Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

SPORTA

SPORTA (dimin. SPORTELL.A, SPORTULA). Eaupiç. I. Panier tressé, de jonc, d'osier ou de sparte, dont la forme reste indéterminée ; on ne peut qu'en constater la variété, en rapprochant les monuments des textes où les emplois (le l'objet sont indiqués [srvnls]. La sporta de sparte, fabriquée d'abord en Espagne, semble être devenue la plus commune on voulait dériver sporta de spartum2 ; en fait, la sporta antique se reconnaît dans la espuerta espagnole, employée encore aujourd'hui pour toutes sortes d'usages, précisément dans la région où le sparte était cultivé (de Valence à Murcie). La sporta était d'un prix insignifiant; on disait proverbialement: non pluris aliquid facere quant sportam 3. Comme la sentis des Grecs avec laquelle elle peut être identifiée, une sporta peut contenir de la nourriture, du grain des pièces de monnaie 5, etc. Les pêcheurs y mettent le poisson qu'ils ont prise : c'est une sporta que tient le vieux pêcheur de la Galerie des Candélabres, au Vatican, et qu'on voit àla main de beaucoup (le pêcheurs'. La sporta sert aussi de filtre3; on enferme dans une sporta le sel qui, plongé dans un tonneau d'eau de pluie, la transformera en saumure 4, ou la lie qu'on placera sous le pressoir pour obtenir du vinum faecatum [cf. coLUM] 1o. On fait aussi passer dans une sporta, après l'avoir fondue et lavée, la cire provenant des ruches Les textes ne permettent de voir entre sporta et sportella (ou sportula, quand le mot est employé au sens propre) qu'une différence de dimension. II. La sportula pouvant servir au transport des mets, on fut amené à employer son nom pour désigner un repas, quand ce repas consistait, à proprement parler, en une distribution de vivres, à la suite de laquelle chaque convié emportait sa part dans une corbeille. Puis, la portion en nature pouvant être remplacée par un équivalent en monnaie, on en vint à désigner par sportula la somme, représentative du repas, attribuée à chacun des participants. Employé de la sorte en parlant de sacrifices, de repas de corps ou de confréries, de banquets publics donnés par les empereurs, les magistrats ou les riches particuliers", le mot a une signification spéciale quand il s'agit de la clientèle romaine à l'époque impériale. C'est cette signification que nous avons à étudier spécialement. Il n'y a presque aucun rapport entre la clientèle de l'époque impériale et la clientèle des premiers siècles ". Sous les empereurs, le terme de cliens n'a plus la valeur précise et juridiquement définie qu'il avait autrefois ; un « client n est celui qui s'attache à la personne d'un homme puissant pour profiter de son influence. Ce protecteur peut être à son tour le client d'un homme plus puissant; d'autre part, un même individu a intérêt à avoir plusieurs protecteurs, à être le client de plusieurs patrons. Dans la Rome impériale, le patron ne peut guère tirer de ses clients que des satisfactions de vanité. Les devoirs du client sont de venir saluer le patron le matin [sALuTATIO] et de l'accompagner en ville, quand il va à ses affaires. En échange, le client, qui est généralement pauvre et paresseux, attend du patron sa nourriture quotidienne. Il la reçoit, non sous forme d'invitation à la table du maître (ce qui rappellerait les anciens usages de la civilisation patriarcale), non sous forme de repas à emportern, mais sous forme de sportula. La sportula est une somme d'argent, vingt-cinq as en général 15, remise au client, dans le vestibule ou l'atrium, par un serviteur préposé à cette distribution, sur l'ordre et sous la surveil SPO 1444 SPO lance du patron '. Avec cette somme, le client achète non seulement de quoi se nourrir, mais de quoi se vêtir et se chauffer'. Pour les gens à leur aise et les magistrats qui, malgré leur situation de fortune et leur situation sociale, ne dédaignent pas de venir chercher la sportule, elle est un supplément appréciable de revenu 3. Mais le client ne peul, pas compter qu'il touchera tous les jours la sportule. Il y a des cas où elle n'est pas distribuée du tout, par exemple quand le patron est malade'; d'une façon générale, quand le client n'a pas eu l'occasion de faire acte de client en accompagnant le patron dans ses démarches, il n'a droit à rien; le patron est toujours maître d'accorder ou de refuser la sportule, et certains sont particulièrement chiches Aussi est-il à peu près indispensable d'avoir plusieurs patrons, quoiqu'il soit impossible, ou du moins très difficile de toucher deux sportules le même jour Souvent un personnage sans scrupules va réclamer une sportule à laquelle il n'a aucun droit, chez un patron auprès de qui il n'a jamais fait acte de client une surveillance attentive est nécessaire de la part du patron et de ses serviteurs : le client véritable se fait reconnaître, et s'efforce d'apitoyer le maître en lui montrant ses charges de famille'. Des patrons généreux donnent des sportules supérieures aux 25 as ordinaires : en outre des sportules exceptionnelles sont distribuées à certains jours de fête (mariage, anniversaire de naissance, prise de toge virile) t0. A quel moment de la journée la sportule était-elle distribuée`? D'après la description de Juvénal, c'est le matin, lors de la salutalio Cependant Becker croit que la sportule était toujours remise au client le soir, après la journée finie, comme le salaire des services rendus; un texte de Martial confirme cette opinion 12. Peut-êtrel'usage différait-il d'une maison à l'autre. La coutume de la sportule en argent semble s'être établie dès les premiers empereurs ; elle dut être générale à partir de Néron '3. Il était dès lors tout à fait exceptionnel que le client obtînt. outre la sportule, ou en échange de la sportule, une invitation à dîner''. Cependant un essai de retour à l'usage antique du repas pris par le client à la table du patron fut tenté sous Domitien; mais personne n'y trouva son compte : c'était un gros embarras pour le maître de maison ; les clients, traités à table de façon humiliante, regrettaient la sportule, cette sorte de rente dont ils disposaient à leur gré. Elle fut bientôt rétablie1', et la pratique dut s'en maintenir, avec des vicissitudes dont nous ignorons le détail, jusqu'aux derniers temps de la société romaine. Des sportules étaient aussi distribuées dans les corporations [SODALITAS16 pa,r de riches confrères; elles consistaient soit en vivres (pain, vin et autres aliments), soit en sommes d'argent. L'usage s'établit sous l'Empire, pour les decuriones nouveaux d'un sénat municipal de donner des sportules ou pensiones 17, On appela encore sportula les distributions d'argent que faisaient, sous l'Empire les consuls à leur entrée en charge'". EucitaB A1.¢EBTt81. Par extension du sens primitif, lessportulee'^sont, au Bas-Empire, les frais de justice payés par les parties aux employés des bureaux des magistrats, aux officia/es, en guise de rétribution supplémentaire. Inconnus dans l'ancien droit, sauf l'enjeu du sACRAMENTUM, ils paraissent s'être développés, dès l'Empire, avec l'organisation des oralcIALGS, en même temps que l'usage de donner aux employés et même à des fonctionnaires des cadeaux, des pourboires 70 ; appelés commoda 31 , stellaturae2L, pulveretieium, f licon 23, epimetra 24. Dès l'époque classique, tous les actes, judiciaires où leur intervention est nécessaire, en particulier, la rédaction et la délivrance des pièces, ont dû donner lieu à des taxes plus ou moins licites •' Dans l'édit du Maximum de Dioclétien en 301, l'advocatus touche 250 deniers par postulatio, 1000 par cognilio (,jugement fi nal)2t. Il y a donc alors des règlements. Des lois de Constantin de 331 s7 veulent interdire, mais en fait restreignent simplement comme le montre une loi de 33:12", les droits excessifs réclamés pour différents actes de procédure par le princeps de l'office, les exceplores, les adiulores et surtout les agents d'exécution et de transmission, les e.r.ceculores`30L'inscription deThamugadi, entre 361 et 3(133', renferme, pour la province de Numidie, un fragment de tarif de droits, commodo, variables selon la distance et payables soit en boisseaux de blé, soit en argent : le princeps qui donne un officions sans doute, pour toute espèce de missions, touche : en ville i boisseaux, en dehors de la ville 2 boisseaux en plus par 10000 pas, au delà de la mer 100 boisseaux ; le eornicularius et le cornmentariensis la moitié de ces droits, probablement ensemble et dans les mêmes cas ; les scltolastici 5 boisseaux par postulatio, 10 par contradictio, 13 pour la de/inita causa ou pour le defnilum negotiuln, les exceptores 5, 12 et 20 boisseaux pour les mêmes actes ; le libellensis 2 par libellus, c'est-à-dire probablement pour les appels et les renvois à l'empereur ; les parties peuvent réclamer une caria pour la postulatio, 4 pour la contradiclic, 6 pour le de/initum negotium. La postulatio est probablement le dépôt (le la demande, SPO 1445 SPU ou actionis editio; lacontradictio, la réplique du défera deurl; la de/inita causa, le jugement final. Une loi de 370 constate des abus dans la perception des droits 2. A la fin du ve siècle, depuis 450 jusqu'à Justinien, plusieurs lois diminuent les tarifs habituels en faveur de plusieurs classes de privilégiés et de leurs familles, par exemple des comtes du consistoire, des mentes in rebus, des gens des sckolae et des scrinia, des soldats, du clergé chrétien 3 et les suppriment en faveur des avocats', des évéques, de l'église du fisc et des pauvres L'adversaire des parties privilégiées a le même privilège 8. Les actes suivants comportent des sportules : 1° la postulatio du demandeur ; la réception par le défendeur (le la citation (libellas conventionis) ° ; 3° la mise du procès au rôle (titis eontestatio pro ingressu ; pro inducenda cognitione) ; 4° la rédaction et la communication des pièces (editio gestorum); 5° peut-être la lecture des pièces 10 ; 6° la constitution de procureur1l. Les employés qui reçoivent les sportules sont maintenant surtout les exsecutores et les exceptores (notarii devant les arbitres 12) ; on ne voit pas pourquoi les chefs des offices qui figurent dans l'inscription de Thamugadi et dans Lydusf 3, à l'époque de Justinien, ne figurent plus au code de cet empereur. Quelques magistrats touchent des taxes ; les arbitres ou juges pédanés au moins depuis 484f4, les avocats du fisc, le préfet de l'annona de Constantinople et les architectes officiels en certains cas '^. Une loi de Justinien qui paraît avoir réglé 16 et diminué f 7 les tarifs ordinaires a disparu ; on voit cependant qu'ils varient selon le rang du tribunal et l'importance de l'afaire'". Ils sont généralement une fois plus élevés devant les tribunaux supérieurs que devant ceux des gouverneurs. Devant les premiers les privilégiés paraissent payer en toutau maximum huit, généralement six sous d'or" ; (levant l'arbitre généralement deux sous"; les soldats un sou"'. Les gens ordinaires versent un demi-sou jusqu'à une valeur de cent sous pour les deux premiers actes de la procédure et ainsi de suite d'après une progression inconnue". Mais à en juger par les chiffres de Lydus, trente-sept sous pour un seul acte, probablement la postulatio, devant le préfet du prétoire les frais devaient être très élevés sans parler des extorsions, punies de la restitution au quadruple". Cn. LFCmvafty.