Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TALENTUM

TALENTHM (TO,ce rov). Ce mot désigne la grande unité pondérale des Grecs'. Étymologiquement, on le rattache à la racine indo-européenne tai, d'où le verbe grec T,nv41 et le latin tollo, tuli, mots qui expriment l'idée de porter, de peser, de poids lourd'. Les multiples systèmes pondéraux des Grecs donnaient nécessairement au talent, comme à la mine, à la drachme et à l'obole, un poids qui différait suivant le système. Mais, bien antérieurement à la constitution de ces systèmes variés, les Grecs se servaient, pour évaluer les marchandises au poids, d'un talent dont la fixation pondérale est pour nous très difficile : c'est le talent homérique. Chez 1 Rec. d'antiq. t. V, pl. xi.ui, fig. 1 et 3. 2E. Cartailhac, Ages préhist. de Lysand. 17: s on appelle drachme les six oboles, car c'est tout ce que la main testam. s. v. 7 Sebol. in Theocr. X, 44 (éd. Didot, p. 72) ; llultsch, .11etrolog. Ilesych. et Suidas, s. v. décrivent bien les 5 broches suspendues à une méme poi gnée, Lx pïa; i.x6viiç, mais leur spio.i.oiiS,s reste inexplicable. -10 Il. VIII, 473. Ce pas°age énumère tous les moyens d'échange alors en usage, depuis les esclaves jusqu'aux peaux, article qui restera toujours la base dn troc carthaginois. Aristid. et assyr. III, 1881, p. 17). Nos chiffres romains sont un reste de cette numération quinaire 'écrite. 1i M. J. Décheiette (O. c. p. 3, note) semble d'axis contraire. 15 Réunis par Ridgeway, The origin of metallic currency, 1892, p. 211 sq. 16 Suid. s. v. d vdpia. 17 Cf. Boeckh, ,1letrol. Untersuch. p. 76 ; Fr. Lenor [As. 460] un quincunx émis par les Sénonais à la lin de leur domination sur tes côtes de l'Ombrie. 20 Cf. Curtius, O. c. 1, p. 300 sq. 21 Sur la différence faite par les anciens entre le troc des métaux et la circulation monétaire, cf. Aristot. Ethic. Homère le mot 5 i,avsov a deux sens. Dans certains cas, il signifie les deux plateaux d'une balance, dans lesquels dn met, d'une part, le cra0p. v ou poids, et d'autre part la marchandise à peser 3; les plateaux (.navca) de la balance de Zeus sont en or (zp,oa a) Mais le mot Tx.?,avTOV a un second sens dans les poèmes homériques: dans nombre de passages il a très clairement le sens d'unité pondérale pour l'or, et le contexte permet d'affirmer, ce qu'avaient déjà bien reconnu les anciens commentateurs, tels qu'Aristote et Porphyre, que le talent-poids, chez Homère, n'était qu'un très petit poids d'or Effectivement, nous voyons Achille, pour récompenser les vainqueurs à la course, offrir comme premier prix une femme et un trépied de. bronze ; pour second prix, un cheval; pour troisième prix, un chaudron ; pour quatrième prix, inférieur aux précédents, deux talents d'or' Une autre fois, nous trouvons une liste de trois prix dans laquelle un demi-talent d'or est estimé moins qu'un boeuf'. Il est évident, par ces exemples et par l'examen comparatif des autres passages des poèmes homériques où le talent est employé, qu'il n'était qu'un poids très peu élevé'. On constate également que le talent, chez Homère, sert exclusivement à peser l'or (7pueoio 7 .)iavTov); jamais il n'est question de talent d'argent, de bronze ou de toute autre marchandise. Mais nous manquons de base pour déterminer la valeur pondérale du talent d'or homérique ; les très nombreuses recherches des savants sur ce point n'ont pu aboutir qu'à des hypothèses plus ou moins plausibles'. IIultsch dit qu'il lui parait très vraisemblable que le talent homérique était identique au sicle fort babylonien et qu'il pesait, par conséquent, 16 gr. 82, le double de la darique. Ridgeway a essayé de démontrer, au contraire, que le talent homérique représentait exactement la valeur du boeuf, ancienne unité de valeur, encore eu usage dans de nombreux passages de l'Iliade et de l'Odyssée : dans ce système, le talent aurait pesé 8 gr. 4f, c'est-à-dire le poids de la darique, ou du sicle faiblebabyionien 10. On ne peut admettre, dit Ridgeway, que les deux étalons usités dans Homère pour exprimer les valeurs, le boeuf et le talent, n'eussent entre eux aucun rapport. Quand nous trouvons dans l'Iliade, une liste de trois prix pour la course à pied, le second étant un boeuf et le troisième un demi-talent d'or 11, il est impossible Depuis trente ans, on a reconnu que ces pièces étaient des monnaies « avec les images des dieux z. 23 A. Blanchet, Une monnaie de fer, Athènes ou Mégare? Journ. intern. d'arch. usinism. X, 1907, p. 269 sq. Il y a au Cabinet des médailles de Paris, n° 2012, un de ces e,O;.pi«i argiens pesant 885 ceutigr. et représentant au droit un protome de loup et au revers l'initiale A d'Argos. de supposer qu'il n'y ait pas une relation de valeur fixe et précise entre le boeuf et le talent, entre le talent et le demi-talent. Cette question préoccupait déjà les anciens métrologues : l'Anonyme d'Alexandrie dit formellement: Le talent, chez Homère, est égal à la darique d'or ; le talent d'or avait le poids de deux drachmes attiques » 1, évaluation un peu flottante qui donnerait au talent d'or homérique le poids de 8 gr. 72 (poids du didrachme attique) ou de 8 gr. 41 (poids de la darique). Mais l'appréciation et le calcul du métrologue d'Alexandrie n'ont pas plus d'autorité que ceux des commentateurs modernes. En ces derniers temps, des archéologues ont cru retrouver des échantillons des talents homériques en or. Les anneaux d'or et les spirales recueillis à Troie et à Mycènes ont été considérés comme des talents se rapportant à une unité pondérale de 8 gr. 55 suivant les uns, de 8 gr. 87 suivant les autres 2 ; on a aussi rattaché à un système du même genre des anneaux d'or trouvés à Lgine3 et à Chypre'. M. Svoronos a, en dernier lieu, proposé de reconnaître des talents homériques dans les disques d'or estampés de différentes grandeurs, qui ont été découverts à Troie et à Mycènes. On en a recueilli jusqu'à 701 dans un seul des plus riches tombeaux de Mycènes'. Tous ces disques, d'un diamètre de 0 m. 050 à 0 m. 070, portent des dessins variés, au repoussé, en bractées, (lui représentent des poulpes, des papillons, des rosaces, des feuilles, des méandres 6. Ils pèsent de 3 gr. à 1 gr. 25; on peut les distribuer en différentes séries ; mais, en règle générale, « les disques d'une série portant un dessin obtenu avec le même coin sont exactement de la même grandeur et sensiblement du même poids. » Tous sont légèrement concaves, et en or, comme les plateaux de la balance de Zeus. De plus, on a trouvé dans les mêmes tombeaux de petites balances dont les plateaux, la tige et les bras sont en or et d'une ténuité qui ne permet pas d'admettre que ces balances aient jamais pu être employées dans le commerce'. Malgré ces ingénieux rapprochements, l'extrême légèreté pondérale et la valeur relative, nécessairement infime, de ces disques, aussi bien que la variété de leurs poids respectifs, semblent infirmer l'opinion de M. Svoronos, car il faut bien admettre, contrairement à ce savant, que le talent représente un poids fixe, quelque difficulté que nous éprouvions à le déterminer. Les petites balances d'or des tombes de Mycènes ne peuvent être que des balances symboliques ; les disques d'or, si légers, seraient aussi des talents symboliques, image de la richesse du défunt, niais non des talents réels. Que l'on donne au talent homérique le poids de 8 gr. 41, qui est celui de la darique d'or, ou le poids de 16 gr. 82, qui est celui de la double darique ou du statère d'or babylonien, on sent que les savants qui pré conisent ces données sont imbus de l'idée que l'origine du talent homérique est orientale, et que c'est dans les grandes civilisations asiatiques qu'il en faut chercher le principe. Cette théorie nous paraît très contestable, parce que si les Grecs d'Ilomère avaient emprunté leur talent d'or aux systèmes pondéraux asiatiques, il ne se fussent pas contentés de leur prendre le talent, et d'appliquer ce poids à la mesure de l'or, ils se fussent approprié le système pondéral complet, et l'eussent appliqué àl'argent et même aux autres marchandises aussi bien qu'à l'or. Le nom même de talent, d'origine indo-européenne, n'a rien de commun avec les noms sémitiques des unités pondérales. Si dans les textes homériques le terme de 'râ))z'i s' n'est appliqué qu'à l'or, on constate fréquemment que les payements en argent et en bronze se font sous la forme d'ustensiles domestiques ou de chaudrons ('AéÎi-z,,reg) de trépieds (rpiiroie;) et de haches-bipennes (7 sasv.stç). Cet usage fut universel dans la civilisation crétoise et égéenne, et l'on a cherché à retrouver le talent primitif dans le poids des énormes bipennes et des saumons de bronze que les fouilles de Crète et de Chypre ont mis à découvert. A Encomi (Salamine) on a trouvé, en 1896, une hache-bipenne de bronze_ pesant 37 kilog. 094 Est-ce là un talent de bronze? On en a recueilli d'autres moins lourdes et même des séries si petites qu'elles ne sauraient être que des bipennes votives et symboliques, car il en est qui n'ont que 7 centimètres de long et pèsent 15 gr. 0. A l'époque pleinement historique, vers 450 av. J.-C., un décret de Stasicypros, roi d'Idalion, prescrit de donner au médecin Onasilos, en récompense de ses services, une somme d'argent exprimée en un talent d'argent, quatre bipennes et deux didrachmes 10. Ce rapprochement des talents et des bipennes, au temps où l'usage de la monnaie était partout répandu, constitue une curieuse survivance des usages primitifs. En Crète, M. llalbherr a découvert dans la grotte de Psychro, à l'est de l'Ida, au milieu d'ex-voto de toute nature, des haches-bipennes en grande quantité, sûrement antérieures au xie siècle qui précède notre ère H. On a trouvé aussi des 7venixsu analogues sur d'autres points de la Crète ; à lIaghia Triada, près de Phaestos, le trésor d'un palais en contenait 19 de la même forme et de la même grandeur L'homogénéité suffisante de leurs poids qui s'échelonnent de 32 kilos à 27 kilos a fait penser qu'elles représentaient le talent, de l'époque minoenne ou mycénienne 12. D'autres haches-bipennes ont été recueillies à Mycènes, à Cymé en Eubée, ailleurs encore, et on en a rapproché des objets du même genre provenant de fouilles préhistoriques en Sardaigne, en Allemagne, en Suisse, en France". Partout, il en est dont le poids gravite autour de 30 kilos, tandis que d'autres sont des hachettes qui n'ayant même pu servir d'outils, n'ont manifestement qu'un caractère votif et symbolique. Mais les plus TAL 25 TAL lourdes sont-elles étalonnées sur le poids d'un talent primitif qui aurait longtemps prédominé dans le commerce méditerranéen? On prétend que les -r,E).ézElç de Chypre se rapportent à un étalon pondéral ou talent de 37 kilos ; celles de Crète et de Sardaigne à un talent de 33 kilos; celles de Mycènes à un talent de 23 kilos. Ces conclusions ne sont-elles point prématurées? Nous nous bornons ici à exposer sommairement les résultats constatés par les découvertes. Certains savants qui professent que tous les systèmes pondéraux viennent de la Chaldée n'ont pas manqué de chercher à rattacher les poids que nous venons d'indiquer aux systèmes pondéraux des grands empires asiatiques. llull.sch voit dans ces gigantesques nE) xEr_ des spécimens du talent babylonien ; il les assimile aux rE),sxrt, de bronze des textes homériques 1. M. Arthur Evans s'est efforcé, de son côté, de démontrer qu'au point de vue pondéral on trouve en Crète à la fois, côte à côte, le système pondéral chaldéen et le système pondéral égyptien. Il signale notamment la découverte qu'il a faite à Cnossos d'un poids en gypse, antérieur à l'an 1500 qui pré cède notre ère, décoré d'une pieuvre sur sa face principale et qui pèse 29kilos, poids presque exact de l'un des talents babyloniens (fig. 6714) 2. Les séries de poids primitifs en hématite qu'on a recueillies à Encomi (Salamine), en Chypre, n'ont pas permis de reconstituer un système pondéral bien précis ; de plus, on a en vain cherché à rattacher à un système pondéral les anneaux d'or, au nombre de trente-huit, recueillis dans la même nécropole et dont les poids s'échelonnent de 1 gr. 39 à 12 gr. 09 3. On ne saurait être trop prudent dans ces reconstitutions des systèmes pondéraux primitifs des pays helléniques parce que les monuments qui les représentent sont encore trop peu nombreux, que leur état de conservation est presque toujours défectueux, et qu'ils se rattachent, probablement, à des systèmes variés. Il est facile à un calculateur de prendre, dans les trouvailles, un poids concordant avec un système préconçu et de reconstituer mathématiquement tout le système ; ruais en métrologie, si l'on procède suivant la méthode de Cuvier, l'expérience prouve qu'on s'expose aux plus graves mécomptes. Pour ces raisons, nous nous bornerons à constater, pour finir, que des écrivains des bas temps paraissent avoir conservé le souvenir de ces bipennes de bronze : llésychius et Eustathe relatent qu'à l'époque homérique on donnai t à des lingots de bronze ayant la forme de haches-bipennes le poids de 12 raines, 10 ruines, 8 mines, 6 mines ; il est singulier qu'ils ne disent point le poids d'un talent Quelle relation de continuité existait entre les systèmes IX. pondéraux dont nous venons de parler et ceux que nous voyons fonctionner dans le monde hellénique après les invasions doriennes, c'est ce qu'il n'est pas possible d'établir, dans l'état actuel de nos connaissances, à moins de se mettre à étayer des systèmes qui n'auraient d'autre base que des conceptions mathématiques non vérifiées sur les monuments. Les éléments essentiels des systèmes pondéraux cirez les Grecs, à l'époque historique, sont invariablement les suivants : le talent (.x),av.ov), qui valait 60 mines ; la mine (mi), qui valait 50 statères ou 100 drachmes; le statère (r.aT'i,p), qui valait 2 drachmes ou 12 oboles ; la drachme qui valait 6 oboles ou 1/2 statère; l'obole (ôuo)lç), qui était la 6' partie de la drachme. D'où l'on dresse le tableau suivant qui exprime plus clairement les mêmes rapports : Ce tableau, qui n'a jamais varié, permet d'affirmer que les origines du mode des divisions, dans les systèmes pondéraux des Grecs, doivent être cherchées en Orient, en particulier chez les Chaldéo-Assyriens, car nous y retrouvons, comme cirez ces derniers, des rapports établis suivant une combinaison des systèmes de numération décimale et duodécimale. De plus, les variétés des systèmes pondéraux des Chaldéo-Assyriens ont été la source directe de plusieurs des systèmes pondéraux des Grecs, ainsi que nous l'avons exposé au mot MINA 5. Les deux systèmes primaires dont nous avons donné, en cet endroit, l'économie, l'un ayant pour base un talent de 60 k. 512 gr., l'autre, un talent de 30 k. 276 gr., ont fourni un sicle de 16 gr. 82 et un sicle de 8 gr. 41. Le sicle chaldéo-assyrien de 1G gr. 82 est devenu, chez les Grecs, la base du système phonique ; le statère d'electrurn de Phocée, de Cyzique et d'autres villes de la même région pèse 16 gr. 82. Le sicle chaldéo-assyrien de 8 gr. 41 est la base de la taille de la monnaie d'or appelée clanique : le ôxpatxdç G.x-cs pèse 8 gr. 41 [DAxicusj. Mais dès le moment où se précisa le rôle d'étalons de toutes les valeurs, qui fut simultanément conféré à l'or et à l'argent, on se trouva dans l'obligation de tenir compte de la valeur relative de ces deux métaux. Les multiples systèmes suivant lesquels sont taillées les monnaies grecques sont nés du régime du double étalon et de la nécessité, sans cesse renouvelée, de créer des coupures ou des divisions métalliques d'or ou d'argent qui fussent entre elles dans des rapports simples et exprimées en nombres entiers, de telle sorte que les opérations commerciales s'en trouvassent facilitées. Ce problème, agité durant l'antiquité tout entière et comportant, au surplus, des solutions mobiles et transitoires, se présenta bien antérieurement à l'invention de la monnaie proprement dite. Chez les Chaldéo-Assyriens, la base des poids spéciaux pour l'or et l'argent fut bien TAL 26 TAL le sicle de 16 gr. 82 dans le système fort, et le sicle de 8 gr. 41 dans le système faible ; mais au lieu d'établir les multiples et les sous-multiples de cette double base suivant le comput sexagésimal, comme pour les marchandises communes, on fut contraint d'avoir recours au système décimal. Le sicle ou statère fut, non plus le 1/60e de la mine, mais le 1/50e, comme dans les systèmes grecs postérieurs. Il y eut ainsi 3000 sicles ou statères dans un talent. Pour l'or, la combinaison engendrée par ces données fut la suivante : 50 sicles forts formèrent une mine forte de 841 gr. (16,82 X 50) ; 50 sicles faibles formèrent une petite mine de 420 gr. 50 (8,41 x 50). De là deux systèmes pour l'or : Série forte: Talent=60 mines ou 3000 sicles.... 50 k. 460 gr. Mine =1/60e du talent ou 50 sicles.. 841. gr. Sicle = 1/50' de mine 16 gr. 82 Série faible : Talent=60 mines ou 3000 sicles... 25 k. 230 gr. Mine= l '60e du talent ou 50 sicles . 420 gr. 50 Sicle = 1 50° de mine 8 gr. 41 Le lion de bronze avec inscription phénicienne sur la base (fig. 6733), trouvé à Abydos (Troade), qui pèse 25 k. 657 gr., est un talent perse de ce dernier système qui, nous l'avons démontré, est celui de la darique d'or'. Au temps de la grande extension du commerce maritime des Phéniciens et de l'empire lydien en Asie Mineure, le rapport de l'or à l'argent chez les ChaldéoAssyriens et dans tout l'Orient était comme 1 à 13 1/3. Dans ce rapport, pour que 10 lingots d'argent pussent équivaloir à un lingot d'or, il fallait que chaque lingot d'argent fut d'un tiers plus lourd que le lingot d'or. Un sicle d'or du système fort (16 gr. 82) valait, dans le rapport 1 à 13 1/3, un poids de 224 gr. 20 d'argent. En divisant par 10 ce poids d'argent, les Chaldéo-Assyriens formèrent le sicle fort d'argent de 22 gr. 41. Un sicle d'or du système faible (8 gr. 41) valait, dans le rapport 1 à 13 1/3, un poids de 112 gr. 10 d'argent; en divisant par 10 ce poids d'argent, les Chaldéo-Assyriens formèrent le sicle faible d'argent de 11 gr. 21. C'est ainsi que furent constitués les deux systèmes suivants, pour l'argent. Série forte. Talent = 60 mines ou 3 000 sicles . . 67 k. 320 gr. Mine 1 60° du talent ou 50 sicles.. 1 k. 922 gr. Sicle = 1,150e de mine 22 gr. 42 Série faible. Talent = 60 mines ou 3000 sicles... 33 k. 630 gr. Mine -1/60° du talent ou 50 sicles.. 56U gr. 50 Sicle =1/50e de la mine 11 gr. 21 Dans les systèmes monétaires grecs, ce poids de 11 gr. 21 est celui du double sicle d'argent si longtemps et si abondamment frappé en Asie Mineure et dans les pays sémitiques. Il est le double du sicle médique ou darique d'argent de 5 gr. 60. A l'époque de la domination des Perses Achéménides sur l'Asie Mineure, IIérodote, Glien et d'autres écrivains grecs désignent le système faible qui précède sous le nom de poids babylonien 2. On en conclut, sans doute avec raison, que ce système faible fut particulièrement usité chez les Chaldéens et dans l'empire de Babylone, auquel les Perses l'ont emprunté pour le transmettre aux Grecs. Chez les Lydiens, le statère d'or pur de Crésus du poids de 8 gr. 17, dépend d'un talent de 24 k. 510 gr., et le statère d'argent de 10 gr. 89, d'un talent de 32 k. 670 gr. Des combinaisons métrologiques paraissent établir que ces poids ont aussi une origine chaldéo-assyrienne. Il en est de même du statère de 14 gr. 92 qui révèle un talent de 44 k. 760 gr. Ce système, dit phénicien, fut appliqué à la taille des monnaies d'electrum de l'Ionie méridionale primitive ; Milet fut le centre d'où il rayonna dans le monde grec; voilà pourquoi, comme son origine phénicienne n'est rien moins que prouvée, certains auteurs l'ont appelé gréco-asiatique ; j'ai préféré l'appellation de système milésiaque, qui a au moins l'avantage d'indiquer son origine monétaire 3. I1 fut l'origine de l'étalon rhodien, si répandu en Orient jusqu'à Carthage, avant l'arrivée des Romains. Les variétés du système milésiaque, puis rhodien, donnent au tétradrachme des poids qui s'échelonnent entre 15 gr. 50 et 14 gr. 20', ce qui correspond à un talent variant, suivant l'époque et les villes, de 46 k. 500 gr. à 42 k. 600 gr. Il nous est parvenu un nombre considérable de poids grecs qui se répartissent entre des systèmes multiples; mais ces monuments n'atteignent pas, pour la plupart, le poids du talent ; les plus lourds sont des statères doublesmines [MINA]. Cependant, outre le lion de bronze d'Abydos, nous citerons le poids en bronze que M. de Morgan a découvert à Suse et rapporté au musée du Louvre. Ce monument (fig. 6736), en forme d'osselet, pèse 93 k. 70, et porte une dédicace (oua2poy-riôdv,qui nous apprend qu'il s'agit d'un ex-voto offert par deux citoyens de Milet au temple d'Apollon Didyméen. Il fut transporté à Suse par les Perses, qui pillèrent le temple en 4944 Son poids de 93 kilos parait en faire un double talent du système milésiaque. Dans la Grèce propre, dès le vue siècle avant notre ère, on trouve en usage deux grands systèmes pondéraux, le système éginétique et le système euboique que les métrologues s'efforcent aussi de rattacher aux systèmes chaldéo-assyriens par des combinaisons mathématiques TAL -27TAL assez fragiles'. S'il est évident que le mode des divisions de ces systèmes est calqué sur les divisions des systèmes orientaux, il est beaucoup moinssûrque les races dorienne et ionienne n'aient pas eu des étalons pondéraux qui leur fussent propres et que les civilisations égéennes dont nous avons parlé plus haut aient abdiqué, elles aussi, leur étalon pondéral. Je suis, pour ma part, porté à croire que l'étalon éginétique est d'origine dorienne, vu les pays où nous le constatons primitivement en usage, et que l'étalon euboïque, euboïco-attique, devenu bientôt l'étalon attique, est originairement celui de la race ionienne. Les plus anciennes monnaies d'I✓gine, de poids assez flottant, permettent d'établir comme suit le système éginétique primitif: Talent éginétique 38 k. 220 gr. Mine 637 gr. Statère 12 gr. 75 Drachme 6 gr. 37 Mais ces poids se dégradèrent assez rapidement. Au temps de Solon, on comptait dans le système éginétique les divisions suivais tes,d'après1"AO'r r(wv to)sTEiad'Aristote: Talent (60 mines) 36 k. 666 gr. Statère ou double mine (200 drachmes). I k. 222 gr. 20 Mine (100 drachmes) 611 gr. 10 Statère ou didrachme 12 gr. 22 Drachme 6 gr. 11 Plus tard encore, le statère éginétique atteint tout au plus 12 gr., ce qui donne à la mine 600 gr., et au talent 36 kilos [unAcuolA, p. 397] 2. Beaucoup plus stable, le système euboïque ou attique, que l'établissement de la thalassocratie athénienne au ve siècle devait contribuer à répandre dans tout le monde grec, triompha presque universellement surtout après qu'il eut été adopté par Alexandre pour la taille de ses monnaies'. Il offre le tableau suivant : Talent (60 mines) 26 k. 160 gr. Statère ou double-mine (200 drachmes) 872 gr. Mine (100 drachmes) 436 gr. Statère ou didrachme 8 gr. 73 Drachme 4 gr.36' Mais si tel fut le système pondéral suivant lequel furent étalonnées toutes les monnaies du système attique, il y avait à Athènes d'autres systèmes pondéraux usités traditionnellement pour les marchandises du commerce. L'étalon le plus répandu était la mine, qu'on appelait (avâ i e optrr~. Elle parait n'avoir pas été autre chose que la mine éginétique d'environ 600 gr., à laquelle répond le talent de 36 kilos. Les métrologues constatent l'usage de six autres mines, rien que sur le marché d'Athènes, entraînant nécessairement l'existence d'autant de talents différents, et cette complication est attestée à nos yeux par les monuments pondéraux qui nous sont parvenus [MINA]. De telle sorte qu'en présence des textes littéraires ou des comptes si nombreux que contiennent les documents épigraphiques, nous sommes souvent hésitants sur le système qui a été appliqué. Ainsi llérodote 5 raconte que le général perse Datis, en 490 av. J.-C., offrit 300 talents d'encens au sanctuaire d'Apollon à Délos. S'il s'agissait du talent milésiaque ou du talent attique, le total serait invraisemblable. Faut-il admettre, avec Hultsch s, que, dans l'idée des Perses, Datis offrit 300 fois le poids d'un statère? Ce serait peutêtre le talent homérique resté traditionnellement en usage à Délos, dont nous trouverions encore l'application au début du ve siècle; mais le total paraît bien infime et par là même peu vraisemblable. Diodore de Sicile rapporte qu'en l'an 306 av. J.-C. Agathocle conclut avec les Carthaginois un traité aux termes duquel le roi de Syracuse reçut une somme en or équivalant à 300 talents d'argent ou, selon Timée, équivalant à 150 talents d'argent 7. Il est vraisemblable qu'il s'agit de la même somme évaluée d'après deux talents différents, l'un double de l'autre. Les monnaies de Carthage en argent sont étalonnées d'après un système dérivé du système dit phénicien ou milésiaque, qui donne au talent un poids de 22, k. 140 gr. Le double de ce poids, 44 k. 280, correspond bien au système milésiaque tel que nous l'avons établi plus haut. En Égypte, sous les Lagides, on constate l'emploi du vieux système pharaonique basé sur le kerker ou talent de 27 k. 288 gr., le deben de 90 gr. 96, le sicle (tétradrachme) de 18 gr. 19 ; le hile (didrachme) de 9 gr. 09, et le demi-kite (drachme) de 4 gr. 54. Mais, en même temps, on peut noter dans ce pays l'emploi fréquent des systèmes asiatiques introduits dans la vallée du Nil par l'invasion perse, du système attique et du système dit phénicien, milésiaque ou rhodien. La découverte de nombreux papyrus de l'époque ptolémaïque faite dans ces dernières années, au lieu d'éclairer la question des systèmes pondéraux en usage dans ce pays, n'a fait que la compliquer et l'obscurcir s. Les métrologues alexandrins et byzantins parlent de nombreux talents dont, par des calculs théoriques, ils essayent de fixer la valeur. Il y a deux talents siciliens TAL -28TAL de 24 et de 12 nuinini' ; un talent égyptien ou ptolémaïque, évalué à 1 500 drachmes attiques 2 ; le talent de Tyr égal au talent attique; le talent d'Antioche ; le talent de Cilicie, estimé 3000 drachmes attiques ; le talent hébraïque qui vaut 100 mines attiques 3 ; le talent cistophorique, qui vaut 1500 pièces cistophores ou 4500 deniers romains [CISTOPHOl11] A Antioche et à Alexandrie, on fait usage d'un talent de bois t;u)ur.ov T«A«vTOV), spécial pour le pesage du bois et, sans doute aussi, d'autres grosses marchandises 5. A l'époque romaine le talent de bois d'Antioche est évalué à 375 livres romaines, soit plus de 122 kilos ; celui d'Alexandrie contient 72 mines ptolémaïques. A l'époque romaine, les talents grecs sont mis en rapport avec la livre romaine. Le talent attique, d'après Tite-Live et Polybe, est égal à 80 livres romaines 6 ; d'autres lui donnent 80 livres 2/3 ou 83 livres 1/3, d'après Priscien ; Plaute l'évalue à 72 livres 6 ; comme les auteurs grecs, les Romains parlent d'un talentum maximum (120 livres), d'un talentum, moyen (80 livres), d'un talentum minimum (72 livres suivant les uns, 50 livres suivant d'autres) 9. Le solidus d'or de Constantin, taillé à raison de 72 à la livre, est l'équivalent de 6 000 pièces de cuivre (âeet«, 47T1) qui représentent un talentf0; de là, la pièce d'or est parfois désignée elle-même sous le nom de talent". Dans les textes épigraphiques, le talent est exprimé par la lettre T, parfois TA (en Égypte); la lettre T se combine souvent avec le chiffre, par exemple, (zP se décompose en rAT (= 50 talents) ; dans les manuscrits et les papyrus, le talent est exprimé par les sigles sui vants : Z , 12 E. RASELO:v. , -et TALIO. A Rome, dans le droit pénal privé, les deux peines primitives ont été d'un côté le talion, les représailles (talio), de l'autre la composition pécuniaire (damnum, poena). On trouve le talion 1, quand il n'y a pas accord sur la composition, pour les coups à la figure et la rupture d'un membre 2. Il est exécuté par les proches parents de la victime. La loi des XII Tables le prononce encore pour le second cas ; pour le premier cas, elle l'a remplacé par une amende de 300 as s'il s'agit d'un homme libre, de 150 s'il s'agit d'un esclave 3. De bonne heure, pour le premier cas, dans l'aclio injuriarum, au talion a été substituée une amende prononcée par le tribunal'. Au Bas-Empire 5 le talion repayait sous une forme spéciale : l'accusateur, qui fait une dénonciation publique surtout dans une affaire capitale, doit accepter expressément la conséquence de son acte c'est-à-dire qu'en cas d'acquittement de l'accusé, s'il est de mauvaise foi, il est puni de la peine afférente au crime ou délit dénoncé Cu. LECBIVAlN.