Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SUCCESSIO

SUCCESSIO. -DROIT GREC.-I. Généralités. A l'époque où le système de la propriété familiale était encore en vigueur dans le droit grec, il n'était pas question de succession, dans le sens moderne du mot. Les enfants n'étaient point, à proprement parler, les héritiers de leur père, car, du vivant de ce dernier, ils étaient déjà réputés copropriétaires du bien familial'. Mais le régime familial, qui excluait toute dévolution véritable de succession, disparut peu à peu sous l'influence du sentiment individualiste qui prévalait chaque jour d'avantage, et l'apparition de la propriété individuelle entraîna l'établissement d'un régime successoral où chaque membre du groupe plus restreint qui se formait autour du père par la réunion de ses enfants, reçut son lot distinct à la mort de celui-ci, l'indivision n'étant plus qu'un état exceptionnel et tout volontaire de la part deshéril.iers. Toutefois, même à l'époque où le droit grec admit une véritable dévolution des successions au profit soit des enfants, soit d'autres parents, dans l'ordre établi par la loi ou par l'usage. l'intérêt collectif de la famille demeurait encore sauvegardé par l'impossibilité où se trouvait le père de famille de transmettre son patrimoine à d'autres personnes que celles qui, parla proximité de leur parenté, étaient légalement appelées à le recueillir. Le testament est, en effet, en Grèce, une institution relati Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit de la succession ab intestat dans la loi de Gortyne, où l'on trouve des traces de la communauté primitive [GOn'rYNIonusi LEGES, p. 16391; nous bornerons notre étude au droit attique. La matière des successions est une des plus délicates et des plus obscures de ce droit. C'est ce qui explique les nombreux procès soumis aux tribunaux athéniens concernant les questions d'héritage 2. Les orateurs athéniens avaient prononcé sur ces procès un grand nombre de discours, malheureusement perdus ; mais nous possédons encore pour nous éclairer onze plaidoyers d'Isée, trois de Démosthène et un d'lsocrate. D'une manière générale, au surplus, il n'y a point incompatibilité entre l'hérédité testamentaire et l'hérédité légitime, et une succession peut être déférée tout ensemble à des héritiers légitimes et à des héritiers testamentaires. La règle romaine nemo pro parte testatuss, pro parte intestatus decedere potest, est étrangère au droit attique 3. IL Ouverture des successions. Qualités requises pour succéder. La mort seule peut ouvrir la succession. L'atimie, qui se rapproche de la mort civile du droit moderne, ne produit pas cet effet. En effet, de deux choses l'une : ou l'atimie est accompagnée de la confiscation des biens, et le coupable n'a plus de patrimoine à transmettre ; ou elle n'en est pas accompagnée, et alors elle a seulement pour effet de priver le coupable condamné de ses droits civiques et politiques, mais elle lui laisse celle des droits civils [ATIMIA]'`. Dans le droit attique, comme dans le droit romain, il n'y a lieu à l'hérédité ab intestat qu'à défaut de l'hérédité testamentaire, du moins à partir de l'époque où le testament fut autorisé. Seulement, à Athènes, la délation de l'hérédité s'opère, dans tous les cas, à la mort du de cujus 3. En ce qui concerne la propriété des étrangers, les principes du droit attique sont plus libéraux que ceux du droit romain. Ainsi d'abord un métèque, et même un simple étranger peut laisser une succession, et SUC 155 SUC cette succession est régie par la loi athénienne. Il n'est pas nécessaire, d'autre part, pour pouvoir succéder, d'avoir le droit (le cité athénienne. Les étrangers n'ont point cependant, à cet égard, une capacité aussi grande que les citoyens, car ils ne peuvent, sans en avoir obtenu la concession spéciale, devenir propriétaires fonciers, n'étant pas citoyens [EGTÉSls]. Ceux-là seuls, d'ailleurs, peuvent recueillir une hérédité qui vivaient déjà au jour de la mort du de cujus. Mais la conception équivaut sur ce point à la naissance'. III. Des divers ordres de succession. A Athènes, comme dans la plupart des cités antiques, le législateur règle la dévolution des successions en tenant compte moins de l'affection présumée du défunt, que de l'organisation sociale et des institutions politiques ou religieuses de la cité. Il en résulte que certains parents qui, d'après le droit naturel, devraient marcher au premier rang, sont rejetés assez loin d'après le droit positif et même sont complètement exclus. Le texte qui sert de base à la théorie de la dévolution des successions est la loi de Solon, citée dans le discours attribué à Démosthènes contre Macartatos2. Il en résulte que le système successoral du droit attique est fondé, non point sur la proximité du degré de parenté, mais sur le principe des parentèles, combiné avec le privilège de masculinité a) Des descendants. Le législateur appelle en première ligne la parentèle du de cujus lui-même, c'est-àdire les fils et leurs descendants et, à défaut de fils, les filles et leurs descendants. Les descendants appelés tout d'abord comprennent non seulement les enfants légitimes nés du défunt, mais aussi les fils seulement adoptifs, car l'adoption confère au fils adoptif tous les droits d'un fils légitime [ADOPTLO}. Les enfants légitimes succèdent tous, sans distinction entre les différents fils et sans que, par exemple, les enfants du premier lit aient un privilège quelconque sur ceux (lu second mariage. Dans l'étude du droit de succession des descendants, il y a lieu d'examiner trois hypothèses suivant que: 1° le défunt ne laisse que des fils ; `?° le défunt laisse en même temps des fils et des filles ; 3° le défunt ne laisse que des filles. P Si le défunt ne laisse que des fils, ceux-ci et leurs descendants succèdent indéfiniment et par portions égales, les descendants de fils prédécédés venant par représentation de leur auteur. L'opinion 3, qui prétend limiter la successibilité des descendants aux trois premiers degrés, les autres étant exclus et primés alors par les collatéraux, ne repose sur aucune base sérieuse et elle est, du reste, aujourd'hui généralement abandonnée''. Les descendants (abstraction faite de la représentation) succèdent par portions égales, sans qu'il y ait lieu à l'application d'un droit d'aînesse, comme dans d'autres législations. Dans la société grecque primitive, le privi lège de rainé n'a jamais eu qu'un caractère religieux et, par suite aussi, politiques. Quant aux droits que, postérieurement aux réformes soloniennes, on prétend avoir appartenu au fils aîné, ils sont fort contestables ou tout au moins ils sont insignifiants. Ainsi, d'abord rien n'établit d'une manière certaine l'existence, au profit de l'aîné, d'un préciput légal nommé 7tpECEt1, préciput qui, à notre avis, ne pouvait résulter que d'un testament'. Rien ne démontre non plus que l'aîné ait eu lors du partage des biens héréditaires, le droit de choisir le lot qu'il préférait'. Lainé ne retire de sa primogéniture d'autre avantage que celui de porter le nom de l'aïeul paternel Il peut tenir aussi, sinon de la loi générale de succession, du moins d'un décret spécial du peuple, le droit de succéder, par préférence à ses frères mêmes, à certaines distinctions honorifiques concédées à son père. Lorsque l'un des fils du défunt est mort avant son père en laissant lui-même une postérité, les petitsenfants, issus de ce fils, viennent alors à la succession de leur aïeul par représentation de leur père prédécédé. Le partage s'opère en conséquence par souche entre eux et les fils survivants 10. Rien ne prouve que, comme on l'a prétendu'', la représentation soit limitée à certains degrés. Elle doit plutôt être admise à l'infini'2. °2° Lorsque le défunt laisse des fils et des filles, lalégislation athénienne, conformément aux idées admises chez presque tous les peuples anciens, consacre le privilège rzppévmv, dit la loi précitée de Solon. L'exclusion des filles par les fils n'est pas, du reste, spéciale au droit attique ; elle est admise, au contraire, dans toutes les cités grecques 13. Peut-être le droit grec comportait-il certaines exceptions au privilège de masculinité : ces exceptions sont, en tout cas, fort contestables 14. La loi de Gortyne seule paraît avoir fait aux filles une situation Le privilège de masculinité produit ses effets non seulement dans les rapports respectifs des descendants au premier degré, fils et filles, mais encore vis-à-vis des descendants d'un degré plus éloigné 1^. Il entraîne aussi cette autre conséquence que les descendants par les fils excluent les filles et les descendants par les filles, alors même (lue ces derniers se trouveraient à un degré plus rapproché du défunt". 3° Le défunt ne laisse que des filles. Celles-ci sont alors héritières de leur père en qualité d'épicières [EPIliLEROS]. Les descendants des filles décédées avant leur père viennent à la succession de leur aïeul maternel par représentation de leur mère, avec tous les droits que celle-ci aurait eus. Les descendants par les filles passent ainsi avant les collatéraux 17 Il ne parait nullement prouvé, d'ailleurs, que les filles soient obligées de partager avec leurs propres enfants la succession paternelle, et nous SUC 1555 SUC croyons que les filles excluent leurs enfants '. Enfin, lorsque le défunt laisse à la fois des filles et des petitsenfants issus de filles prédécédées, les petits-enfants ont le droit de venir, par représentation de leur mère, à la succession de leur aïeul, en concours avec leurs tantes 2. b) Des collaferaux paternels. Après la parentèle du de cujus, le législateur athénien appelle la parentèle du père du de cujus. Mais une difficulté a été soulevée tout d'abord, celle de savoir si le droit attique plaçait le père lui-même au nombre des héritiers. La majorité des auteurs, s'appuyant, soit sur l'esprit du droit attique, soit sur certains passages des orateurs, admettent le père au nombre des héritiers, mais ils sont loin de s'accorder sur le rang à lui attribuer, les uns disant qu'il exclut tous les collatéraux, même les frères, les autres, le traitant moins favorablement'. Dans une seconde opinion, tout en reconnaissant que les lois de Solon n'avaient attribué au père aucun droit sur la succession de ses enfants, on enseigne qu'à l'époque des orateurs on s'efforçait d'arriver par voie d'interprétation à faire attribuer aux ascendants le droit que leur avait refusé la législation solonienne`. Enfin une dernière opinion n'admet pas le père au nombre des héritiers, et elle se fonde principalement sur le silence que gardent à l'égard du père les lois de succession qui nous sont parvenues, et notamment la loi de Solon citée par Démosthène 6. La parentèle du père, à qui la succession est dévolue à défaut de descendants, comprend tous les parents collatéraux qui se rattachent au père du défunt par un lien direct de descendance. Elle comprend donc en premier lieu les frères et soeurs germains ou consanguins du défunt et leur postérité. Lorsque le défunt laisse à la fois des frères et des neveux issus de frères prédécédés, les neveux, grâce au bénéfice de la représentation, viennent à la succession en commun avec leurs oncles, mais ils ne peuvent réclamer que la part qui aurait été attribuée à leur père, si celui-ci avait vécu'. C'est, du reste, une question très délicate de savoir si le droit de représentation est limité aux fils des frères prédécédés et si les petits-neveux peuvent, en cas de prédécès de leur père et de leur grand-père, venir par représentation de ceux-ci à la succession de leur grand-oncle, concurremment avec les frères et les neveux de celui cil. Lorsque le défunt laisse des soeurs consanguines, celles-ci ne viennent qu'en seconde ligne après les frères et leurs descendants 8. Le privilège de masculinité s'applique en ligne collatérale, comme en ligne descendante, et s'y explique par des raisons semblables. Ce privilège n'emporte point toutefois cette conséquence qu'un parent mâle, même d'un ordre ultérieur, l'emporte sur une femme comprise parmi les successibles d'un ordre anl.érieur'. Lorsque tous les successibles sont des soeurs, celles ci partagent également, sans qu'il puisse être question d'un privilège quelconque au profit de l'une d'elles, de lainée par exemple'''. S'il existe à la fois des soeurs et des neveux issus de soeurs encore vivantes, celles-ci ne sont pas, bien qu'on ait prétendu le contraire, exclues par leurs propres enfants A défaut de successibles dans la parentèle du père. la loi appelle la parentèle de l'aïeul, c'est-à-dire les successibles qui ont le même aïeul paternel que le défunt. Quant à l'aïeul paternel lui-même, la question de savoir s'il est au nombre des successibles est discutée comme elle l'est pour le père. En [out cas, le droit de l'aïeul ne peut se fonder sur aucun textet2 On s'est demandé, d'autre part, si l'on doit comprendre parmi les successibles les oncles, AEïo1, et les tantes, 'r,tA(dEçdu défunt. La vocation héréditaire de ces personnes, quoique contestée, parait cependant justifiée 13 ; à défaut de l'oncle et de la tante, la succession est déférée à leurs enfants ou petits-enfants, cousins germains ou enfants de cousins germains du de cujus". Entre les divers successibles de la parentèle de l'aïeul on applique d'ailleurs le privilège de masculinité ". A défaut de successibles dans la parentèle de l'aïeul, la loi appelle-t-elle les parents compris dans la parentèle du bisaïeul paternel, c'est-à-dire ceux qui se 'talla-client à ce bisaïeul par un lien direct de descendance.? La question n'a jamais été sérieusement examinée que pour l'un des parents compris dans cette parentèle, le cousin issu de germain, et elle parait devoir être résolue négativement". A plus forte raison, doit-on écarter le bisaïeul 17, c) Des collatéraux maternels. Lorsque, dans la ligne paternelle, il n'existe aucun successible pouvant se rattacher au défunt par le père ou l'aïeul de celui-ci, la succession passe aux parents maternels15, Mais la mère parait, comme le père, devoir être exclue de la succession par ses enfants, car les lois athéniennes gardent le silence à son égard L9. Si l'on admet que la mère ne succède pas à son fils, l'ordre à suivre entre les collatéraux maternels doit être calqué sur celui que nous avons indiqué pour les collatéraux paternels. En première ligne donc viennent les frères et soeurs utérins du de cujus et leurs enfants. A défaut de successibles se rattachant à la mère du défunt par un lien de descendance, on appelle les parents compris dans la parentèle de l'aïeul maternel, c'est-à-dire les oncles et tantes maternels du défunt et leurs descendants. Lorsqu'il ne se rencontre pas de successibles dans la parentèle de l'aïeul maternel, on ne peut remonter plus haut et appeler la parentèle du bisaïeul maternel. La succession est alors dévolue aux parents paternels non compris dans l'anchistie 20 d) Des successibles non compris dans l'anchistie. Des c'yyEVEïç. D'après la loi de succession citée par Démosthène, lorsque la ligne maternelle n'a aucun représentant jusqu'au degré de 7raïç âve1L(ou du défunt SUC 1556 SUC inclusivement, on revient à la ligne paternelle, et la succession est déférée au parent le plus proche parmi ceux qui se rattachent au défunt par son bisaïeul, par son trisaïeul, et ainsi de suite'. Ces parents ne sont point toutefois appelés suivant les mêmes principes que les âyXtataïç. Pour ceux-ci, en effet, ce n'est pas la proximité du degré, mais la place dans telle parentèle qui détermine le rang. S'il s'agit, au contraire, de simples cognats, aoyyevsïç, c'est le plus proche par le degré qui passe avant les autres. A défaut de simples cognats paternels, la succession ne revient point une seconde fois à la ligne maternelle, c'est-à-dire aux simples cognats de cette ligne'. Il parait conforme à l'esprit du droit successoral athénien ainsi qu'aux termes généraux de la loi qui établit le privilège de masculinité, d'appliquer ce privilège entre les parents appelés à titre de simples cognats'. e) Droits du yévos et de la phratrie. Successions en déshérence. A défaut des héritiers que nous avons précédemment nommés, la succession est-elle déférée au qui concerne d'abord cette dernière, on ne peut sérieusement affirmer sa vocation héréditaire, car elle ne repose sur aucun texte'. Quant au yévoc, certaines considérations paraissent militer en faveur de sa vocation héréditaire. Mais elles sont fort contestables. A supposer d'ailleurs que le yivoç soit appelé à succéder, des difficultés sérieuses s'élèveraient en ce qui concerne la manière dont doit s'opérer à son profit la dévolution de la succession'. En écartant le droit de succession du yisoç et, à plus forte raison, celui de la phratrie, ce n'est pas une raison pour dire que la succession de celui qui est mort sans laisser de parents successibles va tomber en déshérence et être acquise au fisc. Le maintien d'une maison et d'un culte domestique a toujours paru plus désirable aux Athéniens que le profit que le fisc pourrait retirer d'une succession en déshérence. A supposer que le défunt n'est pas pris soin de pourvoir par un testament à la continuation de sa personne et de son culte domestique, on peut admettre a que l'archonte est chargé de pourvoir par une sorte d'adoption posthume à la transmission de l'héritage et du culte menacé de s'éteindre. L'héritier ainsi désigné devait s'engager à continuer le culte domestique du défunt'. Ce n'était point, du reste, la présence du conjoint survivant qui aurait pu faire obstacle aux droits des simples cognats ou même du trésor, car à Athènes la loi ne reconnaît aucun droit de succession au conjoint survivant, qu'il s'agisse du mari ou de la femme Il ne parait pas non plus qu'en dehors d'Athènes, bien qu'on ait prétendu le contraire, la femme ait un droit sur la succession de son marie. f) Des successions extraordinaires. 1° Succession des affranchis. L'esclave affranchi [APELETTIIÉRO1] ne pouvant avoir d'autre famille légale que cette qu'il se crée par le mariage, les descendants de l'affranchi sont seuls appelés à recueillir la succession de leur père mort intestat et, à défaut de descendants, la succession, par une sorte de continuation de la puissance dominicale, revient au patron de l'affranchi 16. Il semble même que les héritiers du patron aient eu le droit de recueillir la succession de l'affranchi mort sans postérité". Les actes de Delphes relatifs à des affranchissements sous forme de vente à la divinité, font souvent allusion au droit de succession du patron. Ils mentionnent aussi certaines clauses spéciales destinées à garantir le droit de succession du patron, et interdisent à l'affranchi d'aliéner tout ou partie de son patrimoine, clauses qui vraisemblablement devaient être également en usage à Athènes 12. 20 Succession des métèques. Les métèques sont, au point de vue du droit privé, dans une situation bien supérieure à celle des affranchis. La cité charge un des plus hauts magistrats athéniens, le polémarque, de veiller sur les héritiers et les héritières (épicières) des métèques". La succession des métèques est donc dévolue en première ligne à leurs descendants, fils et, à défaut, filles épicières. A défaut de descendants, la succession est dévolue aux autres parents du métèque. Mais, à défaut de descendants, il est fort douteux que, à l'exemple de ce qui se passait pour le patron de l'affranchi, la succession du métèque soit dévolue à son prostate [METOIKOI] ". Quant aux étrangers proprement dit, 'vot, c'est-à-dire à ceux qui ne sont même pas compris parmi les métèques, il est vraisemblable qu'ils avaient le droit de transmettre leur succession non seulement à. leurs propres enfants, mais encore à leurs autres parents, le rang héréditaire de ces derniers étant même déterminé d'après les principes de la loi athénienne'°. 30 Succession au pécule des esclaves [SEBVUS]. tion assez délicate que celle de savoir si l'on rencontre dans le droit attique des héritiers à qui s'impose la dévolution de la succession, ou, suivant l'expression romaine, des héritiers nécessaires. Pour les successeurs autres que les enfants légitimes, y compris les enfants adoptés par acte de dernière volonté, on est d'accord pour dire qu'ils sont libres d'accepter l'hérédité ou de la refuser. Mais pour les enfants légitimes ainsi que pour les enfants adoptés entre-vifs, on avoulu les considérer comme des héritiers nécessaires 16. Si toutefois cette théorie renferme une part de vérité, en ce sens qu'elle a pu être celle du droit attique, et même du droit grec, en général, à une époque oit le régime de la propriété familiale était encore en vigueur en Grèce, et oit il n'y avait pas, à proprement parler, de dévolution successorale, elle nous parait clairement contredite par les textes 17, à l'époque des orateurs. Elle est d'autant plus difficile à admettre à cette époque que la loi de Gortyne 13 consacre formellement le droit de répudier la succession". Pour qu'un successible puisse renoncer à la succes SUC 157 SUC sion qui lui est déférée, il est nécessaire qu'il n'ait point manifesté l'intention de l'accepter, car l'acceptation est irrévocable. Cette manifestation de volonté peut, du reste, être tacite, et résulter, par exemple, de la prise de possession des biens héréditaires'. Si les descendants légitimes ne sont pas héritiers nécessaires, ils se distinguent cependant profondément des autres successibles à un autre point de vue fort important, en ce sens qu'ils sont investis de la saisine légale, c'est-à-dire qu'aussitôt après l'ouverture de la succession, ils peuvent, sans aucune formalité, et sans avoir à recourir au magistrat, se mettre en possession des biens paternels au moyen de ce que l'on nomme une Eµ3x.Teue1s 2. Les autres héritiers, au contraire, c'est-àdire les enfants adoptés par testament et les collatéraux doivent, avant de prendre possession des biens héréditaires, s'adresser au magistrat compétent et se faire autoriser par lui au moyen de la procédure ê;ctatxacx, à appréhender l'hérédité'. Si, dans la prise de possession à laquelle l'autorise la saisine légale, l'héritier saisi rencontre un obstacle de fait, provenant d'une violence légale ou simulée exercée par un tiers (Eçx o ), il peut agir contre ce tiers au ritier saisi est un mineur ou une femme, l'auteur de la violence peut être poursuivi par une Eiax,yo), ix xxx,il6EWç. [EISASCéLIA', action susceptible d'entraîner contre lui des conséquences très graves`. Lorsqu'un tiers s'oppose à la prise de possession par l'héritier saisi, en élevant lui-même des prétentions sur la succession, l'héritier peut répondre par une procédure incidente nommée DIAMARTVRIA, procédure qui n'est pas du reste spéciale à la matière des successions. La saisine ne nous paraît pas d'ailleurs conférer à l'héritier qui en est investi, l'acquisition de la possession elle-même, sans qu'il lui soit nécessaire de faire aucun acte d'appréhension. La théorie contraire" repose sur une notion assez délicate de la saisine, notion qui a fini par être consacrée par le droit moderne, mais que le législateur athénien ne paraît pas avoir apercue Quant à l'héritier non saisi, il est obligé de recourir à la procédure d'atatxxcia, qui peut elle-même provoquer BÉTÉ5IS]. La décision de l'archonte qui homologue la Xii tç du demandeur lui confère par cela même une saisine judiciaire dont les effets sont identiques à ceux de la saisine légale accordée à l'héritier sien. Lorsque d'ailleurs l'héritier non saisi meurt sans avoirfaitl'adition qui, selon nous, résulte du fait de présenter la àil;tç, son droit s'éteint avec lui, et les continuateurs de sa personne ne peuvent l'exercer de son chef ; ils sont alors exposés à être exclus par d'autres successibles qui auraient été obligés de subir le concours de leur auteur, s'il avait vécu et fait adition". Toute personne qui croit avoir des droits préférables à ceux du possesseur de l'héritage, peut les faire valoir au moyen d'une action, qui est une sorte de pétition d'hérédité. Les personnes qui peuvent agir ainsi sont celles qui n'ont pas figuré dans la procédure d'envoi en possession, car on ne peut plus leur opposer une épidicasie à laquelle elles sont demeurées étrangères °. Celles qui ont figuré dans la procédure d'épi dicasie, ou plutôt de diadicasie, peuvent aussi quelquefois exceptionnellement former ultérieurelnent une pétition d'hérédité contre le possesseur, notamment quand l'envoi en possession a été prononcé par défaut10. L'action en pétition d'hérédité se prescrit par cinq ans, comme les autres actions en général". L'héritier, quand une fois il a accepté la succession, devient activement et passivement le continuateur (le la personne du défunt; il succède, en principe, à tous les droits, mais aussi, par contre, à toutes les obligations de son auteur. Il peut donc, notamment, intenter contre les débiteurs du défunt les mêmes actions que celui-ci aurait pu exercer ' 2. Toutefois, un droit, même d'ordre pécuniaire, peut, par exception, être intransmissible aux héritiers si. par sa nature ou d'après la convention des parties, il doit, comme le droit d'usufruit, être considéré comme avant un caractère exclusivement personnel. D'autre part, les distinctions honorifiques qui ont pu être accordées au défunt, mente si elles ont pu comporter un avantage matériel, ne sont pas transmissibles à ses héritiers. Tel est notamment le droit si recherché par les Athéniens, de prendre chaque jour ses repas dans le Prytanée aux frais du trésor public15, L'héritier, s'il recueille tous les droits du défunt, succède par contre passivement à toutes ses obligations et il en est tenu comme l'aurait été le de eu jus lui-même. Les créanciers du défunt peuvent donc s'adresser à l'héritier pour lui demander le remboursement de ce qui leur est dû, et cela quelle que soit l'origine de la dette. A ce principe, l'action prononcée contre les débiteurs du fisc ou contre ceux qui s'étaient rendus coupables de certains crimes d'une gravité exceptionnelle, est transmissible à la postérité du condamné [ATIMIA11, Lorsqu'il y a plusieurs héritiers, les dettes se divisent entre eux proportionnellement à leur part héréditaire''. L'héritier est tenu des dettes du défunt, non seulement sur les biens héréditaires, mais encore sur ses biens propres. L'acceptation d'une succession insolvable (u,;dxptmç) pouvait donc compromettre sa fortune personnelle 1°. Le droit attique ne paraît pas avoir connu le bénéfice d'inventaire. Outre les obligations précitées, et qui sont la contrepartie des droits pécuniaires auxquels il succède, l'héritier est tenu envers le défunt de certaines obligations d'ordre religieux ou moral. Ainsi d'abord, l'héritier non seulement est tenu de donner au défunt une sépulture convenable, mais en outre il doit accomplir ce que l'on nomme 'sgm ittE.Vx, c'est-à-dire faire à la tombe du défunt les visites prescrites par l'usage, et offrir chaque année à ses mànes, ainsi qu'é ceux de ses ancêtres, le repas funèbre et les libations destinées à assurer le repos et le bonheur des morts. L'accomplissement des rites funèbres est, dans les idées des anciens, indissolublement lié à la transmission de l'héritages'. Les visites et SUC 1558 SUC les offrandes à la tombe du défunt sont, rigoureusement obligatoires pour l'héritier; l'absence, la maladie ou l'àge ne peuvent l'en dispenser. II doit, s'il est absent ou malade, être remplacé par un de ses parents ou par ses amis'. Si l'héritier est mineur, c'est un tuteur qui doit accomplir à sa place et en son nom les voatrdlr.EVx2. Pour mieux assurer l'accomplissement des cérémonies funèbres et se prémunir contre la négligence de ses héritiers, le mourant peut charger un de ses affranchis du soin d'accomplir les vou.r:ag,EVa,. Les actes d'affranchissement de Delphes témoignent des préoccupations des maîtres à cet égard'. V. DU PARTAGE DES SUCCESSIONS. Le pariage des suc cessions donnait lieu, à Athènes, à de nombreuses contestations, et, sous la pression de cet esprit processif et intéressé qui soulevait tant de litiges en matière des successions, les cohéritiers se comportaient souvent en ennemis plutôt qu'en frères", Pour prévenir les discussions entre ses descendants, le père de famille peut faire lui-même, de son vivant, le partage de sa fortune. Il y a là, une sorte de démission de biens dont on trouve des exemples, dans les orateurs '' La démission de biens n'est d'ailleurs, dans le droit attique, qu'une faculté pour le père de famille et jamais elle ne peut lui être imposée. A Gortyne, au contraire, la loi autorise, dans un cas exceptionnel, un enfant à exiger le partage anticipé du patrimoine paternel [GOiTVxrormM LEGI Sl, Les cohéritiers ont la faculté de rester dans l'indivision, et les orateurs athéniens signalent plusieurs cas de frères vivant eu communauté', et l'on peut même supposer que I'n'tat d'indivision était assez fréquent à Athènes, comme d'ailleurs dans d'autres cités grecques. Cet état pouvait toutefois faire naftre entre les cohéritiers, en ce qui concerne l'acquittement des charges publiques, des difficultés auxquelles le législateur avait dû pourvoir °. Au surplus, en aucun cas l'indivision n'était obligatoire, même entre frères, et les cohéri tiers avaient, pour en sortir, l'action en partage, Eiç 8«e-rIrurr âipsio, [DATETA1]. D'autres actions peuvent aussi concourir avec celle-ci pour le règlement des contestations que provoque un partage, notamment la ô:z'r rroorzdç°. Deor'r nosrxux A. Généralités. A Rome, la succession ou hérédité constitue un des modes d'acquisition per' universitatem du patrimoine, mode organisé par le droit à la suite du décès d'un individu. Ce patrimoine, nommé dans l'hypothèse hereditas, continue après la mort de son propriétaire, à former une unité juridique, composée de droits et d'obligations, qui passe à un nouveau titulaire nommé heres, héritier [ornes, nEnEnrrnsl. Comment sont désignées les personnes appelées à recueillir cette hérédité, comment celle-ci s'acquiert-elle et quels sont les effets de cette acquisition? 10 Délation de l'hérédité, Les Romains ont connu les deux modes de délation de l'hérédité que l'on nomme la succession testamentaire et la succession ab intestat, l'une réglée par la volonté du défunt, l'autre par la loi. Il est probable qu'au début, les Romains n'ont connu que la succession ab intestat comme les anciens hindous, Germains ou Grecs. Ce dut être la conséquence de la pratique à Borne du régime patriarcal dans lequel la famille constitue une unité puissante, ayant seule des droits sur le patrimoine familial dont le pater n'est, en quelque sorte, que le dépositaire et l'administrateurpendant sa vie. Mais, après sa mort, ce patrimoine retourne à ceux dont il était le représentant temporaire, aux membres survivants du groupe familial, sans pouvoir modifier cette dévolution par un acte de sa volonté 10. Il ne faut pas croire cependant que la succession testamentaire n'ait été introduite à Rome que par la loi des XII Tables par le texte célèbre et ainsi conçu : («Iii paterfamilias legassit super pecunia tutelave suae rei, ita jus esto" o. Il est plus vraisemblable que la succession testamentaire a existé beaucoup plus tôt, et même, si l'on en croit la légende de la nourrice de Romulus, Acca Larentia, instituant celui-ci son héritier 13, la société romaine aurait connu le testament dès son origine. Quoi qu'il en soit, la loi des XII Tables n'a fait que consacrer une coutume depuis longtemps en vigueur. Mais, avant cette époque, le testament apparaissait plutôt comme un rite anormal, et d'une pratique peu courante, car il ne pouvait se faire que dans l'assemblée populaire et avec l'autorisation de celle-ci [TESrAMENTUM]. La loi des XII Tables vint, par le texte précité, soustraire au contrôle du peuple les dernières volontés du pater, déclarées suivant les formes solennelles requises. Mais, à défaut de cette déclaration, la loi consacre les droits attribués anciennement à la famille, aux heredes legitimi. A partir de la loi des Xtl Tables, qui consacrait ainsi la prééminence de la succession testamentaire sur la succession légitime, l'emploi du testament se généralisa tous les jours davantage, et cela d'autant plus que les liens de la famille se relâchèrent et que les formes du testament devinrent d'un accès plus facile. Aussi presque toujours le paterfamilias testait-il avant de mourir, et mourir intestat finit, même par être considéré comme une déchéance, presque un malheur. La succession ab intestat fut donc de plus en plus reléguée au second plan, et l'on chercha, par tous les moyens, à écarter l'arrivée des héritiers légitimes et à donner à la volonté du défunt le pas sur la désignation de la loi. Cette prééminence de la succession testamentaire sur la succession ab intestat aboutissait à ce principe, consacré du reste par la loi des XII Tables elle-même, que les héritiers ab intestat ne peuvent venir à la succession que s'il n'y a aucun espoir d'un héritier légitime i1. Les jurisconsultes en avaient déduit, d'autre part, cette règle logique, mais rigoureuse, qui est ainsi formulée par Justinien: nemo ex parte testatu.s ex parte intestalu.s decedere polest 14, c'est-à-dire qu'il ne peut y avoir à la fois pour une même succession un héritier testamentaire et un héritier ab instestat. Soit qu'ils se présentent ensemble, soit qu'ils viennent l'un après l'autre, la prétention de l'héritier ab intestat est écartée. B. Détermination des héritiers légitimes. La succession ah intestat doit revenir aux membres de la SUC 1559 SUC famille du défunt. Mais ces parents ne sont pas tous appelés en bloc. Or la notion même de leur parenté qui sert de base à leur vocation héréditaire n'a pas toujours été la même, et elle a subi le contre-coup des variations qui se sont produites à Rome dans la notion même de la famille. Quatre systèmes ont, à cet égard, été successivement ou même simultanément en vigueur, depuis la loi des XII Tables jusqu'à Justinien: 1° c'est d'abord le système du droit civil ancien, tel qu'il est consacré par la loi des XII Tables et dont nous avons précédemment exposé les traits généraux [nEuES, MEREDITAS] ; c'est en second lieu le système du droit prétorien, imaginé par le préteur en vertu de son droit indirect de législation [EDmcTuM] pour remédier aux iniquités du droit ou pour combler ses lacunes, et qui se réalise au moyen des bonorum possessiones [BOtvonanl possESSlo]; 3° puis les sénatus-consultes et les constitutions impériales vinrent continuer et développer l'oeuvre du préteur [uEMES, MEuEDITAS]; !4° enfin les Novelles de Justinien vinrent consommer ce travail de transformation et consacrer définitivement les droits méconnus ou restreints de la parenté naturelle, en adoptant un nouveau système de succession entièrement fondé sur la cognation C. Ouverture et acquisition de la succession ab intestat. -(a) Ouverture. La succession ah intestat ne peut s'ouvrir que s'il n'y a pas de succession testamentaire. Il en est ainsi lorsque le défunt n'a pas de testament ou n'a pu en faire, étant incapable, ou lorsque son testament est devenu inefficace jure civili pour l'une des causes que nous indiquerons ultérieurement [TESTA31EN TDM], ou enfin lorsque l'héritier institué est incapable, refuse ou est institué sous une condition qui ne se réalise pas'. Le moment de la délation de la succession ab intestat ne coïncide point d'ailleurs nécessairement avec le jour du décès, car l'inefficacité du testament peut n'être pas reconnue immédiatement'. C'est, d'autre part, au moment de l'ouverture de la succession ab intestat qu'il faut se placer pour apprécier la capacité, la qualité et le degré des héritiers légitimes C'est ainsi que celui qui, étant citoyen romain (qualité nécessaire pour recueillir une succession légitime au jour du décès) a perdu le droit de cité au jour de l'ouverture de la succession, ne peut la recueillir'. I1 est nécessaire d'ailleurs que l'héritier légitime soit au moins conçu lors du décès de celui auquel il succède, la durée la plus longue de la gestation étant alors reculée jusqu'à dix mois ° b) Acquisition de l'hérédité. La manière dont s'acquiert l'hérédité varie suivant la qualité des divers héritiers appelés à la -recueillir. S'il s'agit d'abord d'héritiers siens, sui [MIMES, MEREDITAs], ils sont en même temps héritiers nécessaires (sui et necessarii), et ils acquièrent la succession ab intestat à leur insu et malgré eux 6. C'est là une conséquence de la communauté familiale ayant existé entre eux et leur auteur. La possession est, du reste, acquise à l'héritier nécessaire sans qu'il ait besoin de faire un acte d'appréhension matérielle. Pour les autres héritiers, étrangers à la communauté de famille, simples agnats ou gentiles, qualifiés en ce sens d'extranei, ils sont héritiers volontaires et peuvent accepter l'hérédité en faisant adition, ou la répudier'. Dans l'intervalle entre la mort du défunt et le moment où l'héritier accepte la succession, l'hérédité est dite jacente, hereditas jucet, situation fâcheuse pour l'héritier futur, notamment en ce que les esclaves héréditaires ne peuvent augmenter la succession par leurs acquisitions, faute d'un maître dont ils pussent emprunter la capacité. Mais les jurisconsultes remédièrent aux inconvénients de la jacence par une fiction généralement admise à l'époque classique, et en vertu de laquelle l'hérédité tient la place du défunt, qui est censé survivre en elle: hereditas personam defuncti sustinets. A l'origine, aucun délai n'était imposé aux héritiers volontaires pour prendre une décision. Mais pour remédier aux inconvénients que pouvait entraîner une incertitude trop prolongée, le préteur, à la demande des créanciers héréditaires, pouvait imposer à l'héritier un délai de cent jours pour délibérer. Ce délai expiré sans qu'il eût pris parti, il était exclu de l'hérédité'. Justinien, tout en conservant à l'héritier volontaire le droit. de délibérer, lui donne un délai de neuf mois, passé lequel il était réputé acceptanti0 Si, après avoir délibéré, l'héritier se décide à accepter l'hérédité, son acceptation, ou adition d'hérédité, doit, au début, comme tous les actes juridiques, être orale et solennelle, suivant les formes de la cretio ". Mais plus tard, on se contenta d'une simple manifestation de volonté, nuda voluntas, résultant d'une déclaration verbale ou écrite, faite en termes quelconques. On admit enfin radie Gon tacite, pro herede gestio, résultant de tout acte de l'héritier impliquant chez lui l'intention de se comporter en maître de l'hérédité, comme, par exemple, du fait d'aliéner la chose héréditaire 72. L'héritier peut d'ailleurs, à l'inverse, répudier la succession par une simple déclaration de volonté''. Les effets de l'acquisition d'hérédité peuvent se résumer en cette proposition, que l'héritier devient le continuateur de la personne du défunt. En conséquence, tous les biens du défunt, corporels ou incorporels, sauf ceux qui étaient attachés à sa personne, comme l'usufruit, passentà l'héritier. Celui-ci, par contre, succède à toutes les charges, comme l'entretien des sacra, l'acquittement des dettes. Celles-ci viennent augrnenler ses dettes personnelles, de sorte qu'il y a confusion complète des deux patrimoines, les créanciers du défunt venant au concours avec les créanciers personnels de l'héritier. Cette confusion des patrimoines pouvait porter préjudice soit aux héritiers légitimes, soit aux créanciers héréditaires. Le droit civil et le droit prétorien remédièrent à ces inconvénients par différents bénéfices, à savoir le jus abstinendi, le bénéfice d'inventaire et la séparation des patrimoines. Le jus abstinendi, ou bénéfice d'abstention, permettait aux héritiers siens et nécessaires de se soustraire aux charges d'une hérédité qu'ils savaient mauvaise. Ce bénéfice s'obtenait par une simple déclaration de volonté de l'héritier devant témoins de son intention de s'abstenir, mais à la condition de ne pas s'immiscer dans la succession et de n'en rien détourner'. L'héritier qui usait de ce bénéfice soustrayait ses biens personnels SUC 1560 SUC à la poursuite des créanciers héréditaires et, d'autre part, i1 échappait à l'infamie si ces créanciers faisaient vendre les biens du défunt, ces biens étant vendus au nom du défunt. Le bénéfice d'inventaire a pour but de protéger les héritiers externes contre les conséquences fâcheuses que pouvait entrainer pour eux l'acquisition d'une hérédité acceptée par eux dans la croyance qu'elle était solvable, alors qu'elle ne l'était pas. Justinien, en établissant à leur profit ce bénéfice, s'efforça de concilier la faveur due à l'héritier externe avec les intérêts légitimes des créanciers héréditaires. Moyennant l'observation de certaines formalités, et notamment la confection d'un inventaire destiné à constater exactement les forces de la succession et à prévenir une dissimulation de l'actif, les deux patrimoines du défunt et de l'Héritier demeurent séparés, et l'héritier spécialement n'est tenu de payer les dettes héréditaires que jusqu'à concurrence de l'actif constaté, et il ne peut être poursuivi sur ses biens personnels'. La séparation des patrimoines, bonorum .separatio, est enfin un bénéfice accordé par le préteur aux créanciers de la succession et aux légataires, lorsque l'hérédité est acquise par un héritier moins solvable que ne l'était le défunt. Grèce à cette séparation, qui doit, du reste, être demandée dans les cinq ans qui suivent l'acquisition (le l'hérédité, et sous la condition qu'il n'y ait pas eu confusion de fait entre les deux patrimoines, les créanciers héréditaires peuvent se faire payer sur l'actif de la succession avant les créanciers personnels de l'héritier, mais en revanche, les créanciers personnels de l'héritier passent avant les créanciers du défunt, sur les biens de l'héritier'. La succession prétorienne jnoxonra PossEsslo] ne s'acquiert qu'autant qu'elle est demandée, et le préteur n'impose à personne la qualité de bonorum possessor. Mais, pour éviter les inconvénients d'une incertitude trop prolongée, le préteur exigeait que celui à qui la bonorum possessio était offerte prit parti dans un certain délai, délai qui, comme celui de la cretio, était de cent jours. Ce délai écoulé saris que les successibles appelés eussent pris parti, leur vocation s'évanouissait et le droit à la bonorum possessio passait aux successibles du degré suivant, conformément au successorium edicturn. L'acquisition de la bonorumpossessio confère au bonorumpossessor le titre d'/eres avec tous les avantages effectifs qui dérivent de la successio in universum jus'. Mais si le bonorum possessor était sur de les conserver quand la bonorum possessio était cum re, il n'en était plus de même quand elle était sine re. Au surplus, ainsi que nous l'avons précédemment expliqué, tous les bonorum possessores finirent par devenir cura re, et l'on aboutit sous Justinien à une fusion de la bonorum possessio et de l'hereditas, de sorte que, soit pour l'acquisition, soit pour les effets, il n'y eut plus de différence entre l'une et l'autre [DONORUM PossESSIO]. D. Partage de la succession. Depuis la loi des XII Tables, lorsque plusieurs personnes sont appelées à une même succession, chacune d'elles est autorisée à demanderle partage des biens héréditaires. Tel est l'objet de l'action fainiliae erciscundae [rAMIL1AE E13CISCONDAE]. La masse à partager comprend quelquefois des biens qui n'appartiennent pas au de cujus : c'est ce qui a lieu en cas de eollatio bonorum [BOnoncM COLLATIO]. Lorsque d'ailleurs plusieurs personnes sont appelées simultanément à recueillir une même succession ab intestat, la part de l'héritier qui fait défaut estdévoluesuivant les règles du droit d'accroissement [ACCRESCEaDI aos]. E. Sanction du droit héréditaire. Le droit héréditaire est sanctionné d'une manière différente suivant qu'il a sa source dans le droit civil ou dans le droit prétorien. Le droit héréditaire sanctionné par le droit civil est protégé par la pétition d'hérédité et par l'action en partage [PAMILIAE ERCISGuNDAE]. La pétition d'hérédité est donnée à. celui qui, se prétendant heres, veut faire reconnaître ce titre qui lui est contesté, et, en conséquence, demande la totalité ou une quote part de l'hérédité. C'est une action analogue à la revendication [DEI vINDlcA'no] ; elle en diffère seulement par l'étendue du droit du demandeur.Lapétition d'héréditéest une action universelle tandis que la revendication est une action spéciale, ayant pour objet des choses envisagées à titre particulier. La pétition d'hérédité est donnée à celui qui se prétend héritier, en vertu du droit civil, testamentaire ou ab intestat, et qui n'est pas en possession de l'hérédité ou qui n'en possède qu'une partie. Il doit, pour triompher, prouver sa qualité d'héritier. L'action ne peut d'ailleurs être exercée contre tout possesseur, mais seulement contre ceux qui possèdent pro herede ou pro possessore. Possède pro possessore celui qui détient un bien héréditaire, ou refuse de payer une dette en se disant héritier. Possède pro herede celui qui retient un bien héréditaire sans produire d'autre titre à l'appui de sa possession que le fait de cette possession elle-même`. Tout autre possesseur, invoquant un titre spécial d'acquisition, vente ou donation, par exemple, ne conteste pas la qualité d'héritier, chez le demandeur, et, par suite, ne peut être poursuivi par la pétition d'hérédité, mais seulement par la rei vindicatio. Lapétition d'hérédité, commelarevendication, s'intenta successivement per sacramentum [ACTIO, LEGIS ACTIO], par sponsio et par formule pétitoire [BEl vI:NDICATIO], tout en passant un peu plus lentement par les différentes phases. Quant aux effets de l'action, ils sont également les mêmes que dans la revendication. Les deux actions diffèrent toutefois en ce qui concerne les restitutions à effectuer par le défendeur. Notamment depuis le sénatusconsulte Juventien, rendu conformément à une oratio d'Hadrien', le possesseur de bonne foi de l'hcrédité, de même qu'un possesseur de mauvaise foi, ne doit rien conserver des profits qu'il a pu retirer de sa possession. Ainsi, il est tenu de restituer le prix des choses héréditaires qu'il a aliénées avant d'être actionné par la petitio hereditatis. Il doit également restituer les prix des fruits qu'il a perçus, s'il ne les a pas encore consommés : ces fruits sont considérés comme un capital qui vient augmenter l'actif héréditaires. Par contre, dans la pétition d'hérédité, tout doit être réglé suivant l'équité, et le juge est investi d'un pouvoir plus large que dans la rei vindicatio. C'est ainsi notamment que le possesseur de mauvaise foi peut réclamer une indemnité à raison de ses impenses nécessaires ou utiles, sous la condition que la plus-value qu'elles ont occasionnée subsiste encore'. SUF 1561 SUF Le montant des restitutions à opérer par le défendeur à la pétition d'hérédité fait l'objet du jussus judicis, suivi, à défaut d'exécution, de la condamnation, comme Le bonorum possessor, n'étant pas héritier, n'avait originairement ni les actions particulières du défunt qui passent à l'héritier du droit civil, ni la pétition d'hérédité fondée sur la qualité d'héritier. Mais le préteur lui donna l'interdit QUORUM RoNORUM, dont l'objet et le but ont été indiqués. La protection accordée au bonorum possessor fut complétée par l'interdit quodlegatorum, lui permettant d'acquérir la possession des biens héréditaires dont s'est emparé un légataire'. Les actions fictices permirent aussi au bonorum possessor de faire valoir les droits réels et de créance appartenant au défunt, en agissant sous la fiction de la qualité d'héritier, fcto se herede. En même temps, le préteur permettait aux créanciers héréditaires de le poursuivre avec la même fiction Enfin, le préteur alla plus loin en créant l'hereditatis petitio possessoria, donnée au bonorum possessor dans les mêmes conditions que la pétition d'hérédité à l'héritier, à savoir contre les possesseurs pro collerette ou pro possessore pour réclamer toutes les valeurs héréditaires rentrant dans le domaine de la pétition d'hérédité 3,