Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

TAUROCHOLIA

TAUIIOC[IOLIA. D'après Hésychius', fête célébrée à Cyzique. Peut-être la graphie Txupozo)cix est-elle bien exacte? en l'honneur d'Artémis Taupd7:o)eo , 7xupo07lp:x, qui ne se trouvent d'ailleurs que dans des textes épigraphiques, désignent des exercices tauromachiques qui remontent dans le inonde grec à la plus haute antiquité. Si, en effet, par les textes et les inscriptions, on n'avait notion de leur existence que pour l'époque hellénistique et romaine, nous savons maintenant, par les découvertes récentes, qu'ils tenaient une grande place dans la vie des populations les plus anciennes de la Méditerranée orientale. De nombreux monuments de l'époque égéenne, surtout des fresques et des pierres gravées, représentent ce qu'il convient d'appeler le « jeu du taureau ». Ce n'est pas, en effet, TAU M TAU la course du taureau qu'on y voit, telle qu'on l'exécute aujourd'hui, et qui finit par la mise à mort de l'animal. Ce sont des exercices gymniques qui semblent se pratiquer au seul dam de l'acrobate. Voici, d'après l'étude de M. Iteichel', qui renouvelle et complète celle de M. Mayer 2, quelques-uns des exercices qui figurent sur les fresques ou les gemmes. Tantôt l'homme, marchant à la rencontre du taureau lancé au galop, lui a saisi les cornes et se trouve rebondir par-dessus le dos de l'animal' ; tantôt, comme sur une fresque du palais de Tirynthe (fig. 6751)1, ou sur une gemme de Praisos il a saisi les cornes de l'animal en courant à son côté et bondit ainsi sur la croupe ; tantôt il pèse de tout son poids sur la tête de l'animal, qu'il tient par les cornes, pour l'attirer à terre ; tantôt enfin c'est au saut périlleux pardessus la tête du taureau que nous assistons, l'acrobate tenant les jambes entremêlées aux cornes de la bête avant de se laisser précipiter dans le vide : ainsi sur le beau vase en stéatite d'Ilagia Triada, divisé en quatre registres dont l'un représente de façon particulièrement vive et frappante ce « jeu du taureau » (fig. 6752) 7. C'est peut-être d'une manière analogue, et non comme une chasse au taureau sauvage, qu'il faut interpréter la scène figurée sur une des coupes d'or bien connues de Vaphio (fig. 5928)8. Deux gymnastes y paraissent, dont une femme; il en est de même sur une fresque de Cnossos, où les deux acrobates semblent associés pour un exercice commun9. La masse des monuments figurés que nous possédons montre que le jeu du taureau était très répandu dans le monde égéen, aussi bien en Crète, centre de la civilisation préhellénique, que dans la Grèce continentale; il devait compter au nombre des plaisirs favoris des dynastes de l'époque « minoenne » ; on peut même croire que nous avons encore sous les yeux, parmi les ruines des palais crétois, celui de Phaistos par exemple, les « arènes » oit ces exercices se pratiquaient 10. Fautil croire que le jeu crétois et mycénien du taureau ait eu dans son principe une signification religieuse [TAUSOsor.0u3I]? ,L'état actuel de nos connaissances ne permet aucune réponse sûre à cette question. Si l'on songe qu'en dehors des fresques et des pierres gravées on a trouvé dans les fouilles créto-mycéniennes de nombreux objets semblant se rattacher à un culte du taureau, par ticulièrement des têtes de l'animal ici portant le symbole de la double hache, là en forme, semble-t-il, de vase à libations ", on sera bien tenté de rattacher la tauromachie crétoise et mycénienne à des idées religieuses. Mais il n'est guère douteux non plus que ces exercices aient vite pris, aux yeux des populations méditerranéennes, un caractère laïque et sportif : la preuve en est dans la variété même des exercices représentés, dans leur apparence de simples « tours » de gymnastique. Sur le vase d'Ilagia Triada, le jeu du taureau voisine avec les exercices purement athlétiques de la lutte et du pugilat. Quant à la tauromachie à laquelle conviennent proprement les noms mis en tête de cet article, la tauromachie de l'époque grecque et romaine, il n'est pas possible d'affirmer qu'il y ait un lien historique entre elle et le jeu du taureau de l'époque égéenne. Aussi bien, les exercices mêmes sont ici et là assez différents. Sur les monuments que nous venons de passer en revue, la présence du taureau semble n'être que l'occasion et le moyen pour l'acrobate de faire ses tours de force et d'adresse : au contraire les tauromachies grecques et asiatiques sont plus proches de nos « courses de taureaux ». Et d'abord le cheval, qui n'apparaît pas sur les monuments égéens, joue ici un rôle essentiel. Un récit d'Iléliodore 13 assez détaillé et d'autres textes moins précis" décrivent l'exercice très nettement. Il s'agit, étant monté, de forcer l'animal à la course: puis, se lançant à ses cornes et pesant, suspendu dans le vide, de toutes forces sur lui, de l'écrouler à terre. C'est ce qu'on voit sur un relief de Smyrne (fig. 6753)15, portant l'inscription ,ruooxxOaûLtwv ~E,Épa~ : de jeunes cavaliers courent au taureau, ou le saisissent par les cornes tout en sautant de cheval, ou le tiennent écrasé contre terre. Il y a de même une série de mon TAU 52 -TAX naies de Larissa et d'autres villes de Thessalie', au type de l'éphèbe saisissant les cornes d'un taureau galopant. La Thessalie et l'Asie Mineure semblent avoir été les deux pays où, à l'époque hellénistique et romaine, étaient le plus répandus les âycûvEç tauromachiques 2 ; les cavaliers thessaliens étaient, au dire de plusieurs textes3, très habiles à ce sport. Nous avons de la ville de Larissa plusieurs inscriptions agonistiques où figurent des vainqueurs à la TaupoO-r(pi((a 4. A côté de la Thessalie, l'Asie Mineure offre plusieurs exemples épigraphiques de ces réjouissances : ainsi à Aphrodisias Sinope s, Ancyre ces exercices et le culte de certaines divinités, surtout de Poséidon-Taüpo4 [NEPTUNUS]. A Éphèse, où l'on célébrait des Tauria en l'honneur de Poséidon, il y avait place aussi, au témoignage d'Artémidore'b, pour des luttes tauromachiques. Même fait à Sinope, où nous trouvons d'une part des traces du culte posidonien'°, d'autre part des tauromachies. Encore de telles coïncidences ne sontelles peut-être pas assez nombreuses pour constituer une preuve décisive. Une identification a été proposée16 entre la présentation des boeufs de sacrifice à une fête (le Cos en l'honneur de Zeus Polieus ", et la Taupoez lz thessa Le terme est ici TaupoxaO34ia; Taupoua7ùe 9 désigne peutêtre un exercice tout différent, un combat de taureaux entre eux. Le « coureur » est le T2upoxa©x7r'r ç. D'après l'inscription d'Aphrodisias, les Taupoxaf)x7tTat étaient assimilés aux gladiateurs et de condition servile; mais ailleurs c'étaient certainement des citoyens, des jeunes gens surtout, qui pratiquaient ce sport 9. Quant au Taup aféT-r,ç d'une inscription de Caryanda10, il apparaît comme le président nommé (Taupzp iT'Iti; y.21'µEVOç) des jeux, qui fournit des taureaux pour la course, et fait distribuer au peuple la chair d'un des animaux, mis à mort. Nous savons enfin qu'à l'époque impériale les exercices tauromachiques se répandirent en Italie ", où ils devinrent un des spectacles favoris de la plèbe romaine". Les Taupo0-p(at et TaupoxaOz'l.r(at ont-elles eu, à l'époque classique ou impériale, une signification religieuse? Nous voyons bien, dans une des inscriptions de Larissa13, 1'âyoly tauromachique figurer dans des fêtes en l'honneur de ZEÛ; 'E),EuO4a,s; mais il est évident que, mêlé là comme il l'est à tous les autres âyùvE;, placé entre le concours des citharistes et celui de la lampadodromie, il n'est qu'un « numéro » local ajouté au programme ordinaire des fêtes grecques, et sans rapport spécial avec le dieu qu'on honore. En Asie Mineure comme en Thessalie, comme à Rome, les taurolcatitapsiai n'apparaissent guère que comme un jeu de stade ou d'amphithéâtre. Mais on peut penser qu'il n'en a pas été toujours ainsi, et qu'il y a un rapport au moins de principe entre lienne, qui se rattacherait à ce même culte, mais la cérémonie de Cos est une (iorry(a, comme à Didymes 's, et n'a rien d'une Ttl.upoxafz. (a 13. Emll e CAIIEN.