Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article STATUA

STATUA. Définitions. Les Anciens ont employé un grand nombre de termes pour nommer les statues. Ils les distinguaient d'abord suivant leur destination religieuse ou profane, suivant le personnage humain ou STA 94.70 STA divin qu'elles représentaient. On trouvera des explications pour les mots ëè et et avo v' à l'article DONARIUM existait chez les Grecs quelques autres désignations plus rares 2. Chez les Latins, la statue s'appelle signum, simulacrum, statua, effigies, imago 3. On classe encore les statues, suivant leurs dimensions, en colosses, statues de grandeur naturelle, et statuettes [SIGILLUM, FIGLINUM OPUS]. Suivant leur type, on les définit imago), hhermès [HESMAE] ; ou, comme statues pédestres, (ElxlilV 7CEyT1,7CEi;txrj,statua pedestris),équestres;Etp' buco , Emntitoç, statua equestris), statues sur chars, (statuae in bigis, in quadrigis) °. L'usage était de spécifier par des termes particuliers de quelle matière étaient faites les statues, et quel aspect elles présentaient d'après leur attitude et leur costume'. Nous n'étudions point ici la technique de la statuaire (voir pour les statues de marbre ou de pierre, sCULPTURA, pour les statues de bronze, STATUAHIA ARS); nous nous occupons seulement de l'origine et du rôle des statues, de leur disposition dans les monuments sacrés ou profanes, publics ou privés, enfin de leur mise en place, de leur entretien, et de leur destinée. 1. Origine et rôle des statues. En Grèce, le principe créateur de la statuaire est d'origine religieuse; les premiers sculpteurs d'idoles ne visent pas à satisfaire quelque instinct esthétique, mais obéissent plutôt au besoin inconscient d'élucider la notion divine par l'image. C'est une des raisonspour lesquelles la plastique débute assez Lard 6. Il fallait que son apparition fût préparée par un premier travail de réflexion, organisant au préalable le type des puissances supra-humaines. Avant la période d'existence de la statue, on adore les (lieux comme des forces le plus souvent invisibles, et capables d'animer à l'occasion n'importe quel objet'. Les souvenirs de cette époque de croyance subsisteront assez tard. Longtemps après la création de la statuaire, à l'époque classique, certains xoana étaient considérés encore comme de véritables fétiches'. La divinité passait pour s'y incorporer temporairement ; ils étaient la divinité même 9. A cette 'période tout à fait primitive succède la période aniconique, où la statue n'existe pas véritablement, mais se pressent sous les formes de plus en plus anthropomorphiques du symbole ". Les (lieux sont d'abord généralement des pierres brutes, [ARGOILITHOt], très souvent des aérolithes 14, qui, par leur origine mystérieuse, leur couleur noire, leur forme, frappaient vivement l'imagination populaire. Jusqu'à la fin de la vie grecque, on conserva dans certains sanctuaires " y ces symboles naturels que l'on considérait comme la maison d'un dieu [BAETVLIA] i ". Encore à l'épo que de la décadence hellénique, les fidèles venaient les arroser d'huile ou les couronner de bandelettes ". Peu à peu, l'instinct de symétrie conduisit à façonner ces pierres suivant des formes régulières et géométriques; on eut ainsi des pyramides, des cônes, des colonnes, ou des piliers (fig. 6587, 6588) '5. Beaucoup de ces symboles avaient subsisté en divers points de la Grèce et du monde antique à l'époque de Pausanias. Le plus célèbre était le cône sacré de Delphes [omvnALos]. On leur rendait un culte 1G, mais en certains endroits on ne comprenait plus leur valeur symbolique, et on les interprétait comme des sièges ayant servi à des dieux ou à des héros17. Un progrès décisif vers la création de la statue fut fait lorsqu'on eut l'idée d'envelopper certaines de ces idoles avec des chapes empruntées à la garde-robe des temples (fig. 6589), quelquefois de les couronner avec des mitres ou des diadèmes 18. Pour que le symbole fût en rapport plus étroit avec la di vinité, on inventa alors d'y ajouter Fig. 6589.Héra quelques parties caractéristiques de Samos. de l'être vivant; en même temps, ces transformations devaient faciliter la mise en place des offrandes ; on eut de la sorte des piliers pourvus d'une tête, de bras rudimentaires, d'un phallus99; l'hermès était créé (fig. 6590), forme intermédiaire entre le pilier et la statue, qui devait STA 1471 STA se conserver pendant toute la vie antique [nERMAE]. On ajoutait quelquefois au symbole certains accessoires, amulettes ou armes e ; cette idée conduisit à imaginer le palladium (fig. 6591), symbole déjà presque complètement a nthroporno r•pllique 2. Des lors, la forme humaine se dégagea de plus en plus de sa gaine; si, dans certaines statues de culte, l'apparence rigide, hiératique, devait subsister toujours (fig. 6592)3, on peut considérer néanmoins que la statue existait à l'état indépendant au début de la période des xoana. Il faut noter qu'avant cette date la pierre n'avait pas ét.é seule à fournir les symboles divins ; on adorait pareillement animaux. Or ces formes primitives du culte ont eu aussi leur influence sur le développement de la statue. La zoolatrie a fourni à la sculpture des types hybrides que l'esprit grec réussit difficilement à éliminer"; d'autre part, certains xoana gardèrent le type de l'arbre, de la planche, ou de la poutre jusqu'à la tin de la vie grecque, il y eut aussi des divinités arbres n (fig. 6593 ; cf. fig. 443, 2237), auxquelles on attachait, comme aux arbres sacrés, des bandelettes et des figurines. Cette évolution du symbole aniconique à l'idole explique certaines particularités du type des statues; elle fait comprendre même ce que fut primitivement le rôle des effigies sacrées. Issue du symbole, la statue ne vise point d'abord à être un portrait véritable du dieu: elle est sur tout le signe de sa présence, son enveloppe apparente. La raideur et les conventions des premiers xoana ont pour cause non seulement les difficultés matérielles de la représentation plastique, mais le respect. du type divin, le désir de reporter l'esprit aux primitifs objets d'adoration. Cette piété fut assez longtemps un obstacle aux progrès de la statuaire; les nouveaux artistes ne cherchèrent d'abord qu'à reproduire les idoles anciennes '; dans les colonies, on imitait exactement les statues de la métropole a. Entre le symbole et la statue, il y avait pourtant une différence capitale. Tandis que le bétyle ou l'arbre sacré sont considérés comme récélant originaire ment un esprit mystérieux qui s'y incorpore, la statue ne devient, demeure sacrée que par le fait de la consécration (ipualc), qui y attire le dieu ; c'est même la consécration qui', primitivement, détermine l'identité de la statue, tous les types divins étant semblables. Cette différence capitale provoquera toute l'évolution de la statue grecque. Nous STA 1472 STA la voyons perdre peu à peu son caractère religieux, à mesure quela notion première s'efface, et que le rite de consécration devient moins important. Les plus anciennes statues sont des aoana' (fig6593, 659i ; cf. fig. 1910, 2367), généralement taillés dans le bois, moins souvent en pierre2. Malgré leur gaucherie, ils témoignent déjà d'un grand progrès technique, et surtout d'une profonde évolution religieuse. L'homme est désormais capable de représenter à sa ressemblance des dieux dont il commence à fixer l'image et le caractère. Les Grecs avaient conscience de cet effort, et ils attribuaient les plus perfectionnés des xoana au légendaire Dédale ]DAEnALUS]. C'est à propos de ces idoles, encore toutes proches des origines, que nous concevons le mieux 'ie que représente primitivement la statue à l'esprit grec. Le xoanon est le dieu en personne', agissant et vivant, tourmenté des mêmes instincts, des mêmes besoins que l'homme. Dans le culte qu'on lui rend, on cherche surtout l'occasion de le servir et de le soigner à la manière humaine.: on le lave, on l'alimente, on l'habille4.11 est le substitut du dieu dans le culte et exerce les prérogatives sacrées'. Souvent, on cache son nom pour empêcher qu'un ennemi n'agisse sur lui par puissance magique °. Non seulement il a des serviteurs attentifs à contenter ses désirs', mais pour réjouir son regard, on place sous ses yeux d'autres divinités et ses adorateurs mêmes Il est vrai qu'on l'attache pour l'empêcher de quitter la contrée qu'il protège, ou de venir troubler la tranquillité des mortels 9 ; car on est persuadé qu'il peut marcher, qu'il est animé d'une vie secrète, au besoin hostile, et toujours prête à se manifester 10; à l'occasion, on n'hésite pas à agir sur lui par des moyens matériels pour le contraindre à satisfaire aux désirs des fidèles; à Athènes, aux Sl:irophories, on couvrait un xoanon de poussière pour lui faire comprendre que la campagne desséchée avait besoin de pluie". -Ces figures conservèrent leur puissance sainte et leur caractère divin longtemps après que la foi populaire eût commencé à décroître 12. Le xoan on était ordinairement statue de culte dans le temple" ; on entourait son histoire de légendes surprenantes ou terribles. Il passait pour être tombé du ciel", ou pour avoir été créé selon la volonté des dieux " Souvent on le croyait capable de provoquer la cécité, la folie ou la mort, pour se venger de ceux qui eussent osé porter la main sur luif0. Lorsque le xoanon ne pouvait manifestement se recommander d'une origine divine, on le disait venu parla mer de lointaines régions, ou apporté par des personnages mythiques". Les cités se disputaient la possession des plus anciens, des plus illustres'. On allait, jusqu'à se les voler, par piété, de ville à ville 10. Dans une place menacée, on les emportait à la veille de l'assaut L0. En cas de péril, le xoanon offrait un refuge aux suppliants, qui venaient embrasser ses genoux (fig. 1208, 2367, 2369, 5673) ; le dieu punissait toute atteinte au pouvoir protecteur de sa statue 31. C'est à partir du v' siècle que commence à apparaître en Grèce le mouvement d'esprit qui changera tout à t'ait le rôle et la signification des statues. La foi religieuse n'est pas morte, mais un autre instinct déjà germe et grandit : l'instinct artistique. Cette puissante tendance va peu à peu supplanter l'esprit religieux, qui fut toujours moins vif en Grèce qu'en Orient, parce qu'on ignorait en grande partie le symbolisme des rites primitifs. Jusqu'au ve siècle, il n'y a en Grèce que des statues religieuses ; même les statues d'homme se justifient par un intérêt de piété. Mais après cette date, la statue tend à devenir seulement une oeuvre d'art ou un µv-71p.a STA 1.473 STA profane. On sera aussi flatté de posséder dans un temple une belle statue d'un maître récent que le plus vénérable, le plus mystérieux xoanon. On commence mêrne à remarquer le ridicule des anciennes idoles; on ne se prive pas de railler leurs postures étranges, leur raideur'. Les nouvelles divinités provoquent une admiration assurément plus enthousiaste, mais nullement religieuse; on croit fort peu à leur vie secrète 2; le caractère grave ou terrible des dieux archaïques s'est atténué dans la statuaire comme dans la légende 3 ; à la place des xoana barbares, disparaissant sous les étoffes, les attributs et les offrandes, les dieux nouveaux ont l'air de splendides athlètes ou de gracieuses jeunes femmes, et ne sont que des mortels « en état de gloire » ; comme leurs traits détendus font paraître une grâce bienveillante, l'art prend des libertés avec eux ; on s'habitue à les considérer avec des sentiments tout humains'. Dès le ive siècle, on a tellement oublié déjà le sens religieux des effigies divines que l'Aphrodite de Cnide inspire à un jeune homme une passion sacrilège'. Plus tard, Lucien composera avec les traits des déesses de Calamis, Phidias, ou Praxitèle, le type idéal d'une beauté complaisante Le même Lucien hiérarchise les dieux « selon leur mérite, c'est-àdire la matière dont ils sont faits » 7. On ne craindra plus, à telle époque, de voler aux statues divines les attributs de leur puissance 6. En même temps que la statue devient surtout oeuvre d'art, la sculpture cesse de s'intéresser uniquement à la glorification des dieux. Elle consent, au service des particuliers et des villes, à illustrer le souvenir des bons citoyens et leurs mérites publics. Par là encore, la statue perd de son caractère religieux. Avec la décadence des mœurs, l'art se mettra de plus en plus au service de la flatterie; on peut dire que le respect des effigies de toutes sortes diminue à mesure que le nombre en augmente. Dans la province d'Asie, à l'époque romaine, on est devenu incapable de distinguer entre les honneurs divins et les honneurs humains. De simples gouverneurs, à plus forte raison les VIII. rois, ont tin temple et des prêtres pour leur statue'. Les formules des dédicaces reflètent le changement d'esprit ; non seulement hommes et dieux y voisinent d'égal à égal, mais il arrive que l'on consacre la statue d'un dieu à un homme 1C, A Rome même, il devient de règle de figurer les empereurs sous les types consacrés en Grèce pour les dieux, et de traiter leur statue comme effigie sacrée". Pour achever de détruire le sens religieux des statues, l'ornementation privée s'en empare; à partir de l'époque macédonienne, la statuaire de genre s'emploie à décorer les maisons et les parcs; on n'apprécie plus alors les statues que pour leur valeur esthétique ; les temples eux-mêmes deviennent des musées 19, avec lesquels rivalisent les collections des particuliers et des rois 15 C'est le moment oit une société raffinée commence à s'intéresser historiquement à l'art". On pourchasse en Grèce et en Asie, jusque dans les sanctuaires, les originaux célèbres. On les copie, on les adapte à outrance. Jamais la statuaire n'a eu tant de diffusion 15, et en apparence plus de gloire ; l'Eros de Thespies attire les touristes du monde entier avant que Néron l'enlève à la ville déchue 16 Aux fêtes de cour données par les souverains d'Égypte et d'Asie, de magnifiques statues, vêtues d'or, défilent en processions Mais cette gloire est suspecte. A partir de l'époque Iiellénistique,la statue vise à l'effet ; elle a conscience, semble-t-il, de plaire surtout par ses dimensions colossales, ou pour des circonstances piquantes, bizarresi6. Comme on a moins de respect pour elle, on l'utilise à des emplois matériels; elle devient clepsydre, lampadophore, ou fontaine", à moins qu'elle ne serve au charlatanisme des faux devins 20. C'est la superstition populaire qui garde le plus pieusement, de la Grèce à Rome et jusqu'aux temps modernes, un souvenir décoloré du sens originel de la statue ; le peuple croira longtemps qu'elle est vivante2l, comme à l'époque oh le dieu habitait mystérieusement sous son enveloppe de bois ou de pierre. étant aux origines en relation étroite avec la vie reli 185 STA 1471 STA gieuse, c'est d'abord pour les besoins du culte qu'on l'emploie : ensuite seulement, elle sert à la décoration des villes, aux hommages rendus dans la vie publique ; en dernier lieu, on en dispose pour la satisfaction des besoins des particuliers. L'ordre logique que nous allons suivre se trouve donc être à peu près un ordre chronologique, autant qu'une séparation systématique peut correspondre à la réelle et historique évolution de la statue. (lieux hors des temples. En Grèce, dans la vie religieuse, et même à l'époque classique, la statue, étant le substitut du dieu, est plus nécessaire an culte que le temple. Lorsqu une statue venait à disparaître d'un sanctuaire, il arrivait qu'on abandonntît la place'. D'autre part, dans une ville comme Athènes, un dieu de l'importance de Zeus Soter se passait fort bien de temple, et se contentait d'une simple statue'. Beaucoup de centres religieux étaient établis en plein air, autour d'effigies placées sur les montagnes ou sur les collines dans les bois sacrés', près des fontaines et des sources e [AQUAE, fig. 395], au bord des mers ', au long des routes 8, sur les limites agraires 0 ; les symboles divins qu'on y trouvait, souvent des xoana fort antiques 10, étaient protégés par de simples édicules ou placés dans des niches 12; lorsqu'on le pouvait, on les abritait dans les grottes ou les cavernes 13 ; quelquefois on les logeait dans les arbres (fig. 448)''' ques et les Propylées avaient leurs statues sacrées15; l'Acropole 16, l'Agora les monuments publics destinés à la vie civile ou aux fêtes18 regorgeaient d'effigies de dieux : il y en avait encore de ci de là par les rues, sans compter les hermès [IERMAE], qui, dans les carrefours, étaient honorés d'offrandes non sanglantes par la piété publique. Statues de dieux dans les temples. Le temple n'est primitivement que la maison de protection du symbole divin. La façon dont y sont disposées les statues révèle en détail l'évolution que nous avons déjà sommairement signalée : on va des principes religieux aux principes esthétiques. Au début, on veut, par le moyen des effigies sacrées, créer une sorte d'enseignement visuel, mettre sous les yeux des fidèles un dieu, une famille de dieux, ou quelquefois un cycle de légendes. Plus lard, on cherche surtout à compléter l'effet de la décoration architecturale en même temps qu'on vise à réunir dans les temples le plus grand nombre possible de chefs-d'oeuvre. C'est dans la cella que se trouve la statue de culte, l' 8uç20. Elle est parfois invisible aux fidèles, ou STA 4.75 STA visible seulement certains jours'. Quelquefois elle est placée, bien en vue, sur une colonne; quelquefois elle a pour base un piédestal (cf. plus haut fig. 6594; cf. fig. 326), ou un trône (fig. 6595)2. Il arrive qu'on l'abrite derrière un voile ou dans une aedicule en forme de châsse ou de chapelle ; il arrive aussi qu'on la sépare du reste du naos par une balustrade, Epnp.x, soit pleine, soit à jour, s'élevant à hauteur d'appui'. Elle est debout ou assise, et disposée de façon à recevoir commodément les adorations 4. A l'origine, c'est d'ordinaire un xoanon : une statue de bois était plus facile à transporter pour les besoins des cérémonies. En certains endroits, cette effigie, souvent grossière, était honorée directement par la piété des fidèles; on la couvrait de guirlandes, de tablettes votives, ou même d'offrandes plus singulières, par exemple de chevelures. A mesure que les principes esthétiques triomphent', on tend à remplacer le xoanon par des statues d'exécution plus moderne, richement travaillées dans le marbre, le bronze, et souvent dans l'ivoire et l'or; le demi-jour de la cella était particulièrement favorable aux statues chryséléphantines [EBUR] '. Dès lors, les xoana disparaissent des nouveaux temples et sont relégués dans les vieux édifices, oit on les conserve surtout comme reliques 6. Rarement les anciennes et les nouvelles statues coexistent dans la cella' ; en tout cas, les effigies les plus récentes prennent de plus en plus l'importance principale. Parfois le désir de rappeler le passé fait placer dans leurs mains les antiques xoana le Mais elles ne sont le plus souvent que des adaptations très libres des types primitifs ". Peu à peu leurs dimensions grandissent jusqu'à excéder les proportions du temple 12. Ces statues colossales expriment le suprême effort des cités rivales et de l'art dans la représentation des dieux. Les anciens sanctuaires devaient être d'abord des édifices restreints, comparables aux ]araires pour le peu d'étendue 1'. Lemaitre du lieu y avait seul son effigie, sauf le cas de temples dédiés à plusieurs divinités parèdres, Seo: auvvxol i4 ; on resserrait alors les statues de culte sur la même base 15, ou bien on divisait le naos en deux par un mur de refend, de façon à ce que chaque statue occupât un des côtés de la cella 'a. La première infraction à cette simplicité primitive se produit lorsqu'on place, à côté de la divinité principale, d'autres dieux qui ont avec elle un rapport plus ou moins étroit de filiation mythique, ou dont la présence ne peut s'expliquer que par des légendes locales 17. On est alors amené à constituer de véritables familles de dieux 13 ; les statues secondaires sont rangées autour du simulacre principal, quelquefois sur des degrés en contre-bas 1e. Ces groupes exposent la destination du temple, l'histoire des dieux qu'on y honore ; ils complètent l'instruction qu'offrent les sculptures décoratives des frontons et des frises 20. Il est vrai qu'avec le temps, la théoxénie devenant plus large et les statues plus nombreuses, on renonce à l'étroitesse rigoureuse du principe sans aucune parenté avec le maître du temple, des dieux nouveaux s'introduisent dans la cella 21. Ces dieux habitaient depuis longtemps au voisinage, mais sans avoir obtenu d'abord l'accès de la partie vraiment sacrée de l'édifice. Leurs statues formaient les â [Lat Tl, placés ordinairement dans le pronaos. Ils figuraient là comme la cour du dieu principal, et semblaient venus en bobs voisins pour le réjouir de leur compagnie. Leurs statues étaient dédiées au maître du sanctuaire' ; elles se mêlaient â celles des dieux locaux dépossédés, des héros introducteurs du culte, fondateurs des jeux ou du culte 23. Lorsque le principe religieux se fut affaibli, on fut conduit à multiplier les ày).p.m.x: un mouvement général faisait souhaiter partout, même dans les plus humbles cités et les pays les plus reculés 28, quelques-uns des chefs-d'oeuvre que créaient les artistes des grandes villes d'art. Naturellement les centres célèbres profitèrent les premiers de l'abondance des statues 25. Avec la facilité accrue des communications, la religion était devenue moins locale; on apportait dans les temples principaux les effigies des petits possesseurs de sanc STA 4476 STÀ tuaires' ; il fallut à la longue les reléguer jusque sous les portiques, dans le péristyle Là même, ces statues gardaient au moins leur signification esthétique. Elles étaient comme les annexes du temple, détachées et éloignées des parois murales, mais unies à l'édifice dont elles étaient les « membres dispersés ». Leurs piédestaux ramenaient la pensée vers les supports des architraves. Les colonnes qui les soutenaient semblaient soeurs des colonnes du temple 3. 3. Statues d'hommes dans les temples. Outre la statue de culte et les àyz)mu.a-rx, les temples recèlent encore la multitude des statues d'offrandes, àvzOrip.z'rX [DONAnlus]. Ce sont le plus souvent des statues de mortels. L'usage est ancien et révèle bien l'étroit rapport primitif de la statuaire avec la vie religieuse. On veut rester sous le regard même de la divinité, pour mieux s'assurer sa constante faveur; d'autre part, on espère, étant placé dans le temple, bénéficier de la vie divine et du profit matériel des sacrifices. Car, à l'origine, la statue d'homme, comme la statue de dieu, est la personne même ; elle participe dès lors à tous les besoins des êtres vivants : dans les dédicaces de consécration, on a soin de recommander tel ou tel aux dieux en général, mieux encore à un seul protecteur particulier ; cet usage s'est conservé jusqu'à la fin de la vie grecque Mais plus tard cette précaution pieuse ne fut plus, semble-t-il, qu'un détour; comme on n'osait s'ériger à soi-même ou ériger à ses proches une effigie, privilège à l'origine divin, on évitait l'iâplç en consacrant la statue aux Immortels'. Primitivement, on satisfaisait aux prérogatives des dieux en se gardant d'élever à des hommes des statues iconiques. C'est assez tard que l'àvzO-r;(I.x s'achemine à reproduire le portrait individuel. Il n'est d'abord qu'une effigie impersonnelle', destinée à charmer, par sa beauté et même par sa seule présence, le coeur du dieu. Son rôle est de rappeler, à l'occasion, un sacrifice ou une offrande', mais non les traits précis du sacrificateur, du donateur. Telles sont les célèbres Korés de l'Acropole (fig. 6596), interprétées d'abord, lors de leur découverte, comme statues d'Athéna, prêtresses, ou orantes d. Tels sont aussi, en grande partie les Kouroi archaïques (fig. 6597), improprement appelés Apollons°. Avec eux, nous avons le type primitif de la statue d'offrande. Plus tard, les idées ont changé. Les hommes veulent surtout défier la mort, en faisant fixer dans le marbre ou le bronze un souvenir exact de leurs traits [IMAGO]. Les statues d'offrande sont généralement placées dans le péribole des temples, ou dans les bâtiments accessoires. Elles sont dressées sur des colonnes ou sur des bases (fig. 6589)", à ciel ouvert ou sous de petites aedicules ; à demi-cachées par les arbres, animées STA 1 477 STA par l'ombre mobile des feuillages, elles forment un peuple pressé aux couleurs papillotantes; la patine sombre des bronzes faittache au milieu de la polychromie des marbres. Les statues s'unissent parfois en groupes' ; au milieu d'elles, dans les grands sanctuaires, les ex-voto de haute stature semblent jaillir d'un plein essor vers le ciel'. Point n'est besoin de mérite éclatant, ni même d'un titre quelconque à la faveur céleste pour offrir au dieu sa propre statue. L'usage est absolument libre 3, et les motifs (Te consécration très divers: pour un succès, pour un service reçu ou même demandé, chacun peut faire édifier son effigie'. On consacre aussi les membres de sa famille, ses bienfaiteurs, ses amis 3. A partir du ve siècle, le progrès du luxe et de la vanité entraine toute la Grèce à un débordement d'offrandes. Les statues de personnalités insignifiantes, reproduites avec l'exactitude de portraits, abondent dans les temples et les lieux sacrés'; comme on hésite à les détruire de temps en temps avec les ex-voto de moindre valeur [FAVISSAE1, on en encombre l'opisthodome, transformé en garde-meuble, et les chapelles particulières ou Trésors rDONARIOMI Si l'on songe que les temples contenaient encore les groupes mythologiques d'offrande$ et les consécrations publiques dont il sera parlé plus loin, on comprendra comment, à la longue, certains sanctuaires devaient ressembler à des expositions permanentes, à nos musées actuels. On finissait par y collectionner les statues uniquement pour le plaisir des yeux° Ainsi, dans l'Heraion de Samos, on avait cherché à réunir les plus célèbres chefsd'oeuvre'0 ; dans l'Heraion de l'Apis, on apportait du dehors les pièces rares qu'on enlevait à d'autres édifices 1l; on avait constitué de la sorte toute une série de statues chryséléphantines, rassemblées pour le plaisir des visiteurs et la commodité de l'entretien matériel12. époque où l'on commentait déjà à oublier l'origine religieuse et le sens primitif des effigies, la Grèce invente de récompenser les mérites des citoyens par l'érection de statues honorifiques, âv' o: avre,. Ii semble qu'on ait commencé par celles des athlètes, qui n'étaient pas à l'origine des portraits, mais des représentations impersonnelles destinées à conserver la mémoire de la force ou de l'agilité des vainqueurs 16. En dehors de ces statues, les offrandes publiques sont rares au début, et supposent toujours des motifs exceptionnels''. Le yx),xoGw •etvx z'c-naxt était presque alors une èocotx-r, rtw'il. Les premières statues iconiques élevées à Athènes l'ont été en l'honneur de Solon 11, puis plus tard des Tyrannoctones 18 (fig. 6h99, 6600) et de Conon. Bien que de telles effigies aient été installées postérieurement jusque dans les temples, au milieu des offrandes privées, leur principe est tout différent : elles sont moins un acte de piété aux dieux que l'expression d'une décision de la cité, dont le pouvoir commence à gran dir et à s'affirmer à côté du pouvoir divin. 11 s'en suit que, tandis que l'érection d'une statue d'offrande est toujours libre, c'est la cité seule qui concède l'honneur des statues iconiques. La décision émane soit du peuple soit du conseil, ou à Athènes, à l'époque impériale , de l'AréopageLe droit peut com porter des limitations ; les frais sont ordinairement à la charge des intéressés ou de leurs amis ; la place du STA 1478 STA monument est souvent assignée. A Athènes, il a été défendu, au moins à certaines époques, d'élever des statues à côté du groupe d'Ilarmodios et d'Aristogiton, isolé en évidence sur l'Agora'. Seuls ceux qu'on appela les Sauveurs, Démétrius Poliorcète et Antigone, et plus tard les nouveaux Tyrannicides, Brutus et Cassius, eurent droit de voisiner avec les premiers libérateurs du peuple'. Une petite partie des statues honorifiques aujourd'hui connues provient des temples. L'usage est tardif et exceptionnel ". Les plus grands mérites étaient souvent récompensésauxoriginespar une simplepeinture4. Quand la coutume des statues est adoptée, c'est la haute antiquité des sanctuaires et leur célébrité qui déterminent à y placer de préférence les personnages récompensés à titre public. L'honneur est d'autant plus estimé que la statue se trouve plus rapprochée du dieu'. Il est assez rare cependant qu'un mortel ait obtenu de prendre place dans la cella avant l'époque de décadence'; généralement, on choisit à l'intérieur de l'enceinte sacrée un autre endroit plus ou moins en vue selon l'importance du personnage honoré 7. Dans le péribole, c'est le côté de l'entrée qui est le plus recherché. Les vainqueurs aux grands concours sacrés, les fondateurs de cérémonies ou de jeux y trouvent place assez naturellement. Les statues de sculpteurs ou d'architectes, de prêtres et de prêtresses, qu'on rencontre à côté sont presque toujours des offrandes privées On compte plutôt comme offrandes publiques les statues d'orateurs ou hommes d'États, puis, à partir du Ille siècle, les rois, empereurs 10, villes, peuples, ou corps administratifs". Dans bien des cas, l'érection d'une statue de ce genre était avant tout une mesure politique; aussi les changements de régime bouleversaient-ils le peuple des temples 19. Comme les statues honorifiques des sanctuaires risquaient d'être confondues avec des offrandes privées, il arrivait qu'on élevât à la fois deux statues à un même personnage, l'une dans un temple, l'autre en quelque endroit profane. Il semble même qu'on ait préféré les places ou les monuments publics aux lieux sacrés. Cela explique comment, pour la plupart, les statues mentionnées par Pausanias sur l'Acropole sont des offrandes privées. En dehors des temples, l'Agora, centre de la vie des cités, est la place de prédilection pour les statues iconiques. Elles s'y ressemblent en foule, placées en plein air, ou sous les portiques, ou dans des niches spéciales tantôt rectangulaires, tantôt demi-circulaires u. Elles rappellent le souvenir des héros locaux, des éponymes, des protecteurs de la ville ou de la constitution, des généraux victorieux ; les prêtres et vainqueurs de jeux sont rares; par contre, les rois et princes abondent, aussi bien que les hommes d'État, les poètes, les artistes 14. Souvent la statue résulte de l'initiative d'une cité étrangère, honorant pour service rendu certains citoyens d'une autre ville 15. Les divers monuments profanes ne sont pas moins bien partagés que l'Agora. Le Prytanée, le Bouleutérion semblent avoir été réservés à des mérites de premier ordre 16. A partir du 1v° siècle, les théâtres et les odéons s'enrichirent d'effigies de poètes, d'acteurs, de musiciens ; à l'époque romaine, ils reçurent les statues iconiques des princes 17. Aux hippodromes, aux gymnases, aux stades, aux palestres STA 109 STA appartenaient de droit les portraits de ceux qui les avaient fait construire 1. Ils voisinaient là avec les maîtres de la jeunesse [EPHERI], avec les triomphateurs de la beauté, de la force, de l'intelligence 2. Restaient encore aux amateurs de bustes ou de statues les écoles, les bibliothèques, les jardins, sans compter les rues, où les personnages de marbre et de bronze, placés sur des piédestaux bas, semblaient vouloir se mêler encore à la foule des vivants 3. C'est à partir de la guerre du Péloponèse que les statues iconiques, à Athènes et dans toute la Grèce, se multiplièrent à l'infini. A l'époque de la décadence on les accordait par dizaines à un même homme; on ne les refusait à personne ; toutes sortes d'inconnus durent alors encombrer les places et les temples Pour les rois et les grands personnages on ne put longtemps se contenter des-honneurs permis à tous : il fallut créer des sanctuaires spéciaux, honorer les statues iconiques comme des statues de culte 5. A cette période d'héroisation, de divinisation à outrance, il semble que la Grèce se souvienne qu'entre les dieux et l'homme elle a mis seulement une différence de degré. A la longue, les statues devinrent si nombreuses qu'on ne put suffire à tailler les nouvelles ; on réemployait les bases, quelquefois même la statue presque entière, en changeant la tête et l'inscription'. Encore est-on surpris, en constatant le nombre des décrets où l'honneur de la statue est concédé, que si peu de monuments soient parvenus jusqu'à nous. Comme les frais étaient à la charge des intéressés, il faut penser que le souci de l'économie fit adopter souvent l'Eixiov yexaiq, peinte sur bouclier [CLIPEGS] 7. Peut-être aussi bon nombre de statues restèrent-ellesà l'état de principe dans les archives publiques. logiquement son évolution lorsqu'elle se met au service des particuliers. Pourtant, historiquement, à cause de son rôle tout d'abord religieux, elle a commencé de bonne heure à s'employer dans les cultes privés et dans l'ornementation funéraire. Les chapelles de culte privé ont existé partout en Grèce malgré les grands temples, centres 11u culte public. On a remarqué dans les villes hellénistiques, à Priène par exemple, que les deux formes de piété sont en rapport étroit: les dieux des grands temples sont aussi les dieux des petites chapelles. Mais le plus souvent les cultes privés se sont développés surtout dans les villes d'importance secondaire, où il n'y avait pas de temple public pour tous les dieux; dans ce cas, certaines statues sacrées habitaient chez des particuliers, qui en étaient prêtres'. Nous avons là l'exemple de cultes arrêtés à mi-chemin de leur développement et qui n'ont pas franchi la période de l'organisation par y€v-ri. Dans la campagne, chaque domaine avait ordinairement son lieu de culte, muni d'une statue ou de statuettes. Certaines contrées étaient ainsi peuplées de petites chapelles dédiées à Artémis, à Aphrodite, aux Nymphes 9. liermes promettait la fécondité aux enclos. Les patres décoraient les grottes des bois et des monts avec f des effigies rustiques de Pan 10. Sur certaines représentationsantiques, on voit un hermès dressé sur une colonnette à l'abri d'un arbre consacré , devant lequel est une table d'offrande (fig. 6601) "; tels devaient être ces lieux de culte. Dans les villes, les maisons avaient toutes leurs sanctuaires privés [LARES, 51GILLUDI] : à chaque partie de la demeure étaient assignés des dieux spéciaux, ordinairement figurés par des statuettes en bois, en argile ou en plâtre, sans grande valeur artistique ; on les plaçait tantôt dans des édicules [fig. 660'.1), STA 1!ï80 STA ou des niches, tantôt dans des coffres, des amphores ; quelquefois on les fixait avec des chevilles sur les stèles en place I. La coutume des statues de grandeur naturelle dut naître assez tard et resta rare 2. En Attique, (levant la porte des maisons on dressait hermès, ou Hécate, ou la pyramide d'Apollon Agyieus ; Hermès Strophaios surveillait l'entrée; Zeus était dans I'aü)r1. Les 060. aa2pii3ot et les test xtifrawt se partageaient les appartements, et jusqu'aux cuisines". Chacun honorait chez soi, librement, les protecteurs de son travail ou de sa vie". Les statues funéraires se rattachent déjà moins étroitement que les statues des cultes privés au principe religieux. Aucune croyance à la nécessité du double pour la survie du mort, comme en Égypte, ne justifie en Grèce la coutume de telles effigies 3. Le mort a ses amulettes sEPiLCRCM'' °. La statue funéraire n'est donc point pour lui un fétiche. A la vérité, elle se rattache comme la stèle au principe du 6=1u.m ; elle est destinée à représenter le mort en état d'héroïsation, c'est-à-dire avec un caractère déjà semidivin; c'est par cette intention qu'elle s'explique et se justifie à l'origine. Elle est restée rare. Quoique confiée d'ordinaire à des praticiens de second ordre', elle était coûteuse pour des particuliers. Or les Grecs, au contraire des Orientaux, ont toujours tendu, à partir de l'époque mycénienne, à restreindre le luxe de la demeure funèbre 8. Même, une loi somptuaire de Solon avait défendu quelque temps la mise en place d'hermès sur les tombes'. A part les êtres mythologiques, Sphinx, Sirènes, IIarpyes, Néréides, et les animaux fantastiques ou réels qui symbolisent, comme en Orient, les génies de la mort veillant sur le tombeau10,la statuaire funéraire traite le type humain". Elle a eu sans doute les mêmes antécédents que la statuaire ordinaire 79. Elle semble avoir débuté à une date fort ancienne. Plusieurs des prétendus ir Apollons » archaïques (fig. 6603), et même quelques Korés doivent être considérés comme nous offrant le type des premiers a~lp.cra en ronde bosse'"; plus tard, sans abandonner encore la représentation impersonnelle, on prête au mort héroïsé une figure idéale et les attributs divins ce sont les types de la grande sta tuaire avec un travail un peu plus rapide. Les morts sont souvent groupés par couples. Les hommes sont en Hermès, debout près d'un tronc d'arbre où s'enroule le serpent (fig. 6604), ou appuyés sur un cippe 14. On voit STA 1!x81 STA paraitre quelquefois comme sur les stèles les personnages conventionnels du cavalier, de l'homme armé Les femmes, drapées, souvent voilées (fig. 6605), sont debout ou assises'. Seul un geste discret indique la mélancolie de la mort. Quelquefois, surtout pour les femmes, la statue se réduit à un buste'. A mesure qu'on tend vers l'époque romaine`, et surtout après l'invention du modelé sur cadavre, la statue funéraire, comme la statue d'offrande, vise de plus en plus à la représentation réaliste' [IMAGO]. En même temps, des sujets nouveaux apparaissent °; les sépultures se compliquent ; des esclaves, hommes et femmes, assis sur un rocher, sur le tertre du tombeau, dans le dromos des sépultures de famille, pleurent la destinée de leurs maîtres. Peu à peu, la vogue passe aux grands groupes, aux tombeaux ornés d'une profusion de statues'. D'autre part, ainsi que l'aixoSv honorifique, l'effigie funéraire devient à la longue un véritable éôoç. Elle est placée parfois au centre d'un temple-tombeau, dont les abords et les entrecolonnements sont ornés d'autres statues'. Dans la mort comme dans la vie, l'homme s'efforce à conquérir les honneurs divins. Les Grecs s'avisent assez tard de donner aux statues un rôle uniquement décoratif, esthétique. L'usage date surtout de la période hellénistique ; il n'a pu se développer qu'avec les progrès du luxe et la décadence de l'esprit religieux. A partir de l'époque alexandrine, la sculpture fournit aux besoins nouveaux de grands groupes pit toresques, faits pour orner les bosquets artificiels et les abords des sources'. Les statues humaines peuplent les parcs. Hérode Atticus avait fait placer partout, dans les bois, près des fontaines, ses fils adoptifs morts prématurément 10, L'ornementation des maisons utilise surtout la statuaire de genre ; en outre, on place chez soi les effigies de ses VlII. ancêtres, les bustes des personnages qu'on vénère particulièrement 11, Les délicats collectionnent les statues de prix, les répliques d'oeuvres fameuses 12. D'ordinaire, pourtant, le luxe de l'habitation, en Grèce, reste modique. Les maisons de Délos et de Priène contiennent bien moins d'oeuvres d'art qu'à Pompéi, où, il est vrai, les larges péristyles semblent appeler plus naturellement un décor de statues 1'. Dans les demeures helléniques, il n'y a que de petites cours, point de grands espaces, point de jardins; on orne surtout avec des terres cuites. Mais aussi la sculpture d'appartement, là où elle se rencontre, estelle supérieure à la moyenne des décorations de Pompéi à Pompéi, on ne voit guère que des répliques; dans les maisons grecques, au contraire, les petits morceaux de genre, les statuettes à taille réduite, dérivées des types praxitéliens, ont une grâce élégante qui reporte quelquefois l'esprit aux meilleurs modèles. L'Etrurie et Fonte. La statuaire a débuté de bonne heure en Etrurie 14 [ETBCSCI], mais elle y est toujours restée un art d'importation. Elle met en oeuvre principalement l'argile et le métal [FIGLINUM OPUS, STATOARIA] nous la voyons surtout employée pour les besoins religieux et funéraires ; elle a produit pourtant des portraits fa1AGo). I] y a eu dans le culte des Etrusques, au début, une période aniconique, où l'on vénérait des pierres et des idoles en tronc d'arbre 1". Si la statue ne tarda pas beaucoup à apparaître, son développement l'ut lent, la forme abstraite et mystérieuse des dieux locaux se prêtant mal à une interprétation plastique; on s'empressa, dès qu'on le put, d'adopter le type des statues divines helléniques. La sculpture funéraire a une originalité plus marquée: elle dérive de l'idée de l'urne canope, telle qu'on la voit dans la nécropole de Chiusi. Cette urne prend peu à peu l'aspect humain [ETRUSGI, p. 8371 16, et vise à représenter le défunt lui-même; on a trouvé en Etrurie des cippes funéraires terminés par un buste de femme, et rappelant les xoana grecs 13. Delà, on passe à l'idée de la statue assise, avec tête et membres mobiles; le corps creusé reçoit les cendres 17. Au lieu de cette statue-urne simple, représentant le mort, on rencontre quelquefois tout un groupe=°. La sculpture funéraire étrusque traite en outre les types d'animaux protec 186 ST A 14.82 STA Leurs de la tombe ', et les statues couchées sur sarcophages, soit gisants, soit personnages de banquet 2 ARome, nous retrouvons, comme en Grèce, la statuaire sous ses trois formes, en relation avec la vie religieuse, la vie politique et l'ornementation privée. Mais en pays latin, on fut toujours plus occupé d'administration et de guerre que d'art. On semble un peu avoir pris à la lettre le excudent alii spirantia rnollius aera3. La sculpture a surtout vécu de l'adaptation des types grecs ; d'ailleurs, à la statue les Romains préféraient le bas-relief, qui se prêtait davantage à leur goût pictural, narratif, et documentaire '. La statue a moins d'importance dans le culte qu'en Grèce; au dire de Varron, les Romains restèrent cent soixante dix ans sans posséder d'effigies pour leurs dieux: un édit de Numa passait pour avoir interdit cet usage 6. On représentait les divinités par des symboles ; les dieux étaient des esprits mystérieux dont on cachait les noms, dont les prêtres seuls connaissaient la forme'; leurs substituts gardèrent longtemps le caractère de véritables fétiches'. La statuaire religieuse commence seulement avec les Tarquins, d'abord sous l'influence étrusques. Elle se développe assez rapidement ; on prit l'habitude de couler des statues pour les temples avec le produit des biens confisqués ou le butin des guerres Mais ce fut surtout l'apport extérieur qui multiplia à Rome les effigies divines. Pendant toute l'époque républicaine, les familles italiennes amenaient dans la ville leurs dieux locaux ". Dans les guerres on évoquait les protecteurs de la cité adverse ; après la victoire, leurs statues, remises aux pontifes, allaient peupler le Capitole et les temples''. Sous l'influence hellénique on réussit enfin à constituer un groupe de douze grands dieux, les Dü_consentes [DU], qui eurent leur effigie sur le Forum ". La réforme d'Auguste installa un peu partout ces dieux officiels"; mais à côté d'eux vécurent fréquemment les dieux orientaux, apportés d'Asie Mineure, de Syrie, ou d'Egypte'''. On ne sera pas surpris qu'à Rome et dans l'Italie, comme en Grèce, les progrès du luxe et de l'art aient provoqué à la longue le triomphe du principe artistique sur le principe religieux. Le changement est sensible dans la disposition des statues de culte, et dans l'aménagement des sacraria La statue honorifique, à I'imitation dela Grècet°, apparaît à Rome assez tard" [IMAGo]. Mais comme cette coutume plaît tout à fait à l'esprit romain, elle prend vite une extension considérable, qui provoquait déjà la mauvaise humeur de Caton l'Ancien 13. A la fin de la seconde guerre punique, le Forum et le Capitole étaient encombrés de statues de bronze, élevées à toutes sortes de personnages, vivants ou morts, hommes et femmes, Romains ou étrangers". Il fallut, en 158, que les censeurs fissent enlever toutes celles qui n'avaient pas été érigées par décret du peuple ou du sénat20. En principe, en effet, c'est le sénat qui accordait les statues : et, sauf plus tard pour tes empereurs, il resta toujours écrit dans la loi qu'on n'érigerait aux vivants ni bustes, ni effigies complètes. STA 1+43 STA Mais ces restrictions, après une certaine date, demeurèrent profondément oubliées. On se passa fort souvent d'un décret quelconque. D'autre part, vers la fin de l'époque républicaine, nous voyons honorer d'une statue de simples petits magistrats, même, dans les municipes, des particuliers '. On trouva moyen d'étendre abusivement jusqu'à la loi qui concédait une effigie aux triomphateurs2. D'ailleurs l'exemple de la famille impériale encourageait à multiplier les statues : Auguste avait garni son forum avec les effigies des grands généraux et des citoyens illustres de la Rome républicaine; les municipes s'empressèrent de l'imiter 3. Avec César, les honneurs divins commencent à être rendus au princeps. Dès lors, l'adulation donne naissance à un nombre grandissant de statues ; peu à peu le maitre du pouvoir, sa famille, ses favoris, occupent les forums impériaux, se répandent dans toutes les provinces ; bientôt chacun veut avoir non seulement le portrait des princes, mais son propre portrait à leur exemple 4. Cet abus amena Claude à enlever le droit tant convoité à ceux qui n'avaient pas au moins élevé ou réparé un édifice public'. Même après cette décision, les temples et les monuments continuèren t à s'encombrer d'effigies, souvent colossales s. L'usage des bustes, en plâtre ou en marbre, et des hermès-portraits ne se propageait pas moins, d'autant que, dans les constructions privées et les maisons particulières, chacun pouvait sans contrainte s'entourerdesimages desvivants ou des morts 7. On commença dans les ateliers de sculpteurs par adapter les types de la Grèce ; on ne se gênait pas, à l'occasion, pour transformer en portraits latins des hermès de divinités helléniques 8. A partir de l'époque impériale, pour satisfaire à l'universelle manie, plus tard aussi, pour suffire à la multiplicité des effigies nécessitées par les changements sociaux et les révolutions militaires, les praticiens se firent une règle d'avoir chez eux des types tout préparés, auxquels on ajoutait rapidement les tètes en faveur. Il est un moment où les statues changent de visage aussi fréquemment que le gouvernement change de maitre ". L'usage des bustes et des statues honorifiques survit à Rome, même après que l'empire s'est transporté à Byzance 10. Au temps de Théodoric, le peuple des statues égalait en nombre, nous dit-on, le peuple des vivants I'. Ce fut surtout avec l'apport des chefs-d'oeuvre helléniques, aux deux derniers siècles de la République, que se forma à Rome le goût des amateurs 17. On ne se contente plus alors de regarder avec admiration les statues exhibées dans les triomphes et placées dans les temples. On veut faire travailler pour soi des artistes grecs ; des Romains de grande famille ne dédaignent pas d'aller sur place acheter des marbres, guider le choix de leurs amis dans la décoration de leurs demeures t' `. Il se forme autour des atria auctionaria toute une classe d'experts, de courtiers, de marchands d'antiquités, de restaurateurs de statues". Le goût des amateurs, qui resta toujours un peu inexpérimenté, nousa valu les nombreuses copies et adaptations par lesquelles nous connaissons surtout, encore aujourd'hui, la statuaire hellénique 16. A cette époque, dans les vieilles cités grecques besoigneuses et même dans les villes nouvelles, fonctionnaient des ateliers spéciaux, chargés d'exécuter des répliques industrielles des types consacrés auxquels s'attachait surtout la vanité des parvenus romains 17. Beaucoup de statues furent STA 148!h STA alors transformées ou retaillées' ; il eût été étrange que le faux ne sévit point'. A partir de l'époque impériale. la manie des statues d'ornementation suit les progrès du luxe de la vie privée ; les jardins, les portiques, les thermes [voy, fig. 1783) s'emplissent d'ceuvres d'art enlevées ta la Grèce`. Certains empereurs, Néron par exemple à la Maison Dorée, assemblent de véritables trésors'. Point de riche demeure, où les marbres ne prennent place sous les péristyles, dans les cours, dans les salles de repos. TUES. Mise en placettes stalnee.La mise en place des statues l iôpuctç, CONSECRA'l'lO[ exige à la fois des rites religieux et une surveillance profane. Les rites religieux ont surtout leur importance àl'époque primitive, et pour les statues sacrées ; ils dérivent de l'idée qu'on se fait, à l'origine, du rôle de l'effigie. On les retrouve aussi bien dans les cérémonies privées que dans les cérémonies publiques; ils se reproduisaient chaque fois qu'une statue était changée de demeure. Nous savons qu'ils ont existé aussi bien à Rome qu'en Grèce t [CONSECRATIO]. Pour ce qui est de la surveillance profane, l'érection des statues était souvent confiée à des délégués spéciaux, tu 7é x;, curatores [EPIMELETAI[ sur les attributions desquels nous avons quelques renseignements, en Grèce comme à Rome, mais surtout à partir de l'époque romaine'. L'office du curateur de statues est essentiellement temporaire et occasionnel ; il ne constitue point une fonction rétribuée ; le décret qui décide la statue désigne en môme temps, d'ordinaire, le curateur, très souvent parmi les plus hauts fonctionnaires des cités, archontes, stratèges, éphores, membres du conseil, prytanes, secrétaires, proconsuls, questeurs, etc.e. Quand il s'agit d'effigies honorifiques, le rang du curateur est d'autant plus élevé que le titulaire de la statue a plus d'importance sociale. Mais il arrive aussi que l'on choisisse de simples particuliers, voire, à l'époque tardive, les parents ou amis de l'intéressé'. Si celui que l'on honore est vivant, il s'occupe quelquefois en personne de faire dresser son effigie '0. Les pouvoirs publics sebornaient dans ce cas à donner une simple auto risation, et la cité évitait ainsi d'accroître outre mesure l'orgueil des particuliers. Dans le cas où une ville accordait à un étranger une statue, un ou plusieurs curateurs allaient préalablement demander l'emplacement nécessaires'. Bien des ambassades furent ainsi envoyées à Athènes, après l'achèvement de l'Olympieion1L, lorsque les cités, à l'envi, firent dresser des monuments à l'empereur Hadrien. Des lois spéciales réglaient l'érection des statues aux vainqueurs des jeux, soit que l'initiative vînt des pouvoirs publics, ou de particuliers, ou du personnage lui-même "'. Il y a quelques exemples de collectivités ou de villes, s'occupant de la curatelle de statues au nom de communautés plus vastes dont elles font partie 't. ARome, le nom du personnage ou de la communauté qui élève la statue est inscrit sur la base, ordinal_ rement après le nom du personnage honoré. La formule indique dans quelles conditions la statue a été érigée, et quel a été le curateur. Il arrive souvent que le personnage honoré prenne à ses frais l'érection du monument; sa libéralité est alors mentionnée sur la base"L'office du curateur consiste d'abord à faire la commande de la statue"; lorsque celle-ci est mise au concours", ou en adjudication 13, le curateur règle les détails de l'entreprise; quand la statue est terminée, il verse aux artistes et aux praticiens le prix du travail, tel qu'il l'a reçu de l'intéressé, ou d'un magistrat désigné à l'avance''. Au besoin, c'est lui qui s'occupe des fournitures, du transport du matériel, et, dans le cas où la statue est entourée d'une balustrade, de la mise en place de cet iou;,.a. Pour les statues placées en plein air, il fait faire les fondations de la base, et, s'il le faut, la base elle Entretien des statues. La piété que les Grecs montrent envers leurs statues n'a rien, à, l'origine du moins, du souci esthétique dont nous en tourons les chefs-d'oeuvre de nos musées. Elle est dictée par l'idée qu'on se fait de la présence du dieu dans le symbole". Il faut défendre l'hôte invisible de la pierre et du bois contre les accidents, les intempéries, lui donner tous les soins nécessaires à sa vie [sACERDos[. On lave et on polit les xoana plusieurs fois l'an (fig 6606); si on ne les renouvelle STA pas à chaque Pète, on les repeint, on les redore' ; on entretient de même la polychromie des statues de pierre tendre ou de marbre [SCuLPTPRA[Z. Comme ce soin parait un naturel hommage, il ne semble pas qu'on ait évité de laisser en plein air mème les marbres, moins résistants pourtant aux intempéries que les bronzes : on remédiait à leur détérioration par de régulières applications d'un enduitprotecteur3. Mais la preuve qu'on n'hésitait pas exposer des statues, mêmes divines, à la pluie, c'est qu'on citait comme miraculeuse l'Artémis de Bargylia qui n'était mouillée ni par les ondées ni par les neiges ".Contre les oiseaux attirés autour des temples, on employait le ménisque A. la longue, le souci esthétique prévalut aussi sur le 1!tS5 STÀ principe religieux dans l'entretien des statues; il n'y a plus rien d'un rite dans les précautions qu'on prend par exemple pour la conservation des statues chryséléphantines [Eaux]. Nous avons déjà dit qu'on habillait les statues. Presque toutes, et les xoana surtout, avaient une garde-robe. Aux fêtes, elles paraissaient couvertes de vêtements précieux et de parures, comme certaines madones rustiques des églises de campagne (fig. 6607)". Les étoffes d'habillement étaient données aux dieux soit comme dîme de travail, soit comme offrande de remerciements, ou, en certains cas, pour le paiement d'amendes Non seulement, on babillait les statues, mais on les parfumait, on les couronnait, on leur mettait des anneaux ,.Cette toilette appartenait à un personnel de serviteurs spéciaux, à qui était aussi confiée la garde des vêtements s. Un des rites les plus importants du service sacerdotal était la nourriture du dieu. On ne peut douter que les Grecs, comme les Égyptiens et les Chaldéens, aient observé la coutume de donner à. manger aux statues sacréest0.Onplacaitdans leurs mains lachair etles entrailles des victimes ; peut-être barbouillait-on leurs lèvres avec le sang des sacrifices". A home on nourrissait les Lares ; on oignait de beurre, on baignait de lait la tète de certains dieux' Le sens de ces rites primitivement journaliers de purification, d'habillement, de nourriture de la statue, alla en s'effaçant à travers la vie grecque. Il en resta un souvenir décoloré et comme exceptionnel dans les fêles. Certaines divinités avaient encore une fois l'an leurs baignades sacrées "• On promenait dans Athènes, aux grandes Panathénées, le péplos d'Athéna1°. Si la nourriture quotidienne des statues, destinée à réjouir et à for STA 486 STA tiller le dieu, devint à la longue fictive, il y eut toujours en Grèce des banquets solennels auxquels le xoallon assistait, couché sur un lit de parade [LI I;TISTERNIA. Enfin la trace des promenades habituelles de la divinité se retrouve dans les processions ou exodoi. A l'occasion de ces cérémonies, il arrivait que la statue fût transportée solennellement dans un temple autre que le sien ou dans un édifice public : elle assistait là à des réjouissances, à des cérémonies en son honneur"-. Quelquefois, elle émigrait plusieurs jours de la cella pour aller, comme en villégiature, dans les sanctuaires voisins ; certaines statues, qui n'avaient pas de demeure propre, empruntaient régulièrement un temple à l'époque de leurs fêtes 3. Voy. HELIGIO, RITES, 5AcrunclHM, pour la participation de la statue au culte. Les statues étaient placées sous la protection divine, représentée par l'intermédiaire des prêtres et des pouvoirs publics '. On n'osait souvent y toucher, même pour une restauration, qu'après décision d'un oracle'. Les dégrader était un sacrilège [ASEREIA, SACJILEG1UMl, particulièrement grave lorsqu'il s'agissait de statues sacrées'. Il suffit de rappeler le scandale qu'excita dans Athènes l'affaire de la mutilation des hermès. Lorsque accidentellement une statue se trouvait détériorée, les prêtres ou les pouvoirs publics 'a faisaient restaurer'. Certains xoana furent ainsi bardés de bronze pour prévenir la ruine du bois; on contait cette tache à des artistes en renom'. Parfois on remplaçait une tête vermoulue, de caractère par trop archaïque, par une tète en marbre; on refaisait les extrémités d'une vieille idole ; ainsi naquirent vraisemblablementlesacrolithes [ACROLITncS,. On réparait pareiilementles bronzes elles statues chryséléphantines 9. Malgré ces soins, les statues. vieillissaient; beaucoup, surtout celles qui se trouvaient placées en plein air, étaienten fort mauvais état. Lucien parle de bronzes creux, où logeaient rats et musaraignes1°. Les passants ne se gênaient pas pour inscrire des graffiti sur les statues mises à leur portée' 1. D'ailleurs la piété des fidèles n'était pas ce qui dégradait le moins les effigies saintes. Selon Cicéron, la bouche et le menton d'un Héraklès, à Agrigente, avaient été usés par les baisers de dévôts'2. Lucien cite une statue qui avait été matelassée de feuilles d'or sur la poitrine et garnie d'oboles collées à la cire sur les cuisses, par les soins de malades reconnaissants''. Les temples contenaient beaucoup de reliques qui étaient des statues brisées, ou abattues par la vétusté14, On les entassait dans l'opisthodome; quelquefois on les reléguait dans les FAVISSAE. Il semble qu'on ait chi, de temps en temps, procéder à leur destruction ou à l'ensevelissement rituel exigé par le respect des choses saintes. On a retrouvé de véritables nécropoles de statues13. Destinée des statues. Lorsque le sentiment religieux qui protégeait les statues se fut affaibli, elles ne restèrent pas garanties des déprédations. Dans les petits temples, plus d'une avait mystérieusement disparu à l'époque de Pausanias". On peut admettre néanmoins que ces enlèvements lurent exceptionnels. Les changements sociaux influèrent pendant toute la vie antique sur les statues honorifiques: on les brisait quand elles rappelaient un régime odieux ;par contre, un bouleversement politique pouvait les remettre en faveur17. Pour les statues religieuses, le plus grand fléau fut la guerre et STA 4 X87 STA l'invasion : la venue des Perses à Athènes, en 480 et 479, laissa l'Acropole déserte ; àla place du peuple des statues, il ne resta que des charbons et des pierres noircies qu'il fallut mettre à la fosse commune; rien n'échappa que les xoana emportés sur les navires'. Dans le grand désordre qui suivit la mort d'Alexandre, d'autres dévastations tout aussi funestes vinrent de temps en temps ruiner certains temples'. Cependant, dans l'ensemble, la destinée des statues grecques eût été encore assez tranquille sans l'intervention des Romains3. Pour des gens habitués à la décoration en terre-cuite, les beaux marbres helléniques furent une révélation. L'avidité romaine vit en eux de superbes proies. Les premiers chefsd'oeuvre vinrent à Rome de l'Italie du sud' ; quand ils eurent fait apprécier la statuaire d'origine grecque, partout, dans les provinces, les gouverneurs et les publicains organisèrent plus ou moins ouvertement le régime du rapt'. C'était une forme d'hommage au génie des vaincus qui s'accordait parfaitement avec l'esprit pratique des conquérants. Aux premiers siècles de la République, c'est une quasi obligation, pour tout général revenant de Grèce ou d'Asie, que de fonder à Rome un temple orné des plus beaux morceaux de la statuaire hellénique'. On se défend d'abord de piller les sanctuaires; le collège des prêtres est là pour prévenir tout sacrilège'. Mais peu à peu, le goût des oeuvres d'art fait passer outre aux interdictions ; on enlève d'abord les offrandes; bientôt, on ne respecte même plus les simulacres des dieux. On en arrive à la longue à un pillage systématique et brutal; Corinthe dévastée fournit des chefs-d'oeuvre à toute l'Italie 8. Mais souvent les plus belles pièces périssent mutilées dans l'assaut des villes, fondues pour les besoins de la guerre, ou quelquefois naufragées dans les transports'. Les déprédations sont loin de cesser au temps des compétitions et des guerres civiles 10 ; les rapines d'Antoine étaient demeurées fameuses en Asie ; Auguste se vante de les avoir en partie réparées". Luimême était amateur d'art, et surtout d'art archaïque, mais il achetait, au lieu d'enlever de force 12. Ses successeurs n'eurent. pas toujours les mêmes scrupules 'S. On pouvait croire au moins que l'exode des statues s'arrêterait à Rome. Pourtant, lors lue l'Empire latin tombe à son tour et se transporte à Byzance, la plupart des belles oeuvres grecques suivent la destinée de leurs nouveaux possesseurs; surtout à l'époque de Constantin, elles s'en vont orner les monuments, les portiques, et les places de la nouvelle capitale '4. Elles ne tardèrent pas à ÿ ètre rejointes par tout ce que le hasard avait laissé en place dans la Grèce et en Asie Mineure 15. Ce fut là, il est vrai, leur dernière aventure: celles qui échappèrent aux accidents de l'exil périrent victimes du triomphe chrétien, ou plus misérablement encore pendant les invasions barbares par l'incendie des palais 16. C'est l'époque où l'on fond les bronzes, soit pour le rachat des captifs, soit au profit des églises nouvelles i7. Une décision impériale ruine d'un coup le Serapeum d'Alexandrie, avec toutes ses richesses d'art 13. A travers le monde païen, le zèle des néophytes sévit et n'épargne certains chefsd'oeuvre que grâce à des confusions singulières". Parfois la haine du christianisme militant pour les vieilles divinités anthropomorphiques et les souvenirs du monde païen s'apaise. Une intervention passagère arrête le mal causé par la main des hommes 20. Mais c'est pour les statues le court répit d'une agonie : aussi bien, l'esprit STA 1488 STA qui les avait créées et animées allait finir ; elles ne pouvaient survivre. Si quelques-unes demeurèrent intactes, ce fut pour permettre aux croisés d'attester par de nouvelles destructions la vivacité de leur foi '. Que l'on pense à toutes ces ruines, en y ajoutant l'effet des fléaux naturels, du vandalisme, de l'ignorance 2 : on cessera d'être surpris du petit nombre de pièces conservées sur l'immense quantité des chefs-d'oeuvre connus de la statuaire antique 3. CHARLES PICARR.