Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

SYMPHONIA

SYMPIIOVIA (E'upcwvix). Le mot eug.iwv(x dans le grec classique n'a jamais que le sens d'accord consonant ou celui de concert de voix ou d'instruments : nous n'avons pas à nous en occuper ici [MDS1cA]_ lais il semble bien qu'à l'époque post-classique et plus particulièrement dans les derniers siècles de l'antiquité on ait également désigné sous ce nom un instrument de musique spécial, dont la nature reste assez énigmatique en présence de témoignages contradictoires. Pour Fortunat c'est un instrument à vent' et tel parait étre aussi l'avis des scholies de Berne' sur Virgile ,ve siècle). D'autres glossateurs en l'ont une espèce de lyre' ou de harpe isambyque)°. Enfin d'après Isidore de Séville, qui en a donné la définition la plus explicite, la symphonie serait un tambour à deux faces, recouvertes d'une peau tendue, que l'exécutant frappait en même temps de ses baguettes de manière à produire 1' « accord » d'un son grave et d'un son aigu : d'où le nom de l'instrument Il semble bien que déjà Prudence, qui attribue aux Égyptiens l'emploi de la symphonie à la bataille d'Actium, la considère également comme un tambour a. Chose singulière : cette multiplicité de significations attestée pour le mot latin se retrouve pour ses dérivés dans les différentes langues romanes. C'est ainsi que le français clri/'unie ou cifoine o instrument dont les aveugles jouaient en chantant les chansons de geste » parait désigner tantôt une vielle, tantôt un tambourine, tandis que l'italien :ainpogna, dont l'étymologie est d'ailleurs contestée, est toujours un instrument à vent, flûte de Pan, pipeau ou cornemuse'. On a cru trouver une mention de cet instrument bien plus ancienne que toutes celles que nous avons mentionnées : c'est dans un verset deux fois répété du livre de Daniel (nl, 5 et 15) où on lit : a Dans l'instant où vous entendrez le son du cor, des flûtes, des cithares, de la sambyque, du psaltérion, de la symphonie (fltZD i ) et de toute espèce (d'instrument) de musique ». La Septante traduit par »uµa.owviaç, la vulgate par synaphoniae, et, en effet, le mot hébreu, vocalisé çoumponya, parait bien n'être qu'une transcription du grec eu;azwv(x : on sait que Daniel est contemporain d'Anliochus Epiphane, et dans le verset même qui nous occupe il y a plusieurs autres noms d'instruments transcrits du grec. C'est à tort que certains commentateurs modernes 10, se fondant sur le verset m, 10 où le mot est écrit x+:_.D (siplrnia), ont voulu le rattacher à un prétendu mot grec eupwvix (de »(tev, le tuyau) ; à plus forte raison ne saurait-on accepter les étymologies fantaisistes qui tirent ce mot d'une racine hébraïque". Le contexte où apparaît ici la syo(phonia, dans une énumération d'instruments de musique, mène naturellement à penser qu'elle doit également être rangée dans cette catégorie, et telle paraît avoir été de tout temps l'opinion des rabbins. La Mise/ma, qui l'accouple avec la flûte 1", parle d'une « gaine de symphonie » 1', Saadia y voit une cornemuse 14 comme l'italien ranrpogna. Des rabbins juifs cette interprétation a sans doute passé chez les plus anciens commentateurs chrétiens de la Bible. Male quidam de Latinis, écrit saint Jérôme, sylnphoniam putant esse genus organe, cana concors in Dei laudibus concentus hoc vocabulo signe/icetur". Malgré cette contradiction, la plupart des interprètes modernes persistent, probablement. avec raison, à voir dans la syanphonia de l'aniel un instrument de musique. Les uns en font avec Saadià une cornemuse (quoiqu'un joueur de cornemuse se dise 2icxxu7v1; en grec, UTBICULARIUS en latin), d'autres un orgue 16 ou une flûte de Pan". On a voulu même '¢ retrouver une autre mention de notre instrument, à peu près contemporaine de Daniel, dans un texte de Polybe", où il est dit qu'Antiochus Épiphane aimait à surprendre des jeunes gens en train de festoyer en se présentant inopinément parmi eux isETi xsosiiou "(fifre en corne?) xui cuu.Ywviaç. Ici encore le contexte est favorable à l'idée d'instrument et l'on pourrait en conclure que le nom et la chose sont d'origine gréco-syrienne. TH. RI IVAC11.