pression, placés dans le sous-sol du théâtre ou de l'amphithéâtre, élevaient jusqu'au faite de l'édifice un liquide à vaporiser qui retombait de là en gouttelettes odorantes sur le public et sur les acteurs'. Des statues SPA 1.119 SPA servaient parfois, semble-t-il, de bouches d'émission', comme pour les fontaines ordinaires. Le liquide vaporisé, de l'eau ou du vin, était parfumé le plus souvent avec du safran (crocus ), rarement avec d'autres su bstances, par exemple du baume'. L'usage se maintint pendant toute l'époque impériale ; il passa de Rome à Pompéi et sans nul doute dans d'autres villes. Aux aspersions liquides s'ajoutèrent, dès le temps d'Auguste, des pluies de fleurs', usitées aussi clans les banquets". Néron installa ce double luxe dans sa maison d'or, où les plafonds de certaines salles à manger étaient machinés pour faire pleuvoir sur les convives tantôt des parfums et tantôt des fleurs 6. Les sparsiones liquides dont nous venons de parler n'étaient que les formes les plus parfaites et les plus raffinées de l'arrosement en jet ou en pluie pratiqué de toute antiquité dans les maisons, les rues et les terrains cultivés' pour rafraîchir l'air, abattre la poussière et favoriser la végétation, comme l'eau courante de Pompée n'était qu'une application du système banal de l'arrosement par irrigation'. D'autres applications en étaient faites qui ne supposent pas l'emploi d'un appareil vaporisateur. Au temps d'Horace', les riches Romains faisaient arroser avec de l'eau parfumée les pavés en mosaïque de leurs demeures. Dans les fêtes par lesquelles ljrbinus, questeur d'Espagne, accueillit Metellus à son retour dans cette province, en 680-7I, le sol fut baigné de même, croc() sparsa humus '0. Lorsque Néron, après le voyaged'Achaïe, fit triomphalement sa rentrée à Rome, de telles aspersions eurent lieu sur son passage, et, en outre, il pleuvait sur le cortège des oiseaux, des rubans, des sucreries". Cette sparsio solide dérivait d'un usage ancien, comme la jonchée de fleurs que nous avons déjà mentionnée en coordination avec une sparsio liquide. Répandre des fleurs ou du feuillage, spargere flores, grecque et dans la vie romaine, une manifestation usuelle ou bien de joie seulement ou bien ensemble de joie et de respect. Les convives d'unbanquet [COMISSAT1o], couronnés de fleurs, de roses surtout, en semaient d'autres autour d'eux', non seulement parce que leur senteur préservait, disait-on '3, de l'ivresse, mais encore et principalement pour en jouir par la vue et l'odorat [coioNA, p. 152'7j. C'est ainsi qu'une peinture d'Herculanum nous montre, dans une scène d'orgie, la table et le sol parsemés de fleurs''`. Des fleurs, du feuillage, des fruits, des bandelettes, d'autres objets compris dans l'appellation générique de 1 Lucain 9, 809. 2 Spartian. Loc. cit. 3 C. i. 1. 4, 1177, 1181. h Hor. Epist. 2, I, 79. -5 Ovid. Fast. 5, 360; cf. 336. -6 Suri. Nero, 31. 'On peut rapprocher ce qui se passe au festin de Trimalcion ; Petr. GO. Lucien, Nigr. 31, mentionne le vin parfumé au safran on autrement qui est répandu dans les festins, mais sans préciser de quelle façon. $ Plant. Pscud. 161; Stick. 354; f,•ag. faG. inc. XLVI ((Id. Raschl) ; Titin. Setina, XVII (Ribbeck, Co-n. rot. frag. 3); Cie. Farad. 5, 2; l'hoed. 2, 5, 15; fluet. Cali'. 43; Colum. 5, temps ou a dis arroser la piste du cirque. Dans Plaute, Potin. 1291, les mots qui dans C. S.l. 6, 10046). lI faut peut-être les identifier avec des personnages que non voit souvenl sur les bas-reliefs représentant des courses de chars, et qui ne prennent palot part eux-mcmes aux courses, mais ou bien sont couchés sous les chars ou bien portent des amphores ou d'autres vases ; souvent aussi des vases gisent sur le sol. La fonction de ces arroseurs devait être également de rafraichir par aspersion les chevaux, cf. Dig. 3, 2, 4 : qui agnnos egnis spargunt, et de mouiller les roues des chars pour les empêcher de prendre feu: une peinture antique (,Inn. dell' Hist. vol. XI, tav. d'agg. M) nous montre un personnage qui s'approche, un vase à la main, du char d'un aurige vainqueur. Voir Marquardt et Mommsen, 1.3, p. 286, n. 1. 7tpox' rxs'', qui correspond à sparsio au sens concret d'objets répandus, étaient jetés par la foule enthousiaste sous les pas des personnages auxquels elle voulait l'aire un accueil triompltal15, spécialement des athlètes vainqueurs17. Une autre sorte luxueuse de sparsio solide consistait à joncher un chemin, un lieu de spectacle, une salle, non de sable ou de sciure (scribes), comme cela se pratiquait couramment soit pour assécher l'humidité soit pour préparer le nettoyage du pavé'', mais de sable jaune t3, de sciure teinte au minium et parfumée au safran, de pierre spéculaire ou de chrysocolle en poudre". Elagabal faisait, dit-on", poudrer d'or et d'argent ses portiques, et souvent les voies où il devait aller à pied. On a parlé ailleurs du rôle des sparsiones dans les funérailles et le culte des morts [FENDS, FERALIA, PARBNTALIA], dans les cérémonies lustrales [LUSTRATIO[ et les rites magiques [SIAGIt. Les aspersions lustrales et magiques avaient un caractère purificatoire; parmi les aspersions funéraires les unes aussi servaient à purifier les morts ou leur entourage, niais d'autres avaient pour but de les honorer, et l'on y retrouve certaines pratiques usitées également pour honorer les vivants, comme l'anthobolie et la ph yllobolie. l'u. FLBIA. HESPUHLICA].