Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article SYNEGOROS

SYNI GOROS (``,vn~opoç). Ce mot, formé de aû'i et àyooeûm, désigne ordinairement à Athènes des orateurs chargés de porter la parole au nom deFELat. Ainsi, quand une loi nouvelle était proposée, et qu'après certaines formalités remplies la question était portée devant un tribunal de nomothètes [NOaot convoqué à cet effet, la constitution voulait qu'avant de voter la nouvelle loi, cette espèce de corps législatif abrogeât l'ancienne Or on ne pouvait admettre que, devant les nomothètes, la parole appartint seulement à celui qui attaquait la loi. Il serait peut-être arrivé parfois, pour un motif ou pour un autre, que personne ne se présentât pour la justifier et la défendre; on lui donnait donc des avocats d'office, qui étaient chargés, avec le titre de avvfyopot ou de auvôtxot (ces deux mots sont employés souvent, comme synonymes 2), de la soutenii'devant le tribunal. C'était, on le voit par Démosthène, le peuple qui désignait ces orateurs°; mais on ne sait s'ils étaient toujours en même nombre. La loi de Leptine avait quatre de ces patrons, (lue Démosthène réfute l'un après l'autre'. Ces avocats étaient naturellement choisis parmi les plus capables et les plus sérieux des orateurs, parmi ceux qui jouissaient de la plus réelle considération. Comme il y avait là une excellente occasion de faire apprécier son talent de parole et de se mettre en vue, on devait presque toujours s'acquitter avec conscience de la tâche que l'on avait acceptée : à eux tous, ces quatre ou cinq avocats arrivaient certainement à réunir toutes les raisons, bonnes ou mauvaises, que l'on pouvait alléguer en faveur de la loi menacée. Cette commission avait une telle importance et était si recherchée que, d'après la loi, une mêue personne ne pouvait. en être chargée deux fois dans sa vie'. On avait craint sans doute que certains orateurs ne fissent d'une aussi honorable fonction un métier on une affaire, qu'ils ne l'exploitassent dans l'intérêt de leur ambition ou de leur eu pi di té, Nous voyons pourtant, par Démosthène, que, dans la pratique, on ne tenait pas toujours compte de celle prescription. C'est que l'on devait sentir le besoin de désigner pour cette mision, quand on en trouvait, des hommes de mérite et d'expérience qui eussent quelque connaissance des lois. Le nombre des citoyens remplissant ces conditions n'était pas grand; on revenait donc, en dépit de la loi, à ceux qui avaient déjà joué ce rôle avec quelque distinction. Ce Litre de aûaltxos, que nous pouvonsconsidérer comme synonyme de auvi-'ooo, [SYNDIC( S', nous le trouvons encore donné à l'orateur qui est chargé de soutenir les droits de la cité, engagée dans une contestation avec quelque autre ville, devant l'arbitre auquel a été confié le jugementdu procès". On appelait de même ceux qui, dans certains cas d'oiax-(-,sn:x, quand la république prenait en main la cause et se portait partie coutre ceux qui étaient inculpés de trahison, recevaient la mission de développer l'accusation devant le tribunal. D'après un décret que nous a conservé l'auteur inconnu des tries des dix orateurs, ces accusateurs publics, dans le procès d'Anliphon, étaient au nombre de dix. Dans le procès de Démosthène et dans celui d'Aristogiton, lors de l'affaire d'tlarpale, nous trouvons le même nombre d'accusateurs'. Tous les avvlopot que nous venons d'énumérer n'étaient choisis qu'accidentellement, et leurs fonctions cessaient avec le débat même où ils avaient àreprésenter la république. Il parait s'avoir eu d'autres synégores qui formaient un collège de magistrats adjoints au collège des logistes et des euthynes [LOGISTAI]. C'étaient, autant qu'on peut enjuger en l'absence de toutdétail, les orateurs qui portaient la parole devant le tribunal présidé par les logistes, quand ceux-ci avaient découvert de graves irrégularités dans une reddition de comptes et décidé qu'il y avait lieu à poursuivre C'est peut-être ce même collège que nous voyons employé, sous le nom de atIvôtxo:, après le rétablissement de la démocratie, à faire rentrer les sommes que certains citoyens avaient indùment touchées, au détriment du trésor, des mains des Trente°. Ces magistrats auraient appartenu à la catégorie de ceux que désignait le sort. Enfin on nommait cat,i,yGr.og celui qu'un accusé appelait à son secours, qu'il chargeait de prendre part au procès à côté de lui, pour l'aider et le suppléer ; c'était, avec certaines différences, ce que nous appelons un avocatt0. On aurait donné le même norn à celui que l'accusateur aurait appelé à son aide; mais le cas parait avoir été bien plus rare, l'accusation ne pouvant invoquer, pour se fortifier ainsi, les mêmes prétextes que la défense ar. 1587 SYN SYN p«rfr, abstraction faite du point de savoir s'il possède un sens technique, désignait probablement, à l'origine, les actes écrits au moyen d'un style sur des tablettes de cire, par opposition à ceux qui étaient écrits avec de l'encre sur un papyrus A l'époque des orateurs, la syngraphè, quel que soit son mode de rédaction, est un écrit sur lequel les parties constatent leurs conventions 2. C'est maintenant une question fort délicate et très controversée que celle de savoir si l'expression c''pne possède point dans le droit grec un sens spécial et technique et si l'on doit considérer la syngraphè comme un contrat sui generis, doué d'une force ou d'une vertu particulière. Dans une première opinion, on enseigne que les Grecs entendaient par là un acte ayant un caractère public, au moins par l'assistance de nombreux témoins et emportant exécution privée, c'est-à-dire pouvant être mis à exécution sans jugement à terme échu 3. Une autre opinion voit dans la ou,tyc«.1.iI du droit grec une sorte de contrat littéral et formel, analogue au contrat litteris du droit romain et permettant même de réaliser dans la pratique certaines des combinaisons auxquelles se prêtait ce dernier'. Mais cette théorie est fort contestable. Il est certain tout d'abord que, dans le droit grec, l'expression cuyt'(p«t? , ne désigne point une catégorie spéciale de documents: c'est, au contraire, une expression très générale et applicable à toutes sortes d'actes, non seulement au contrat de prêt mais à d'autres contrats comme le louage ou la vente', et même à des actes comme les formulaires des locations des biens sacrés' ou à des règlements pour les sacrifices'. Le mot curtyp«Lr, est usité, d'autre part, dans les contrais bilatéraux, tels que la vente ou le louage, aussi bien que dans les contrats unilatéraux". Il est donc impossible d'attribuer un sens technique à l'expression syngraphè, et elle apparaît à Athènes, de même que dans d'autres cités grecques, comme synonyme de cuvtirx-q ou même d' 'éitpadt te(: x 1 e . Il est difficile, d'autre part, d'admettre que l'écriture renfermée dans une auyypx'P'il ou dans un autre acte ait eu par elle-même une force obligatoire suffisante pour suppléer à l'absence de cause. On doit plutôt dire que dans le droit grec les écrits ne servent jamais que ad probationenr. La question ne se poserait même pas sans le texte sur lequel on se fonde dans l'opinion précédente, et qui est une scholie de Pseudo-Asconius sur les Verrines de Cicéron ", qui attribue aux sgngraphae le pouvoir d'obliger même contra fidern veritatis. Or, il semble bien difficile d'attacher une grande autorité au témoignage d'un scholiaste qui vivait au ve siècle après J.-C., à une époque par conséquent fort éloignée de celle oh les institutions grecques fonctionnaient dans toute leur pureté et qui a pu, par conséquent, en méconnaître le caractère. La théorie du contrat littéral grec ne nous semble point suffisamment justifiée, jusqu'à présent du moins, ni surtout par les documents grecs de la pure époque. Peut-être y eut-il dans les usages grecs quelque chose d'analogue à l'expensilatio romaine; mais cela n'est nullement prouvé'". DROIT ROMAIN Gaius, après avoir observé que les pérégrins ne peuvent, sauf dans un cas exceptionnel, s'obliger par les NOMINA TRANSCRIPTITIA, ajoute que cependant il semble y avoir pour eux une litteraruni obligatio à la suite d'actes qui leur sont propres et dont les noms mêmes indiquent qu'il devait, s'agir de pérégrins de civilisation grecque : les chirographa et les synfraphae 13. Ces deux sortes d'actes paraissent avoir différé matériellement. en ce que les premières étaient des écrits émanant du débiteur seul, et les autres des actes émanant des deux parties, revêtus du sceau des deux contractants, et remis par eux à un tiers, à un homme de confiance qui en aura la garde. Le cieirographutn n'est, selon toute vraisemblance, qu'un simple titre probatoire, constatant une obligation préexistante et valable d'après le droit grec. Quant aux sgngraphae, d'après la scholie du Pseudo-.Asconius, elles obligeraient même contra fidern veritatis, de sorte qu')n n'aurait pas à rechercher si la remise de valeurs qu'elles mentionnent est réelle ou fictive. La même controverse s'est élevée néanmoins sur le caractère des shengraphae que celle que nous avons exposée dans le droit grec. L'opinion qui voit dans ces écrits de simples titres probatoires est celle qui saccorde le plus littéralement avec le texte de Gains. En tout cas, à supposer qu'il y ait eu là un contrat formel propre aux pérégrins de langue hellénique, il a dà disparaitre avec la constitution de Caracalla conférantle droit de cité à ces pérégrins14. L. BE,10cner.