Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article STATUARIA

STATUARIA. Le passage bien connu de Pline', concernant Pasitélès, distingue nettement les unes des autres : la plastique en terre, plastice [FIGLINUM OPUS, III]2, la toreutique [CAELATUBA]3, la statuaire en bronze, statuai'ia, et la sculpture en pierre [SCLLPTURA]. La statuaria, chez les écrivains de l'époque impériale, consiste dans l'exécution de statues en bronze par les statuarii'. Si les Latins donnaient à ces mots une signification bien préci se, les Grecs n'avaient pas d'expression exactement correspondante ; un passage de Quintilien est à cet égard significatif'. le sphyrelaton et les origines de la fonte creuse. La fonte du bronze, dans les pays de l'antiquité classique, remonte à une époque très reculée [AES] 8. La fonte pleine, qui fut d'abord la seule connue9, ne permettait pas d'obtenir des figures de grandes dimensions, car plus la masse coulée est considérable, plus s'y font sentir les effets de la rétraction provoquée parle refroidissement f °. Aussi, toutes les figures en fonte pleine que nous a léguées l'antiquité" sont-elles petites par les nécessités mêmes du procédé employé. Si l'on voulait obtenir des figures plus grandes, on était obligé de recourir au procédé consistant à river entre elles des feuilles de métal battues au marteau (sphyrelaton)". Ces deux procédés, lors de l'apparition d'une technique plus perfectionnée, ne furent pas abandonnés : la fonte pleine continua à être employée pour les figurines, le sphyrelaton transmit sa technique à la statuaire chryséléphantine [EBUR]. Tous les arts anciens ont commencé par pratiquer la fonte pleine et le sphyrelaton. Les statues trouvées à Komel-Ahmar, que l'on croit du temps de Pioupi IeP(VI0 dynastie), sont faites de pièces de cuivre repoussées au marteau et jointes par des attaches mécaniques". Cependant, les Egyptiens connurent de bonne heure le procédé de la fonte en creux, qui, à l'époque des rois saïtes, est très perfectionné. Même les petites figurines, que les Grecs de l'àge classique fondaient d'habitude en plein, étaient, en Egypte, fondues en creux, d'une manière très habile, avec des parois déjà très minces". Les statues de l'ancienne collection Posno, au Louvre 16, que M. Maspéro place quelques années avant l'avènement de Psammétik ICr, c'est-à-dire avant 664 ; la statue d'Horus, provenant de la même collection, au même musée16, datant aussi du vile siècle, sont coulées d'une seule pièce, sauf les bras, qui, suivant un procédé usité aussi en Grèce, sont rapportés ; la fonte en est légère, et la figure, sortie du moule, est soigneusement retouchée au ciseau. Les bronzes de la reine Takoushit, au Musée d'Athènes 17, de la reine haromàmà, au Musée du Louvre'', tous deux de la période saïte, sont des chefs-d'oeuvre de fonte. Ces monuments ne sont pas de très grandes dimensions, car l'Égypte ne nous a laissé qu'un petit nombre de grandes statues en bronze, mais les débris de forte taille que possèdent les collections privées et publiques montrent, que les habiles fondeurs égyptiens n'ont pas craint les difficultés multiples de leur art 19. On peut encore citer le fragment d'une statue du roi Petoukhâ.nou exécutée aux deux tiers de la grandeur naturelleL0. Dans le bassin du Tigre et de l'Euphrate, on connut aussi, dès une époque très ancienne, la fonte en creux. La statue de la reine Napir-Asou, trouvée en Susiane par la mission de Morgan 21, date du xive siècle avant notre ère; elle est de grandeur naturelle, fondue en creux et remplie d'une seconde coulée de métal qui l'a trans STA 1 489 STA formée en un bloc massif. Diverses statuettes de bronze provenant des mêmes fouilles ' sont aussi exécutées en creux par un procédé analogue à celui de la cire perdue, mais où le bitume tenait le rôle joué par la cire. Il semble qu'on ait songé, en Grèce, dès l'époque mycénienne, à fondre en creux. Un petit cerf, trouvé à Mycènes 2, fait d'un alliage d'argent et de plomb, est creux, et présente sur son dos un tuyau qui a servi à la fonte. L'ouvrier, ayant modelé en cire le cerf, l'aura recouvert d'argile, fait une ouverture sur le dos de l'animal et fondu la cire au feu. Dans cette forme ainsi préparée, il aura versé le métal en fusion, puis, dès que celuici se sera un peu refroidi et attaché aux parois intérieures, vidé le reste du métal encore liquide. Si cette explication est exacte 3, on voit que ce n'est qu'une variante de la fonte pleine, qui témoigne cependant du désir de fabriquer des figures creuses, plus légères. Ce n'est là qu'un exemple isolé. Dans les régions helléniques, les procédés de la fonte en creux ne furent mis en usage qu'à une époque assez récente. e2° Les procédés techniques de la fonte en creux. Les anciens attribuaient aux Samiens Rhoecos et Théodoros, qui vivaient au vile siècle+, l'invention de la fonte du bronze'. En réalité, ces artistes se bornèrent à introduire en Grèce des procédés déjà connus de longue date par les Orientaux, et c'est en Égypte sans doute qu'ils apprirent à pratiquer une technique qui leur était nouvelle'. L'histoire que rapporte Diodore' sur la statue d'Apollon Pythien fabriquée en deux parties par Théodoros et son père Téléklès, peut ètre rejetée au nom de la vraisemblance, mais il n'y a aucun motif de douter que Téléklès et Théodoros aient fait, comme il le dit, un séjour en Égypte et qu'ils s'y soient instruits dans leur art'. Il en fut sans doute de mème pour Rhoecos, l'artiste samien 9. On sait combien étroites sont à cette époque les relations de l'Ionie, de Samos, de Milet, de Rhodes, de Chypre, avec l'Egypte 10. La technique nouvelle dut s'introduire à Chypre vers le même temps qu'à Samos, car on a trouvé dans le sanctuaire de Limniti des figurines de bronze, qui ne sont pas postérieures au vie siècle, et qui sont fondues en creux, suivant le procédé égyptien, c'est-à-dire avec le noyau laissé à l'intérieur" Mais quel genre de fonte les Samiens mirent-ils en oeuvre 12 ? Les textes ne le disent pas et on est réduit à des hypothèses. M. Collignon" ne pense pas qu'ils aient employé le procédé à cire perdue, technique trop savante, dit-il, pour l'époque. La méthode adoptée aurait été celle de la fonte au sable, en plusieurs morceaux. Voici en quoi elle consiste. Le modèle en plâtre ou en argile de la statue est débité en morceaux, qui sont moulés séparément dans un moule de sable fin et un peu VIII. gras. Ce moule est ensuite rempli par un noyau en sable soutenu par une armature, auquel on donne, en le refoulant, un retrait calculé sur l'épaisseur de bronze qu'on veut obtenir. Les pièces sont ainsi fondues séparément, puis assemblées. On peut croire cependant que le procédé de la fonte à cire perdue était connu des Grecs". On façonnait une maquette" (rcpda),xap.e, argilla), en terre, ou en plâtre, soutenue par une armature de fer ou de bois, xzvafioç, crux [ceux, m] 1F. Plusieurs monuments anciensmontrentProméthée, ou un simple ouvrier, modelant des figures dans la terre, comme le devaient faire les bronziers''. Une peinture de vase montre aussi Athéna modelant un cheval (fig. 6608) Sur ce modèle, on étendait une couche de cire d'une épaisseur suffisante pour pouvoir modeler soigneusement la statue à l'aide de l'ébauchoir. Une fois le modelage terminé, la maquette était recouverte d'un manteau d'argile, appliqué par couches successives à demi-liquides, qui épousait exactement les détails de la cire. On mettait au feu, on faisait fondre la cire entre le noyau et le manteau, on la faisait écouler au dehors par des ouvertures spéciales; elle laissait ainsi la place nécessaire au métal". On coulait le bronze ; après refroidissement, on enlevait la chape extérieure et le noyau intérieur, au moyen de crocs de fer, par la semelle des pieds, ouverture par laquelle on avait coulé le métal. Tel est, dans ses grandes lignes, le procédé à cire perdue, auquel font souvent allusion les auteurs anciens 20, et qu'on pratique encore de nos jours. 187 STA 1490 STA La statue pouvait être fondue d'un seul jet. Le plus souvent cependant, les bronziers la fondaient par parties séparées, comme nous l'apprennent les textes ' et les monuments. Voici une coupe bien connue du Musée de Berlin (fig. 6609), montrant un atelier de fondeur2. On remarquera qu'un ouvrier est en train de travailler une statue colossale de bronze, dont la tête, fondue à part, est encore séparée du tronc et git à terre. Si on examine les statues de bronze, ou les fragments de statues que nous possédons, on constatera que l'usage de fondre la statue par morceaux était courant, et que bien rares sont les figures fondues d'un seul jet '. Dans une statue féminine de Munich' par exemple, on verra que le fondeur a coulé à part : le bas du chiton jusqu'au manteau, le manteau jusqu'aux grands plis obliques, le haut du manteau, le chiton sur la poitrine, les bras, la tête'. Les pièces fondues séparément se multiplieront dans les oeuvres romaines, avec la décadence de la statuaria. C'est ainsi qu'une statue féminine du musée de Naples est faite de 10 morceaux 6. Les pièces fondues n'étaient pas toujours sans défauts; quelque bulle d'air, quelque scorie, pouvaient avoir endommagé l'épiderme, et il fallait y remédier au moyen de petits rapiécements, qui sont nombreux sur les bronzes antiques'. Afin de faire disparaître le défaut, on agrandissait la cavité, de manière à lui donner la forme d'une fente allongée, à bords nets; puis, dans une mince feuille de bronze, on découpait des triangles minuscules, très aigus au sommet. On les insérait, la pointe en avant, dans les petites fentes ainsi préparées, on coupait le surplus à l'extérieur, et on limait'. Une statuette d'Aphrodite trouvée à Dodone est ainsi toute hérissée à l'intérieur de ces petites pointes. Quelquefois, la surface était plus sérieusement endommagée : le bronzier ajustait alors des lamelles de métal rectangulaires, qui pansaient la blessure. Un bras de statuette, trouvé à Delphes (fig. 6610) 10, tout couturé de ces pièces de réparation, est un exemple frappant de ce procédé. Les pièces fondues à part étaient assemblées entre elles. Le plus souvent, c'était au moyen d une soudure7'; celle-ci était généralement peu solide; aussi les pièces des statues se sont-elles facilement détachées et perdues 12. On les unissait aussi par des rivets; ils occupaientle centre d'un petit carré creux ; quand ils avaient été enfoncés, et que la tète en avait été limée de façon à ne faire aucune saillie au dehors, on remplissait l'étroit carré avec une pellicule de bronze que fixait en place une fine soudure t3. On rernarque aisément ce mode d'attache dans la figurine d'Aphrodite de Dodone, formée de deux parties se rajustant à la ceinture (fig. 6611)". Le pubis d'une statue d'Olympie, fondu à part, était attaché au corps par trois clous '°. Parfois, les longues tresses pendantes de la chevelure étaient fixées par des crochets ". Dans plusieurs bronzes gallo-romains, comme le Jupiter d'Evreux, la grande statue de Lillebonne, et celle du Musée de Vienne (Isère), les pièces fondues à part sont raccordées au moyen de petites lames de métal très adroitement repolies". Toutes les parties de la statue n'étaient pas fondues. Certains détails étaient découpés dans des feuilles de bronze battues au marteau. Tels étaient les cils, que l'on imitait aussi fidèlement que possible [SCULPTERA, p. 1145]. La statuaire moderne a perdu l'habitude de représenter les cils et fait les yeux glabres, comme le reste du corps, mais les artistes anciens, eux, ont rendu les cils avec la même STA 1oi91 STA exactitude minutieuse que les poils du pubis ou du ventre. Aussi trouve-t-on fréquemment de ces bandes de bronze découpées en forme de cils qui proviennent de statues, tel l'exemplaire reproduit ici (fig. 6612), trouvé à Delphes'. Ailleurs, c'était le vêtement que fournissait le travail du bronze au repoussé, comme dans une petite statue de Bacchus trouvée à Pompéi, dont la nébride est faite d'une pièce battue au marteau et rapportée2. La statue, une fois montée et réparée, était loin d'être achevée. Il fallait enlever les croûtes métalliques qui restent souvent adhérentes à la surface des objets sortant de la fonte ; il fallait effacer les joints des pièces soudées entre elles. C'est à ce travail de polissage que sont occupés des ouvriers, sur la coupe du Musée de Berlin (fig. 6613). A l'aide de lames recourbées, ressemblant à des strigiles, ils polissent un colosse armé de la lance et du bouclier. Ce travail soigneux fera défaut dans les oeuvres de la décadence. Sur la statuette dite de Charlemagne, datant, de l'époque carolingienne, on aperçoit encore les lignes de suture des diverses parties Tout ce travail mécanique était confié à des praticiens qui, lorsqu'il s'agissait de pièces de grandes dimensions, montaient sur des échafaudages dressés autour de la statue, comme ceux que l'on voit sur la coupe de Berlin déjà citée, et contre lesquels on pouvait appuyer des échelles [SCALAE( Une inscription mentionne les dépenses faites pour des échafaudages destinés à permettre de travailler des statues de bronze Puis intervenait de nouveau l'artiste qui avait conçu et fondu la figure. Une statue qui vient d'étre fondue est dans un état à peu près semblable à celui d'une figure de marbre sortant des mains d'artistes secondaires pour passer dans celles du sculpteur qui y met les finesses de détail, l'expression, et des recherches de travail qu'on pourrait comparer aux demi-teintes et aux reflets de la peinture Le bronzier ciselait sa statue au burin, rendant les divers détails, la chevelure, les draperies, etc., en un mot, lui donnait le fini qui lui manquait. Dans l'antiquité, l'artiste ne confiait pas à un autre le soin d'achever son oeuvre `. Aussi les plus grands bronziers étaient-ils renommés comme toreuticiens, tel Myron, dont on vantait les coupes ciselées. Le statuaire grec avait une conception différente de celle de nos artistes modernes qui, imparfaitement au courant des pratiques de la fonte, ne sachant pas se servir des instruments du ciseleur, sont obligés d'abandonner leurs statues aux soins d'ouvriers qui sont loin d'être des artistes, ou encore suppriment tout le travail du ciseleur 3. Le statuaire grec se livrait au même travail que le coroplaste, et ciselait avec le burin ce que son humble confrère retouchait à l'ébauchoir dans la terre molle de ses figurines sorties du moule. Un caractère des fontes anciennes est leur extrême légèreté. La statue de l'Adorant de Berlin (plus loin, fig. 6G23), par exemple, peut être portée par un seul homme'. Aussi fallait-il consolider les statues de quelque manière. Elles étaient scellées sur leurs bases, et nombreuses sont les bases dépourvues de leurs statues qu'on a retrouvées, et qui permettent d'étudier le mode de fixation 10. Le pied tout entier pouvait être rempli de plomb, pour donner plus de stabilité à la statue". On avait rempli avec des pierres l'intérieur du colosse de Rhodes, oeuvre de Charès de Lindos La statue élamite de la reine Napir-Asou, que nous avons citée, avait été remplie d'une seconde coulée de bronze, évidemment pour lui donner plus de poids et de stabilité. On peut comparer ces procédés à ceux qui étaient usités parfois dans les statues de terre cuite, que l'on remplissait de chaux dans le même but". 3' La polychromie du bronze. -a) Par les alliages. Plutarque" se demandait si la coloration des statues des vainqueurs d'Aegos-Potamos à Delphes n'était pas le résultat d'un alliage, d'un traitement particulier du bronze. Nous savons en effet que les anciens, en variant la composition de leur bronze, obtenaient des teintes très diverses' 2 [AES1. Le bronze de Corinthe comportait trois variétés, de couleurs différentes : celle oit dominait l'argent en recevait une teinte claire et blanche; celle oit l'or entrait en plus grande dose participait à la couleur de ce métal ; la troisième se reconnaissait à une combinaison égale clos trois substances métalliques' Il existait en Grèce quelques statues dont on recherchante métal pour la singularité de sa couleur, appelée Iaepali:on parce qu'elle approchait de la couleur du foie". Le statuaire savait tl merveille utiliser ces diverses teintes du bronze suivant la nature du sujet qu'il avait à représenter"; il se plaisait à établir entre la couleur réelle ou artificielle du métal et le sujet de son oeuvre des rapprochements de Lon. De même par exemple que le marbrier taillait dans le marbre noir les statues du Nil, parce que ce fleuve traversait le pays des Ethiopiens", de même le statuaire, pour rendre le ton des corps d'athlètes brunis par le grand air et la gymnastique, employait un bronze d'une couleur semblable Si, Par ce moyen, les artistes savaient pratiquer une véritable polychromie du métal". Le statuaire Silanion STA 1492 STA avait fait en bronze la statue de la reine Jocaste, représentée morte ; il imagina d'y introduire une apparence de pâleur, en mêlant dans le métal dont il forma le visage, une assez forte dose d'argent 1. Une statue d'Aristonidas à Rhodes représentait Athamas se réveillant de sa folie sanguinaire, et son visage était rouge de honte 2. Callistrate, à propos des statues attribuées par lui à Praxitèle et à Lysippe, signale d'autres raffinements de coloration plus remarquables encore 3. Que, dans ces histoires, on fasse aussi large qu'on voudra la part de l'exagération, toujours est-il que les anciens savaient, grâce à la diversité des alliages, dans une même oeuvre, fondue naturellement en plusieurs pièces, obtenir certains effets de polychromie. b) Par l'incrustation de métaux ou de pierres 4 [scaLPTURA, p. 1144 sq.; CAELATDRA]. Le bronzier pouvait varier l'aspect de sa statue et en marquer certains détails, par l'incrustation de métaux et de pierres de couleurs diverses. Rien de plus fréquent que les incrustations des mamelons des seins en cuivre rouges, que les lèvres recouvertes d'argent ou de cuivres, qu'une lame d'argent indiquant la blancheur des dents°, que des yeux en argenta, parfois avec iris d'orPausanias cite une statue dont les ongles étaient d'argent 10, et nous constatons en effet ce détail dans plusieurs bronzes". Dans l'Apollon de Piombino, les sourcils, les lèvres, les seins, sont incrustés de cuivre 12. On employait aussi dans ce but la pâte de verre, l'émail, le marbre, les pierres précieuses, qui offraient au bronzier une riche gamme de teintes permettant d'imiter de près la nature. Dans l'éphèbe de Sélinonte 13, les sourcils sont indiqués en pâte blanche, ainsi que le globe de l'oeil, dont la prunelle était rapportée encore en une autre matière. Dans la tète barbue d'Anticythère, les blanche 14 C'étaient en effet les yeux que traitait avec soin le bronzier, qui s'efforçait de leur donner le plus de vie possible [occLARFOs]. Les yeux rapportés, taillés soit dans le marbre, soit dans l'ivoire, sont presque de règle dans les statues de bronze ls . Voici, entre autres exemples, un oeil de pierre blanche, trouvé à Dodone (fig. 6614), dont la prunelle renferme un cercle en cristal de roche entouré d'un anneau ; ce dernier a disparu avec la matière colorée qui marquait au centre le point visuel". On peut comparer ce travail minutieux avec celui par lequel on a indiqué l'oeil dans le scribe accroupi du Louvre : un morceau de quartz opaque, dans lequel on a incrusté une prunelle de cristal de roche transparent, au centre de laquelle est planté un petit bouton métallique ; tout l'oeil est enchâssé dans une feuille de bronze qui remplace la paupière et les cils i7. La matière qui formait l'oeil était en effet contenue dans une coque de bronze qui la maintenait, et dont on retrouve souvent des exemplaires détachés des statues la Puisque l'artiste n'hésitait pas à varier de la sorte la teinte des parties vivantes de son oeuvre, on comprend aisément qu'il ait aussi appliqué le même procédé aux parties accessoires, draperies, etc. Les exemples abondent : le bandeau d'une des danseuses d'Herculanum est incrusté d'argent et de cuivre 1a comme celui de l'Aurige de Delphes ; l'inscription du pied gauche de l'Apollon de Piombino est incrustée en argent 2"; sur la pardalide d'un Dionysos sont inscrustés des grenats21; ailleurs, un diadème est orné de pierres précieuses22 L'incrustation sur métal ou sur pierre 23 a été, diton, empruntée par l'artiste grec à l'Orient, où le procédé est très ancien. Il est souvent usité dans l'art chaldéen, où l'oeil, les sourcils, les vêtements, le pelage des animaux, sont incrustés de métaux ou de pierres multicolores,'. En Égypte, de même, les bronzes à incrustations sont nombreux, tel le bronze de la reine Karomâmâ, déjà cité, tout bigarré d'or, d'électrum et d'argent. Ce goût pour la polychromie par incrustations se retrouve ailleurs encore : les Gaulois aimaient à relever l'éclat du bronze par celui de cabochons de corail, technique qui leur est propre, et qu'ils remplacèrent vers 200 av. J.-C., par celle des émaux 2". c) Par des accessoires rapportés en métal d'une autre couleur. Callistrate décrit une statue en bronze d'Orphée, placée sur l'Hélicon, dont la tiare et le baudrier étaient en or26. Ces pièces rapportées sont fréquentes dans les bronzes anciens que nous possédons: ici, c'est une nébride en cuivre 2i, ou une peau d'animal en argent; ailleurs, ce sont des bracelets d'or, d'argent, des colliers38, d) Par la dorure, l'argenture20. L'épiderme du bronze pouvait être recouvert en tout ou en partie 30 d'une couche d'or ou d'argent fixée sur le bronze, soit directement, soit au moyen du mercure soumis à l'action du feu 31. Parmi les restes de bronzes dorés trouvés à Olympie, Furtwaengier 32 distingue deux genres de dorure, l'une, la plus ancienne, en lamelles se détachant facilement, l'autre plus solide, qui a été passée au feu. Les textes anciens mentionnent souvent des statues en STA 1/r93 STA bronze doré'. Telles étaient la statue de Phryné, par Praxitèle 2, la statue d'un enfant, de Boéthos 3. Pline mentionne 4 une statue de Lysippe que Néron ordonna de dorer. On employa pour cette opération le procédé le plus simple, et aussi le plus ancien, par application de feuilles d'or, car on ne pouvait, à cause des grandes dimensions de la statue, la passer au feu'. Ce passage de Pline montre que les anciens ont blâmé l'emploi de la dorure dans certains cas : on s'aperçut en effet que la dorure avait détruit le charme du travail, on enleva For, et l'on remit tant bien que mal la statue dans son premier état. Les protomes des ),éer,teç de Préneste et de la Garenne (Musée de Saint-Germain), qui sont dorés, témoignent de l'ancienneté de cette pratique'. Plusieurs statues de bronze ont, conservé, plus ou moins bien, leur dorure ; tels le Marc-Aurèle du Capitole, l'Hercule du Vatican, l'Apollon de Lillebonne au Louvre, etc. On remarquera que ce sont surtout les statues romaines qui sont dorées. Il ne semble pas que le bronzier grec ait souvent recouru à ce procédé. 11 y avait là une sorte de tricherie, qui répugnait à son goût sobre et réaliste, et qui consistait à faire passer une statue de bronze pour une statue en or, comme le faisaient les coroplastes pour leurs figurines'. On peut dire que l'emploi fréquent de la dorure dans la statuaire est une preuve de décadence artistique e. L'argent ne paraît pas avoir été employé aussi souvent que l'or, comme parure du bronze. Les textes ne mentionnent pas de statues argentées, mais les fouilles en ont livré, tels l'éphèbe de Pompéi le buste de Galba au Musée de Naples, etc. t0. e) Par la peinture. On peut se demander si la peinture ne servait pas aussi à l'artiste à rehausser et à varier l'aspect de ses bronzes. Si aucun texte ne permet de l'affirmer, on trouve parmi les monuments des arguments en faveur de cette hypothèse". Un gorgoneion du Musée de Berlin porte encore des traces de couleur antique ' : le globe de l'oeil est vert clair, l'iris noir, les coins des yeux rouges, les dents vert clair, la langue rouge. Un protome de griffon, de travail étrusque, est peint en rouge 13. Parmi les monuments de l'art moderne, on trouve des applications du même procédé'. Aussi peut-on hésiter, en présence des textes des auteurs anciens qui parlent de la coloration des bronzes, et se demander si cette couleur était due à la nature de l'alliage (cf. p.1491), ou si elle provenait simplement d'une couche de peinture appliquée sur la statue. Les textes sont trop peu précis pour permettre de trancher la question ; mais, en lisant certaines descriptions de Callistrate, on conçoit fort bien que le bronze ait pu être peint. Dans le Dionysos en bronze de Praxitèle1', « le métal rougissant, quoique inanimé, semblait prétendre à exprimer les apparences de la vie. Le lierre qui ornait son front semblait verdoyant, et la peau de chevreuil qu'il portait en contrefaisait la couleur ». Les joues du Kairos de Lysippe étaient « colorées d'un incarnat semblable à la rose.... toutbronze qu'il était, il rougissait»'". Les joues de l'Eros de Praxitèle étaient rouges ". On a prétendu que ces différences de coloration étaient dues à des alliages différents 18, que les parties colorées étaient faites de pièces fondues à part et rapportées 1". Il semble qu'il eût été difficile de cacher les sutures entre deux pièces de bronze de teintes diverses, surtout quand il s'agit d'endroits aussi délicats et visibles que les joues ; la peinture permettait d'obtenir facilement des transitions insensibles d'une couleur à l'autre. f) Par la patine2".Les bronzes antiques présentent des patines de teintes variées, qui se répartissent en trois groupes bien tranchés : patine bleue, patine vert-sombre, patine noire'''. On s'est demandé si ces colorations ne sont que des oxydations d'un genre particulier, dues à des circonstances favorables, ou si elles ont été voulues et préparées par l'artiste, qui les aurait obtenues, soit grâce à un alliage spécialement préparé à cette fin, soit par l'application d'une sorte de vernis ou de teinture artificielle. Cette question de la patine préoccupait déjà les anciens. Plutarque se demandait, devant les statues des navarques de Delphes 22, si le métal avait été coloré par l'artiste, mais penchait cependant à croire que la coloration vert-bleu des bronzes de Delphes n'était due qu'à une oxydation causée par l'air 23. M. I-Ieuzey, le premier, a attiré l'attention sur la possibilité d'une patine artificielle ", et cette hypothèse a été reprise et développée par M. Lechattt~, qui montre que la patine est voulue par l'artiste et fait partie intégrante de son oeuvre au même titre que la polychromie des statues de marbre. Ces patines voulues se partagent en deux catégories : les naturelles, qui sont, suivant le mot de Plutarque, « exhalées » par le bronze grâce à des formules particulières d'alliages calculées en vue de la production de la patine, et les artificielles, qui consistent en des vernis colorés capables de suppléer la patine naturelle dont la production est toujours lente et capricieuse. Plutarque cite parmi les industries d'art d'Athènes des [aneïç ',puaoû qui avaient pour profession de teindre l'or en diverses couleurs; peut-être y existait-il aussi des 3a st, / ..nxoû dont le métier consistait à teindre le bronze'r'. Pour M. Lechat, la patine, qu'elle soit produite par les agents extérieurs, ou qu'elle soit un vernis, est toujours le produit réfléchi de la volonté de l'artiste. Il n'admet pas de patine accidentelle duc au hasard. On remarquera pourtant que les bronzes d'une méme région, faits d'un alliage différent, ont souvent la même patine, due évidemment à l'action du sol tels les bronzes de Pompéi, à la patine vert-bleu, ceux d'Herculanum, à la patine noire, les bronzes étrusques du lac de Falterone, à la patine vert-brun, etc. Toutefois, l'emploi d'une patine STA 1494 STA artificielle semble prouvé. Pline atteste formellement l'existence (l'un usage qui consistait à appliquer sur le bronze un enduit coloré'. On avait donc l'habitude d'enduire et de teindre les statues de bronze soit avec du bitume pur, soit plutôt avec un mélange dont le bitume constituait la partie principale Sacken remarquait déjà, sur certaines figurines de bronze du musée de Vienne, l'existence d'un vernis foncé qu'il distinguait de la patine habituelle, et qui avait pour but, disait-il, d'empêcher l'oxydation'. On pourrait rapprocher cet usage de la patine de celui des coroplastes, consistant à recouvrir la statue ou statuette d'un vernis noir, destiné peut-être, non pas à imiter le bronze, mais à préserver la terre, comme on le voit sur une tète de Zeus d'Olympie, sur un dauphin en acrotère, de même provenance, sur une tête du musée Chigi à Sienne' Cette couche protectrice affectait aussi l'apparence d'un vernis transparent, comme sur un sphinx en terre cuite du Louvre °. Ce vernis serait, pour les modeleurs si étroitement unis aux bronziers, l'équivalent de la patine artificielle des bronzes. Peut-être que cette méthode de patiner le bronze est originaire d'Égypte, à qui les Grecs, qui lui étaient déjà redevables du procédé de la fonte en creux, ont pu remprunier. On a constaté en effet que plusieurs bronzes égyptiens ont été frottés, encore chauds, d'un vernis résineux qui en remplissait les pores et laissait à la surface une patine inaltérable °. On voit que l'habitude de la polychromie était universelle dans l'art antique, et s'appliquait non seulement au marbre, à la terre cuite, mais aussi au bronze. « Sous le ciel gai, au milieu des statues de marbre aux vives couleurs, au milieu des temples, splendides demeures des dieux où l'or étincelait parmi le rouge et le bleu, quel air maussade et attristant auraient eu des bronzes ternes et noirâtres, comme sont trop souvent aujourd'hui ceux de nos places publiques qui paraissent faits surtout pour les temps de pluie » '. La statue de bronze, pensaient les anciens, ne devait pas plaire seulement par la beauté de ses lignes ; elle devait être aussi, par sa polychromie obtenue grâce à la teinte variée des alliages, par l'incrustation, par la dorure et l'argenture, par la peinture, par la patine, une douceur et une joie pour les yeux. 4° La statuaria et la plastice Si Pausanias attribuait à Rhoecos et à Théodoros l'invention de la fonte du bronze, Pline voyait en eux les inventeurs de la plastice °. Les deux techniques, celle de la fonte du bronze et celle du modelage de la terre, sont en effet étroitement unies l'une à l'autre. Pour que la statue puisse être fondue, il faut auparavant qu'elle ait été exécutée en terre aux mêmes dimensions qu'elle doit avoir dans le métal. Pasitélès disait donc avec raison que la plastice était la mère de la statuaria, et Pline 10 pouvait affirmer l'antériorité de la plastique en terre sur l'art du bronze. C'est dans les régions où la plastique en terre fut le plus en honneur que l'art du bronze fut le plus développé.Corinthe, avec ses vases et ses statues de terres", était célèbre à l'époque archaïque, et l'on sait que de bonne heure la fonte du bronze y fut pratiquée. En Étrurie, où les bronziers sont renommés, le modelage en terre est presque devenu un art national. On est donc autorisé à se dernander si les deux branches de l'art antique n'ont pas influé l'une sur l'autre, et si l'on ne retrouve pas dans les produits de l'une des procédés particuliers à l'autre. Certains détails ont passé du métal dans la terre cuite, tels les yeux faits en une matière différente12. Mais la réciproque est vraie aussi, ce qui se conçoit aisément, puisque la statue de terre précède celle de bronze, qui n'en est en quelque sorte que le moulage 13. On le constatera par quelques exemples. M. Gonze a remarqué au revers de certains bronzes un trou analogue au trou d'évent des terres cuites, qui pourrait provenir du modèle en terre". Les incisions, les lignes tracées au burin dans l'oeuvre de bronze, ne sont que la transposition dans le métal des lignes incisées par l'ébauchoir dans la terre fraîche. Dans certaines têtes de bronze archaïques, ou dans des têtes de marbre copiées d'oeuvres de bronze, les boucles de la chevelure, surtout celles du front, s'étalent sur plusieurs rangs et s'enroulent en une double volute dont le centre fait une saillie assez marquée. M. Collignon a remarqué que ces boucles sont produites tout naturellement par l'ébauchoir dans le modèle d'argile 1° ; le vase de Cléoménès'', la tète de Zeus en terre cuite d'Olympie (fig. I4?24)' en offrent la preuve. C'est aussi dans la maquette en terre qu'ont été conçues les boucles de chevelure en tire-bouchon que portent certains bronzes, comme la tête d'Herculanum", à comparer pour ce détail avec une tète de terre cuite de Chypre i11 (fig. 6615), ou les boucles longues, qui tombent jusque sur la poitrine, commecellesdel'Apollon de Pompéi. A une époque plus récente, la c h e v e l u r e fouillée des tètes lysippiques a été créée dans l'argile avant (le passer dans le bronze et le marbre ; on en verra des exemples en terre cuite dans le beau torse d'éphèbe du Musée de la villa Giulia à Rome 20, dans des statues d'éphèbes du Musée de Naples". Ce que nous venons de dire suffit sans doute à montrer que bien des détails que l'on considère comme particuliers à l'art du bronze sont nés en réalité de la statue en terre. Les progrès de la sculpture antique sont dus surtout aux bronziers ; on pourrait dire plus justement : au modeleur que devait être tout bronzier. STA 1495 STA ont emprunté aux bronziers certains détails de leur art. De même que le bronzier incrustait ses statues, de même le marbrier, pour varier l'aspect de son oeuvre, pouvait recourir à des matières autres que le marbre. C'est ainsi que les yeux sont parfois rapportés. Un exemple de ce procédé est offert par la Coré d'Anténor [STATUA, fig. 6597;1 où tout, de plus, trahit l'influence du travail du bronze, ce qui n'a rien d'étonnant, puisqu'Anténor était un bronzier. Les yeux rapportés, fréquents dans les bronzes, sont cependant rares dans les marbres', et on peut croire que ce détail a passé du bronze dans le marbre L'usage des pièces rapportées dans les oeuvres de marbre pourrait avoir été emprunté à la technique du bronze. M. Lechat a étudié minutieusement ce travail du marbre par pièces rapportées dans les Corés de l'Acropole ', et l'explique par la crainte qu'avait le marbrier, en entreprenant sur la statue même la ciselure de pièces délicates, qu'un coup mal porté ne gàtlît. le marbre ; il a mieux aimé réserver ces parties tout entières, et, sa statue une fois terminée, rajuster d'une main sûre les morceaux manquants'. Mais n'est-ce pas l'habitude du bronzier de procéder par pièces rapportées (cf. ci-dessus, p. 1490)? Dans la Coré 672 de l'Acropole, tout un pan de l'himation a été rapporté ; le morceau venait s'engager dans un large sillon creusé an liane de la statue, et il était maintenu par trois chevilles de plomb; l'orifice des trous de scellement était dissimulé par une petite rondelle de marbre collée à la chaux, qui rendait invisible toute trace de l'opération e. Cela ne rappelle-t il pas les procédés de rivage des diverses parties d'une figure de bronze, que nous avons constatés dans l'Aphrodite de Dodone, où de même, les têtes des rivets étaient cachées par une mince plaque de bronze ?Dans un torse de marbre, le sculpteur avait modelé les pectoraux sans se soucier de la légère saillie que font les mamelons ; le torse achevé, il a percé un petit trou à la place des mamelons, et y a inséré une fiche de marbre qu'il a laissé dépasser de quelques millimètres'. Le bronzier procédait de même pour incruster les seins de ses statues. M. Lechat fait remonter à la sculpture en pierre tendre l'origine de ce procédé'. Cette pierre était cassante, aussi l'artiste composait-il son oeuvre de plusieurs morceaux habilement rajustés les uns aux autres. Quand le marbre fut substitué à la pierre tendre, les mêmes nécessités matérielles n'existaient plus, mais l'habitude était prise et subsista. Ailleurs cependant, M. Lechat accorde que la grande statuaire chryséléphantine, qui ne pouvait procéder que par pièces de rappport, a dû influer à ce point de vue sur la statuaire en marbre 9. On pourrait croire plutôt que la statuaire en bronze, qui procédait de même, soit pour unir les unes aux autres les pièces séparément fondues, soit pour réparer les défauts de fonte, a transmis cette méthode au marbre. L'influence de la technique du bronze sur les Corés du vf° siècle, où ce procédé est fréquent, a en effet été constatée par M. Pottier 10, et se trahit dans le costume, la chevelure, les ornements. Ce serait un tour de force pour transporter dans le marbre les délicatesses minutieuses du métal, dont les statues ont gardé souvent la sécheresse et la rigidité. M. Lechat admet cette influence, tout en pensant qu'elle se sera exercée d'une manière indirecte sur le type féminin, par l'intermédiaire des figures masculines nues, qui, contrairement aux Corés, ont dû être plus fréquentes en bronze qu'en marbre. L'influence de la technique du bronze a été fréquemment constatée dans les oeuvres de marbre de toutes les époques, et, devant un marbre d'un travail sec et précis, on peut supposer généralement l'imitation d'un original de métal. La sculpture en marbre, qui copie souvent les oeuvres de bronze, a dû aussi, par ce fait même, hériter d'un certain nombre de détails conçus dans la terre; la plastique en terre, la technique du bronze, sont à l'origine de beaucoup de conventions adoptées par les marbriers 19. C'est par exemple la technique de la terre, par l'intermédiaire de celle du bronze, qui a appris aux marbriers à fouiller les boucles de la chevelure, à les évider, à les disposer en pyramides, en torsades, toutes combinaisons que le travail du marbre seul n'aurait jamais suggérées 13. Les oeuvres les plus célèbres des bronziers anciens ne nous sont plus connues que par des copies en marbre. Mais, transportée du bronze dans le marbre, la statue nécessitait l'emploi de procédés particuliers à la nouvelle matière mise en oeuvre 14. Le bronze, par sa légèreté et sa ténacité, permettait de réaliser les conceptions artistiques les plus hardies, les mouvements les plus libres, les plus violents13. C'est dans le bronze seul que Myron avait pu concevoir son Ladas, qui, dit une épigramme de l'Anthologie, dressé sur la pointe des pieds, semblait s'élancer en avant. Le marbre ne permettait pas cette liberté d'attitude, et la copie en marbre d'un bronze devait être étayée de supports qui la consolidaient. De là tous ces attributs divers, ces troncs d'arbres, ces draperies, qui alourdissent les copies de bronzes. Comparez par exemple la Vénus Callipyge18, où la draperie ne fait que jouer le rôle de support, avec le petit Hermaphrodite en bronze d'Épinal'', répétant le même motif, mais que la matière employée a permis de dégager de cet accessoire. Rarement le marbrier s'est hasardé à supprimer ces supports nécessaires. L'Agias de Delphes cependant, afin d'imiter de plus près l'allure libre et dégagée du bronze original, les a omis l8; la statue n'a pour appui que la base étroite et fragile de ses chevilles, à peine renforcée en arrière des deux pieds par un accotoir de marbre dont la largeur est dissimulée par la jambe. L'ceuvre du bronzier pouvait s'allier à celle du marbrier. Les ornements en métal rapportés sur les statues de STA 1496 STA marbre sont fréquents'. Dans une statuette d'Asklépios imberbe du Louvre2 (fig. 6616), les parties drapées étaient er, bronze, et les parties nues en marbre. Inversement, à une époque tardive, les oeuvres de marbre ont été parfois copiés en bronze, et à certains détails, on peut reconnaître dans quelle matière à été concue l'oeuvre originale. C'est ainsi que dans les bronzes copiés des marbres, on remarque parfois sous un pied relevé, un petit support, qui est nécessaire dans le marbre, mais sans motif dans le bronze3. Ce sont surtout les bronzes de grandeur moyenne qui répètent les oeuvres de la grande sculpture en marbre 4. L'influence du bronze sur la sculpture en pierre a été considérable. N'est-ce pas par désir d'imiter de plus près l'oeuvre de bronze que l'artiste a employé certaines matières spéciales, comme le basalte, qui rend le ton du métal' "? On est enclin, dans l'histoire de l'art antique, à accorder une part trop grande à la statuaire en marbre, au détriment de celle en bronze. C'est à tort, car les plus grands artistes grecs furent des bronziers, et la majeure partie des marbres que nous possédons ne sont que des copies d'originaux en bronze disparus. Comme l'a dit avec raison Quatremère de Quincy 6 « la sculpture en pierre ne fut pas celle qui donna jadis le ton aux travaux et au goût. des statuaires. 6° Le moulage et la statuaria. Dans l'histoire de l'art grec, le moulage des statues est une invention de date récente isCCLPTeRA, p. lliO). M. lleinach, à ce propos, a admis une différence entre les bronzes et les marbres, les premiers pouvant toujours être moulés sans inconvénient, les seconds, polychromes, ne supportant pas cette opération A cela, nous ferons une légère restriction, si nous admettons que la peinture était parfois usitée pour les bronzes comme pour les marbres (cf. p.1493). Mais il n'y a aucun doute que les statues de bronze furent souvent moulées. Tel est le cas de cet Kermès Agoraios, que Lucien fait parler en ces termes' : « je me trouvais récemment enduit de poix par des bronziers sur la poitrine et sur le dos. Une cuirasse ridicule était faconnée et attachée autour de mon cou par un art imitateur, modelant l'empreinte entière du bronze. » On a prétendu que les statues en bronze des Lutteurs au Musée de Naples sortaient d'un même moulet0. M. Pernice ", qui les a étudiées attentivement, montre que les torses sont identiques, mais que les extrémités, pieds, mains, têtes, présentent entre elles, des divergences. On a moulé toutes les parties qui auront pu l'être avec un ou deux moules seulement, comme le torse, les jambes, les bras, une partie du visage. Quant aux parties plus délicates, qui auraient exigé l'emploi de plusieurs moules, elles ont été travaillées à la main. Jusqu'à l'époque hellénistique, dit M. Pernice, on n'a pas fait usage de moules partiels pour copier des statues de bronze, et même après cette époque, l'emploi de ces moules partiels fut très restreint12. Cependant, en ce qui concerne du moins les petits bronzes, on sut employer des moules divisés en un grand nombre de parties, comme le prouvent les petits moules en plâtre du Musée du Caire (des 1-u° siècles ap. J.-C.), qui ont servi à reproduire des objets de bronze. Toutefois leur emploi était indirect: on en tirait des épreuves en cire qu'on fondait ensuite en métal i3. Le moulage sur le vif, attribué à Lysistratost6, fut sans doute une invention profitable aux bronziers, qui pouvaient reproduire exactement par la fonte les traits individuels. Elle coïncide avec le grand développement du portrait réalisé en Grèce, attribué aussi au même artiste''. Plusieurs portraits en bronze que nous possédons, tel le prétendu Sénèque de Naples, pourraient n'être qu'une reproduction fidèle d'un moulage pris sur nature. M. Collignon a prouvé l'influence du moulage sur le portrait, en étudiant un buste en terre cuite du Musée de Bruxelles, datant du t" siècle après notre ère, portrait funéraire obtenu par un moulage sur le cadavre 16 ; l'exemple peut aussi servir pour l'art du bronze, étant donnée l'étroite union entre la « plastice » et la « statuaria » . Il. L'histoire et les monuments de la statuaria. 1. L'histoire de la statuaire en bronze dans l'antiquité a été esquissée par Pline ", qui s'est inspiré des ouvrages de ses devanciers, comme Xénocrate de Sicyone 18, des inventaires d'objets d'art", ou qui a décrit les statues qu'il voyait lui-même. Aucun ouvrage d'archéologie moderne n'a encore été consacré à l'histoire de la statuaria, et on a toujours étudié ensemble les oeuvres de bronze et celles de marbre. C'est que les grands bronzes anciens sont rares, car le métal a été recherché avidement de tout temps. La plupart des chefs-d'oeuvre des bronziers antiques ont péri, brisés et jetés à la fonte. Lors de la prise de Constantinople par les Croisés, les statues de bronze qui ornaient la ville furent brisées et converties en pièces de monnaies par les envahisseurs. Nicétas a donné l'énumération des principales20 C'était la statue colossale de Junon; il fallut un chariot attelé de quatre paires de boeufs pour en transporter seulement la tête dans le grand palais où se faisait la fonte. C'était l'Ilercule colossal de Lysippe, dont la jambe était de la grosseur d'un homme, et bien d'autres encore'-'. Les chevaux de bronze que Théodose II avait fait enlever de l'île de Chios, furent peut-être les seuls objets qui échappèrent à la fonte ; ils allèrent décorer la STA -1497STA façade de l'église de Saint-Marc à Venise'. Ce n'est pas sans raison que Nicétas donne le nom de barbares à ces seigneurs francs qui convertirent en gros sous ces statues inestimables. A Rome, si la statue équestre de Marc-Aurèle a échappé à la destruction, c'est grâce à la légende populaire qui voyait en elle le héros de la foi chrétienne, Constantin 2. Brisées par les chrétiens, parce qu'elles rappelaient une époque abhorrée, recherchées pour la matière dont elles étaient faites, les statues de bronze étaient encore attaquées par un autre ennemi, le temps. Rongées à l'extérieur par l'oxydation, elles l'étaient à l'intérieur par les restes du noyau dont on ne débarrassait pas toujours entièrement la figure'. 2. La « statuaria » en Grèce. a) Généralités. Les bronzes grecs étaient renommés. Pline vante ceux d'Égine, de Délos, de Corinthe, ce dernier comprenant lui-même trois variétés'. Le bronze de Délos était la matière préférée de Myron ; Polyclète se servait exclusivement de celui d'Égine. Le bronze fut la matière de prédilection de l'artiste grec, et tous les grands artistes furent des bronziers. Pourquoi cette préférence' ? L'artiste a aimé le bronze, parce qu'il s'adaptait mieux que toute autre matière à rendre avec fidélité la pensée créatrice. La création artistique, modelée dans la terre docile à refléter la moindre pensée de l'artiste, était ensuite, par des moyens mécaniques, qui ne l'altéraient en rien, fixée dans le bronze. Pas de tâtonnements, comme dans la pierre, pas le péril d'avoir à réclamer le concours d'un sculpteur en sousordre. Fidèle, la méthode était aussi rapide, plus que le marbre, dans lequel la forme ne se dégage que petit à petit. Le bronze permettait toutes les attitudes violentes qu'interdisait le marbre. Aucun autre mode de travail n'offrait à l'artiste les mêmes attraits et ne le provoquait plus directement à multiplier ses ouvrages. Si Lysippe n'avait pas eu le bronze à sa disposition, aurait-il laissé les 1500 statues que lui attribuait la tradition ° ? On remarquera que l'art du bronze a fleuri surtout dans le Péloponnèse. C'est que là, on se plaisait davantage à la représentation du corps masculin, dans sa nudité robuste, et que le bronze plus que le marbre était propre à faire valoir les contours durs et les formes précises'. Au vie siècle, les ateliers insulaires, celui de Chios, préféraient le marbre, dont les qualités spécifiques s'accordaient mieux avec leur sentiment secret de l'art, qu'ils aimaient souriant, coquettement paré, tel qu'ils l'exprimaient dans leurs Corés. Le bronze sera avant tout la matière dans laquelle s'immobilisera le corps de l'athlète, et les grands bronziers du ve siècle, Myron, Polyclète, et au Ive siècle, Lysippe, représenteront de préférence la forme athlétique. Au Ive siècle, Praxitèle sera le sculpteur de la grâce féminine et du corps ambigu de l'adolescent ; il préférera le marbre, dans VIII. lequel il pourra rendre mieux que dans le bronze les formes alanguies et douces de ses modèles. On verra combien sont rares les originaux grecs, dont les plus nombreux appartiennent à la période gréco-romaine. Les grandes fouilles méthodiques n'ont, en général, dans ces dernières années, donné que des fragments de statues de bronze : Dodone', Olympie', Délos, Priène, Pergame. Delphes s'enorgueillit de son Aurige, précieux original du re siècle. b) L'introduction de la fonte en creux en Grèce. C'est avec l'introduction de la fonte en creux à Samos par Rhoecos et Théodoros que commence l'histoire de la statuaria en Grèce. Au vle siècle, à Samos, la matière préférée est le bronze. On s'est efforcé de se représenter quel était le style des bronziers samiens du vie siècle. On a reconnu leur influence dans l'Héra de Samos au Louvre t0 et dans les deux statues féminines de l'Acropole (n°a 619, 677)11, dont on a même voulu un instant attribuer l'une à Théodoros de Samos 12. L'abus de l'incision qu'on y constate a rappelé les lignes tracées au burin dans le bronze: d'autre part, M. Winter" a voulu prouver que la forme même de ces statues trahissait la copie d'oeuvres de bronze : l'art samien, débutant dans la technique nouvelle du bronze, se serait efforcé de réduire les difficultés de la fonte au minimum, et pour cela aurait ramené le corps à une forme quasi cylindrique, afin que deux moules pussent servir, l'un pour la face, l'autre pour le revers". Ce sont donc, pour la majorité des archéologues, des oeuvres samiennes, qui ont servi à rattacher à l'école de Samos d'autres monuments : un « Kouros » du Ptoion (Athènes)"des torses de Naucratis '6, des figurines en bronze d'Olympie'', d'Amyclées 18, d'Espagne une tête en poros de Samos 2e Mais c'est là un groupement hybride. Loewy a combattu la théorie de Winter et montré que la forme cylindrique desdites statues samiennes s'explique autrement que par les nécessités de la fonte 2' ; si la statuette d'Olympie était saurienne, elle devrait être, semble-t-il, en fonte creuse, or elle est en fonte pleine; les statues récemment trouvées à Samos montrent un style tout différent, qui est identique à celui de Milet 22 ; en revanche, la tête de la statue 677 de l'Acropole et celle du Kouros du Ptoion présentent une étroite ressemblance avec le Sphinx de Delphes 23, et sont, à n'en pas douter, des oeuvres naxiennes, comme le prétendait déjà Sauer, mais pour d'autres motifs". Il ne subsiste donc rien de ce groupe samien, et il faut renoncer à se figurer l'apparence des premiers bronzes de Samos. C'est au vi' siècle cependant qu'on voit apparaître les premiers bronzes fondus en creux°J. Le lébès que les Samiens consacrèrent dans l'Héraion 2° au vue siècle, était sans doute orné de têtes de griffons exécutées au repoussé comme celui du tombeau de Préneste 2 : le lébès consacré dans l'Héraion au temps de Crésus l' était 188 STA 1498 STA déjà exécuté suivant le nouveau procédé. Dans un tombeau de Corneto, on a trouvé, parmi des vases qui remontent au vile siècle, ou en tout cas au commencement du vie siècle, des têtes de griffons fondues en creux'. Le premier monument de la statuaria fondu de la sorte que nous possédons, est, au dire de Furtwaengler, une tête masculine trouvée à Sparte «fig. 6617), qui serait contemporaine d'une protome de griffon fondu en creux trouvéà Olympie, et daterait du milieu du vie siècle 8; cette date paraît trop reculée °, mais la tête appartient bien encore au vie siècle. Un autre exemple est fourni par une statuette de Delphes 6 du type des « Apollons » à bras détachés ; elle date de la deuxième moitié du vie siècle, et est sans doute le produit d'un atelier ionien. M. Studniczka s'est efforcé de prouver' que la fonte en creux n'avait été introduite dans le Péloponnèse que vers 500, qu'auparavant on n'y faisait de grandes figures qu'au repoussé. Les plus anciennes statues fondues en creux de l'art péloponésien seraient l'Apollon Philésios de Kanachos, vers 500, dont serait à peu près contemporain l'Apollon de Piombino (fi g. 6619)'. Comme l'oeuvre du maître sicyonien était en bronze éginétique, la technique de la fonte en creux aurait été introduite dans le Péloponnèse par Égine, qui elle-même l'aurait reçue de Samos, avec qui elle était en relation'. C'est d'Égine aussi que cette technique nouvelle serait venue à Athènes, dont l'oeuvre la plus ancienne serait la tête barbue de l'Acropole, apparentée au style éginétique. Anténor, auteur du groupe des Tyrannicides, aurait été, par la technique de son oeuvre, élève des Éginètes. Les théories de M. Studniczka ont été combattues par Furtwaengler 9. La tête de Sparte, qui est une oeuvre laconienne, prouverait, dit-il, que la fonte en creux était connue dans le Péloponnèse dès le milieu du vie siècle ; elle aurait été introduite à Sparte non pas par Égine, mais directement par les Samiens : la tradition mentionne en effet les étroits rapports qui unissaient Sparte à Samos : Théodoros de Samos avait élevé la Skias, et Bathyklès de Magnésie, auteur du trône d'Amyclées, était sans doute un artiste du cycle samlen'o. Nos connaissances sur la statuaire en bronze au Vie siècle se réduisent à peu de chose. Dans le Pélopon nèse Corinthe est le centre d'une école de bronziers qui exporte jusqu'en Sicile et en Etrurie. L'école d'Égine, dont la prédilection pour l'art du bronze est marquée, ne nous est guère mieux connue pour la période primitive. De bonne heure, l'art de la fonte fut en faveur à Argos, à Sparte, dont l'école est représentée par Gitiadas, à qui Furtwaengler attribue la tête de Sparte. Le vie siècle est pour le bronzier une période de conquête patiente, qui lui donne une technique perfectionnée, dans laquelle excelleront les maîtres du ve siècle. Peut-être est-ce à la fin du vie siècle, sinon aux premières années du ve siècle, qu'on peut rapporter la Chimère d'Arezzo (fig. 1364), oeuvre grecque qu'Amelung voudrait attribuer à un atelier de Corinthe ou de Sicyone 12, la Louve du Capitole (fig. 6618) 13, qui pourrait être de travail ionien (Helbig), la tête de o Cythèref4, considérée tantôt comme une oeuvre péloponésienne 16, tan tôt, et plus justement, comme une de Piombino. oeuvre ionienne ''. c) Vesiècle. -L'activité d'Égine grandit au ve siècle, et sa fonte (aeginetica temperatura) est si renommée, qu'à Sicyone, Kanachos ne se fait pas faute d'en adopter le procédé. Le maître le plus célèbre de l'école éginétique est alors Ouatas 11; l'Héraklès Oppermann nous conserverait peut-être le souvenir de son Héraklès consacré à Olympie par les Thasiens ". Deux têtes détachées de statues de grandeur naturelle peuvent être rapportées aux Éginètes, 1a tête d'éphèbe d'Herculanum ", et la tête barbue de l'Acropole 2o. A Sicyone, l'art du bronze est en honneur ; Kanachos est STA 1499 STA (fig. 4220). LSTATUA, p. 1477), STA 1500 STA nimes à louer en lui la perfection de la technique t, Bien que Phidias ne fût pas exclusivement bronzier comme Myron et Polyclète, on vantait certaines de ses statues en bronze, comme la Lemnia, la Promachos2. La statuaire en bronze fut en honneur pendant tout le ve siècle, surtout dans l'école d'Argos, où les disciples de Polyclète continuèrent la tradition de leur maitre. C'est à la deuxième moitié du ve siècle qu'on peut attribuer les monuments suivants : les statues de Tarse, au Musée de Constantinople 3, l'une sans tète '`, l'autre, réduite à la tète et au haut du torse 5, qu'on a rattachées à la tradition myronienne, et qui datent de la fin du ve siècle 6 ; 1' Idolino " de Florence, original grec de 440-4130, oeuvre éclectique trahissant l'influence attique sur un type polyclétéen 7 ; la tête dite de Bénévent, au Louvre, oeuvre attique très apparentée à l'Athéna de Bologne, et sans doute du même atelier !Phidias?) 8 le buste en bronze de Munich, original du temps de Phidias et de Polyclète 9 : l'éphèbe Sabourofi, oeuvre argienne de la fin du ve siècle". Citons encore une petite tête de la Villa Albani, reproduisant le type de l'Athéna Hope", le fragment d'une statue colossale d'Arès, trouvé en Grande-Grèce, au British Museum et datant du milieu du ve siècle f2. d) IVr siècle. L'art du ive siècle accorde au bronze une place moins exclusive. Scopas, élève des fondeurs du Péloponnèse, débute par des statues de bronze, comme celle de l'Aphrodite Pandémos, mais, plus tard, semble se vouer à la sculpture de marbre, qui a fait la gloire de l'école attique. Praxitèle est surtout un marbrier, et les anciens affirmaient qu'il réussissait mieux dans le marbre que dans le bronze 11. Le rythme nouveau de ses oeuvres a été conçu dans le marbre : ces torses déhanchés, qui s'appuient contre un support et permettent de mettre la figure hors d'aplomb, de donner au corps des lignes plus onduleuses, naissaient tout naturellement dans le marbre qui nécessite des appuis, mais ce sont des attitudes contraires aux qualités mêmes du bronze, faites d'indépendance et de mouvement. Les chefs d'oeuvre de Praxitèle sont des marbres; c'est dans cette matière qu'il trouve, sous son ciseau, les délicatesses les plus subtiles, pour traduire, dans un corps de femme ou d'éphèbe, le moelleux de la chair et la souplesse de la vie. C'est à la tendance praxitélienne qu'on peut rapporter le bronze d'Hypnos, de Berlin 1Y, la tête d'Hypnos de Pérouse, au Musée Britannique 15. L'Athéna d'Arezzo, au Musée de Flo'e rence76, serait une oeuvre grecque du cycle de Praxitèle; Amelung y verrait même une oeuvre de jeunesse de ce maître. Lysippe, lui, est avant tout un bronzier 17, et le bronze lui rendait possible l'exécution de statues aussi hardies que celles de son Kairos, debout sur une sphère qu'il touchait seulement de la pointe des pieds; la tradition de la fonte se maintient dans son école avec ses successeurs, Daippos, Boédas, Charès de Lindos, etc., qui continuèrent à rendre dans le bronze la précision du corps athlétique. C'est à Boédas qu'on attribue généralement la statue de l'Adorant de Berlin 1° (fig. 6622). C'est encore du ive siècle qu'on peut dater : la tête d'Erzindjan, au Musée Britannique19, qui, pour M. Reinach20 est une oeuvre du début du ive siècle, encore inspirée des grands maîtres du ve siècle; pour M. Collignon 91, une oeuvre de la fin du ive siècle, sous l'influence scopasique; la tête de Satyre de Munich oeuvre d u temps d'Alexandre. Avec le ive siècle, la fonte du bronze a atteint en Grèce son apogée, et ne fera dès lors plus de progrès 23. e) Époque hellénistique et greco-romaine. -C'est à l'époque hellénistique qu'il convient de rapporter 2'. un fragment de statue féminine drapée du Musée de Berlin (one siècle), la tête de Lybien du British Museum ", trouvée à Cyrène, où STA 1501 STA s'affirme le réalisme artistique de cette époque. Le pugiliste des Thermes' est d'un style déjà plus avancé (vers 200) (fig. 6623), de même que la tête d'athlète d'Olympie', la statue du Musée des Thermes, dans laquelle on a parfois voulu reconnaître Alexandre Baia de Syrie (149 av. J.-C.) 3. Du n' siècle date encore une belle tête de Centaure du Musée de Spire découverte dans le Palatinat ; c'est un original grec, transformé en peson de balance dans cette région à demibarbare, produit tardif, comme le Laocoon qu'elle rappelle, de l'art pergaménien. Citons encore la tête de Sophocle, à Londres', provenant de Constantinople. Les bronziers grecs n'ont plus de souci d'originalité ; ils se bornent à copier les œuvres de leurs devanciers. L'Apoxyoménos d'Éphèse' est une copie romaine d'une œuvre de l'école lysippique, à propos de laquelle Hauser a prononcé le nom de Daippos, fils de Lysippe. L'Héraklès de la Glyptothèque Ny-Carlsberg7 reproduit un type attique du Ive siècle, où se mêlent les éléments du style polyclétéen et du style scopasique ; il est parent de l'Héraklès Lansdowne, et montre même technique que l'Apoxyoménos d'Éphèse et, que le bronze d'Anticythère, son contemporain. La statue de Dionysos (Apollon ?) du British Museum qui provient d'Égypte et date du 1er siècle av. J.-C., est la copie d'un original que Furtwaengler attribue à Euphranor. Le navire naufragé à Anticythère, au i01' siècle de notre ère, contenait une riche cargaison d'oeuvres d'art'. Aucune des pièces conservées n'est un original; ce sont des copies libres, faites pour l'exportation, et destinées, semble-t-il, au marché de Rome 10. Parmi les grands bronzes, une statue d'éphèbe a pu être restaurée" ; une tête barbue est la copie d'un beau portrait de l'époque hellénistique Le Musée de Naples contient un grand nombre de bronzes provenant de Pompéi ou d'Herculanum. Plusieurs rappellent par leur style l'éphèbe d'Anticythère, et proviennent peut-être des mêmes ateliers d'Athènes13 On a souvent discuté s'il fallait voir dans les bronzes de Naples des originaux ou des copies relativement récentes. Benndorf a montré que sauf la tête éginétique d'Llercu lanum (cf. p. 1498), et des portraits d'art local, ces bronzes étaient des répliques du temps d'Auguste, faites sans doute à Athènes, et importées en Italie peu de temps avant l'éruption du Vésuve 1'. Le buste du Doryphore, qui porte la signature d'Apollonios, fils d'Archias, Athénien, en est à. lui seul une preuve évidente. A cette époque, il se passait à Athènes ce qui se passe de nos jours en Italie, surtout à Naples : on copiait industriellement Ies bronzes célèbres pour l'exportation'l. Les originaux de ces bronzes remontent à diverses époques. Les Danseuses d'Herculanum 11; répètent le type cher à l'art de la première moitié du ve siècle, celui de la femme en chiton dorien [eÉeuos, fig. 55591, ; l'Apollon de Pompéi t7 dérive d'une œuvre argienne antérieure à 450; le buste du Doryphore de Polyclète a été fidèlement copié par Apollonios 18, tandis que le buste qui lui faisait pendant reproduit les traits d'une Amazone polyclétéennc; deux bustes d'éphèbes 21 sont des copies de types polyclétéens2i; les deux lutteurs" reproduisent, diversement modifiés, un original grec du ve siècle ; d'un original de la fin du ve siècle dérive la tête de Dionysos barbu 23 longtemps appelée Platon. L'Hermès assis répète un motif lysi ppique 21; la tète d'Artémis (dite longtemps Bérénice) dérive d'une œuvre du Ive siècle, qui, pour Reinach, pourrait être de Léocharès 25 ; l'éphèbe de Pompéi reproduit une œuvre éclectique, où le style attique se mêle au style argien 25 le satyre endormi est un type hellénistique du me siècle'-', comme le satyre ivre 28 ; le Dionysos (dit Narcisse) est une copie d'un type attique de l'âge hellénistique' l'Apollon et l'Artémis du temple d'Apollon"' remontent aussi à des originaux du nt' siècle. Les portraits hellénistiques sont nombreux. Celui qui a passé pour représenter Sénèque, d'Herculanum, est le plus connu3l. Ce sont encore : le portrait de Seleucus I Nicator31, le buste dit de Sappho3", deux bustes de princes hellénistiques 3s, des tètes de Grecs et de Grecques inconnus, etc. 31. On rencontre dans toute l'Italie ces portraits grecs comme ceux du Musée de Naples, qui sont peut-être des copies importées de Grèce. STE. 1502 STA 3° La « statuaria » en Etrurie. La pierre n'a jamais joué un grand rôle dans l'art étrusque' l'argile fut la matière préférée des artistes, et nombreuses sont les statues de terre cuite qui sont parvenues jusqu'à nous2. On comprend donc, étant donnée l'union qui existe entre la « plastice » et la « statuaria », que celte dernière fut aussi florissante en Toscane. Les ouvrages des bronziers étrusques étaient renommés ; les signa tuscanica étaient colportés dans le monde entier, dit Pline', et lors de la prise de Vulsinii (264 av. J.-C.), les Romains y trouvèrent à emporter '2000 statues de bronze. Vulsinii, Arretium paraissent avoir été les centres principaux des bronziers étrusques, car de là proviennent la plupart des statues de bronze' l'art du bronze florissait dans le pays compris entre la haute vallée du Tibre et la source de l'Arno. Pendant longtemps, ces ateliers ont été en pleine activité et ont répandu leurs produits dans l'Italie centrale e, Un emploi spécial des statues de bronze én Étrurie consistait à leur faire orner le tympan des temples qui, en bois, et placé en porte-à-faux, ne permettait qu'une décoration très légère, en terre cuite ou en bronze dorée, Les mêmes procédés techniques qu'en Grèce étaient usités en Étrurie ; cependant, les statuant étrusques ont poussé plus loin que les Grecs le désir de rendre l'expression de la vie dans leurs oeuvres. Dans une tête en bronze de Florence 7, il y avait peut-être à l'intérieur une lampe, dont la lumière brillait à travers la matière transparente des yeux, et donnait au regard une vie intense; de même dans le bronze Sciarra'. L'art du bronze a passé en Étrurie par les mêmes phases qu'en Grèce: On commença par le sphyrélaton, dont le buste de Vulci, au Musée Britannique, qui est antérieur à 600, est un exemple bien connu (fig. 2820)". La fonte en creux semble avoir été introduite dans ces régions plus tard qu'en Grècef0. Une tête de la collection Tyszkiewicz", de grandeur demi-nature, travail étrusque de 500 av. J.-C., ou des premières années du v0 siècle, est encore en fonte pleine. La technique nouvelle fut sans doute importée de Grèce au début du ve siècle. Les grands bronzes étrusques ne sont pas nombreux''-. La louve du Capitole, qui, pour certains, serait étrusque, est plutôt de travail grec (fig. 6618), de même quelaChimère d'Arezzo (fig. 1364), la tête d'Ilypnos de Pérouse, l'Athéna d'Arezzo, dans laquelle Winckelmann reconnaissait déjà une oeuvre grecque. Ceci prouve que, malgré la renommée des bronzes étrusques, les oeuvres des bronziers grecs leur faisaient concurrence dans leur pays même. On n'a laissé à l'art étrusque que ce qu'on ne pouvait lui ôter sans invraisemblance. C'est l'Arringatore de Flo rence (fig. 6624) 13, portrait de Metilius, qui, l'inscription l'indique, fut commandé par la veuve du défunt, Aulesi Clensi, à l'artiste Tenine Tuthinas ; cette statue est contemporaine des guerres puniques. Le Mars de Todi, au Vatican (fig. 2817)", imite, au me siècle avant J.-C., un original grec du milieu du ive siècle. Les fragments d'un attelage monté par des divinités (sans doute Apollon et Diane), trouvés à Chianciano, près de Chiusi, et conservés au Musée de Florence, datent sans doute aussi du me siècle". Une statue féminine de Vulci, à la Glyptothèque de Munich", est un travail étrusque des 110-ter siècles av. J,-C., imitant un type praxité lien. La statue de Zeus imberbe n'est pas antérieure aux 1110-110 siècles et reproduit un type idéal de l'époque d'Alexandre 1i. Les oeuvres de bronze de dimensions plus restreintes ne manquent pas. Nous mentionnerons seulement les diverses statues d'enfants (fig. 2831) qui sont un motif fréquenta Les Étrusques furent plutôt d'habiles techniciens que des artistes et leur réputation fut surtout celle de fabricants industriels, fournissant des candélabres, des cistes, des miroirs 1°, Dans leurs statues, ils imitent les oeuvres des bronziers grecs, et leurs imitations peuvent être confondues avec les originaux de la Grèce ; ou encore, ils créent des œuvres d'un goût local portant la marque du style étrusque, tel l'Arringatore : bien que lourd et emprunté dans sa démarche, bien que les plis du pallium soient mal rendus, que les proportions ne soient pas irréprochables, ce n'est pas une oeuvre vulgaire, et le réalisme cher aux Étrusques et aux Romains s'y fait fortement sentir. Les Romains avouaient cette infériorité de .la statuaire étrusque sur celle de la Grèce 2U. 4° La « statuaria » à Rome. Les moeurs à Rome furent simples, jusqu'à la conquête de la Grèce et de l'Orient, disaient les anciens. La statuaire céramique suffisait à décorer les temples et à représenter les divinités21. On peut croire cependant que de bonne heure les bronzes étrusques pénétrèrent à Rome, comme ceux de l'Italie méridionale, qui possédait des ateliers de fondeurs célèbres22. La première statue de divinité faite en bronze que Pline mentionne à Rome est celle de Cérès, faite avec les biens confisqués de Spurius Cassius2'. Les grands bronzes antérieurs à l'époque impériale sont rares. Le Dionysos des Thermes, datant des men' siècles, serait une oeuvre campanienne importée, ou une œuvre romaine subissant l'influence des bronziers de la STA 1503 STA Campanie 1. De l'époque républicaine date le Camille du Palais des Conservateurs 2, qui, au dire d'Helbig, pourrait être la création d'artistes grecs travaillant à Rome. A partir de l'époque impériale, les monuments abondent. Mais le bronzier romain est de beaucoup inférieur au bronzier grec. L'art de la fonte est en décadence 3 et Pline l'avoue en mentionnant le colosse fondu par Zénodore". Les bronzes romains sont d'une fonte plus épaisse, plus lourde, moins fine, d'un alliage moins parfait. Si la qualité déchoit, la quantité et les dimensions des bronzes ne diminuent pas. La statue de Zénodore était de dimensions colossales, et les colosses ou fragments de colosses romains que nous possédons ne sont pas rares : au Vatican, un Héraclès en bronze doré, qui date du temps de Pompée ou de Tibère', les fragments d'une statue de Neptune, du temps de Trajan ° ; au palais des Conservateurs, une tête dans laquelle on a reconnu Néron, Domitien, Commode", un pied de statues; dans la collection Ouvaroff, une tête de Zeus ° ; au Louvre, un buste de Titus, etc. 10 Si on veut saisir la différence qui existe entre un bronze grec même de basse époque, et un bronze romain, il suffit de considérer les bronzes du Musée de Naples. Les bronzes de Pompéi et d'Herculanum sont, nous l'avons dit, de deux sortes : les uns, copies d'originaux grecs exécutées à Athènes, sont d'un travail soigné et d'une fonte légère ; les autres, des produits romains, telle la tête bien connue de Caecilius Jucundus (fig 6625)[1, sont d'un travail plus rude, d'une fonte moins fine. On peut dire que les oeuvres originales de Naples sont romaines, et sans mérite artistique, tandis que les oeuvres artistiques ne sont que des copies grecques12. Aussi les Romains préféraient-ils à leurs bronzes nationaux les oeuvres des bronziers grecs, et recouraient-ils à tous les moyens pour se les procurer. Antoine avait proscrit Verrès, parce que celui-ci avait refusé de lui donner ses bronzes corinthiensf3, et Auguste agissait de même 1Y. Les trésors artistiques de la Grèce furent mis au pillage par les conquérants, et vinrent enrichir l'Italie. A Rome, comme en Étrurie, l'art du portrait était en grande faveur ; aussi de nombreux bronzes nous livrentils les traits de personnages célèbres En voici quelquesuns : tête de Jules César, à Berlin 1° ; tête de Scipion (?), à Naples t° ; tète d'Auguste, à la bibliothèque Vaticane L1 ; tètes de. Tibère, au Musée de Thermes 18 et à Florence 1'; tète de Néron, au Vatican 20 ; tête de Lucius Junius Brutus, au palais des Conservateurs21; tète de Narbonus Sorex, à Naples" ; tête de flamen, à Naples23 ; têtes d'inconnus, à Naples2a, au Musée des Thermes20; tête de jeune romaine, à Parme 26 ; tête de Galba, à Naples 27, etc. Ces bronzes datent pour la plupart du siècle de l'Empire. Au ne siècle appartiennent la statue équestre de Marc-Aurèle, au Capitole", une tête féminine de Florence 29, dont la coiffure rappelle celle de Faustine, épouse d'Antonin le Pieux, une tête d'Antinoüs30. On peut attribuer au m° siècle des têtes de Septime Sévère31, de Balbin 32, à la bibliothèque Vaticane, une tête de Trebonianus Gallus, au Musée étrusque du VaticanJ3, et une statue du même personnage, à New-York". A part le genre du portrait, il n'y a aucune originalité dans les bronzes romains, qui répètent les types créés par les Grecs. lin joli buste de Zeus, à Vienne 30, reproduit un original grec de la fin du Ive siècle, qui sortait peut-être de l'atelier de Bryaxis (Reinach) ; le cheval du Palais des Conservateurs pourrait dériver d'une oeuvre de Lysippe, qui était célèbre comme animalier 36 ; on peut le comparer avec une tête de cheval de Florence 3', d'un magnifique travail. Mentionnons encore la Victoire de Brescia 38, celle de Calvatone, à Berlin u, un quadrige monumental d'Herculanum d0, une tête féminine (Athéna) à Berlin S1, l'Héraklès de Boston i2, copie romaine d'une oeuvre hellénistique du me siècle av. J.-C. Les copies de portraits grecs, dont nous avons dejà cité quelques exemples du Musée de Naples, sont aussi nombreux, et remontent à des originaux hellénistiques. Nous mentionnerons ceuxd'Homèrei3, de Sophocle 44, de deux Grecs inconnusk3, au Musée de Florence, qui tous quatre décoraient une villa romaine près de Livourne ; celui de Socrate, à Munich'6, celui d'un Grec inconnu, à Madrid'". L'amour du luxe, le goût de la décoration des demeures, des jardins, favorisa le développement de l'art du bronze à Rome. Nous avons cité les portraits grecs, qui ornaient une villa de Livourne ; il en était de même à Pompéi, où nombreuses sont les statues décoratives, telles le Faune à l'outre 18, le Silène dansant 89, les figures d'enfants, d'Eros 00, de pêcheurs (fig. 5490)", etc. 5° La « statuaria » en Gaule et dans les colonies romaines32. L'industrie était développée en Gaule, mais la statuaire n'existait pas avant la conquête de César, STA 1301 STA parce que la représentation de la figure humaine en sculpture était probablement interdite par la religion'. Aucun monument de la « statuaria » n'est antérieur à la domination romaine. L'art gaulois du bronze est représenté par des monuments très grossiers, comme certains bustes`, le cheval de Neuvy3, qui date sans doute du n' siècle après J.-C. Peu de pièces s'élèvent au-dessus du médiocre ou du mauvais 4. Une preuve de l'inhabileté des artistes locaux à fondre le bronze, est l'emploi fréquent qu'ils font de la technique au repoussé, même pour de grandes figures, comme celle du sanglier de Neuvy l', de grandeur naturelle. C'est là un signe irrécusable d'infériorité technique, qui persistera pendant tout le moyen àge. Mais l'infl uence des bronziers grecs se faisait sentir en Gaule. Zénodore avait fondu un colosse de bronze pour la cité gauloise des Arvernes, avant de travailler à Rome pour Néron G. Plusieurs bronzes trouvés en Gaule ou dans les pays du Rhin, du Danube, sont des oeuvres grecques importées ; nous avons mentionné déjà la tète de Centaure de Spire. Au lC' siècle av. J.-C., l'importation des bronzes campaniens de Capoue était déjà considérable en Germanie'. Les imitations d'oeuvres grecques par des bronziers romains sont nombreuses dans la Gaule et les pays germains. Nous en citerons quelques-unes. Le Jupiter d'Évreux (fig. 4288), du ue siècle, est conçu dans la tradition lysippique", comme le bronze de Coligny, au Musée de Lyon'. La tête du Cabinet des Médailles, qui aurait été commandée par la municipalité de Lutèce, serait une copie d'une oeuvre d'Alcamène (Furtwaengler) ou de Phidias (Reinach 10). La tète de Dionysos, de Lezoux, du le" siècle après J. C., dérive d'un type de Phidias" ; un buste d'éphèbe trouvé à Saint-Barthélemy de Beaurepaire 12, rappelle la copie du Doryphore d'Herculanum ; la tête d'éphèbe de Lillebonne, au Musée de Rouen", bien que médiocre, trahit cependant aussi l'influence grecque. Ce sont encore : la tète de la Maison Carrée à Nirnesf4, portrait d'un grec inconnu, la tête de Junon à Lyon'', le Zeus de Lyon, du lice siècle's, la Fortune, trouvée à Aoste (Isère), au Musée de Lyon 1 i ; l'Apollon du Musée de Troyes, trouvé à Vaupoisson ", des 11-II1e siècles ; l'Apollon de Lillebonne, au Louvre 12. Les bronzes gréco-romains ont pénétré plus loin encore. L'éphèbe d'Helenenberg (Carinthie), au Musée de Vienne 20, reproduit, au ter siècle av. J.-C., un type polyclétéen. L'éphèbe de Xanten, au Musée de Berlin 2', date des le"-n' siècles après J.-C. Une tête d'Isis, au Musée de Vienne, a été trouvée dans le Danube2t. Nous citerons encore un griffon, qui faisait partie d'une statue d'Apollon23, une tète de Zeus, provenant du Tyrol", une tête de jeune homme 23, des pieds de statues, trouvés à Carnuntum, à Vienne, etc.". Comme témoignage de l'expansion des bronzes romains, mentionnons encore la tète d'IIadrien, trouvée dans la Tamise27, le buste de Julie, fille de Titus, trouvé à Emporiae (Espagne) 28, la tête de Gordien III, trouvée à Rudanovo (Bulgarie), au Musée de Sofia20. 6° La décadence de la « statuaria » 30. L'art de la fonte, quoique déjà déchu, et ne pouvant rivaliser avec l'art des bronziers de la Grèce, se maintint cependant encore pendant les siècles de la décadence latine. Constantin avait rassemblé à Constantinople les chefsd'oeuvre des bronziers antiques. Là se voyait entre autres un Apollon colossal, attribué à Phidias, qui, par l'adjonction d'un sceptre, de rayons et du globe du monde, avait été transformé en une statue de Constan' tin. Les bains de Zeuxippe, commencés par Sévère, et que Constantin avait embellis, furent enrichis de plus de 60 statues de bronze, qui périrent dans l'incendie allumé sous Justinien, dans l'émeute de 7(32. Les successeurs de Constantin suivirent son exemple, et la vue de tous ces chefs-d'oeuvre stimula d'une vive émulation les artistes qu'ils employèrent. Les fondeurs, aerarii fusores, étaient compris parmi les artistes qu'une loi du Code théodosien exemptait des charges personnelles. Théodose le Grand avait fait exécuter sa statue équestre en bronze dans le Milliaire. C'est cet empereur que représente peut-être la statue colossale de Barletta3l (fig.6626),le plus grand bronze que nous possédions; bien que d'un art de décadence, il atteste que les bronziers étaient encore habiles dans les procédés de la fonte. Il en fut de même dans la suite92. Procope décrit la statue équestre en bronze de Justinien, colosse élevé dans l'Augusteon, et une place embellie par cet empereur de nombreuses statues de bronze, si bien travaillées «qu'on les croirait sorties des mains de Phidias, de Lysippe ou de Praxitèle ». Avec les empereurs iconoclastes et la défense du concile, convoqué en 754 par Constantin Copronyme, de représenter aucune figure religieuse sur toile, bois, pierre, marbre, or, cuivre, l'art du bronze dut, comme les autres arts, décliner rapidement. Du Ixe au xi' siècle, les artistes byzantins se vouent uniquement à la prati STA 1505 STE que des arts industriels'. C'étaient des oeuvres purement industrielles que ces coqs, boucs, béliers, qui lançaient l'eau dans un bassin de pierre, devant la basilique de Basile l (867-884) 2. La fonte des grandes statues ne se fait plus, et si le moine Théophile (x-xie siècle), dans sa Schedula diversarum artium, donne les instructions nécessaires pour la fonte du bronze à cire perdue, elles ne s'appliquent qu'à des cloches, des ostensoirs. 11 en fut de même en Occident. Les monuments que mentionne le Liber Ponti fiealis3, à partir du ve siècle, sont des oeuvres industrielles, candélabres, portes de bronze, etc. On ignore la fonte des statues. A la fin du virle siècle, quand le pape Adrien le' a besoin de statues, il les fait faire en bois recouvert d'argent travaillé au repoussé'. La fonte industrielle décline à son tour, et, au me siècle, on peut dire que l'art de fondre le bronze n'est plus connu en Italie. C'est de Constantinople que l'abbé Didier, du Mont-Cassin, fit venir des portes de bronzes et des candélabres pour l'église de Saint-Benoit, de même que -Hildebrand, sous le pape Alexandre II (1061-1073), pour la basilique de SaintPaul-hors-les-Murs. W. DEONNA.