Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article STIPS

STIPS. L'origine et l'étymologie du mot paraissent avoir été inconnues des anciens. Varron le dérive, non sans hésitation, du grec a'rot6i : slips ab aT o t 6 4 fortasse graeco verbo. Il le rapproche également du verbe stipare : a stipando stipem dicere coeperunt'. Festus exprime la même opinion: stipem dicebantpecuniam signatam, gaod stiparetur 2. Il est peu vraisemblable que slips soit, dans la formation verbale, postérieur à stipare; le con traire est plus probable. Le mot peut être rattaché à la racine a-rt6, d'où sont issus les mots v'rRoç, allô«ç, a'r)yoç, a-rtmodç, etc. La notion fondamentale exprimée par tous les mots de cette famille est celle d'un objet ou d'une matière foulée, d'un groupe ou d'un tas compact. Le sens primitif nous est indiqué à la fois par la double définition de Festus et par un passage significatif de Tacite'. «Stipem dicebant pecuniam signatam; -Stipem esse nummum signatam testimonio est, etc., nous dit Festus. Quant à Tacite, il rapporte qu'au moment de l'inauguration du Capitole reconstruit par Vespasien, passim injectae fundamentis argenti aurique stipes et metallorum primitiae nu/lis fornacibus victae, sed ut gignuntur. Argenti aurique stipes, ce sont des pièces monnayées ; metallorum primitiae, ce sont des lingots bruts. Mais, à l'origine, les Romains ne monnayèrent que le cuivre, et le mot stips fut d'abord appliqué aux as librales"'. Plus tard, il resta synonyme de ces ou aera', et fut surtout employé pour désigner la menue monnaie, modica acra. Un texte de Pline l'Ancien nous permet de croire que le mot s'appliquait à l'uncia comme à l'as 6 ; il est vraisemblable qu'il pouvait servir également pour les autres subdivisions de l'as. Le Cabinet des Médailles possède un as romain qui porte au revers l'inscription Iortunai stipe'. C'est du sens très ancien de menue monnaie que dérivent la plupart des significations, que le mot slips acquit plus tard. Stips ou stipes, c'étaient les pièces de petite valeur qu'on donnait soit aux mendiants, qui tendaient la main aux passants sur le Pons Sublicius soit aux membres des confréries Isiaques ou aux Galles de Cybèle quêtant par les rues de Rome 9 ; c'étaient encore les pièces que l'on aimait par jeu à donner aux éléphants'". Tacite applique le mot à la distribution d'argent que Néron fit au peuple lors des ludi Juvenales ". Mais le sens qui paraît avoir été le plus usuel fut celui « d'offrande en pièces monnayées aux divinités »12. Chaque dieu, chaque temple semble avoir eu une caisse, un trésor alimenté par de telles offrandes. Les textes des écrivains et les inscriptions nous font connaître à Remo une stipsApollinis ", une stips CererisetProserpinaei4 une stips Aesculapii et une stips Avis Jurarii 1" ; dans le sanctuaire de Diane du Mons Tifata, voisin de Capoue, une stips Dianae t6. Les pièces monnayées offertes à ces divinités et destinées à grossir les trésors de leurs temples étaient déposées, comme les epulae et les libationes, sur les mensae qui se trouvaient immédiatement devant l'image du dieu ou de la déesse L'as du Cabinet des Médailles, que nous avons signalé plus haut, provient peut-être d'un temple de la Fortune. Les fonds, constitués par toutes ces offrandes, étaient employés en oeuvres diverses : on s'en servait pour des constructions t8, pour ériger des statues'', pour acheter des terrains"-". STI 1516 STI Les pièces de monnaies, offertes aux divinités des eaux, étaient jetées dans les sources ou les fleuves; cet usage était très répandu : l'expression stipem ou stipes jacere n'est pas moins fréquente que stipem ponere'. Pline le Jeune signale les nombreuses pièces visibles au fond de la source du Clitumnus 2. Sénèque mentionne les stipes jetées par les prêtres dans les eaux du Nil, non loin de Philae 3. Plusieurs trésors de monnaie ont été trouvés au fond de sources sacrées, par exemple à Vicarello en Italie 4 ; dans la fontaine de la Dea Coventina ou Conventina à Procolitia, le long du vallum Iladriani au nord de la Bretagne" ; en bien d'autres points encore °. Un autre sens du mot slips, qui souvent parait se confondre avec le sens d« i offrande aux divinités », mais qui néanmoins doit en être distingué, est celui de souscription en vue d'une oeuvre ou d'une cérémonie spéciale. Parfois ''oeuvre ou la cérémonie, à laquelle la slips est destinée, a un caractère religieux : c'est, par exemple, la construction d'un temple un lectisternium e, un taurobolium' ; mais ce peut être aussi une oeuvre purement laïque, des jeux10, l'érection d'une statue'', la construction d'un pont", etc. A ce sens de souscription spéciale, exceptionnelle, s'oppose le sens de cotisation régulière que le mot a eu également. Le terme slips menstrua est le terme en quelque sorte officiel dont on se servait pour désigner la cotisation mensuelle que devaient payer les membres des collèges funéraires". Slips ou stipes, c'étaient encore les étrennes en espèces que les Romains se donnaient au début de l'année [sTRENAE] ; cet usage était courant ; Ovide le signale dans les Fastes", et Caligula sut en profiter pour extorquer à ses courtisans des sommes considérables". Enfin il est possible que le mot stips ait signifié: amende en numéraire. Mais le texte de Valère Maxime" où il semble avoir ce sens, parait être corrompu ; dans le membre de phrase : nodosain ex.solvite stipem, le mot nodosa est très douteux. Slips peut avoir été employé ici dans le sens de « contribution. » Il s'agit dans le passage bien plus d'un impôt sur les célibataires que d'une amende au sens pénal du mot. J. TOUTAi:r.