Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article STRAGULUM

STRAGULUM, STRAGULA VESTIS (ETptoU.a). I. Couverture, tenture, tapisserie, rideau LTAPETE, VELUM, VESTls] et, en général, tout ce qu'on étend sur le sol ou Sur leS lits FLECTUS, COENA, FUNUS] et sur d'autres meudes murs et dans leurs intervalles. Nous renvoyons aux articles dont les titres sont ici indiqués. Stragulum est aussi la housse ou le caparaçon d'un IL Terme d'architecture. Stragulutn se rencontre dans un formulaire métrologique' qui fait partie de 1'muvre du géomètre romain Vitruvi us Rufus, oit il signifie le lit de pierre, formant l'assise d'un tambour de colonne. Il y a autant de stragula que d'assises, et le principal est celui de la première assise reposant sur la base, lequel dans sa taille comprend, outre ses éléments propres, une section de pierre sur laquelle la colonne vient s'adapter ; c'est l'kôsa des Grecs, point de départ de la mesure du fût. V. MonTE'r. STRATLGOS (L'TO.T-gydç). Le mot désigne tantôt, d'une manière vague, un chef d'armée quelconque, et tantôt un magistrat nommé dans des conditions déterminées pour remplir des fonctions également déterminées. Ce dernier sens est le seul à considérer ici. Nous parlerons d'abord des stratèges d'Athènes, parce qu'ils nous sont les mieux connus. 1. ATHÈNES. Origine des stratèges. A Athènes, les stratèges constituent un collège de dix personnages élus chaque année par le peuple, dans le but, avant tout, de commander la flotte et l'armée, mais dont, de fort bonne heure, les attributions se sont étendues au delà des choses de la guerre. Leur ïnstitution remonte à Clisthène (bOl av. J.-C.) 1, Une fois le peuple réparti en dis tribus, ce groupement nouveau dut servir de base à toute l'administration athénienne : la direction des affaires militaires fut confiée, comme le reste, à des représentants des diverses tribus, aux dix stratèges. A vrai dire, Aristote affirme qu'au début, le polémarque, c'est-à-dire celui des archontes qui avait hérité des attributions militaires du roi, conserva le commandement suprême de l'armée'. La chose n'est pas impossible. Elle fut du moins de peu de durée ; car, onze ans après, l'année de Marathon, si le polémarque Callimaque est encore admis avec voix consultative au conseil qui précède la bataille a, et si, au moment de l'action, il a sa place marquée à l'aile droite, Hérodote spécifie bien que les Athéniens sont sous les ordres des dix stratèges et c'est l'un d'eux, Miltiade, non le polémarque, qui décide du jour où il convient d'engager le combatte. Mode de nomination. Comme pour toutes les fonctions militaires, l'élection des stratèges, du moins au temps d'Aristote, se fait par un vote à mains levées (/a'psxsv(x) '. Elle a lieu, sur un avis préalable du Sénat (7poGouneuva), dans l'Assemblée du peuple, sous la présidence des proèdres en exercice. La date n'en est pas absolument fixe . elle ne doit pas être antérieure à la ' prytanie, soit environ au début de février ; mais, à partir de ce moment, il faut que les présages aient été jugés favorables 8; l'attente peut se prolonger. Ainsi s'explique sans doute l'élection de Sophocle à la stratégie après le triomphe de son Antigone aux Grandes Dionysies. c'est-à-dire en Mars ou Avril 441 : des signes funestes auraient, cette année-là, retardé d'un mois la désignation des stratèges, à moins encore que l'usage n'ait varié du v" au ive siècle. A l'origine, on avait posé en principe qu'on prendrait régulièrement un stratège dans chaque tribu. Plus tard'', il n'en est plus de même : on est libre de les choisir parmi tous les Athéniens sans distinction (i li tj'rws) S0. Nous ignorons à quel moment précis fut abolie la règle primitive. Ce fut, en tout cas, avant 441 car, pour cette année, nous avons la liste des dix stratèges qui participent à la répression de Samos Périclès et tin de ses collègues appartiennent à la tribu Acamantis I1. Quant aux causes qui ont dû amener cette modification, nous en sommes réduits aux conjecturest'; et notre embarras est d'autant plus grand que, si nous voyons à diverses reprises deux stratèges appartenir, pour une même année, à une même tribu, voire à un meure dème, par contre, après L40, pendant plus d'un siècle nous n'avons pas d'exemple de deux tribus possédant chacune deux stratèges: ilfaut descendre .jusqu'en 3.23 pour trouver quatre stratèges issus de la, même tribu'. C'est dire qu'en règle générale les Athéniens continuent à respecter le principe de la représentation égale des tribus ; ils sont libres d'y déroger, mais c'est une faculté dont ils ne paraissent avoir usé que Inodérément. Tous les magistrats athéniens, qu'ils soient nommés par l'élection ou par le tirage au sort, subissent, avant d'entrer en charge, une sorte d'examen appelé doxl(I.acia.. Les stratèges n'y échappent pas plus que les autres. Peut-être cependant les formalités sont-elles pour eux STR 1524 STR moins compliquées que pour les archontes. En effet ceux-ci se présentent successivement devant le Sénat, puis devant les héliastes; les stratèges semblent n'avoir affaire qu'aux derniers'. De même, on tient à les savoir citoyens athéniens': on ne les contraint pas à produire trois générations d'ancêtres citoyens. L'obligation d'avoir contracté un mariage légitime et d'être propriétaire foncier en Attique est assez douteuse 3. Quant à la fortune, elle ne constitue pas non plus une condition absolue ; et tel stratège, comme Lamachos, devait, disait-on, faire figurer dans ses dépenses une petite somme pour s'acheter une tunique et des chaussures Mais, en général, les pauvres aiment mieux se réserver l'emploi de juges, et laisser la stratégie aux riches. Ceux-ci d'ailleurs s'en accommodent volontiers ; et, au Ive siècle encore, les orateurs citent plusieurs familles où l'on est couramment stratège de père en fils °. Un minimum d'âge était probablement imposé, et il ne peut pas être inférieur à trente ans, puisque les stratèges ont, dans certains cas, à présider des tribunaux. Chose curieuse, on ne paraît avoir exigé d'eux aucune connaissance spéciale. Sans doute, la plupart du temps, le peuple comprenait la nécessité de choisir des généraux expérimentés. Toutefois nous avons déjà rappelé l'exemple de Sophocle, élu stratège à la suite d'un grand succès théâtral. Il ne dut pas être unique; car moralistes et orateurs se plaignent également de la facilité avec laquelle on s'improvise général à Athènes 7. Par contre, les opinions politiques d'un citoyen peuvent suffire à le faire rejeter lors de sa ôoxtp.aefa $. Cette épreuve une fois subie, à quelle époque les stratèges prennent-ils possession de leur charge ? Pour la plupart des magistratures, l'entrée en fonctions coïncide avec le début de l'année"; mais, le mois Hécatombéon, premier mois de l'année athénienne, répondant à peu près à notre mois de Juillet, et les armées anciennes ayant coutume d'ouvrir leurs campagnes dès le printemps, on voit de suite quel inconvénient il y avait à ne pas donner plus tôt l'investiture officielle aux généraux, ou à les changer au cours même des opérations. L'objection est ancienne; et la découverte de 1"AO-r,va(oss 7rc),reeia la fortifie encore, en nous apprenant que l'élection des stratèges a lieu un mois ou deux avant celle des autres magistrats 10. Toutefois les difficultés ne sont pas moindres à placer au printemps l'entrée en charge des généraux. En effet, non seulement pareille conclusion ne se déduit avec certitude d'aucun texte historique"; mais Aristote n'en dit rien dans le chapitre consacré aux stratèges, alors qu'à propos d'autres fonctionnaires il a soin de signaler les exceptions à la règle commune 12. De plus, s'il avait réellement existé à Athènes une sorte d'année stratégique distincte de l'année civile, Thucydide, en parlant des inconvénients de la seconde pour sa chronologie'`, n'aurait sans doute pas manqué de noter qu'il adoptait simplement la première. La coïncidence entre l'année civile et l'année de charge des taxiarques 1'` fournit encore, sinon une preuve, du moins une présomption dans le même sens. Nous admettrons donc que les fonctions des stratèges ne commencent officiellement qu'au trr Hécatombéon ; mais il ne faut pas oublier qu'ils sont désignés assez longtemps à l'avance, et qu'ainsi, en cas de campagne prolongée, ils peuvent s'entendre avec leurs prédécesseurs. Une dernière formalité est imposée aux stratèges avant leur entrée en charge : ils ont à prêter serment. Un texte de Dinarque nous apprend que la cérémonie a lieu entre une certaine statue et une certaine tablef°; mais nous ignorons si c'est sur l'Agora ou sur l'Acropole. La formule complète de leur serment ne nous est pas parvenue. Bien certainement on leur demande, comme à tous les magistrats, de jurer fidélité à la constitution et de ne pas se laisser corrompre. Mais, de plus, des engagements spéciaux répondent à la nature propre de leurs fonctions, comme celui d'enrôler tous les hommes qui n'ont pas fait campagne précédemmentfe, sans compter les prescriptions que les circonstances peuvent imposer momentanément : c'est ainsi qu'au temps de la guerre du Péloponnèse, on ajoute au serment ordinaire des stratèges qu'ils devront faire, deux fois par an, une invasion sur le territoire de Mégare f7. Le collège des stratèges dispose d'un local particulier, le c2pa-r-q;stov. Il en est plusieurs fois question dans les auteurs 18 ; sa place exacte ne nous est pas connue. Situation respective des stratèges. Une autre question serait plus importante à résoudre: y avait-il égalité de pouvoirs entre les dix stratèges, ou l'un d'eux avait-il autorité sur ses collègues? De divers côtés, on a voulu établir que, chaque année, l'un des stratèges est le président du collège 13. Il est vrai que, dans les inscriptions, on rencontre parfois des formules comme erpar-r,•toï; quent certainement un président et ses collègues, il ne s'en suit pas du tout que les stratèges sont placés d'une façon régulière sous la direction de l'un d'entre eux, ni, moins encore, que ce président demeure le même pendant toute l'année. Il paraît plus exact ici de distinguer les époques et les circonstances. En principe, à la suite de leur élection, les stratèges sont exactement sur le même pied. Tant qu'ils restent à Athènes, ils s'occupent donc tous ensemble des devoirs de leur charge ; et, jusque vers le milieu du Ive siècle, ils sont jugés aptes à remplir, les uns aussi bien que les autres, n'importe quelle fonction militaire. Même égalité en campagne, du moins à l'origine : en 490, les stratèges commandent à tour (le rôle, chacun pendant un jour, l'armée qui doit vaincre à Marathon 21. Cette stricte observation de la loi plaisait STR 1525 STR aux Athéniens ; vers la fin de la guerre du Péloponnèse, nous voyons encore la flotte des Arginuses' et celle d'A gospotamoi' passer successivement sous les ordres de tous les stratèges présents. Cependant si, en temps de paix, ou, à la rigueur, durant la période de préparation d'une guerre, il n'y avait pas trop d'inconvénients à procéder de cette manière, devant l'ennemi le danger était si manifeste à ne pas mieux assurer l'unité du commandement que, dès la seconde guerre médique, Thémistocle à Salamine 3, Aristide à Platées ', Xanthippe à Mycale 5 ont la haute main sur tout le contingent athénien. Pareil fait se renouvelle couramment : dans beaucoup d'expéditions, les armées ou les flottes d'Athènes ont à leur tête plusieurs stratèges ; niais l'un d'eux est le chef de tous, et lui seul le plus souvent est cité par les historiens Le généralissime est nommé non pas, comme on l'a dit parfois par ses collègues mêmes, mais par l'Assemblée du peuple, dans un vote distinct de celui où a été élu le collège entier de l'année (éaiGOxt GTpxt ' bv Ex Tint/ xE/EtpoTOVI)p.Éywv) 8. L'expression technique qui le désigne nous est fournie par Thucydide, dans des Vaugéy xv '0, etc. Elles signifient, comme cela ressort nettement du contexte, non pas qu'au moment précis dont parle l'historien, Callias et Périclès ont auprès d'eux, l'un quatre, et l'autre neuf de leurs colIègues, mais qu'ils ont alors, pour toute la campagne en question, la direction suprême d'une armée comprenant, en dehors d'eux, quatre ou neuf de leurs collègues qui leur sont subordonnés. En effet, au moment, par exemple, de la bataille navale dont il s'agit dans le second passage, Périclès a détaché une division de sa flotte à Chios, et une autre sur les côtes de Carie : deux stratèges au moins doivent être absents. On trouve parfois aussi, appliqué à un général en chef, le titre de GrpU.T-ryç xûroxpzrwp ; mais, dans ce sens, c'est toujours chez des auteurs d'époque romaine, comme Diodore ou Plutarque", accoutumés à traduire par là les termes étran gers de dictateur et d'empereur; il ne s'en suit pas nécessairement que Thémistocle, Aristide, ou même Alcibiade aient reçu ce nom de leur temps'"-. Ce n'est pas à dire d'ailleurs que l'expression GTpxT•t)ybç xièTOxpi'rwp ne se rencontre pas à l'époque classique. En 416, les Athéniens décident d'envoyer en Sicile trois G'r 'r' yoi xG7OX2 TOOEç, Alcibiade, Nicias et Lamachos, pour y soutenir les Egestins et les Léontins, et préparer toute l'île en leur faveur. En 411, lors de la révolution des Quatre Cents, la constitution provisoire prévoit la nomination d'un collège de dix Grpxrrlyol xGTOxpéTOpsç, auxquels il sera permis de prendre part à leur gré aux délibérations du Sénat 1' ; ils sont en effet installés dans ces conditions, et gouvernent la ville de concert avec le Sénat". En 357 encore, Charès porte le Litre de GTOxTTIyôç xI'YrOxpzTwp, quand i l est chargé d'aller dans nielles pont imposer à Charidème et aux princes de la Thrace la cession de la Chersonnèse I Du seul fait qu'il peut y avoir à la fois trois et même dix GtipaTr,'iof xûroxp ecopoç, il résulte clairement que cette expression n'est pas synonyme de p(TOç ou lixxroç xûrôç. Il n'y a pas lieu d'admettre davantage qu'il s'agisse de généraux choisis en dehors du collège des stratèges, et dégagés des obligations auxquelles ceux-ci sont soumis ; car il est impossible d'établir avec certitude, même pendant la guerre du Péloponnèse, l'existence d'aucun cas de ce genre 18. La solution la plus vraisemblable, en reprenant les exemples cités et en examinant les circonstances auxquelles ils répondent, c'est que les GTp51T''(6( xilroxpZTOpeç sont élus suivant les règles habituelles, mais investis ensuite, soit isolément, soit en nombre plus ou moins considérable, de pouvoirs extraordinaires. Ceux-ci, comme l'autorité même des stratèges, ne s'étendent pas seulement aux opérations militaires: ils peuvent comporter des négociations diplomatiques au dehors, une action politique à l'intérieur. Le plus souvent ils sont limités à une mission déterminée. Pourtant, dans les circonstances graves, les stratèges qui en sont revêtus ont parfois à leur disposition toutes les ressources de l'Étal : ils exercent alors une véritable dictature i7. Durée des fonctions et redditions de comptes des stratèges. Comme la grande majorité des fonctionnaires athéniens, les stratèges ne sont nommés que pour un an. Mais, à la différence des fonctionnaires civils, parmi lesquels les sénateurs seuls peuvent exercer deux fois leur charge, ils sont indéfiniment rééligibles t3. Nous voyons donc, au ve siècle, Tolmidès, Hagnon, Phormion, Nicias, Démosthène, Alcibiade commander trois, quatre, cinq et six ans de suite" ; Périclès garde sans interruption le pouvoir de 454 à 430 ; et, au Ive siècle, Phocion, nous dit-on, a été quarante-cinq fois stratège" Cette faculté laissée aux stratèges de rester à la tète de leurs troupes pendant un temps indéterminé constitue, au point de vue militaire, un avantage indéniable. Par contre, il devient assez difficile, s'ils sont réélus, de leur demander des comptes précis à la fin de chaque année. Ils ne sont pas, bien entendu, exempts de tout contrôle ; mais ce contrôle a pour eux quelque chose de moins sévère. Leur reddition de comptes a même, dans sa forme. quelque chose de particulier : ils n'ont pas affaire, comme les autres magistrats, aux euthynes et aux logistes : ils sont examinés par les thesmothètes ". Néanmoins, on le pense bien, une démocratie aussi soupçonneuse que celle d'Athènes ne reste pas désarmée vis-à-vis justement des plus considérables de ses magistrats. Tous, à la première séance tenue par l'Assemblée dans chaque prylanie, doivent obtenir du peuple un vote de confiance (ErtxEtpo'rov(x). Pour les stratèges, cette formalité prend sans doute une importance spéciale ; car Aristote, après l'avoir signalée d'un mot en parlant de l'Assemblée22, n'y revient plus à propos des autres magistrats; il y insiste au contraire dans STR 1526 -STEI son chapitre sur les stratèges. « A chaque prytanie, dit-il, le peuple estime par un vote à mains levées la l'acon dont les stratèges remplissent leurs fonctions. Si l'un deux est mis en minorité, il passe en jugement devant le tribunal; en cas de condamnation, celui-ci fixe le peine ou l'amende; en cas d'acquittement, le stratège continue à exercer sa charge ». On comprend dès lors à quel point les stratèges restent toujours dans la main du peuple. Il ne peut guère être question, à chaque prytanie, d'examiner à fond leur gestion financière ; riais, qu'ils éprouvent un échec à la guerre, que le peuple, à tort ou à raison, leur retire tout à coup sa faveur, ou simplement que des ennemis personnels organisent contre eux une cabale, dix fois par an ils sont exposés à un vote dh défiance a/Etpovovia), et, par suite, ït des procès, le plus souvent politiques, où ils risquent également leur honneur et leur vie. Ni Miltiade, ni Thémistocle, ni les vainqueurs des Arginuses n'yontéchappé ; une campagne aussi grave que l'expédition de Sicile est compromise dès le début par le brusque rappel du général qui l'a conçue; et l'histoire d'Athènes, au Ive comme au ve siècle, est pleine d'exemples de ce genre'. Fonctions militaires des stratèges. -Les fonctions des stratèges, comme il est naturel sont avant tout d'ordre militaire. A Athènes même, dès qu'une guerre a été résolue par l'Assemblée du peuple, ils doivent faire les levées prescrites à cette occasion 1. Pour l'armée de terre, s'il s'agit, d'une levée en masse -rmvaTpmTt ) ou d'une levée partielle par classes expressément déterminées (aTpmTEfa. Ev To ç i7rmvr,xx'.3,, leur rôle est des plus simples : ils n'ont qu'à faire connaître aux citoyens la décision de l'Assemblée et à leur ordonner de se présenter devant eux ou devant les taxiarques au jour donné. La chose devient plus délicate si le peuple a seulement fixé le chiffre d'un contingent à enrôler (eT.p.TE(a iv Totç J EpECt ). Il leur faut alors éviter d'envoyer toujours en campagne L les mêmes citoyens. tandis que d'autres seraientindéfiniment exemptés: c'est à cette préoccupation que répond, dans leur serinent, la formule: Toàç âvTpaTEÛTO'ç XbUrmaE ;Ets. Pour la flotte, les stratèges disposent d'un pouvoir analogue ; car ce sont eux qui désignent chaque année lev triérarques à qui, le cas échéant, sera confié le soin d'armer et de commander les vaisseaux appelés à prendre la mer 1. Bien mieux, au moins pendant la plus grande partie du v' siècle, ils semblent avoir eu le droit d'assigner à tel triérarque tel navire qu'ils voulaient : on devine les abus qui pouvaient en résulter Aussi ne sommesnous pas surpris de voir plus tard répartir les navires par le sort entre les triérarques s, ou placer à côté des stratèges, pour les contrôler dans cette partie de leurs opérations, des représentants des citoyens intéressés 7. Quant aux troupes de nier, les stratèges n'ont à fournir que les hoplites embarqués, en fort petit nombre, sur chaque vaisseau (é7tôxzat) ; l'équipage proprement dit est recruté directement par les triérarques Une fois en campagne, les stratèges prennent indiffé remment le commandement des armées ou des flottes. A peu de chose près, ils partagent la vie de leurs soldats. Sur terre, ils vont généralement à pied, et portent l'armure ordinaire des hoplites 9. Sur mer, ils choisissent la trière où ils veulent monter; mais le vaisseau qui devient ainsi vaisseau-amiral ( aTpm'esyy(ç) ne paraît recevoir pour cela aucun aménagement particulier : Alcibiade fait scandale en apportant avec lui un lit de sangles, au lieu de coucher sur la planche" La discipline, dans les armées athéniennes, n'a jamais été bien sévère. Sans doute, en principe, le stratège est maître de ses officiers et de ses hommes ; mais d'abord la loi même, ou l'usage, assignent déjà des limites à ses pouvoirs. Ainsi il a le droit de condamner tout citoyen placé sous ses ordres, voire un triérarque, à la prison ('meut), à la dégradation militaire (ixx-ripu;mt), ou à l'amende (E7ctôoX-ity iai ct),Eïv) ; mais l'amende, dit Aristote, n'est pas dans les mceurs" ; et surtout c'est seulement après le retour à Athènes que sont jugés devant un tribunal spécial les délits graves d'insoumission, désertion, abandon de poste, perte des armes, etc.12' : l'exemple de Lamachos, faisant périr sous le bàton un soldat coupable d'avoir fait des signaux à l'ennemi, est tout à fait exceptionnel12, Ensuite l'Athénien tient trop par nature à sa personnalité, il est trop épris d'égalité, pour obéir aveuglement même au chef qu'il a élu. Alors les soldats prétendent donner des conseils à leurs généraux ii: leur a-t-on assigné un poste, ils trouvent meilleur d'en choisir unautre, quitte à se voir bientôt, àleur honte, obligés de regagner le premier''. A tout instant, le chef doit les persuader par des discours, comme ferait un orateur s'adressant à l'Assemblée. Une anecdote contée par Démosthène est caractéristique à cet égard : un jour, dans un camp, il se produit quelque tumulte entre soldats; on s'adresse de suite au stratège; et celui-ci, au lieu de sévir, prononce une harangue, qui reste d'ailleurs sans effets. Enfin n'oublions pas que le stratège se sent toujours responsable de ses actes devant le peuple. Non seulement, comme il est naturel, il doit envoyer par écrit ou faire oralement au Sénat et à l'Assemblée des rapports sur ses opérations'; mais les soldats, placés sous ses ordres durant la campagne, peuvent devenir, quelques mois après, ses accusateurs ou ses juges. Delà des faiblesses, des compromissions trop fréquentes. Un exemple suffit à en donner l'idée : un stratège prescrit à un de ses triérarques une croisière déterminée; un simple matelot signale au triérarque qu'on veut lui fait prendre un banni à son bord ; la trière revient sans avoir accompli sa missions". Vers le même temps, il est vrai, Iphicrate ose, sans autre forme de procès, percer lui-même de son épée une sentinelle trouvée endormie à proximité de l'ennemi'° ; niais il a affaire à des mercenaires : ceux-ci, à côté de beaucoup d'inconvénients, offrent du moins sur les troupes nationales l'avantage de se plier à une discipline plus ferme. Fonctions politiques et administratives des stra STR 1527 STR tèges. Les stratèges ne se bornent pas à commander les armées ou les flottes ' ; leurs fonctions les amènent fréquemment à jouer un rôle dans la politique et dans l'administration d'Athènes. D'abord nous les voyons intervenir au Sénat et à l'Assemblée. Dans bien des cas, il est vrai, ils se contentent de présenter un rapport, écrit ou verbal; le projet proprement dit de apo iouaurp.« ou de décret est développé ensuite par un membre de l'assemblée compétente 2: ils sont alors sur le même pied que tout citoyen revêtu de fonctions publiques, magistrat, ambassadeur, ou prêtre. Mais ils peuvent aussi introduire directement leur demande, soit isolément 1, soit au nom du collège tout entier C'est là cette fois une prérogative qu'ils possèdent seuls dans l'État Rien d'étonnant dès lors s'ils sont admis aux délibérations, même secrètes, du Sénat ", et s'ils ont leur place à l'Assemblée, tout comme les sénateurs Il y a plus : pour ne pas rendre illusoires leurs privilèges, on va jusqu'à leur permettre de faire passer leurs propositions avant toutes les autres 8, et de convoquer au besoin le peuple en assemblée extraordinaire Sans doute, ils doivent recourir pour cela à l'intermédiaire des prytanes, et ils ne président pas l'Assemblée ; ce n'est donc pas pour eux l'équivalent du jus agendi curez populo chez les Romains. Il n'y en a pas moins là de quoi leur assurer une situation considérable au point de vue politique 10. Très souvent aussi ils ont, à faire oeuvre de diplomates. Par exemple, au cours d'une campagne, ils concluent avec l'ennemi trèves ou conventions de toutes sortes" ; ils envoient à Athènes, non seulement sur leurs opérations militaires, mais encore sur la situation générale, des rapports qui contribuent à faire cesser ou continuer la lutte12; et, si la paix se conclut, ils figurent dans une forte proportion parmi les signataires du traité 73. S'agitil, au contraire, des peuples amis? Comme ce sont eux, en somme, qui représentent Athènes au dehors, de la douceur de leurs procédés, de l'habileté de leurs négociations dépendent, pour une bonne part, l'affection ou la haine des alliés, et, par suite, la solidité de la ligue maritime sur laquelle repose la puissance de leur patrie". Enfin ils constituent les intermédiaires habituels entre l'État athénien et les étrangers : au besoin ils les introduisent devant le Sénat" ; ils demandent pour les bienfaiteurs d'Athènes des récompenses honorifiques"; ils prennent soin d'eux quand ils leur ont obtenu le titre de proxènes 17; et ils leur envoient, en les timbrant du sceau de l'État, la copie officielle du décret qui les concerne " Leur rôle, en matière de finances, ne manque pas non plus d'importance. Dira-t-on qu'ils sont toujours obli gés de faire voter par l'Assemblée les crédits dont ils ont besoins", qu'ils doivent justifier de toutes leurs dépenses20, et que d'ailleurs ils ne sont pas libres de tenir leurs comptes sans l'intermédiaire de trésoriers 21 et d'esclaves publics 22 dont l'aide ressemble un peu à un contrôle? Malgré tout, en temps de guerre, la meilleure part du budget passe entre leurs mains. En outre, assez souvent nous les voyons chargés de lever les tributs des alliés 23 : on sent tout le parti qu'ils peuvent tirer d'une pareille mission. Dès le ve siècle, Alcibiade prétend déjà trouver chez les sujets d'Athènes l'argent nécessaire pour assurer à ses soldats une solde égale à celle que Lysandre donne aux siens, grâce aux libéralités de Cyrus ; et, une fois engagé dans la voie des perceptions arbitraires, il en profite pour s'enrichir personnellement26, Le mal ne fait qu'augmenter au ive siècle, quand Athènes recourt de plus en plus aux armées mercenaires, sans s'inquiéter de les payer. Elle ne peut plus dès lors être bien sévère sur la gestion financière de ses généraux ; ceux-ci mêlent étrangement les razzias aux opérations stratégiques; il faut s'en remettre à leur conscience du soin de distinguer l'intérêt de l'État, celui de leurs soldats, et le leur 26 Les stratèges ont encore des pouvoirs judiciaires assez étendus. Qu'un soldat soit accusé d'insoumission, d'absence illégale, de désertion, de trahison ou d'espionnage 26; qu'un citoyen se croie illégalement appelé à remplir les fonctions de triérarque27 ou à faire l'avance des contributions extraordinaires de guerre (apxstaÿ opri.) qu'à ce propos il réclame le bénéfice de l'àvr(iostç29; ou qu'il ait des difficultés avec l'État, au moment où il doit rendre le vaisseau qui lui avait été confié : dans tous ces cas, les stratèges ne tranchent pas eux-memes la question; il faut avoir recours à un tribunal soit d'héhastes ordinaires, soit de citoyens dont l'Athénien incriminé était ou aurait dû être le compagnon d'armes ; mais les stratèges sont chargés de recevoir les plaintes, d'instruire l'affaire, de convoquer le jury compétent, et de le présider31. En outre, ils exercent une sorte de haute police, en aidant à réprimer toute entreprise touchant à la sûreté de l'État. Un décret du nie siècle résume assez bien leurs attributions à cet égard : un certain Phtedros est félicité d'avoir, en qualité de stratège, «travaillé au salut de l'État, et contribué à garantir l'indépendance de la ville, l'intégrité du gouvernement démocratique et l'autorité des lois32 ». Dans cet ordre d'idées, le peuple ordonne aux stratèges de veiller àla sécurité de Ménon, l'accusateur de Phidias33; en 411, au temps des QuatreCents, la constitution nouvelle prévoit que tout magis STR 1528 STR trac coupable d'avoir voulu empêcher un citoyen de présenter une proposition, même réactionnaire, sera amené aux stratèges, qui le livreront aux Onze pour être puni demortt; et, par contre, l'année suivante, après l'échec de cette révolution, les stratèges encore arrêtent et traduisent ses auteurs devant le tribunal démocratique 2. Enfin, dans maintes circonstances, les stratèges sont mêlés aux cérémonies religieuses. Au moment d'entreprendre une campagne 3, avant d'engager une bataille t, aprèsavoir remporté un succès e, en concluant une trêve 6, ils offrent des sacrifices en compagnie de devins qui leur sont indispensables, mais sur lesquels la loi leur donne officiellement le pas'. Ils ont également leur place dans les grandes fêtes de la cité. Bien entendu, ils sont d'institution trop récente pour en avoir la présidence et l'organisation ; mais, comme ces fêtes comportent presque toujours une procession dont on tient à rehausser l'éclat par le concours de la cavalerie, les stratéges, en tant que chefs de l'armée, sont à la tête de cette escorte. L'inscription du ÔEp'.cr-,n s nous atteste leur présence aux grandes Panathénées, aux Dionysies du Pirée, aux Lénéennes, à des sacrifices en l'honneur d'Hermès Hégémonios, d'Eirènè, d'Ammon, de la Démocratie et de la Bonne Fortune 8. Nous savons qu'ils prenaient même part à des processions hors d'Athènes, comme celle qui se rendait à Delphes, au sanctuaire d'Apollon Pythien a ; et sans doute, dès le Ive siècle, le plus clair de leur activité se dépensait de ce côté, puisque Démosthène leur reproche de passer leur temps avec les hiéropes plutôt qu'à la guerre 10. Place des stratèges dans l'État. Telles sont les principales fonctions des stratèges. Quelle place leur donnent-elles dans I'État? Il est assez malaisé de la définir d'un mot; car leur pouvoir, d'après la constitution même, offre un singulier mélange de faiblesse et de force. D'une part, en effet, faire dépendre leur nomination d'un vote où la faveur du moment n'a pas moins d'importance que le mérite ; les laisser ensuite à la merci d'une assemblée populaire dont rien ne garantit le sang-froid ni l'impartialité, c'est d'avance rendre bien difficile au talent de s'affirmer, à une personnalité quelconque de former et de poursuivre un grand dessein politique. Mais, d'autre part, ces hommes qui déjà tiennent en mains l'armée et la flotte se trouvent appelés encore à conduire des procès considérables, à mener des négociations diplomatiques, à manier des sommes fort élevées, à jouer même un rôle actif dans les délibérations du Sénat et de l'Assemblée ; et, plus ils restent de temps en charge, moins ils ont de comptes précis à rendre de leur conduite. De ces contradictions résulte, dans la situation des stratèges, quelque chose de forcément incertain. En fait, leur importance a beaucoup varié suivant les époques. A l'origine, dans la pensée de Clisthène, ce sont de simples chefs militaires, aux fonctions strictement limitées. Peu après, surviennent les guerres médiques, et la subite expension de l'empire athénien qui en est la conséquence. On rêve sans cesse de s'agrandir ; on doit défendre ce qu'on a acquis; de toute façon, on vit dans un état de guerre presque continuel qui met les stratèges en relief : et, comme la démocratie ne répugne pas encore à accepter un guide, s'il fait sa force et sa gloire, Périclès peut, pendant quinze ans de suite, rester à la tête des affaires, et, sans sortir de ses attributions légales, jouir d'une autorité presque absolue11. La chose s'explique fort bien. A ce moment, les anciennes magistratures ont perdu leur prestige; les archontes sont tirés au sort; l'Aréopage est dépouillé de ses prérogatives essentielles ; les stratèges représentent le pouvoir exécutif. Que l'un d'eux ait assez d'autorité pour grouper autour de lui des collaborateurs de son choix : il devient le vrai chef du gouvernement. C'est l'époque la plus brillante de leur histoire. Périclès mort, pendant quelques années les hommes qui dirigent Athènes sont parfois encore des stratèges (Nicias, Alcibiade) ; ruais, déjà avant la fin de la guerre du Péloponnèse, la démagogie l'emporte. Les projets de constitution oligarchique, en 411, comportent bien le rétablissement des privilèges des stratèges; après l'échec de cette révolution, l'autorité passe aux mains des orateurs. Désormais, les stratèges en sont réduits de nouveau à n'être plus que les commandants de l'armée et de la flotte ; ils peuvent se rendre célèbres par des innovations tactiques, par leur habileté à tirer parti des troupes mercenaires qui, de plus en plus, se substituent aux soldats citoyens ; mais, à de rares exceptions près, ils perdent toute influence politique. Il faut attendre l'époque romaine pour les trouver de nouveau à la tête de l'État. Modifications apportées à la stratégie après l'époque classique.Dans l'exposé qui précède, nous avons surtout considéré les stratèges à l'époque classique, c'est-àdire dans la seconde moitié du ve siècle et la première moitié du Ive. Au temps d'Aristote, la constitution du collège est assez profondément modifiée. Désormais les stratèges n'exercent plus indifféremment un commandernent ou un autre : chaque année, le peuple assigne à cinq d'entre eux une mission bien définie. L'un (Erti -ro b7rn(T«s) commande les hoplites en cas d'expédition au dehors ; un autre (€7i 'r?'i yO')pxv) est chargé de protéger l'Attique contre toute invasion du côté de la terre, tandis que deux de ses collègues (olç T'i)v Mouvty:av, oit ''jv 'Axriiv) surveillent les côtes et les arsenaux du Pirée ; un cinquième çIci Tics crup.p.op)uç) dresse la liste des triérarques, et, au besoin, procède aux échanges de fortune, ou instruit les contestations auxquelles donne lieu cette liturgie; les cinq derniers reçoivent des missions diverses, suivant les nécessités du moment'. Les choses STR 1529 STR sont ainsi réglées à partir de 325, au plus tard'. Mais nous ignorons à quelle date remonte l'organisation nouvelle; car aucun historien ne nous renseigne expressément sur ce point, et nous trouvons peu de mentions fortuites de stratèges à attributions distinctes avant 325. Notons du moins un ercargytç b î tt Trio vu),xxi)v Tl'); ywporc, dès 3522. Démosthène, en 351, paraît connaître le stratège des hoplites, bien qu'il ne le désigne pas expressément 3; et, pour les symmories triérarchiques, tandis qu'en 325 il existe un cTpaT,ri^(bç b ni Tâ.ç cap-µop(a.ç le-r) s.ivo; 4, en 334 elles sont encore sous la surveillance de tout le collège des stratèges 6. De ces faits il semble résulter deux conclusions : la spécialisation des stratèges n'a pas été décidée d'un seul coup, et on ne s'en est guère avisé avant le milieu du Ive siècle. Par la suite, une seule chose est à relever dans l'histoire de la stratégie, la prépondérance croissante du stratège des hoplites. Elle se marque déjà, dès le premier quart du nie siècle; car nous connaissons, à cette date, la carrière d'un certain Pheedros : il n'arrive à la charge de 6T GaT rlyo; stt Tx 07t),a qu'après avoir été, successivement, y(;ipav et 1 -cl To)s; ;Eyou; 6. Elle apparaît mieux encore un peu plus tard : le stratège des hoplites devient éponyme à côté', ou même à la place, de l'archontè principale plus d'une fois, le simple mot de r' pw7'gydç suffit à le désigner9; et, seul parmi les stratèges, il possède un siège réservé au théâtre de Dionysos t0. Ce n'est pas à dire pourtant qu'il reste seul survivant de l'ancien collège" mais lui seul désormais fait figure dans l'État. Chargé, au moins dans certains cas, de convoquer le Conseil et l'Assemblée du peuple", d'assurer l'approvisionnement de la ville en vivres et en blé ", de surveiller les poids et mesures et, en particulier, de punir les esclaves publics employés à la fabrication des monaies", de présider aux études des éphèbes et à leurs examens 15, il occupe de nouveau dans Athènes, avec le héraut de l'Aréopage, un des rangs les plus considérables. Mais alors, il est vrai, ses fonctions ne sont plus guère que des fonctions administratives ; et le commandement d'une milice locale est tout ce qui répond au titre même de sa charge. II. HORS D'ATHÈNES. Hors d'Athènes, le titre de erpaTr, ydç se rencontre aussi fort souvent, et cela indistinctement dans toutes les parties du monde grec, qu'il s'agisse d'États continentaux ou insulaires, ioniens ou doriens, démocratiques ou oligarchiques. Ces stratèges peuvent être soit les magistrats particuliers d'une cité, soit ceux d'une confédération, soit même ceux d'un des royaumes issus de l'empire d'Alexandre. Pour les villes, les exemples sont extrêmement nombreux 16. Citons dans la Grèce centrale et le Péloponnèse, Mégare, VIII. Corinthe, Argos, Tégée, Messène; en Thessalie, Lamia, Phères, Larissa, Oloosson ; en Eubée, Erétrie et Carystos ; dans l'Archipel, Imbros, Andros, Coresia, Carthaia, Tenos, Paros, Minoa, Arcésinè, Calymna ; en Asie Mineure, Cyzique, Lampsaque, Ilion, Mytilène, Pergame, Stratonicée, Temnos, Erythrées, Smyrne, Sardes, Téos, Ephèse, Magnésie du Méandre, Nysa, Milet, Aphrodisias, Sébastopolis, Laodicée du Lycus, Hiérapolis, Cos, Rhodes ; dans le Pont, Olbia ; dans les îles Ioniennes, Corcyre ; dans la Grande Grèce, Tarente, Thurion ; en Sicile, Tauromenion, Syracuse. Pour les confédérations, sans compter les lignes étolienne et achéenne dont les stratèges sont bien connus, nous trouvons des fonctionnaires de ce nom chez les Acarnaniens et les Phocidiens (dès l'époque classique), les Arcadiens (après Leuctres), les Béotiens (quand ils sont rattachés à la ligne étolienne), les Épirotes (après la suppression de la royauté). les Thessaliens et les Magnètes (au temps de la conquête romaine), les Lacédémoniens (après la chute de Nabis). Enfin il existe aussi des stratèges parmi les hauts dignitaires créés par les Séleucides, les Attalides, ou les Lagides. Est-il besoin de le dire? à ce titre uniforme répondent, malgré certains points communs, des fonctions assez diverses. Empruntons simplement un exemple à chacun des trois groupes que nous venons de distinguer. Chez les Étoliens 17, le stratège est le magistrat le plus élevé de la confédération. Nommé chaque année, sous la seule condition d'être Étolien et âgé d'au moins trente ans, et rééligible ensuite indéfiniment après un intervalle d'un an, ses pouvoirs sont avant tout d'ordre militaire : dès qu'une guerre a été décidée, il convoque les troupes qui doivent y prendre part, se met à leur tête, et dirige les opérations ; après la victoire, il préside au partage du butin, et décide, en cas de besoin, de la légitimité des prises ; dans le même ordre d'idées, il veille aussi à ce que les princes étrangers, en quête de mercenaires, ne fassent pas en Étolie des levées d'hommes capables de compromettre le recrutement de l'armée nationale. En même temps, avec le conseil permanent des jc7tdxn-r,Tot, il a une part importante dans la direction des affaires extérieures de la confédération, traite avec les puissances étrangères, introduit leurs ambassadeurs dans l'Assemblée, et envoie des théores chargés de représenter l'Étolie aux jeux des États alliés. Il joue également un rôle dans la politique intérieure ; car, de concert encore avec les à,tôxnr,rot, il convoque l'Assemblée et peut y faire des propositions. Enfin il intervient dans le jugement de certaines affaires, et son nom figure en tète de tous les documents officiels. Tout autres sont les attributions d'un stratège chez les Lagides' 8. Celui-ci 192 STR 1530 STR est, au nom du roi, le gouverneur d'une province. Dans les limites de son nome, il réunit à peu près tous les pouvoirs ; l'administration financière lui échappe seule, parce qu'elle est fortement centralisée sous la direction du dioecète d'Alexandrie ; mais il commande les troupes, s'occupe de la police, reçoit les pétitions, rend la justice, s'intéresse à l'agriculture, et administre spécialement le domaine royal. Quant aux stratèges particuliers des villes d'Asie Mineure', s'ils restent bien, en général, même sous la domination romaine, les premiers magistrats de leur cité, de bonne heure ils perdent tout caractère militaire. Ce sont de simples administrateurs : ils instruisent, discutent, soumettent à l'Assemblée les menues questions d'intérêt local où se réduit alors pour eux toute la vie politique ; leur activité se dépense en paroles ; ils n'ont guère en outre qu'à offrir des sacrifices, à présider des jeux, et à faire ériger les statues votées par le peuple. Dans tout cela, on le voit, les attributions des stratèges, en exceptant peut-être les fonctionnaires royaux, ne diffèrent pas essentiellement de celles de leurs collègues d'Athènes. Mais, d'un pays à l'autre, telle de ces attributions prend une importance plus ou moins grande : tantôt nous avons affaire à un stratège unique, et tantôt à un collège plus ou moins nombreux ; ici le stratège est éponyme, là il ne l'est pas ; et d'ailleurs, dans le même pays, les choses peuvent changer avec les époques. Bref, pour nous faire une idée précise de la situation des stratèges hors d'Athènes, le problème devrait être posé successivement pour chaque État. Dans bien des cas, les documents sont trop rares ou de date trop différente pour permettre pareille étude; et, dans les limites mêmes où elle est possible, elle dépasserait de beaucoup l'étendue de notre article. Mentionnons seulement encore le sens du mot cTpa-rr,ydç dans les textes relatifs à l'histoire romaine. Employé seul, rrpat9lydç est la traduction de praetor. Mais on trouve aussi les expressions composées oTOxrr;•toç û7rxTOç et crparrlybç àvOS7raroç; dans ce cas le second terme a seul une valeur précise : il rend consul et proconsul ; aTpaTrlydç n'est qu'une addition imaginée pour marquer aux yeux des Grecs que le consul ou le proconsul agit comme chef militaire 2. G. COLIN.