Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ANTECESSOR

ANTECESSOR. -1. Quand une armée romaine était en marche, son chef prenait habituellement toutes les précautions nécessaires pour éviter une surprise; outre l'avantgarde, il y avait des corps de troupes qui faisaient des reconnaissances, fouillaient le pays, éclairaient la marcbe,ete. En comparant Ies passages des auteurs latins où il est question de ces corps, et surtout ceux où ils sont mentionnés simultanément, il est possible de déterminer les attributions de chacun d'eux. L'avant-garde fut d'abord fournie par les EXTRAOIIn1NARII puis par les AUXILIARI12 ; elle était composée, non-seulement de cavalerie, mais encore d'infanterie 3, car il fallait qu'elle pût prendre position et arrêter pendant quelque temps l'ennemi, si elle le rencontrait, pour donner à l'armée le temps de se disposer au combat. Avec elle marchaient ceux qui étaient chargés de choisir l'emplacement du camp et d'en faire le tracé Elle détachait elle même en avant (ante) et formant ce que nous appelons l'extrême avant garde, les antecessores' ou antecursores6, qui marchaient en ordre, avec précaution, et choisissaient la route à suivre. Les exploratores7, chargés des reconnaissances (explorationes) 8 formaient sous l'empire un corps séparé 9 : quant dus sur le front et les flancs de l'armée, c'étaient les véritables éclaireurs : ils opéraient donc isolément (sparsi 13), fouillant le terrain, cherchant tous les renseignements possibles, observant tout, si bien qu'on donnait le même nom aux espions 14. Ils faisaient leur service d'observation même pendant la nuit f3. Un certain nombre d'entre eux étaient attachés à chaque légion 10, on les chargeait quelquefois de la transmission des ordres 17, et enfin on peut conclure de ce que dit Tacite n et d'une inscription '9, qu'ils étaient organisés en centuries. Sous l'empire, ils furent attachés spécialement à la personne du prince et devinrent ses gardes "0. Ce qui les distinguait des prétoriens, c'est qu'ils étaient armés de la lance21, et c'est ainsi qu'ils sont plusieurs fois représentés sur les colonnes Trajane et Antonine, accompagnant l'empereur ou placés en sentinelle devant sa tente; ce sont eux que Josèphe désigne" par le mot ),o'uaplpot, après avoir dit précédemment23 que les fantassins qui forment la garde particulière du général portent la lance et le bouclier rond. On les employait aussi pour le transport des dépêches 24 et on finit par les charger des exécutions" Les avis et renseignements donnés par les speculatores étaient désignés par le mot specutationes 2°. MASOUELE2. H. ANTECESSOR fut aussi le nom des professeurs institués pour enseigner le droit dans les écoles publiques établies par les derniers empereurs. Au temps de la république, l'enseignement du droit avait été purement privé; il émanait des jurisconsultes [J uRISCONSULTI] autour desquels leur réputation amenait une foule de jeunes disciples. Les enfants apprenaient d'abord les Douze 'fables par cœur; ensuite on leur faisait élu dier l'édit du préteur; les jeunes gens déjà formés aux belles-lettres suivaient les consultations d'un jurisconsulte (audire responsa) ou parfois obtenaient de lui des leçons suivies (institutio), ou une direction complète et spéciale Cet enseignement dut prendre un caractère plus régulier à l'époque du bel âge de la jurisprudence romaine, où l'on voit apparaître, avec les deux grandes sectes de jurisconsultes, des ouvrages de pure doctrine, et notamment des livres élémentaires, sans doute destinés aux étudiants ; telles furent d'abord les célèbres Institutionen de Gains, puis celles de Florentinus, Ulpien, Callistrate, Martianus, Modestin, etc. Dès lors aussi un certain nombre de jurisconsultes, à Rome surtout, s'adonnaient plus spécialement à l'enseignement, dont ils faisaient leur profession habituelle. Depuis Vespasien, les professeurs des arts libéraux avaient reçu de l'État un trai eurent annuel (annona) 2; les empereurs exemptèrent des charges publiques les maîtres qui, à Rome, avaient été agréés au nombre des professeurs officiels. Papinien 3 nous apprend spécialement que les jurisconsultes qui auraient accepté une tutelle, pouvaient, d'après des constitutions de Sévère et d'Antonin Caracalla, se faire libérer de cette charge, lorsqu'ils avaient été admis ensuite à faire partie du CONSILIUM PRINClIIS. Aulu-Gelle parle de stationes où l'on enseignait publiquement le droit et Pline paraît y faire également allusion`. 11 y eut de bonne heure des écoles de droit en province, notamment à Béryte, colonie italique fondée par Auguste en Phénicie et qui reçut des priviléges de Dioclétien et de Maximien 3. Ulpien mentionne ailleurs les professeurs de droit en province qu'il appelle J'unis civihs professores, en leur refusant pour leurs honoraires non-seulement une action, mais provinciae; ces maîtres peuvent recevoir librement des étudiants, ingressu sacramenti, ce qui ne saurait être dignement réclamé ensuite par les voies judiciaires. Il s'agit là évidemment des professeurs non rétribués par l'État, (lui enseignaient le droit dans les provinces. Aussi ailleurs a le même jurisconsulte 7 décide-t-il qu'ils ne sont point exempts de la tutelle, taudis que Modestin, élève d'Ulpien, nous apprend que les professeurs de droit à. Rome étaient toujours dispensés de toute tutelle ou curatelle 8 à la diffé lard, en 3?1, Constantin établit une immunité complète pour les professeurs de droit, quel que fût leur domicile", relativement à toutes les charges publiques. L'empereur Julien, peut-être pour exclure les chrétiens de l'enseignement, voulut que les maîtres nommés par décret des curiales fussent confirmés par décret impérial. Une constitution de Valentinien et de Valens paraît avoir rétabli la liberté d'enseignement, ou du moins rendu aux chrétiens orthodoxes le droit de professer 0. Enfin, une constitution célèbre des empereurs Valentinien Iei, Valens et Gratien, rendue à Trèves en 370, organisa véritablement la police 2s Senec. De ira,Ulp. ; Marc. Evang. VI, 27. 28 Amm. Mare. XIV, 2 ; XXVII, à. Cursus B.W. nI, g 103, 5. édit. 1850. 2 Suet. l esp. 18 ; Lamprid. silex. Sec. 41. ANT 2801 ANT de l'enseignement ". Cette loi s'occupe principalement de régulariser la surveillance disciplinaire des étudiants, confiée à l'officium des censuales, sous le contrôle du préfet de la ville. La nomination et la révocation des professeurs appartenaient en principe, à Rome, au sénat 72, comme la fixation de leurs appointements 13. Une véritable université fut fondée à Constantinople en 425 par Théodose ". Cette école établie au Capitole sous le nom d'école publique ou impériale (auditorium publicum ou nostrum) fut mise à l'abri de la concurrence, par une disposition prohibitive. L'enseignement public fut interdit sous peine d'infamie ou d'expulsion de Constantinople, à tous ceux qui auparavant faisaient des cours publics sur les matières enseignées dans l'école impériale, mais l'enseignement privé donné aux élèves d'opulente famille (intra domesticas parietes), demeura permis à tous autres qu'aux professeurs officiels de l'université. La faculté devait comprendre trois professeurs d'éloquence latine et dix grammairiens; pour la langue grecque, cinq orateurs et dix grammairiens ; en outre un professeur de philosophie et deux professeurs de droit (qui juris ac legum formulas pandant). C. -J. François, auteur d'une dissertation générale sur les lois romaines relatives à l'instruction publique u, pense qu'avant cette constitution, les jurisconsultes sans doute avaient professé publiquement, mais non pas en vertu d'une institution officielle (ex auctoritate publiea). Nous persistons dans l'avis contraire, au moins pour la ville de Rome 10; car l'immunité des charges n'aurait pu être concédée sans inconvénients aux professeurs de droit, si leur nombre n'avait été déterminé et par conséquent leur admission intra numerum agréée par le sénat, comme pour les autres professions privilégiées. Antérieurement déjà, à Rome et à Béryte ", il existait des écoles de droit renommées, qui attiraient un grand nombre d'étudiants; il n'est guère possible d'admettre que ces établissements fussent demeurés en dehors de toute direction officielle, ou au moins municipale ; mais il est vrai de dire que la loi de Théodose nous offre le premier exemple connu d'organisation législative de l'enseignement supérieur. La même constitution s'occupe aussi de l'établissement matériel des facultés, et assigne une salle particulière à chaque professeur. Le préfet de la ville est chargé de veiller à l'exécution de ces dispositions. En effet, une constitution de la même année, adressée àCons fantius, praefectus urbi fe, le 7 des calendes de mars, assigne des salles spéciales à différentes chaires et ordonne l'agrandissement d'un certain nombre d'amphithéâtres. Une autre loi de la même année 10 élève plusieurs professeurs et entre autres le jurisconsulte Leontius, à. la dignité de comte du premier rang, et promet cette haute faveur à ceux qui, après vingt ans d'exercice de leurs fonctions, auront mérité l'approbation du sénat de Constantinople. Quelquefois on accordait à certains d'entre eux l'admission gratuite au nombre des sénateurs Remarquons qu'au près de chaque établissement d'instruction supérieure était instituée une bibliothèque publique, pourvue d'un personnel suffisant 71. Parmi les jurisconsultes qui furent chargés de préparer le travail du code Théodosien, figuraient sans doute plusieurs anciens professeurs des écoles impériales ; mais les textes ne nous font connaître ces rédacteurs que par les titres officiels de leurs dernières fonctions gouvernementales. Cependant une loi n mentionne un certain Apelles, qualifié de vir disertissimus et de schuliasticus, ce qui indique un avocat ou un professeur. Indépendamment de l'école de droit de Constantinople et de celle de Rome, il en existait encore plusieurs avant Justinien à Athènes, à Césarée et à Béryte "3. Celle-ci surtout jouissait en Orient d'une grande réputation. Justinien employa plusieurs des professeurs de ces écoles à la rédaction de ses compilations législatives. C'est ainsi qu'on voit figurer dans le nombre des commissaires chargés en 528 de la préparation de son code Théophile, membre du consistoire et professeur de droit à Constantinople, nommé également dans la constitution rendue en 529 "'. En confiant ensuite à Tribonien, questeur du palais, la direction de la compilation des Pandectes, le même empereur lui permet de former une commission de rédacteurs choisis parmi les plus éloquents professeurs ou avocats 2°. Ces commissaires sont en effet énumérés dans la constitution sur la confirmation du Digeste ". On y voit figurer Théophile, Dorothée, professeur à Béryte, appelé spécialement à raison de son immense réputation à prendre part à cette oeuvre ; Anatole, fils de Léontius et petit-fils d'Eudoxe 2a, tous ayant professé avec éclat à Béryte; Cratinus, cames sacrarum largitionum et professeur à Constantinople. Parmi eux Tribonien, Théophile et Dorothée furent spécialement appelés à composer un ouvrage élémentaire, devenu célèbre sous le nom d'Institutes de Justinien 21. Enfin, l'empereur, dans une constitution spéciale adressée aux antecessores Théophile, Dorothée, Théodore, Isidore, Anatole, Thallélée, Cratinus et Salaminius, s'occupe spécialement°'0 de réorganiser, dans tout l'empire, l'enseignement du droit. Cette loi est datée de Constantinople le 17 des calendes de janvier 533, c'est à-dire postérieure à la mise en vigueur des trois principales compilations de Justinien. Parmi les noms de ceux auxquels elle s'adresse on doit remarquer ceux d'Isidore, de Thallélée et de Salaminius, qui n'avaient pas fait partie des commissions législatives, mais dont les deux premiers publièrent plus tard des travaux importants, soit sur le Digeste, soit sur le Code ; on en trouve des fragments clans les scolies des Basiliques "'. L'empereur rappelle, au début de cette constitution Omnem reipublicae, l'état antérieur de l'enseignement du droit. Les études étaient distribuées en cinq années, dont les trois premières étaient consacrées à l'enseignement proprement dit et les deux dernières à des conférences. La première année, les élèves étudiaient les Institutes de Gains, considérées comme renfermant les éléments de l'en ANI.' 285_ ANT semble du droit privé ; puis ils abordaient quatre matières spéciales, traitées dans des libei singulares, savoir, la dot, la tutelle, les testaments et les legs. On prenait pour base des commentaires sur Sabinus, dont les ouvrages sur le droit civil étaient devenus une sorte de texte légal pour les jurisconsultes classiques. On préférait les travaux d'Ulpien ou de Paul sur cet auteur. Les étudiants de première année portaient dans l'usage le nom de dupondii, sorte de petite monnaie [HUpoanlas]. Dans la deuxième année, les professeurs expliquaient des commentaires sur l'édit du préteur. Cet édit se divisait habituellement en sept parties ; on s'occupait d'abord de la première qui traitait des juridictions, puis d'une autre partie qui était tantôt la seconde, de judiciis, ou la troisième, de rebus creditis, alternativement, le tout d'après les commentaires d'Ulpien. Les étudiants de cette année se nommaient edictales. La troisième année d'études avait pour objet : 1° celle des deux parties ci-dessus qui n'avait pas été enseignée précédemment ; 2° les consultations ou responsa Papiniani, ouvrage qui tenait le premier rang dans l'estime des jurisconsul tes ; aussi les élèves de 3° année prenaient-ils le nom de papinianistae. En 4° année, ils s'occupaient dans des conférences de résoudre les questionstraitéesdans les réponses de Paul, circonstance qui leur fit donner le nom de lytae (),urai) ou solutores. Enfin en 5° année ils étudiaient de la même manière les constitutions impériales, et se nommaient prolytae ou archisolutores. Justinien ayant abrogé tous les ouvrages des jurisconsultes et les constitutions de ses prédécesseurs, en tant que ces écrits ne figuraient pas dans ses compilations, dut établir un nouveau système et d'autres matières d'enseignement'. La première année il ordonna d'enseigner les Institutes de Justinien et la première partie des Pandectes, répondant à la première partie de l'édit, et comprenant les livres s à v ; les élèves auxquels est adressé le livre des Institutes prirent le nom de justinianei. En deuxième année on devait étudier alternativement, comme jadis, la deuxième partie, de judiciis (livre y à xi) ou la troisième, de rebus creditis (livre xii à xtv° des Pandectes); ensuite les matières de la dot, de la tutelle, des testaments et des legs, traitées dans les livres xxil à xxvu du Digeste ; mais on ne devait expliquer qu'un livre de chaque matière, suffisant pour donner l'occasion de développer les principes de l'ensemble; les élèves conservèrent leur ancienne dénomination d'edictales. En 3° année, les professeurs devaient enseigner d'abord celle des 2e et 3° parties qui n'avait pas été expliquée antérieurement; puis, au lieu des réponses de Papinien, les livres xxi, xxir et xxsn du Digeste, traitant du gage comme droit réel, de la vente, des intérêts et des fruits et des preuves. Comme les fragments de Papinien occupaient en général à peu près dans chaque titre le commencement du 3e tiers, les élèves conservèrent le nom de papinianistae parce que Justinien avait fait placer un fragment de cet auteur en tête de chaque titre du livre xx. En 4° année, sous le nom de lytae, les étudiants s'occupaient des 4° et 5' parties des Pandectes, livres xvri à xxin et xxviil à xxxvi ; en 5e année, ils devaient étudier la 6° partie du Digeste (livres xxxvli à xLly) et la 7° partie (livres xLV à L), et de plus le code de Justinien. En terminant, l'empereur rappelle une interdiction déjà faite par ses prédécesseurs d'enseigner publiquement le droit ailleurs 33 qu'à Béryte et à Constantinople; il mentionne les violations de cette défense, notamment à Alexandrie et à Césarée, et menace les infracteurs d'une amende de dix livres d'or et de l'expulsion de la cité où ils ont enseigné. L'empereur ajoute plus loin que le soin de veiller à l'observation de ces prescriptions est confié pour Constantinople au préfet de la ville, et pour Béryte au président de la Phénicie maritime conjointement avec l'évêque de la cité et les professeurs de droit. Chacune des écoles de droit dut compter quatre professeurs. Malheureusement Justinien, craignant de voir ses lois étouffées sous le poids des commentaires, défendit n aux interprètes de publier des explications développées; il permit seulement des indices ou tables raisonnées des matières ou des 1,capt:r),a, sortes de tables de concordance des passages analogues ou corrélatifs dans les divers recueils, ou des gloses nomiques des termes techniques latins, qu'il fallait expliquer en grec. Néanmoins les professeurs se livraient à'une interprétation développée du texte officiel, et la paraphrase de Théophile sur les Institutes de Justinien, dont ce professeur avait été l'un des trois rédacteurs, n'est probablement qu'un cahier dicté par lui aux élèves. L'auteur, comte du consistoire en 528, professait le droit à Constantinople en 532 et mourut probablement en 536. En 534 Justinien ordonna la révision de son Code et confia la direction de ce travail à cinq commissaires n parmi lesquels nous retrouvons Dorothée, questeur et professeur à l'école de Béryte. Plus tard, lorsque l'empereur eut recouvré Rome et une partie de l'Italie, après y avoir introduit sa législation ", il eut soin de décider que le traitement (annona) qui avait été payé antérieurement aux professeurs n, grammairiens, orateurs, médecins ou jurisconsultes, serait maintenu, afin d'entretenir le foyer des études libérales destinées à la jeunesse studieuse n. Peu à peu les prohibitions de Justinien relatives aux commentaires de ses lois tombèrent en désuétude ; il y eut non-seulement des traductions et des paratitles de ses recueils, mais encore des interprétations développées (Té) 7f.40iroç), des questions (ipmtrce(ç), des solutions O.uee(ç, etc.). Ainsi Dorothée écrivit sur les Institutes et les Pandectes des commentaires cités par les Scolies des Basiliques; il ers fut de même d'Etienne, professeur de droit à Béryte, qu'il quitta après le tremblement de terre qui détruisit cette cité en 555. Tels furent encore Cobidius ou Gobudas, et Isidore; Julien, professeur de droit à Constantinople, publia, sous le titre d'epitolne ou liber novellarum, une traduction en latin des Novelles grecques de Justinien; Thallélée, également professeur de droit, commenta le Codex repetitae praelectionis, etc.3fl. Quant au mouvement des études de droit après le 6° siècle, nous n'avons pas à l'étudier ici ; il suffit de renvoyer aux auteurs qui se sont occupés spécialement du droit byzantin et notamment à l'excellente Histoire du droit byzantin de M. Mortreuil 40. G. HUMBERT,