SUTOR, cordonnier; SUTRINA, atelier ou magasin de cordonnerie. Les cordonniers recevaient le cuir [cos muni], tout préparé, des mains des tanneurs ', corroyeurs, mégissiers [coRuAillus]. Pourtant le même mot, en Grèce, exUTOTéµoç (ou exrTEliç) désignait à la fois tous ceux qui travaillaient le cuir (exûyOç) et, plus étroitement, les fabri
travail du cuir, et la cordonnerie ; même largeur de sens pour les ateliers (aUTOTOµEToy ou cxvro 6µtov'). Tailler le cuir est la première opération du savetier ; coudre, la seconde, celle qu'ont surtout retenue les Romains, dont les termes les plus communs sont en l'espèce Butor 6, ais sutrina, taberna sutrina 8, [pour le corroyeur voy. coRIARIUs, II], tandis qu'elle ne se manifeste en grec 9 que dans les formes de basse époque, comme Gnoô'qµaTOpp' Foç 10. Le latin n'a pas de terme général désignant n'importe quelle chaussure, mais en grec on rencontre
inscription de Thessalie 12. Peut-être d'ailleurs le xprlnt
ôonwn7,ç ne vendait-il pas, que des trépides. Chez les Romains, on peut croire que la spécialisation fut poussée très loin : on connaît CALICARIUS, CREPIDARIUS, gallicaries [GALLICA], calceolarius16, solearius 17 ou sandaliarius13,baxearius", dont il faut distinguer les sobriquets créés par les auteurs comiques : diabatlararius 20 et
,r:cuy,(oç21, l'homme qui manie la poix (iv(ec«). Un commerce à part, sans doute, était celui des raccommodeurs qui, travaillant dans le vieux (na),a.toup'yol 22), n'avaient guère que deux opérations à accomplir: appliquer de
vi Elv23), ou consolider en recousant avec des nerfs (vEÛ
les Romains cet artisan inférieur en ajoutant à sutor le mot cercla, qui indique un métier déprécié, ou encore vele
ramentarius26
Le cordonnier opérait assis27 devant sa table, (fig. 6688)93. Il taillait le cuir avec son tranchet,
p.EÛç 29cuiter crepidarius 30 ou encore cµln
scalprum 32
Cette dernière variété avait
probablement le tranchant droit, le To aoéç l'avait en demilune33, comme on le voit dans nos figures. Il est possible que, parmi les instruments de bronze de forme courbe, que l'on considère généralement comme des rasoirs [NOVACULA], il y en ait qui aient servi à couper le cuir ; tel est.celui de l'Antiquarium de Berlin, provenant de Pompéi, ici reproduit (fig. 6689)". Il
y avait du reste un grand nombre de types de ces outils tranchants, ainsi qu'il ressort de la trouvaille faite à Mayence en 1857 35. On aiguisait ces instruments à l'aide de n(v¢xEg en bois dur (souvent en poirier sauvage, yp.ç36), ou en pierre31. Pour toute cette technique, il fut fait de larges emprunts aux usages égyptiens `a. Souvent le travail de l'artisan se bornait à donner à la sandale le contour du pied. Sur un vase attique 39,
on voit (fig. 6690) une boutique de cordonnier : le client pose une jambe sur la table, et l'ouvrier, avec son cou
SUT -1574 SUT
teau, coupe le cuir tout autour du pied; sur la table, la meule à aiguiser; à côté, le vase où tombent les débris de cuir' ; le chef d'atelier surveille l'ouvrage; au
mur, à un rayon, sont suspendus les outils nécessaires. Pour un soulier montant, il fallait une semelle et une empeigne, qu'une fois taillées on cousait'. Parfois ces différentes opérations étaient accomplies par divers ouvriers', mais en général par le même. Il perçait les trous dans le cuir avec une alêne (i7rEaç, irr(Ttov
zEerr Trlotov 3), subula , fiétula sutoria
outil dont on a trouvé un modèle (fig. 6691) à Pompéi 8, et cousait avec des nerfs d'animaux
La plupart des chaussures étant à deux formes, il est probable qu'on en faisait aussi sur mesures ; une peinture ancienne10 paraît avoir pour sujet un artisan prenant la mesure du pied de son client. On travaillait sur la forme,
p. 12.13], peut-être appelée encore mustricula l' : une statuette de Chalon-sur-Saône 12 représente un savetier appliquant sur la forme des pièces de cuir. On égalisait ainsi la peau et on faisait disparaître les plis avec un instrument dont Platon 13 ne donne pas le nom grec (tentipellium en latin), et qui devait être une forme revêtue de fer". La semelle peut être en bois ou en liège [soLEA], alors non cousue, mais clouée [CALMA].
Pour assouplir la peau, on la trempait dans t'huile'' ; celle des souliers de femmes était polie avec un minéral, l'cLy' ŒTag 16 ; puis on colorait avec un noirs' dit o),avT r;o)a 13, titramentum sutoriutn10 ou sutoriciltim
tiré du sulfate de cuivre (ya),xaooiç ou yé'axavOOov21).
Le vue mime d'iférondas (°_xaTEÛç) met en scène un cor
donnier, Kerdon, établi probablementà Cyzique, possesseur d'un riche assortiment de chaussures, invitant et recevant la clientèle, clientèle féminine2"-et peut-être, à en juger par ses libertés de langage, recrutée dans le monde de la vie galante. Il a treize ouvriers qui paraissent être ses esclaves, car il les nourrit mal et les traite brutalement '2g. Chaque variété de chaussures forme un groupe à part" ; les divers rayons sont enfermés (Jans une armoire2G, d'où on les retire pour les mettre sous les yeux de la cliente (fig. 3197).
Pollux20 parle d'un cordonnier qui avait dédié à
Athènes l'image en pierre d'une sandale (è E7i p(cei.'r;).
On a retrouvé sur une pente de l'Acropole une stèle votive avec une sandale en relief27, où quelques personnes voudraient reconnaître ce monument: mais c'est plus probablement un ex-voto offert pour la guérison d'un mal de pied2s
A l'époque romaine, le métier de cordonnier était fort peu considéré29; il était pourtant exercé principalement par des hommes libres, même par des ingénus30. Comme les tanneurs, ces artisans formaient un des plus anciens collèges, dont l'institution était attribuée à Numa31. Ils s'assemblaient à Rome dans l'atrium sutorium, où s'accomplissait le 23 mars la cérémonie du ToRILUSTRIUM 32 ; l'emplacement exact en est mal connu, mais voisin de l'Argiletum où se tenaient beaucoup de sutrinae 33 ; près de là, au quartier de Subure, se trouvait le vices Sandaliarius '4, orné d'une statue élevée à l'Apollo Sandaliarius''. 11 existait d'ailleurs des collèges par spécialités36. Certains de ces artisans font le commerce en gros et vendent surtout des chaussures de fabrication étrangère; l'un d'eux, comparator mercis sutoriae'', a réalisé une belle fortune; il compte dans son entourage des affranchis des deux sexes. D'autres prennent àbail les boutiques, tabernae38 ; dans leMetallum Vipascense [METALLA, p. 1871], toute la cordonnerie est affermée par contrat à un conductor Y9. A Bologne, un savetier opulent donne des jeux 40 ; un autre, à Bénévent, eut sous Néron une véritable influence 41 ; l'empereur Vitellius lui-même était originaire d'une famille de cordonniers `2. D'autres corporations du même ordre sont signalées sur divers points du monde romain M13 ; il
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y avait à Philadelphie de Lydie une 1E91t pu),,i t îv ttxuTr•wv' et à Apamée Kiblos une « place des cordon
SUIS. L'adjectif suas reçoit une signification particulière dans certaines expressions de la langue du droit romain. On groupera ici celles qui présentent un intérêt pour l'histoire des institutions juridiques.
1. Suus heres. Suus, qualifiant heres, désigne une classe d'héritiers qui se rattachent au de cujus par le lien de l'agnation. Les héritiers siens sont les agnats les plus proches', ceux qui, au jour du décès, sont placés sous la puissance immédiate du de cujus : 1° les descendants nés en légitime mariage, fils ou tilles, petits-fils dont le père est mort ou sorti de la puissance du de cujus; 2° les enfants adoptifs ;3° la femme in manu qui est/iliaeloco'2. La jurisprudence a de bonne heure étendu la qualité d'héritier sien au posthume' [POSrHUMUS, t. IV, p. 603].
L'adoption et la manus produisent le même effet que le mariage, quant à la création d'un héritier sien. Mais il ne dépend pas d'un chef de famille de donner à son fils des héritiers siens malgré lui'•, D'où l'on a conclu : 1° qu'un petit-fils ne peut se marier avec le seul consentement de son grand-père, chef de la famille : il doit obtenir en outre le consentement de son père ; 2° qu'on ne peut adopter un enfant à titre de petit-fils sans le consentement du fils
La puissance paternelle et la manus étant des droits réservés aux hommes, les femmes ne peuvent avoir d'héritiers siens
La qualité d'héritier sien n'est pas indélébile : elle se perd par la capitis deminutio' [CAPUT, t. 1, p. 913].
Les héritiers siens ont une situation privilégiée à plusieurs points de vue : 1° ils recueillent la succession légitime à l'exclusion de tous autres agnats 8 ; 2° ce sont des héritiers nécessaires : ils acquièrent la succession légitime ou testamentaire de plein droit, sans avoir besoin de faire adition ". D'où la dénomination qu'ils ont reçue dans la loi des XII Tables : ils semblent recueillir des biens qui leur appartenaient déjà"; c'est une conséquence du régime de la propriété familiale admis par l'ancien droit Romain 12. Les héritiers siens ont conservé cette dénomination dans la suite, alors que le régime de la propriété familiale avait fait place à celui de la propriété individuelle; 3° la qualité d'héritier nécessaire entraînait pour l'héritier sien une conséquence rigoureuse, en cas d'insolvabilité de la succession : il était tenu de payer les dettes du défunt ultra vires 13 ; il n'avait pas, comme l'héritier externe, la faculté de répudier la succession. Les Préteurs jugèrent équitable de tempérer la rigueur du droit: ils accordèrent à l'héritier sien le bénéfice d'abstention ". Ce bénéfice lui appartient de plein droit, sans qu'il ait besoin d'en faire la demande1', mais il ne peut s'en prévaloir qu'à la condition de ne pas s'immiscer dans l'hérédité 1'. Cette
condition était, il est vrai, écartée pour l'impubère", et c'était un danger pour les créanciers de la succession : on leur permit de demander qu'un délai fût fixé pour délibérer si l'impubère avait intérêtà conserverl'hérédité. Jusqu'à l'expiration de ce délai, aucun bien héréditaire ne peut être aliéné sans la permission du magistrat et l'avis d'un homme de bien "a.
L'héritier sien ne garde que le titre d'héritier "; en fait il est étranger à la succession. Il peut revenir sur sa décision tant que les biens n'ont pas été vendus par les créanciers 20. En général, le bénéfice d'abstention ne se conçoit pas lorsque la succession est solvable. Cependant, si l'héritier sien a eu de justes raisons de s'abstenir d'une succession parce que les affaires étaient trop compliquées, la jurisprudence a admis, sous l'influence de Papinien, qu'on lui permettrait de réclamer le legs fait à son profit21.
4° L'héritier sien doit être formellement institué ou exhérédé 22 : le testateur ne peut le passer sous silence, à peine de nullité du testament. L'héritier sien est ainsi protégé, au moins en la forme, contre une exhérédation injuste. Cette règle fut introduite parles Prudents, pour le cas où le testateur avait cru que son fils était mort 23 On l'a étendue au cas où il l'aurait omis 24. L'institution ou l'exhérédation doit être nominative : cette prescription a toujours été maintenue pour les fils. Pour les filles et pour les petits-fils, le tribunal des centumvirs, dès le temps de Cicéron 25, n'exige plus une exhérédation individuelle ; il suffit qu'elle soit collective 26 (inter ceteros) [EXHEREDATIO, t. II, p. 924].
3o L'héritier sien est également protégé contre une usucapion pro herede 27 : aucun bien héréditaire ne peut être usucapé à son préjudice [USUCAPIO].
6° Les héritiers siens ont droit à la bonorum possessio unde liberi. lls conservent ce droit même s'ils ont perdu la qualité de suas par une capitis deminutio23 comme celle qui résulte de l'émancipation [ROnoRUM PossEsslO, t. I, p. 735]. Les héritiers siens peuvent aussi demander la bonorum possessio unde legitimi, s'ils ont laissé écouler le délai d'un an utile 29, fixé par l'Edit pour demander la bonorum possessio unde liberi. S'ils négligent de demander la bonorum possessio unde legitimi dans le délai prescrit, ils ont encore un an pour solliciter la bonorum possessio unde cognati.
7° Lorsque l'édit du Préteur appela l'enfant émancipé à la succession paternelle concurremment avec les sui, il donna aux héritiers siens une compensation pour le préjudice qu'ils allaient subir. L'émancipé doit promettre, sous caution 10 (satisdalio), d'apporter à la masse à partager tous les biens qu'il a acquis depuis qu'il est devenu sui juris et qu'il possède encore au décès de son père : c'est la collatio bonorum" . Cette collatio n'est pas admise dans les successions testamentaires'". Peuvent seuls l'exiger les héritiers siens qui ont obtenu la bono
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rum possessio contra fabulas ou unde liberi et à qui la présence de l'émancipé cause un préjudice'.
L'émancipé a la faculté de faire son apport en nature ou en moins prenant': tel est même l'usage au BasEmpire. En cas de refus de l'émancipé, la succession paternelle reste aux mains des héritiers siens. Par une interprétation bienveillante, la jurisprudence admit, sous l'influence de Papinien, que l'émancipé pourrait revenir sur sa détermination et offrir la caution pendant un an, à dater de la délation de la bonorurn possessio 3. Si l'émancipé ne peut pas fournir caulion, on nomme un curateur pour administrer sa part en attendant qu'il trouve des Gdéjusseurs
8e Les héritiers siens, sauf les femmes, succèdent aux droits de patronat, même s'ils ont été exhérédés'. La loi Papia Poppaea [LLX, t. III, p. 1157] assimile aux héritiers siens le fils de la patronne, lorsqu'il a un enfant
[LIBEHOnUM JUS, t. III, p. 1294, n. 4].
9° Les héritiers siens sont exempts de l'impôt du vingtième établi sur les successions par la loi Julia hereditatium7 [LEX JULIA, t. III, p. 1150, n. 3]. Cette exemption fut d'abord réservée aux anciens citoyens : les enfants d'un pérégrin ne pouvaient l'invoquer lorsque leur père avait obtenu la cité romaine après leur naissance. Nerva accorda l'immunité à ceux dont le père avait oblenu la puissance paternelle. Trajan étendit aux nouveaux citoyens sans distinction la règle établie pour les anciens'. Un édit de Domitien de l'an 87./88 avait exceptionnellement accordé aux vétérans qui avaient pris part au siège de Jérusalem, à leurs femmes et à leurs enfants, le droit d'être optumo jure cives romani'.
10° Au Bas-Empire, d'après une loi de Valentinien, Théodose et Arcadius, les petits-fils furent appelés a la succession de leur grand-père maternel à la place de leur mère prédécédée : c'était une atteinte aux droits des héritiers siens du de cujus. On en limita la portée en accordant aux nouveaux successibles les deux tiers seulement de la part de leur mère f0.
Il. Sui juris. -Est sui juris la personne qui a la capacité juridique ", le chef de famille. On dit aussi qu'elle est suae potestatis parce qu'elle n'est pas soumise à la puissance d'autrui 12. On l'oppose aux personnes alieni juris qui sont soumises à la puissance paternelle ou dominicale, à la manus ou au rnancipium.
Une personne sui juris, capable en droit, peut être incapable en fait : tels sont les impubères et les femmes, placés en tutelle, les fous, les prodigues, certains mineurs de vingt-cinq ans pourvus d'un curateur t3, Une personne sui juris peut être dans une certaine dépendance, comme l'affranchi vis-à-vis de son patron [LIBERTUS].
Un fils de famille devient sui juris, soit à la mort de son père, lorsqu'il était sous sa puissance immédiate, soit par une émancipation. L'esclave devient sui juris lorsqu'il est affranchi ; la femme in manu, au décès de celui qui a sur elle la manus. Lorsque la manus a été acquise par coemtio, la femme devient sui juris par
une remancipation suivie d'un affranchissement". On cesse d'être sui juris lorsqu'on est adrogé ou qu'on devient esclave à titre de peine.
L'acquisition de la capacité de fait s'exprime d'une manière analogue à l'acquisition de la capacité de droit. L'impubère sui juris, qui devient pubère et par conséquent cesse d'être en tutelle, devient suae tutelae, ou in tutelaon suam pervenif ". Le fou qui recouvre la raison est suae mentis 10, le mineur de vingt-cinq ans, qui devient majeur, est suae aelatis
III. Sua lis. Dans l'expression ,judex litera suant Tarit [Lus, t. III, p. 716], sua lis indique la responsabilité encourue pour le juge qui ne se rend pas au forum au jour fixé par le magistrat 18: il fait le procès sien, c'està-dire qu'il s'expose à la vzanus injectio que le demandeur aurait exercée contre le défendeur, alors que la procédure des actions de la loi était en vigueur [MASOS INJECTIO, t. III, p. 1187]. Le Préteur a étendu cette responsabilité à d'autres négligences (inobservation des délais d'ajournement", ou des instructions du magistrat relatives à la condamnation) 20, et au dol commis par le juge dans l'exercice de ses fonctions". En même temps, le Préteur a modifié la sanction : le juge est passible d'une action en réparation du préjudice ", action in bonum et aequum qui se donne contre les héritiers23
IV. Suo nomine. En droit classique, on peut exercer une action en justice ou y défendre en son nom personnel ou au nom d'autrui. Il en était autrement au temps des actions de la loi: sauf quelques exceptions on devait toujours agir suo nomine [LECls ACTIO, t. IlI, p. 1094, n. 14]. A l'époque classique et au Bas-Empire, il n'est pas indifférent de savoir si l'on agit en son nom personnel : 1" il y a des personnes qui peuvent plaider suo nomine, mais qui ne sont pas admises à plaider au nom d'autrui 24 ; tels sont les mineurs de dix-sept ans, les femmes, les sourds, les aveugles, les infernal' en général 21 ; 2e il y a des actions qui sont infamantes, uniquement lorsque le défendeur est condamné suo nomine: actions de fiducie, de société, de mandat, de tutelle 2" ; 3° les fils de famille peuvent exercer certaines actions suo nomine'".
V. Pro suo. -Pro suo pos.sidere désigne toute possession tendant à l'acquisition de la propriété, soit en vertu d'un acte juridique tel quelavente, la donation, le legs", soit en vertu d'un acte d'occupation (animaux pris à la chasse ou à la pèche) ou par application de la théorie de l'accession (alluvion) 29. Dans le premier cas, la possession pro suo se cumule avec la possession pro emtore, pro donato, pro legato. Il n'en est pas de même dans les cas de la seconde espèce, où il n'existe pas d'acte juridique motivant l'acquisition.
La possession pro suo (wç tôtov) 30 est une possessio cieilis 31 [possEssio, t. IV, p. 6031, Il y a des cas où, lorsqu'elle est de bonne foi, elle fait acquérir la propriété par usucapion, bien qu'il n'y ait pas de juste titre : le possesseur croit à la validité d'une vente qui est nulle parce qu'elle a pour objet une chose volée32 ;à la validité
SYC 15711. SYC
d'un partage d'ascendant, comprenant des choses appartenant à autrui' ; à la réalisation prochaine d'une condition tacite à laquelle est subordonnée une dation à titre de dot'.
Les jurisconsultes classiques ont discuté la question de savoir quelle portée il convenait d'attribuer à l'usucapionpro suo3. Les uns exigeaient que l'erreur ait été motivée par un fait positif (fausse déclaration d'un mandataire qui dit avoir acheté l'objet délivré au mandant'). D'autres voulaient que la bonne foi de l'acheteur persistât jusqu'à I'achèvement de l'usucapion
SYlttÉNI ('~'u(i vr). Etui en peau de cochon (aûç), servant à renfermer ou une flûte [TIBIA], ou des flèches [PRARE'rRA]'. Plus rarement ce terme aurait désigné une de ces casaques de matelot, qu'on n'a pas cessé de tailler dans le même cuir '. Il en est fait mention dans deux vers d'Aristophane', qui montrent que, de son temps, sybéné était un nom populaire du carquois.
La.cybéné a été dès l'antiquité confondue avec le jave
SYCOPIIANTA, Euxoyzvtir,ç, sycophante'. Il n'existait à Athènes aucune magistrature, chargée, comme notre ministère public, de rechercher les délits et les crimes 2. Le soin de la répression étant ainsi laissé à l'initiative individuelle, il se forma une classe d'accusateurs de profession: les sycophantes', qui ont laissé un factieux renom. Non pas, pourtant, que le rôle d'accusateur volontaire, à Athènes, emportât par lui-même aucun déshonneur. Des personnages d'une haute valeur morale et d'une intégrité reconnue, comme l'orateur Lycurgue, l'ont plus d'une fois assumé' ; mais toujours ils avaient grand soin, comme le montrent les plaidoyers conservés, de justifier leur poursuite par l'un ou l'autre de ces deux mobiles que la morale grecque regardait comme presque également honorables : le dévouement à la chose publique, ou la vengeance personnelle'. Le sycophante, au contraire, est un dénonciateur de profes
sien, inspiré par le seul appât du gain 6. Nombreuses étaient pour le sycophante les sources de profi L. Dans certains procès (tels que la ouzo[;, l'âas-çsx 5 , etc.), une part des biens du condamné ainsi que de l'amende prononcée revenait à l'accusateur'. Bien qu'assez mal famée, ce moyen de s'enrichir était, du moins, strictement légal. II n'en était pas de même de maintes pratiques malhonnêtes, couramment employées par les sycophantes. Par exemple, après avoir intenté un procès, ils vendaient à l'accusé leur désistement. Bien souvent môme, ils n'avaient pas besoin d'entamer la procédure : une simple menace amenait la victime à composition 9. Parfois encore, sans poursuites ni menaces préalables, les coupables prenaient les devants et, par un pot-de-vin offert aux sycophantes, s'assuraient leur silence complaisant ". Enfin beaucoup de ces individus n'agissaient pas pour leur propre compte : ils étaient aux gages d'un patron, ordinairement d'un homme politique, qui les employait contre ses rivaux et ses ennemis 11. Délation, escroquerie et chantage, ces trois termes résument assez exactement, comme on le voit, l'industrie complexe du sycophante. Ses victimes désignées étaient les riches ". Les riches vivaient, à Athènes, sous le régime des suspects. En vain la plupart s'abstenaient systématiquement de toute participation à la politique". Il ne leur servait pas davantage de mener une vie irréprochable ', d'ouvrir largement leur bourse à tous les solliciteursi'. Pour peu que l'un d'eux fût connu comme timide, ennemi des tracas, dépourvu d'éloquence, il devenait la proie des sycophantes 16. Généralement, il était trop heureux de transiger. Qu'eût-il gagné à aller en justice'? « Les tribunaux, dit un client d'Isocrate, ne prononcent pas toujours comme on s'y attend; c'est le hasard plus souvent que le bon droit qui règle leurs décisions. Mieux vaut, pour une somme médiocre, se délivrer d'une grave accusation que de courir de grands dangers » ". Parmi les riches Athéniens dont toute l'existence fut ainsi empoisonnée par les sycophantes, on peut citer : Nicias,
SYC -1575 SYC
Charmide, Criton. Nicias donnait à tous venants, amis et ennemis. « Sa pusillanimité était un revenu pour les sycophantes. Telle était la crainte qu'ils lui inspiraient qu'il n'acceptait aucune invitation, ne prenait part à aucune réunion d'amis, et se renfermait chez lui le plus qu'il pouvait»). Quant à Charmide, les sycophantes, alors qu'il était riche, lui avaient rendu la vie si insupportable que, réduit à la pauvreté, il se félicitait, comme d'un bonheur, de ce revers de fortune'. Enfin Criton, en butte à des accusations incessantes, avait dû, sur le conseil de Socrate, prendre à sa solde un individu de cette espèce, moins malhonnête que les autres, qui, « comme un chien vigilant écarte les loups », donnait la chasse à ses ennemis'.
Il ne faut pas croire que le fléau des sycophantes fùt spécial à Athènes. C'était un mal endémique de toutes les démocraties grecques. « On ne conçoit pas plus une démocratie sans sycophantes, disait Simonide, qu'une alouette huppée sans huppe » '`. Et Aristote énumère plusieurs États, Cos, Rhodes, Héraclée, Mégare, Cumes, où les excès des sycophantes, en forçant la classe riche à s'unir et à conspirer [HETAIRIAI], avaient provoqué la chute du gouvernernent populaire 3. Ce n'est pas que la loi ne prescrivit des peines contre les accusations calomnieuses. Selon Diodore, le législateur de Catane, Charondas, avait édicté que tout citoyen convaincu de ce crime serait promené par les rues, la tête ceinte d'une couronne de tamaris, « comme ayant remporté le prix de la scélératesse »6. Ce qui est plus sûr, c'est qu'à Athènes l'accusateur qui, dans un procès criminel, n'obtenait pas le cinquième des suffrages encourait une amende de 1000 drachmes et une atimie partielle, emportant déchéance du droit d'accuser à l'avenir, et que la même peine atteignait l'accusateur qui, sans motif légitime, s'était désisté de sa plainte. Dans certaines actions privées, le demandeur qui succombait sans avoir réuni un cinquième des voix était frappé également de l'ÉPÔBÉLIA Malgré ces précautions, les sycophantes, à Athènes, pullulaient Il y en avait de plusieurs sortes. Tout au bas de l'échelle il faut placer ces pauvres hères qu'Aristophane nous montre par courant la place du marché, flanqués de leur témoin instrumentaire (x),Th(p), et épiant, pour les dénoncer, toutes les contraventions de police'. Un peu supérieurs peut-être à ceux-là étaient les sycophantes qui vivaient de procès privés"; tout en les méprisant, on les redoutait fort, et, à l'occasion, on les flattait". Enfin, bien audessus de ces chicaneurs vulgaires, il y avait les sycophantes politiques, dont la fonction consistait essentiellement à intenter des actions d'illégalité('. Généralement, ils étaient aux gages d'un parti, dont ils sers
vaient les intérêts et les haines 33. Sur leur compte l'opinion publique était très partagée. Certes, personne ne méconnaissait leur impudence, leur méchanceté, leur vénalité'. Pourtant c'est dans cette classe que le peuple allait chercher de préférence ses accusateurs officiels et ses nomothètes 75. Et il n'était pas éloigné de les considérer comme un des rouages nécessaires de l'État. Sans l'accusateur volontaire qui leur livrait les coupables, qu'auraient pu, en effet, la loi et les tribunaux? Et pour une telle besogne. dont ne se chargeaient pas volontiers les honnêtes gens, ne fallait-il pas des hommes sans scrupule et sans vergogne16. Par leurs vices mêmes, les sycophantes rendaient donc service à l'État 17. Ils ne manquaient pas eux-mêmes d'affirmer et de faire sonner haut l'utilité de leur mission. L'un d'eux se représentait comme un « soldat à son poste », qui monte la garde contre les auteurs de propositions illégales ". Un autre se proclamait « le chien du peuple », laissant entendre qu'il aboyait pour la défense de la démocratie". Tous se donnent pour de zélés patriotes (rpt).67col uç) 20 Certains de ces sycophantes, comme Théocrinès et Aristogiton, ont eu une sorte de grandeur sinistre 2f. Ils ne bornaient pas, du reste, leur action à la mère patrie. Ils s'attaquaient même aux alliés, les forçant à venir à Athènes défendre leur fortune ou leur vie92. Les vexations des sycophantes furent, selon Isocrate, une des principales causes qui rendirent impopulaire l'empire d'Athènes et qui poussèrent ses alliés à la défection 23. Ajoutons que, comme toutes les injures indéfiniment répétées, le terme de sycophante avait fini par perdre son sens précis, pour ne plus désigner qu'un coquin25. Les orateurs politiques, en particulier, se renvoient à l'envi cette épithète 2s. O. Navaaac.