Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

TABULA

TABULA. (laviç, 7r(va;, ar).â;), ais, planche, panneau de bois, dalle, plaque de pierre, d'argile ou de métal. -Nous n'avons pas à parler ici des nombreux objets auxquels peut s'appliquer un mot d'une acception aussi générale, tels que planches de navire, rayons d'une armoire ou d'une étagère, tables, tréteaux, échafaudages, etc.' [ABA mentionnerons seulement les suivants : II. Planche servant au jeu de noix [NUCES]. III. Les anciens faisaient usage de planches de toutes dimensions et de toutes matières pour y tracer des figures ou des caractères ; elles leur rendaient une foule de services, qu'on demande plutôt aujourd'hui à la toile et au papier. De là toute une catégorie de sens : 1° Panneau peint ou sculpté; des tabulae de ce genre, représentant des scènes dramatiques ou des guérisons miraculeuses, étaient suspendues en guise d'ex-voto dans les 2° Plan et carte de géographie 3 [FORMA, fig. 3192 à 3° Panneau, plaque, portant une inscription, que l'on fixe sur un piédestal, sur la paroi d'un monument public ou sur un mur quelconque. Une bonne partie des inscriptions que nous avons retrouvées sont gravées sur des tabulae de marbre ou de métal [INSCRIPTIO]. Mais les anciens ont beaucoup employé aussi, surtout dans les temps reculés, des planches de bois blanchies, où les caractères étaient tracés au pinceau avec de la couleur rouge ou noire [ALBUM, ),EUxwl,.a]. C'était sur des tabulae que l'on inscrivait les textes de loi [LEx] les registres du cens [CENSOR], les édits, les listes de proscriptions [PResCRIPTIO] les contrats d'hospitalité conclus entre une ville et son patron [uosPITIUM]3, les listes de sénateurs, de prêtres, de jurés [ALBUM], en un mot tous les documents qui, offrant un intérêtpublic, étaient ordinairement susceptibles d'affichage. Dans cette catégorie rentre encore le tableau sur lequel le crieur public indique le jour, le lieu, la date et les conditions d'une vente à l'encan ; d'ou l'expression venire, adesse ad tabulam, pour dire assister à la vente [AucTTo]'. Il y a de même au forum, les jours d'élections, un tableau sur lequel se fait au fur et à mesure le pointage des voix obtenues par chaque candidat, sous la surveillance des gardiens postés spécialement ad tabulam pour garantir la sincérité du scrutin [commet] $. 4° 'Fabula cerata, planche enduite de cire, sur laquelle on écrivait avec un style [STILUS, TABELLA]. Telle était, par exemple, celle qui servait aux enfants, dans les écoles élémentaires, pour apprendre à écrire et à compter ; comme nos ardoises, c'était une des principales pièces du bagage de l'écoli er ,fi g. 6730 ; cf. EDUCATlo, fig. 2598; LUDUS, fig. 4648]'Mais plus souvent encore ces tabulae étaient réunies au nombre de deux ou trois ; on y consignait alors toutes sortes de documents privés, non seulement les comptes, les actes de vente mais encore les contrats de mariage ", les testaments, etc. i2. Elles ne différaient des tabellae que par leurs proportions plus larges, qui les rendaient plus propres à recevoir des textes de quelque étendue Ces textes pouvaient aussi bien être gravés sur des tables de bronze, comme l'étaient les congés d'honesta missio accordés aux rnilitaires, dont les feuillets sont disposés comme ceux des tabulae ceratae [DIPLOMA]. On trouvera à l'article TABELLA tout CO qui concerne la matière. Sur les tabulae publicae voyez TABULARIUII. IV. Planche, portion d'un terrain cultivé. Sous le nom de tabula on pouvait désigner des pièces de terre''", beaucoup plus vastes que celles où nous cultivons des légumes et des fleurs. Palladius applique ce mot à des terrains plantés de vignes et d'oliviers, et il prévoit des tabulae égales en superficie soit au jugerum (25 ares 182), soit à la moitié (12 ares 591), soit au quart (6 ares 295) du JUGERUM (t. quartanariae). De toutes façons la TAB 13 -TAB tabula avait toujours la forme d'un rectangle, qui était celle du jugerum lui-même. V. Bande du pallium replié plusieurs fois sur luimême dans le sens de la longueur, comprimé et aplati [PALLIUM, p. 293]. Ce sens de tabula et l'usage de la contabulatio auquel il s'applique n'apparaissent pas avant le ne siècle de notre ère 1. GEORGES LAFAYE. TAItULAE NOVAE. Dans le droit public romain, l'abolition des dettes par une loi 1, leur réduction à une fraction du capital et des intérêts, la remise des intérêts arriérés, en un mot toutes les mesures qui avaient pour but le soulagement des débiteurs obérés, ont été généralement désignées par l'expression tabulae novae ; car elles avaient pour résultat de faire porter sur les registres des créanciers (tabulae accepti et depensi, codex acceptorum et depensorum 2) un paiement fictif ou de remplacer le titre antérieur par un titre nouveau. De bonne heure, à Rome, comme dans les villes grecques et dans toutes les sociétés primitives, s'est produit l'endettement des classes inférieures, des plébéiens, dû à leur infériorité politique et économique, à la continuité des guerres, à l'extension de la grande propriété, peut-être aussi à l'accaparement des terres publiques par les patriciens et les riches. Le mal a été aggravé par la liberté primitive du taux de l'intérêt et par la dureté de la législation sur Aussi la question des dettes a joué un rôle important dans les crises politiques de Rome et dans la lutte entre les patriciens elles plébéiens. Malheureusement l'histoire en est obscure, incomplète, comme celle de la législation de l'intérêt et a été refaite artificiellement pour les deux premiers siècles de la République sur le modèle des troubles révolutionnaires et des revendications démagogiques de l'époque des Gracques et du dernier siècle. A la légende appartiennent : le premier épisode, la première retraite de la plèbe qui aurait abouti en 494 à la création des tribuns de la plèbe et à une remise totale des dettes 3 ; le second épisode, la crise économique qui aurait favorisé en 384, après la prise de Rome par les Gaulois, la tentative de tyrannie de Manlius Capitolinus 4 ; le troisième épisode, l'agitation politique, entretenue pendant dix ans, de 376 à 367, par les tribuns Licinius Stolo et Sextius, qui auraient finalement réussi à faire voter une loi agraire, l'admission des plébéiens au consulat et une loi sur les dettes portant l'imputation sur le capital des intérêts acquittés et l'autorisation pour les débiteurs de payer le reste en trois termes d'un an 5. Nous savons seulement pour cette période que la loi des XII Tables a fixé le taux de l'intérêt, le foenus unciarium, et prononcé contre les prêteurs qui le dépasseraient la peine du quadruple 6. Pour la période suivante, nous ne savons pas ce qu'il faut garder des récits traditionnels. En 357, la loi Duilia Maenenia aurait remis en vigueur contre les usuriers le taux légal de la loi des XII Tables'. En 351, on aurait créé pour liquider les dettes une banque publique, dirigée par cinq commissaires, viri 7nensarii ; ils devaient avancer des fonds du trésor aux débiteurs qui pouvaient donner caution ; dans le cas contraire les créanciers devaient recevoir en paiement les biens des débiteurs d'après une juste estimation 8 ; le résultat aurait été excellent. En 347, un plébiscite aurait abaissé de moitié, à la semiuncia, le taux de l'intérêt et autorisé le paiement des dettes en quatre termes, un au comptant, les trois autres en trois ans'. En 342, une loi Genucia, que Tite-Live lui-même ne cite qu'avec défiance, aurait absolument prohibé le prêt à intérêt 10. Une loi Marcia, dont on ne sait pas la date 1i, aurait accordé contre les prêteurs l'action de la loi per manus injectionem. Une partie de ces renseignements est suspecte ; en tout cas, si ces lois sont authentiques, elles sont restées lettres mortes, comme le montrent les amendes infligées aux prêteurs professionnels, aux foeneratores sur la poursuite des édiles [QUADRuPLATOi] 12. Nous ne savons exactement ni la date, ni le nom, ni la portée de la loi Poetelia Papiria sur les nexi [NExuo, p. 83]. Nous ignorons également quelles répercussions ont pu avoir sur le régime des dettes les réductions successives de l'as de cuivre [As]. C'est seulement à la fin du me siècle av. J.-C. que commencent les lois véritablement historiques. Entre 288 et 285 les revendications des débiteurs provoquent la retraite de la plèbe, qui amène la loi Hortensia assimilant les plébiscites aux lois et peut-être des concessions inconnues en matière de dettes t3. En 217, la loi Plaminia minus solvendi, fixant le poids de l'as de cuivre à une once au lieu de deux, décide que les débiteurs pourraient payer avec un denier seize as de dettes au lieu de dix; les créanciers perdent ainsi 37 172 p. 100; l'État s'interdit cependant l'application de ce régime à la solde militaire [DENARIUS, p. 96] t4. En 193, une loi Sempronia essaie d'atteindre les usuriers qui éludaient la loi en mettant les obligations au nom des alliés ; elle fait tomber sous l'action de la loi romaine les dettes contractées avec les alliés et les Latins 16. La guerre sociale aggrave la crise économique et la détresse des débiteurs ; en 89, les capitalistes tuent dans une émeute le préteur Asellio, qui veut accorder aux débiteurs le quadruple des intérêts perçus illégalement16. Nous n'avons que le début du texte de la loi Cornelia Pompeia unciaria de 88"; _ nous ne savons donc pas si elle portait une réduction des dettes ou un retour au taux de l'intérêt fixé par la loi des XII Tables f8 [FOENUS]. La suppression ou la réduction des dettes de tout genre, et en particulier des loyers à Rome, figure dès lors dans le programme des partis démocratique et révolutionnaire. Il y a du reste maintenant des endettés dans toutes les classes de la société, surtout chez les nobles. En 86, le parti de Marius fait passer la loi 'Valeria qui autorise probablement le paiement des dettes à raison d'un as de cuivre pour un sesterce, infligeant donc aux créanciers une perte de TAB 1k TAB 75 p. 100; elle est abolie ensuite par Sylla ; il ne semble pas que la loi Papiria seTniunciaria de 89 ait touché aux dettes' [LEX, p. 1157]. Catilina promettait l'abolition des dettes 2. Sous le consulat de Cicéron, on étouffe une proposition analogue d'un tribun 3. Les guerres civiles augmentent le mal à Rome et dans les provinces. Dans son gouvernement d'Espagne, César essaie de soulager la province rongée par les usuriers romains, en autorisant les débiteurs à garder leurs terres en payant aux créanciers les deux tiers de leurs revenus 4. On attendait de César une abolition complète des dettes °. Pendant sa dictature, il accorde une satisfaction partielle aux revendications populaires par la loi Julia de pecuniis mutais, de 49'', qui, vraisemblablement sur le modèle de lois grecques analogues de liquidation ', autorise les débiteurs à donner leurs terres en paiement à leurs créanciers pour le prix auquel ils les avaiènt achetées avant la guerre civile, impute sur le capital les intérêts déjà payés et supprime les intérêts arriérés ; celle mesure fait perdre aux créanciers un quart de leurs créances. Pour ramener le numéraire dans la circulation, une disposition spéciale obligea les propriétaires à ne pas garder en caisse plus de 15 000 deniers. En 49, une autre loi de César de modo credendi possidendique in Ttaliana établit une certaine proportion, peut-être de moitié, entre la fortune foncière des capitalistes en Italie et la somme qu'ils pouvaient prêter à intérêts'; mais ce ne fut pas observé. César voulait sans doute détourner les riches des placements usuraires et les pousser à l'achat des propriétés foncières. En 48, le préteur M. Caelius Rufus présente des lois pour dispenser les débiteurs des intérêts pendant un certain temps, pour faire remise aux locataires du prix de leurs loyers pour un an et même pour abolir les dettes; mais avec l'autorisation du Sénat le consul Servilius le suspend de ses fonctions et retire ses projets de lois En 47, contre l'avis du Sénat et l'opposition de ses collègues, le tribun Dolabella propose la remise des dettes et d'une partie des loyers, mais Antoine empêche la loi de passer 10. En 46, c'est aux frais de l'État et non des créanciers que César fait remise des loyers d'un an à Rome jusqu'à 2 000 sesterces, en Italie jusqu'à 500 ". Sa loi de cessione bonoruin avait donné aux débiteurs insolvables le droit d'échapper par une cession de biens à la contrainte personnelle, sauf le cas de mauvaise foi ou de négligence [BONORUM CESSro]. Sous l'Empire la question des dettes ne paraît plus avoir la même gravité que sous la République ; du reste le taux de l'intérêt, qui avait été fixé légalement à la centésime en 51 ou 50, s'abaisse en fait graduellement jusqu'à 4 à 6 p. 100 12. La dernière crise connue a lieu sous Tibère en 33 13 ; d après le récit très obscur de Tacite on voulut poursuivre les capitalistes qui violaient la loi de César tombée en désuétude ; un sénatus-consulte ordonna de placer en biens-fonds les deux tiers des créances italiennes et on donna dix-huit mois aux capitalistes pour exécuter cette prescription ; ils voulurent alors faire rentrer la totalité de leurs créances ; les débiteurs poursuivis et ne trouvant plus d'argent pour se libérer, parce que d'autre part la plus grande partie du numéraire se trouvait dans les caisses publiques, vendirent leurs biens en masse ; le résultat fut une dépréciation considérable des terres, favorable aux capitalistes, et un nombre énorme de déconfitures ; pour atténuer la crise, Tibère établit un fonds de '100 millions de sesterces, sur lequel on prêta aux débiteurs pour trois ans, sans intérêt, moyennant une garantie foncière s'élevant au double de l'emprunt ; le crédit se rétablit, mais le sénatus-consulte tomba en désuétude. Cu. Luca1vAtu.