Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

STANNUM

STANNUM (Kaac(Tspoç)_ L'étain. Ses noms. Le mot xaaa(TEpoç se rencontre déjà dans l'Iliade', où l'on a voulu, à tort peut-être, qu'il désignât un alliage d'étain et d'argent 2 ou des objets simplement étamés', plutôt VIII. que le métal pur. Dans les textes postérieurs 4 son sens n'est pas douteux; c'est bien l'étain, et lui seul, que les Grecs entendaient sous ce vocable; ce n'est pas à la fois, comme on l'a prétendu, l'étain et le zinc', ou l'étain et le plombe. De là viennent: l'adjectif xxca;TSptvoç', fait en vrier travaillant l'étain ; le verbe xxcatTECeww-d 1° étamer. Pline prétend que le mot xxca(TEpoç a été créé par les Grecs11. Quelques auteurs anciens le rattachent au verbe xx(oj ou au verbe TE(pop.«t f2. M. L. Siret se demande s'il ne dériverait pas, par échange du z en T ou par métathèse et par redoublement, de Txxedç, fondant, qui rend fusible, allusion à la qualité la plus remarquable de l'étain et à son alliage avec le cuivre pour former le bronze13. F'estus Avienus l'explique par le nom du mont Cassius, situé dans une région riche en mines d'étain, la péninsule ibérique 14. D'autre part, on l'a rapproché depuis longtemps du sanscrit kastira et de l'arabe kasdie, qui ont la même signification que lui et lui sont évidemment apparentés" ; mais la forme sanscrite est plus récente que la l'orme grecque, car l'Inde dans l'an tiquil.é, comme on le verra plus loin, faisait venir de l'Occident, par l'intermédiaire de l'Égypte, tout l'étain dont elle avait besoin ; kastira et kasdir ne sont que des transcriptions tardives de xxce(TEpo4. Sayce croit trouver dans l'accadien ou le sumérien 1,°asduru, et Lenormant dans l'assyrien kasazalirra le prototype du nom grec de l'étain 1 a ; en réalité, le prétendu mot kasduru n'a jamais existé eth,asaratirra ne s'appliquait pas, semblet-il, à un métal, mais à des étoffes 17. M. Salomon Reinach a proposé récemment une autre hypothèse, beaucoup plus vraisemblable: x«aa(TEpoç, quoi qu'en ait dit Pline, serait un terme d'origine celtique ". Au lieu d'admettre, comme on le fail, généralement, que les îles Cassitérides devaient leur nom à l'étain qu'on allait y chercher, il estime au contraire que le métal a pris celui du pays d'où on le tirait. Le cuivre n'est-il pas le métal de l'île de Chypre et le bronze le métal de lhrundisium? L'étain lui-même ne s'appelle-t-il pas en turc et dans les idiomes voisins galaï, du nom que donnent ces langues à la presqu'île de Malacca, où sont les gisements les plus considérables que l'on connaisse 1°? Dans le mot Cassitérides il faut 183 STA 1 458 STA distinguer la désinence ilEç, ajoutée par les Grecs, et deux éléments celtiques, cassi, sorte de superlatif, qui reparaît dans beaucoup de noms d'hommes etde peuples 1, et taros, adjectif, qui voulait dire extrême ; les Cassitérides étaient les îles très reculées, Ëeyars; v' ot, insulae extintae2, et le xaerfrspoç le métal qui provenait de cette contrée lointaine. La principale difficulté que soulève la théorie de M. S. Reinach, c'est qu'elle conduità supposer que dès le Ix° ou le vin" siècle av. J .-C. les Grecs auraient eu connaissance d'un terme de la langue des Celtes, alors que l'invasion de ceux-ci dans l'Europe occidentale passe pour n'être pas antérieure, tout au plus, au vu" siècle. L'étain pur était appelé proprement en latin, à la belle époque, plumbum album ou plumbum candidum3, par opposition au plomb, plumbum nigrum [PLamnum]. On réunissait sous la même désignation générale, mais en les distinguant d'après leur couleur, deux métaux assez voisins l'un de l'autre, dont les gisements coexistaient souvent dans les mêmes régions et dont la connaissance a dû se répandre à peu près simultanément en Italie. L'interprétation du mot stannum ou stagnant «d'où dérivent l'adjectif slanneus ou stadneus5, d'étain, et plus tard le substantif slannator ou stagnator0, ouvrier en étain, ainsi que le verbe slagnare7, étamer) est plus difficile. Pline l'Ancien donne à ce terme deux acceptions différentes: il nomme ainsi le plomb d'oeuvre, métal de première coulée obtenu par le traitement du plomb argentifère$, et aussi un métal dont on recouvrait les objets de bronze afin de leur donner meilleur goût et de les empêcher de se rouiller emploi qui convient bien à l'étain, nullement au plomb ; pour comble, un peu plus loin, il oppose dans la même phrase le pluntbum album, c'est-à-dire l'étain, au stannum ou plomb d'oeuvre 10. Quelque sens que l'on donne à stannum dans les textes de Pline 11, il est impossible d'admettre avec Beckmann que l'étain n'a jamais porté ce nom avant le Ive siècle de notre ère t2 : en effet, Plaute parle déjà de vara stannea 1', qui ne peuvent être que des vases d'étain ou étamés, et dans un passage de Suétone1l, de bien pets postérieur à Pline, le stannum ne peut être aussi que l'étain. Berthelot fait observer qu'il faut tenir grand compte de l'incertitude et des variations de la nomenclature scientifique chez les anciens ; il est arrivé souvent qu'un seul mot ait désigné tour à tour, sinon même simultanément, un métal pur et toute une série d'alliages 1i. D'après lui, le mot stannum ne convenait d'abord qu'au plornb d'oeuvre; puis on l'étendit des composés, qui naissent dans la préparation du plomb, à l'étain ou plumbum album; il finit par être réservé à celui-ci 16. Schade est d'un autre avis : il croit que stannum était le nom primitif de l'étain à Rome; celui de plumbum album ne lui breton; Vercassieellaanus, chef arverne; les dii Casses, divinités rhénanes; les Veliocasses, Viducasses, Bajocasses, peuples belges et celtes, etc. 2 S. Roi. nach, Op. cit. p. 280: Timagime Cap. Amm. Marc. XV, 9) rapporte que, d'après les druides, une parti° de la population de la Gaule venait précisément d'insulae extimae, lesquelles ne peuvent dire que les lies Britanniques, identifiées par S. Re, midi avec les Cassitérides. I.ucres. VI, 1077 ; Gues. Bell. gall. V, 12; Plin. IV, 112; XXXIV, 1'.16 sq. 4 Voir les telles réunis par Ilolde•, Op. cit. II, 1901, p. 1031-1633, s. e' stagne; aucun n'est antérieur à Pline, 5 Hauts ap. Künste bei Griechen und Bbmern, Leipzig, 1887, p. 82, incline à croire que partout Pline entend par slaanue, un métal distinct de l'étain. 12 Beckmann, Op. aurait été appliqué que plus tard, pour le différencier des alliages communs àbase de plomb que l'on employait, à cause de sa cherté, en ses lieu et place, et en les qualifiant eux aussi, très improprement, de stannum". D'où vieil tce mot controversé ?On admet généralement qu'en France, à l'embouchure de la Vilaine, le village de Pénestin (Morbihan) représente un cap (penn) de l'étain (en breton sien, en Irlandaisstan). Les Gaulois, croit-on, auraient emprunté stunnum aux Romains1e. M. 13older suppose, àla suite de Pictet, que ce sont les Romains qui l'ont reçu des Gaulois 9; stannum, dans cette hypothèse, serait, comme xaeeftiEpoç, une adaptation d'un mot celte. Provenance [voir la carte des mines et carrières dans l'antiquité grecque et romaineà l'articlemETALLA, p. 18.46, fig. 4974, et la carte du groupe hispanique, p. 1848, fig. 4975]. L'étain existe dans la nature à l'état d'oxyde (cassitérite), sous forme de filons", où il est mélangé en petites quantités à des roches dures qu'il faut broyer et triturer, ou sous formes d'alluvions21, beaucoup plus faciles à exploiter, parce que le minerai n'y est pas enveloppé de gangue et qu'il suffit de laver les sables pour le mettre en liberté. Ses gisements sont relativement rares 22 et son aspect ne ressemble à celui d'aucune autre substance métallique. On s'étonne, dans ces conditions, qu'il ait été très anciennement connu et que l'on ait pu en faire, dès les temps préhistoriques, une consommation énorme. Il est certain cependant que des quantités prodigieuses d'étain ont été nécessaires pour forger les objets de bronze qui caractérisent le premier des âges des métaux et qu'on trouve partout répandus, même dans des contrées qui ne possédaient pas de gîtes stannifères. La circulation de l'étain a donné lieu à l'un des coinruerces tout à la fois les plus importants et les plus mystérieux de l'humanité primitive. On n'a pu déterminer encore de quels centres les hommes de l'âge du bronze faisaient venir ce métal qui leur était indispensable2'. u Aucune des hypothèses proposées ne répond aux exigences d'une fabrication aussi prolongée, aussi générale, aussi considérable; il a dû y avoir des transports réguliers de masses d'étain venant de mines abondantes et inépuisables2i». Faut-il chercher ces mines à l'extrémité orientale du monde antique, dans l'Indo-Chine et l'Insulinde, ou bien au contraire à l'extrémité occidentale, dans les îles Cassitérides, ou encore dans quelque région intermédiaire d'Asie ou d'Europe? La première opinion est maintenant abandonnée. Elle a été soutenue principalement par Schlegel, Lassen et Ilumboldt25. La ressemblance du sanscrit kastira et du grec xaceC epoç donnait lieu de croire que l'Asie Occidentale et l'Europe s'approvisionnaient d'étain, aux origines, dans l'Inde, qui l'aurait tiré elle-même des gisements si 16 M. Berthelot, dans le Journ. des Savants, 1880, p. 379. 18 Du môme, Strab. III, p. 147. 21 Plin. XXXIV, 157. -22 Ed. Fuchs et L. de Launay, Traité p. 151 et 744 ; 11, 1. 6,1. Stuttgart, 18113, p. 1:57. 24 M. Berthelot, Coll. des une. alchimistes grecs, I, Introd. p. 227. 25 Voir les ouvrages cités plus haut, STA 14119 STA abondants de la côte du Siam, de la presqu'île de Malacca et de Pile Banka. Mais on sait par Pline l'Ancien et par l'auteur anonyme du Pe'riple (le la nier F,r)ltbrée2 que de leur temps, à la lin du t' siècle de notre ère, l'Inde recevait l'étain de l'Occident, par l'entremise des négociants égyptiens Les alluvions de Malacca et de la Sonde n'étaient donc pas encore exploitées. M. S. Reinach pense que le premier texte qui les concerne est un fragment conservé par Etienne de Byzance et, extrait des 13accaotxé d'un certain Denys, qui est peut-être Denys le Périégète'°. Aucune (les régions intermédiaires entre l'Extrême Oriente' l'Extrême Occident, sauf peut-être la Drangiane, ne parait avoir jamais fourni beaucoup d'étain aux peuples de l'antiquité. Fr. Lenormant" et Dufréné s'appuyant sur des rapprochements d'ordre philologique plus ou moins fondés, supposent que ces peuples le taisaient venir tout d'abord du Caucase. On ne saurait l'admettre: les géologues n'ont constaté nulle part dans le Caucase l'existence de gîtes stannifères'. La seule contrée d'Asie dont les mines d'étain aient été exploitées parles Anciens, et à. laquelle on ait pu penser comme pays d'origine du métal consommé sur les bords de la Méditerranée', esl la Drangiane, le Khorassan d'aujourd'hui", oit le voyageur Ogordnikoff a retrouvé, aux environs de Méched, les exploitations déjà signalées par Strabon 11. En Europe, Scymnus de Chios déclare que deux îles du fond de l'Adriatique donnent un étain excellent"; il n'existe pas de gisements dans le voisinage immédiat; peut-être le métal était-il amené, par caravanes, des pays plus septentrionaux oit sa présence et même sa mise en valeur, dès une époque reculée, nous sont attestées I2 : la Carinthie la Bohème et la Saxe, dans le Boehmerwald, le Fichtelgebirge et l'Erzgebirge 1". On a relevé aussi en Italie, sur la côte de Toscane, à Campiglia Maritima et à Cento Camerelle, au Monte Valerio et au Monte [tombolo, les traces probables d'une très ancienne exploitation de l'étain '°. Tout cela, en somme, est fort peu de chose, en comparaison de ce qu'exigèrent, pendant une longue suite de siècles, les besoins de l'industrie du bronze. Les contrées de l'Europe occidentale riveraines de l'Océan Atlantique, la péninsule ibérique, la Gaule, les îles Britanniques, étaient beaucoup mieux pourvues. C'est de là que provenait sans aucun doute, à l'époque classique, l'étain utilisé dans le monde méditerranéen. Ii est difficile de savoir s'il en était déjà de même à l'âge du bronze et de dire dans laquelle de ces trois régions doivent être localisées les fabuleuses Cassitérides, qui avaient donné leur nom à l'étain et que l'on serait auto 1 Pli,. XXXIV, 167. -2 Per. mar.Erythr. 7, 28, 49, 56.Cf. B. Fabr,eius, fier Pedung Indiens( mit rien J,rïndern u, M'este,, dans In Deutscher Montasse/trip, 1853, 670; Fr. K. Movers, Dic l'larnsisien, Ill, t, Bouc, 1856, p. 63. 4 S. lieinach, dams l' Anthropologie, 1893, p. 276, n. 4. 8 Fr. Lenormant, Prem. ciuilis, 1, p. 146-1(l2. Pans, 1881, p. 22. G. Bapst, Les métaux dans l'antiq. et le moyen «ye l'étain, paris, 1884, p. 7 ; F. Chantre, Rech. anthrnp. dans le Caucase, Paris, 1885, p. 81. 8 Par ex.: G. Perrot, Hist. de l'art dans l'antiq. VI, Paris, 1894, p. 952. 9 Von taer, loc. cit., G. Bapst, dans C.-B, de l'Ac. des biser. 1886, p. 21.7 sq.; Tomaschrk, dans les Minh. der anthropol. G, oell.sch. in IVarn, Silaunysber, 1888, p. 8. IO Strab. XV, p. 724. I1 Scymn. 391. 12 V. Bérard, Les Phéniciens et l'Odyssée, 1, l'aria, 1002, p. 439. 13 A. B. Meyer, Garbaa ive Oberyailhales IlOirn l heszl, 1885, p. 65, 1' Gurlt, dans les Borine), bronze, Paris, 1878, attribue aux Tziganes nomades la propagation de l'étain à travers l'Europe. i5 Daubrle, Bem archrol. 1881, I, p. 335-336, d'après Charlon, Annales des Mines, 7' série, IX, 1876, p. 119, et F. Blanchard, At1i dei Lincei, risé, par conséquent, à regarder comme le premier centre de production de ce métal. Les auteurs anciens nous apprennent qu'il y avait des gisements stannifères en beaucoup d'endroits (lelapéninsule ibérique 1f, et surtout en Lusitanie, en Gallécie chez les Artabres, en Tarraconaise ". D'autre part, on a découvert des vestiges considérables d'exploitations remontant à l'antiquité sur le territoire d'Ablanéda, près d'Oviédo, et à Salabé, dans l'ancien pays des Cantabres, où plus de quatre millions de mètres cubes ont été jadis extraits18, Pour la Gaule nous avons aussi quelques témoignages littéraires à invoquer: l'auteur du traité De mirabilibus Auscultatiolaibus, faussement attribué à Aristote, décerne à l'étain l'épithète de celtique"; Scymnus de Chios assure que l'étain qu'on trouve à Tartessus, c'est-à-dire sur les marchés de l'Espagne méridionale, vient des alluvions fluviales de la Celtique 20 ; Pomponius Mela rattache à la Celtique les îles de l'étain 21. Des mines connues el, fouillées, semble-t-il, dès l'époque préhistorique ont été retrouvées dans le Limousin, notamment à Vaulry (Haute-Vienne), à Montebras et à Cieux (Creuse), au voisinage de gisements aurifères, et dans le Bourbonnais, que se partageaient jadis les Bituriges et les Arvernes, près de Néris et d'Ebreuil, au voisinage de gisements de kaolin 32 ; les plus intéressantes sont celles de Montebras ; elles consistent en une série d'excavations superficielles, en forme d'entonnoirs, disposées suivant les alignements réguliers el' creusées à '20 mètres de profondeur au maximum ". D'autres excavations apparaissent dans le Morbihan, à la Villeder, ainsi que des alluvions stannifères, qu'on retrouve également dans la Loire-Inférieure, à Piriac et à Pénestin ; le pays des Venètes a di), à un certain moment, fournir une quantité assez importante d'étain 24. Polybe 25, César", Diodore surtout27 et Strabon 28 font mention de l'étain des îles Britanniques ; ils attestent, l'importance de ses gisements et de son commerce. Diodore de Sicile, qui s'inspire de Timée, parle d'une île située en face de la Bretagne et appelée Ictis, où l'on venait en chars, à marée basse, apporter l'étain, que les marchands dirigeaient ensuite, par voie de terre, sur la vallée du Rhône 29. Pline, citant Timée, donne à cette île, marché du plumbum album, le nom de Mictis, et la place à six jours de navigation de la Bretagne, d'où l'on s'y rendait sur des barques de cuir30. La plupart des modernes identifient Ictis ou Mictis à Veclis, l'île de Wight; on a proposé aussi d'y reconnaître soit l'île de Thanet, à l'embouchure de la Tamise, soit le Mont Saint-Michel", L'extrémité 191(1, p. 307-310. 16 (;e sont les ternies mêmes de Diodore, V, 38, 17 Strate. Ill, p. 147 (Arlnbres) ; Plin. IV, 112 (Tarraconaise) ; XXXIV, 166 (Lusitanie et Gallécie) ; Pest, Avicn. Or,,, maries 359-262 (mont Cassius, près de l'embouchure de l',1nas, aujourd'hui Guadiana). 18 G. Schultz et A. Paillette, dais le Du11et. de lu. Suc. géolog. de France, 2° série, V11, 1849-1850, p. 183 sri.; V. Bérard, Op. cit. p. 445. 19 Ps. Aristot. De min-th. auscult. 50. 20 Scymn. 164-165. les Ann. des mines, série VI, t. X, 1866, p. 321-352; Dauhrèe, Aperçu historique p. 305-397 ; et Notice .supplem. ibid. 1881, I, p. 274-284 (avec une carte, p. 270) ; Ii. Desjardins, Géographie de la Gaule rom. 1, Paris, 1876, p. 420-122; C. Jultian, Hist. de la Gaule, 1, Paris, 1908, p. 78. 23 M. B(oule), d'après de Launay, dans l'Anthropologie, 1901, p. 405-496. 24 Voir, outre les travaux d'ensemble cités à l'avant-dernière note: de I,imur, dans le Bullet. de la Soc. polymath. du Morbihan, 1878, p. 124 et 1893, p. 68 ; V. Bérard, Op. cit. I, p. 444. 25 Pol. Ill, 57, 3. 26 Caes. Bell. gall. V, t2. 27 Diod. V, 31, 22 et 38. 28 Strab. 111, p. 147. 29 Diod. V, 22. 30 Plin. IV, (87. 31 Voir les textes, la bibliographie de la question et la discussion des hypothèses dans T. Biee Holmes, Ancie-nt lfritain and the invasions o£ Jialius Caesar, Oxford, 1907, p. 499 et 514 Ictis and the british Dinde in tin; Holmes se prononce en faveur du Mont Saint-Michel. STA 1460 STA sud-ouest de l'Angleterre, Cornouailles et Devonshire (ancien pays des Dumnonii), possède des filons stannifères très abondants'. On y a trouvé un lingot antique anépigraphe [METALLA, fig. 5017, p. 1865]; deux autres lingots, aujourd'hui au British Museum, ont été recueillis à Londres, dans la Tamise; ils portent inscrits d'un côté le nom de Syagrius et de l'autre le chrisme constantinien"; sur un quatrième on croit lire les traces d'une estampille impériale rd(ominorum)] n(ostrorum) 3. D'après M. Cox l'exploitation des mines de Cornouailles dut cesser au début de l'ère chrétienne: les auteurs qui les mentionnent sont antérieurs à cette époque ou s'inspirent des sources plus anciennes, Timée et Posidonius ; Pline les ignore et ne connaît Midis que par Timée °. D'après M. Haverfield, qui s'appuie sur la découverte d'inscriptions et d'objets d'étain de basse époque dans l'Angleterre méridionale, l'exploitation aurait recommencé très activement à partir de la fin du me siècle ap. J.-C.'. La question de la localisation des Cassitérides est extrêmement délicate et discutée 6. Le plus ancien auteur qui les cite est Hérodote : il se borne à dire que la Grèce reçoit l'étain, comme l'ambre, de pays éloignés. et situe les Cassitérides aux extrémités du Couchant'. Le Périple d'Himilcon, dont le poème de Festus Avienus nous a conservé la substance, connaît les îles de l'étain sous le nom d'C strymnides; il les place dans la dépendance et en face de l'Espagne'. Diodore de Sicile, qui tient ses informations de Posidonius, leur donne le même nom qu'Hérodote et les rattache à l'Espagne comme Himilcon. Il les distingue nettement des îles Britanniques'. Strabon fait de même et entre dans plus de détails: les Cassitérides, au nombre de dix, sont au delà des Colonnes d'Hercule, en pleine mer, au nord du port des Artabres; leurs habitants échangent le plomb, l'étain et les pelleteries contre des poteries, du sel et du cuivre ; P. Crassus est le premier qui en ait ouvert l'accès aux Romains ". Pomponius Mela voit en elles des îles de la Celtique". Pline sait que les Grecs les cherchent au large de la Celtibériet2, mais il ne croit pas qu'il existe de l'étain dans les îles de l'Atlantique ; c'est de la Lusitanie et de la Gallécie qu'on le tiret3. Denys le Periégèteappelle Hespérides les îles de l'étain voisines du cap Sacré et habitées par des Ibères'". Enfin Ptolémée détermine la position astronomique des dix îles Cassitérides, à une centaine de kilomètres à l'ouest de la Gallécie 1S. La majeure partie des textes établit donc un rapport étroit entre les Cassitérides et la péninsule ibérique. Aussi MM. Hildebrand" linger", Ridge way", Haver field 19, Blasquez20 proposentils de les localiser le long des côtes de l'Espagne ou du Portugal, sans s'accorder d'ailleurs entre eux sur le point particulier du littoral qu'il conviendrait de leur assigner. Mais il est fort possible que les Grecs et les Romains aient parlé de la Péninsule ibérique à leur propos uniquement parce qu'ils étaient entrés en relations avec elles par l'intermédiaire des ports de commerce de l'Espagne méridionale; comme le remarque justement M. Jullian, « les anciens ont presque toujours confondu pays de production et pays d'expédition 21 ». D'après l'opinion la plus répandue, les Cassitérides se trouvaient, beaucoup plus au nord, en Grande-Bretagne. Pour la plupart des modernes, ce sont les petites îles Scilly ou Sorlingues, qui ne contiennent pas d'étain, mais qui auront servi d'entrepôt au pays de Cornouailles". Pour George Smith u, Mommsen2i, H. Berger elles représentent la péninsule de Cornouailles elle-même, avec ses filons stannifères. Miillenhoff 26 et M. Salomon Reinach 27 y reconnaissent les îles Britanniques tout entières seules îles de l'Occident de l'Europe qui produisent de l'étain. M. Rico Holmes admet en bloc ces trois hypothèses et s'efforce de les concilier: selon les cas et les époques, le nom de Cassitérides fut appliqué tantôt à l'archipel Britannique, tantôt spécialement aux îles Sorlingues et au pays de Cornouailles". M. Siret ne veut entendre parler ni de l'Espagne ni de l'Angleterre ; il propose d'identifier les Cassitérides avec une partie de la France, le pays des Vénètes en Armorique, depuis le Morbihan jusqu'à l'embouchure de la Loire u. Diodore (le Sicile " et Strabon 31 connaissent trois régions stannifères dans l'Europe occidentale : la péninsule ibérique, les Cassitérides, les îles Britanniques; les gisements d'étain forment en effet trois groupes : Gallécie, Armorique, Cornouailles ; l'Armorique correspond donc aux Cassitérides. D'autre part, toutes les indications données par les auteurs anciens sur l'emplacement de ces dernières, au nord de l'Espagne d'après les tins, en Celtique d'après les autres, conviennent à merveille aux îles du Morbihan et ne conviennent qu'à elles seules. Enfin, s'il s'agit de l'Armorique et seulement dans cette hypothèse, on comprend bien le rôle assigné par Strabon à P. Crassus : n'est-ce pas ce personnage, lieutenant de César pendant la guerre des Gaules 132, qui soumit les peuples Armoricains en 47 av. J.-C.? C'étaient les alluvions stannifères du littoral venète que l'on exploitait ; elles durent s'épuiser assez vite : plus tard on leur préféra les filons de Cornouailles ; toutes les confusions commises au sujet des Cassitérides viendraient de la décadence rapide de leurs gisements, succédant à leur prospérité légendaire". Il resterait à savoir par quelles routes l'étain de STA l-461 STA l'Extrême Occident pénétrait dans le monde méditerranéen. Pline attribue la découverte des Cassitérides, du plomb et de l'étain à un certain Midacritus'. On voit en général dans ce personnage le héros national des Phéniciens, Melkart'. Mais l'invention du plomb et de l'étain est rapportée par Hygin 3 et Cassiodore'` à Midas, roi de Phrygie. M. S. Reinach propose de corriger dans le texte de Pline, comme le faisait déjà le P. Ilardouin, Midacritus en Midas Phryx. Les premières relations directes des peuples de la Méditerranée orientale avec les régions stannifères de l'Occident remonteraient au temps de la thalassocratie phrygienne, vers la seconde moitié du x° siècle av. J.-C. '. Le bronze à cette époque était déjà connu et utilisé depuis près d'un millier d'années : nous ne sommes pas en mesure de dire de quelle contrée provenait l'étain nécessaire jusqu'alors à sa fabrication et quels intermédiaires le transmettaient. Pour les siècles suivants, jusqu'à l'ère chrétienne, on peut distinguer trois phases dans l'histoire de ce commerce 0. Pendant la première, qui correspond à l'apogée de la colonisation phénicienne, l'étain entrait dans la Méditerranée par les Colonnes d'Ilercule; l'Espagne en avait le monopole; Gadès en était le grand entrepôt'. Ezéchiel, vers l'an 580, cite l'étain parmi les produits que les Syriens faisaient venir de Tarsis 8, c'està-dire de l'Espagne méridionale. Celle-ci le recevait des Cassitérides, Armorique ou Angleterre ; d'après Strabon, tout d'abord les Phéniciens se livraient seuls au commerce avec les îles de l'étain, partant de Gadès et cachant à tous le but de leur navigation'. C'est du trafic de ce métal si demandé qu'ils tiraient certainement leurs plus grands profits 10. Carthage se substitua ensuite à Tyr, sa métropole: le périple d'Himilcon, au début du ve siècle avant notre ère, avait pour but de lui permettre d'entrer elle-mêmeen rapports avecl'Europe occidentale ". --Dans la seconde phase, le commerce de l'étain est aux mains des Grecs ; Marseille, fondée vers l'an 600, devient le grand port de l'étain, comme de l'ambre, qui tous deux lui sont amenés du nord par caravanes t2. Le voyage de Pythéas, vers 328 321, permit aux Marseillais de reconnaître la voie maritime de l'Armorique ou de la GrandeBretagne, fréquentée par les Phéniciens et les Carl.haginois'3. En même temps, ils utilisèrent les raccourcis que leur offraient les vallées fluviales de la Gaule, pays d'isthmes, pour établir une voie terrestre plus directe et détourner de Gadès les convois de métal". L'étain venait alors principalement de Cornouailles ; sous forme de lingots cubiques, il était transporté en trente jours, à dos de cheval, jusqu'à l'embouchure du Rhône l". Le point de départ de la principale voie terrestre (levait être situé sur le territoire des Vénètes, ou plus exactement sur celui des Namnètes, leurs alliés et vassaux, à Corbilo (Nantes) 16 ; elle remontait la vallée de la Loire et, après avoir franchi le seuil de Bourgogne, elle redescendait celle du Rhône. Il faut bien admettre, en effet, l'intervention d'un peuple maritime qui allait chercher l'étain de la Grande-Bretagne au delà de la Manche; seuls les Vénètes peuvent avoir joué ce rôle". Vraisemblablement aussi, la Seine a dû servir, comme la Loire, de chemin de pénétration; les caravanes de l'étain la suivaient jusqu'à la rencontre du grand sillon de la Saône et du Rhône. I,e grand nombre des fonderies gauloises dont on a noté les traces en Normandie atteste que la basse vallée de la Seine devait recevoir facilement, elle aussi, l'étain de la Grande-Bretagne.Une troisième phase commence avec l'établissement des Romains en Gaule. Narbonne lit concurrence désormais à. Marseille'', soit que l'étain quittât le Rhône à la hauteur d'Arles pour se diriger vers le sudouest20, soit que l'expédition de Crassus en Aquitaine (56 av. J.-C.) 2f, suite de sa campagne de 57 en Armorique, ait permis d'utiliser, après un nouveau trajet maritime, du Morbihan à l'estuaire de la Gironde, la voie fluviale de la Garonne et de l'Aude reliées par le seuil de Lauraguais 22. Aux premiers siècles de l'ère chrétienne, le témoignage de Pline est formel'", il n'est plus question des Cassitérides, de l'Armorique ni (lu pays de Cornouailles ; les Romains font venir leur étain de la péninsule ibérique'''. Si plus tard l'étain de la GrandeBretagne a été de nouveau exporté, il aura pu franchir la Manche à son point le plus étroit et s'acheminer vers la Méditerranée, grâce au réseau des voies romaines, par Boulogne (Gesoriacnm), Langres (AndetniVunum), Lyon et Marseille-Narbonne. lisages. Les anciens se sont, servi principalement de l'étain pour l'allier au cuivre, dans des proportions variables, et fabriquer ainsi le bronze [AES, MICmALLA]. Ee Égypte le bronze apparaît dès la fin du Haut-Empire; il ne contient tout d'abord que très peu d'étain, de 5 à 15 p. 100". Les premières civilisations de la Mésopotamie le connaissent20. La deuxième en date des villes superposées d'Hissarlik a livré un grand nombre d'objets de bronze, qui contiennent en général de 8 à Il p, 10(1 d'étain 27. C'est peut-être en Crète, où existaient des mines (le cuivre comme à Chypre, que l'alliage fut réalisé pour la première fois dans le monde égéen ; à l'époque de Kamarès, vers l'an 2000, l'art du bronze y était déjà porté à sa perfection 23. La. poterie des Cyclades primitives suppose l'existence de vases de métal antérieurs qui auront servi de modèles pour les vases de terre cuite2''. En ce qui concerne l'Europe occidentale on tend, avec M. Montelius et l'école suédoise, à fixer entre les années 2000 et 850 avant l'ère chrétienne la durée de STA 1462 STA l'âge du bronze'. L'emploi de ce métal s'est perpétué, d'ailleurs, aux âges du fer, et il resta très usité jusqu'à la fin de l'antiquité, non plus, il est vrai, dans l'armement comme ,jadis, mais dans l'art, la parure et l'industrie domestique. De bonne heure, cependant, l'étain pur, en dehors de tout mélange de cuivre. a été employé de son côté comme matière décorative. Sa rareté et sa belle couleur lui donnaient du prix. Aux débuts de l'âge du bronze, les habitants des cités lacustres de la Suisse l'appréciaient'. On a retrouvé dans les ruines de leurs établissements de petits lingots en forme de barres triangulaires, plus épaisses d'un côté, s'amincissant jusqu'à l'extrémité', et un lingot discoïde, pesant 1800 grammes, muni d'un anneau de bronze pour en faciliter le transport : indices d'une circulation étendue et d'une consommation notable. On a retiré des lacs suisses un certain nombre de petits objets d'étain fabriqués sans doute sur place: mince plaque séparant les deux segments d'une boule d'ambre, rouelles destinées à l'ornementation du vêtement, bagues, etc. L'étai n permettait aussi de décorer d'incrustations la panse de vases d'argile; les lacs de Neuchâtel et du Bourget ont, fourni plusieurs spécimens de cette poterie. L'objet le plus remarquable qui ait été recueilli jusqu'ici provient du lac de Bienne; c'est un canard en argile noire, grossièrement modelé, jouet d'enfant ou ex-voto religieux; les pieds, les yeux, les ailes ne sont pas indiqués; sur le cou et le dos de petits filets d'étain, irrégulièrement éloignés les uns des autres, le colorent de zébrures blanchâtres'. Les textes des poèmes homériques relatifs au xaaeiTspoç posent deux problèmes . Il est singulier d'abord qu'ils appartiennent tous à l'Iliade : le xaaaiTapos est mentionné, lors du siège de Troie, comme une matière précieuse, en même temps que l'or, l'argent elle bronze 6 au contraire, il n'en est plus question dans l'Odyssée; on ne saurait admettre cependant qu'il ait disparu dans l'intervalle (les deux poèmes. M. Bérard suppose très justement qu'à l'origine l'étain n'arrivait sur les rives de la mer Égée qu'en d'exceptionnelles occasions et en petites quantités; il n'était pour les hommes de ce temps qu'une variété d'argent plus rare et peut-être plus recherchée, ne s'oxydant jamais. Dans la suite, après la. découverte de grands gisements jusqu'alors inconnus, il a dû devenir un métal courant, abondant et à vil prix. D'autre part, on s'est demandé si le xxaiér,ooç d'Homère et d'ilésiode est identique à celui des écrivains grecs postérieurs, au plumbunx album, des Romains, à l'étain des modernes. C'est en ce métal que sont faites les jambières d'Achille qui résonnent quand on les frappe' : or l'étain n'a pas assez de consistance pour qu'on en fabrique des pièces d'armement, et le son qu'il rend au toucher est sourd. Les autres passages de l'Iliade semblent faire allusion à des placages ou à des incrustations décoratives : les garnitures du char de Diomède', la bordure de la cuirasse de bronze d'Asteropaios 10, les zones de la enirasse d'Agamemnon 11 et. les dp.faao( de son bouclier", la haie de vigne représentée sur le bouclier d'Achille f3 sont. en xaccdTSpos. De même dans Hésiode, sur le bouclier d'Héraklès, Hépllaislos figure, avec le xxca(Tepoç le plus pur, un port de forme ronde oit nagent des dauphins d'argent et des poissons (le bronze1d. M. Perrot, à la suite de Berthelot, suppose qu'il s'agissait, dans ces différents cas, d'un alliage d'étain, d'argent et de plomb, analogue à celui qu'on voit incrusté dans l'airain d'une lame de Vapllio'" : ce serait un métal blanc et tendre, quoique plus ferme que l'étain pur, et présentant une autre teinte que l'argent, ce qui permettait de varier les effets. M. Helhig penserait plutôt à du bronze étamé ; mais le procédé de l'étamage était-il déjà connu? L'exemple allégué d'une ceinture d'Allifaefe est unique et douteux. Peut-être vaut-il mieux conclure, avec M. Helhig lui-même, que le poète, pour renforcer l'impression de richesse qu'il voulait produire, a parlé improprement, à propos des jambières d'Achille, du véritable xaaa(TEpoç, qu'il connaissait mal; les trouvailles des cités lacustres aideraient à comprendre les autres passages; partout le mot xaaa(TEOOç s'appliquerait à l'étain. L'emploi de l'étain, à l'époque classique, paraît avoir été toujours assez limité, et les textes qui s'y rapportent sont en petit nombre. Quelques inscriptions font allusion, semble-t-il, à son usage dans les constructions''. Il faut mettre à part tout, ce qui concerne les miroirs', dont il est question à l'article saacuauM. L'étain était peu propre, par sa mollesse, à l'exécution d'oeuvres plastiques ou de bijoux. L'auteur du traité De mirabilibus Auscultalionibu.c parle cependant d'une statue en xaaaé7cpoç, oeuvre fabuleuse de Dédàle'9. On a voulu voir aussi dans un texte de Plutarque la mention de petites images de divinités en étain 20. Des pendants d'oreilles en même matière, consacrés à Artemis Brauronia, figurent dans un inventaire du temple de cette déesse à Athènes 21. Pour l'orfèvrerie domestique, les vases d'usage commun, les auteurs anciens sont moins sobres d'indications. 11 est facile de comprendre que l'étain dans ce domaine avait un certain rôle à jouer. Son bon marché relatif, comparé au prix des métaux précieux, l'éclat de sa coloration, qui rivalisait avec celle de l'argent, sa parfaite salubrité, qui contrastait avec le caractère malsain du plomb, le recommandaient. C'est surtout pour conserver les parfums de toilette et les remèdes médicinaux qu'on avait recours à des vases ou à des boites d'étain 22. Aristote les compare aux vases d'argent.'. A Rome, Plaute connaît déjà STA i63 STA les stannea rasa'. Columelle conseille d'employer de préférence des marmites d'étain pour faire cuire le vin et les confitures de coing'. Pline engage à ne se servir que de pyxides et de vases d'étain pour les onguents et les pastilles a. Galien, Scribonius Largus et Plinius Valerianus énoncent des prescriptions identiques : les antidotes doivent être ramassés dans des vases de verre, de corne, d'argent ou d'étain et certains collyres actifs dans des pyxides d'étain a ; il faut faire bouillir l'huile dans des vases d'étains, etc. Apulée parle, lui aussi, d'un stagneum vasculum,'. Bien peu d'objets antiques en étain sont parvenus jusqu'à nous; ce métal est susceptible et périssable; il n'a pas duré comme le plomb. M. Bapst n'énumère que cinq trouvailles, deux en Italie et trois en France ". La plus riche est la plus ancienne en date : à Pesaro, dans la deuxième moitié du xviii siècle, on a recueilli une série de statuettes (Vénus, Minerve, César à cheval) et de vases de différentes formes, ainsi qu'un trépied et un candélabre, le tout très mince et finement travaillé; on voulut y voir un laraire d'enfant'. Il faut en rapprocher la trouvaille faite en 1836, à ltuvo, dans un tombeau : des fourchettes, couteaux, pincettes, trépieds, candélabres, poteries, les uns en plomb, les autres en étain, trop fragiles pour avoir servi, présentaient là aussi un caractère votif et rituel t0. En 1806, l'anse oxydée d'un vase d'étain provenant de Néris fut analysée; on constata qu'elle renfermait une petite partie de plomb (étain : 0,6968 ; plomb : 0,3042)''. Entre 1809 et 1816 plusieurs boutons d'étain furent découverts à Vézelise (Meurthe)'". Dans l'Artois, on a rencontré un petit plat circulaire, avec renflement au milieu, les côtés légèrement rabattus, renfermant un style à écrire'' et, à Bétricourt, un autre plat, où l'on a prétendu reconnaître une marmite légionnaire du ive siècle'''. Postérieurement à la publication du livre de M. Bapst, un bracelet d'étain a été découvert à Lazer (hautes-Alpes), dans une tombe contenant une parure complète, en bronze et en fer (collection de M. G. de Manteyer). L'Angleterre, pays producteur d'étain, a fourni des vases en ce métal, tous du Bas-Empire, portant des inscriptions ou anépigraphes; presque toujours des monnaies de la fin du me siècle ou du lv° les accompagnent'. Signalons notamment à Sklinghafn (Suffolk) douze patellae, sur chacune desquelles est gravé un nom romain de possesseur au nominatif u ; ailleurs, un bassin avec l'invocation utero /'dix", un autre vase avec le chrisme constantinien f6 ; en revanche, une patère, à laquelle l'aspect des lettres assigne cependant une date assez tardive, est encore dédiée au dieu Mars L'étain n'est pas propre à la frappe de la monnaie 20. Les pièces faites avec ce métal s'altèrent vite, surtout au contact de l'eau, qui les décompose. Les faux monnayeurs n'hésitaient pas néanmoins, dans l'antiquité, à en fabriquer , une loi romaine, citée au Digeste, défend l'usage des nulnna'i stannei et plulnbei"1. Les ateliers officiels, dans des circonstances exceptionnelles et particulièrement critiques, ont ils imité les faux monnayeurs :' La question est controversée, du moins en ce qui concerne la Grèce et Rome, car on sait que les rois de Numidie du n° siècle avant l'ère chrétienne ont frappé des monnaies d'étain 22. L'Œconontique d'Aristote "3 et Pollux 24 prétendent que Denys de Syracuse l'aurait fait aussi ; M. Six le conteste et croit que ces textes concernent une monnaie de cuivre, avec une proportion d'alliage d'étain, dont l'apparitioh était en rapport avec une réduction de la titra par Denys 20. La collection Récamier, à Lyon. possède sept cents pièces d'étain trouvées dans la même ville et frappées avec les coins de deniers d'argent à l'effigie de Septime Sévère et de sa famille 26. M. Babelon y voit des fausses monnaies. Lenarmant se demandait si Septime Sévère, après son expédition de Bretagne, n'aurait pas organisé à Lyon la frappe de l'étain, avec le métal venu d'Outre-Manche, pour remédier à l'insuffisance des envois de cuivre faits de Rome par l'atelier sénatorial ; si l'essai ne fut pas continué, c'est peut-être parce que la monnaie d'étain se confondait trop facilement avec celle d'argent. Les anciens connaissaient l'étamage. Pline rapporte aux Gaulois, et plus particulièrement aux Bituriges, l'honneur de l'avoir inventé ; le plomb blanc (étain), ditil, ne peut servir pour les soudures qu'à la condition de le mêler de plomb noir, sinon il corrode l'argent ; mais dans les Gaules on en recouvre des objets de cuivre, qu'il rend semblables à l'argent même, et on les appelle alors incoctilia la mode vint ensuite de recouvrir d'argent, et non plus d'étain, les pièces du harnachement des chevaux et les voitures ; le mérite de l'application revient à Alésia, a le reste aux Bituriges 27 '1. On a pensé à faire remonter plus haut la découverte de ce procédé métallurgique; volontiers on l'attribuerait à quelque peuple très ancien et nomade de l'Asie Centrale ou de l'Europe Orientale, les Tziganes par exemple, qui l'aurait de bonne heure propagé partout °. Cette hypothèse permettrait de donner au mot xxaa%TEpoç dans Homère le sens d'objet étamé, aux adjectifs xaaac ptvoç et stanneus dans les textes grecs et latins que nous avons cités plus haut, le sens d'étamé : jamais peut-être il ne serait question d'objets en étain massif. Elle expliquerait aussi qu'on ait cru constater des traces d'étamage sur la garniture en bronze d'une ceinture trouvée dans la nécropole d'Allif'ae (Samniuln)2', en dehors de toute influence biturige. Mais ces suppositions paraissent aventu ST,\ 1fi6 STA reuses ; aucun texte, aucun fait certain ne les autorisent. Homère, on l'a vu, peut se comprendre sans quon y ait recours; xxaatr otvoç et sianneus ont dû naturellement désigner tout d'abord des objets en étain, avant d'être étendus à des objets étamés ; enfin, les traces d'étamage relevées, dit-on, à Allifae, et nulle part ailleurs pour une époque aussi archaïque, restent incertaines. Il est plus sage de s'en tenir à la lettre du passage de Pline, toujours si curieux d'indiquer l'origine des industries et découvertes humaines, on l'a vu précisément pour l'étain lui-même et Midacritus. Deux observations tendent à confirmer l'assertion du naturaliste et à lui donner une singulière vraisemblance. La première, c'est que les vases et ornements antiques étamés sont particulièrement nombreux dans la Gaule, patrie présumée de l'étamage. Il suffit de rappeler ceux qu'énumère M. Bapst' : vases des musées de Dijon et de Saint-Germain, aux manches élégamment ciselés 2, patère de Bourgogne 3, série de patères, bassins, plats et cuillers à encens trouvés dans le Dauphiné en 1760 `°, vases de la Haute-Normandie ", fibules étamées d'Artois et de Flandre 6, etc. Ajoutons-y, à titre simplement d'exemple et pour la seule région bourguignonne, aux abords des ateliers d'Alésia que cite Pline, trois patères de bronze avec traces d'étamage à l'extérieur, découvertes, la première vers 1866 à Visignot (Côte-d'Or), la seconde en 1853 à Couchey (Côte-d'Or) l'une et l'autre sont dédiées au dieu Alisonus la troisième à Alésia même en 1883 ', et enfin huit vases plats de bronze étamé recueillis encore à Alésia en 1909, non plus cette fois dans les ruines de l'époque gallo-romaine, mais dans un puits-cachette du temps de l'indépendance celtique'. En second lieu, nous devons remarquer aussi que le peuple des Bituriges et la ville d'Alésia, dont Pline prononce les noms, étaient bien placés pour tenir le rôle qu'il leur assigne. La Gaule centrale, nous l'avons dit, possédait d'importants gisements stannifères, déjà exploités à une date reculée; on en a retrouvé justement aux confins des Bituriges et des Arvernes, auprès de Néris, d'où provient cette anse de vase de 1806, qui atteste une persistance de l'industrie locale sous l'Empire romain ; en outre, cette région appartient à la vallée de la Loire, grand chemin de terre que prenait l'étain des Cassitérides, d'Armorique et de Grande-Bretagne, au temps du commerce grec, pour gagner la Méditerranée. Quant à Alésia, les fouilles qui s'y poursuivent depuis 1905 montrent bien qu'elle était, dès avant la conquête romaine, l'un des centres prin cipaux de l'industrie du métal en Gaule. Non seulement, on a retrouvé sur le plateau du Mont-Auxois, avec les vases de bronze étamé de 1909, les produits d'une fabrication incontestablement celtique, mais encore on connaît depuis 1908 quelques vestiges authentiques des ateliers d'où ces produits sont sortis, moules en terre cuite et creusets en terre réfractaire qui servaient à fondre le bronze10. On n'en est pas surpris quand on songe à la position géographique d'Alésia, sur le seuil de Bourgogne ", au passage des routes de l'étain remontant les vallées de laLoire et de la Seine pour allerrejoi ndre celle de la Saône et du Rhône. MAURICE BESNIER.