Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TERRITORIUM

TERRITORIUM. L'étymologie et le sens primitif de ce mot ne paraissent pas avoir été connus des érudits antiques. Les uns, comme Varron' et Servius 2, rattachent la première partie du terme au verbe lerere, qui signifie soit fouler aux pieds, soit même fendre et retourner le sol. La plupart des Gromatici ' voient au contraire dans territorium un mot dérivé du verbe terrere, effrayer, mettre en fuite : le jurisconsulte l'omponius fait allusion à cette étymologie : « territorium, ... quod ab eo diclum quidam aient, quod ntagistratus ejus loci infra eos fines terrendi, id est summortendi jus habet. » Ni l'une ni l'autre de ces étymologies n'est satisfaisante. L'origine du mot reste énigmatique. A défaut d'une étymologie acceptable, les anciens nous ont donné une définition, qui sans doute ne s'applique pas à tous les cas connus, mais qui exprime avec une exactitude suffisante l'idée générale contenue dans le mot territorium. Cette définition est due à Pomponius : Territorium est universilas agrorunz infra fines eu jusque civitatis Comme nous le verrons plus loin, ce n'étaient pas seulement les villes qui possédaient des territoria; toutefois le sens précis du mot ressort de cette définition : un territorium était une certaine étendue ou superficie de sol, nettement délimitée, et rattachée par des liens étroits à un établissement humain, ville, tribu, légion, collège sacerdotal, mine ou carrière. Le mot territorium ne s'appliquait ni aux espaces inhabités ou incultes, ni aux propriétés soit impériales soit privées, même les plus vastes. Les territoria des villes paraissent avoir été les plus importants. On les désignait aussi par le mot fines : fines oppidi, nlunicipii, colonise sont des expressions fréquemment employées pour désigner un territorium municipal''. D'après Siculus Flaccus, le terme regio était également synonyme de territoriunt; toutefois il convient de l'aire observer que refila est le plus souvent usité dans d'autres acceptions, telles que subdivision d'une provinces, circonscription de home ou de l'Italie'. Chaque territorium municipal était délimité avec préci TER 125 TES sion, tantôt par des frontières naturelles, cours d'eau, ligne de crêtes, etc., tantôt par des lignes conventionnelles que jalonnaient des bornes revêtues d'inscriptions 1 ; de ces bornes, termini, lapides inscripti, arae lapideae, plusieurs ont été retrouvées en diverses parties du monde romain [TERMJNATIO]. Le territorium d'une cité ne se composait pas seulement, comme pourrait le faire croire la définition de Pomponius citée plus haut, de champs cultivés (universitas agrorum); à l'intérieur du territorium étaient compris les pagi ou vici groupés autour de l'oppidum 2. Mais le mot territorium n'avait pas seulement un sens matériel et, pour ainsi dire, foncier : il désignait aussi la circonscription jusqu'aux limites (le laquelle s'étendait, sans pouvoir les dépasser, la compétence administrative et juridique des magistrats municipaux : extra territorium jus dicenti impune non parelur, est-il dit au Digeste' ; au début du ve siècle, les empereurs rappelaient encore aux duumvirs que leur autorité s'arrêtait aux limites du territoire de leur ville : « duumvirum impune non liceat extollere polestatem fascium extra me/as territorii propriae civilatis » 4. Cette compétence administrative et juridique des magistrats municipaux donnait lieu à de fréquentes contestations que les Gromatici veteres ont groupées, en même temps que diverses autres, sous le nom général de controversia de jure territorii 1. Ces contestations s'élevaient soit entre deux cités voisines,soit entre une cité et le propriétaire d'un de ces vastes domaines (saltus, fundi), plus étendus que les territoria municipaux, qui furent constitués, spécialement en Afrique, à l'époque impériale 6, soit même entre une cité etl'elnpereur, en tant que propriétaire de domaines fonciers Parmi les territoria municipaux, il convient d'accorder une attention spéciale à ceux des colonies qui furent réellement déduites [col.oNIA, t. 1, p. '1312 et sq.]. Ceuxlà étaient minutieusement arpentés et cadastrés ; un plan détaillé de chaque territorium était dressé (forma, perlica) et parfois gravé sur le bronze (ries). Les Gromutici nous ont donné sur l'organisation de ces territoria des renseignements abondants et précis. Le mot territorium ne s'appliquait pas seulement aux étendues de sol qui dépendaient d'une cité; il désignait aussi, par exemple dans les provinces africaines, les territoires de parcours ou de résidence des tribus numides : le territorium Illusulami,orum est nommément cité dans le sénatus-consulte relatif aux nundinae saltus Beguensis '. Ces territoria de tribus furent délimités sous l'empire : plusieurs bornes du territoire des llusulamii9 et de celui des Nygbenii, qui habitaient au sud de Capsa10, ont été retrouvées récemment. De même encore chaque légion avait son territorium [LECIO, L. III, p. 1062]. Enfin, dans un sens plus éloigné peut-être de sa signification la plus courante, territorium fut employé pour désigner, soit l'ensemble des terrains qui dépendaient d'une exploitation de mines ou de carrières, territorium metalli Vipascensis i1, soit des propriétés foncières appartenant à tics collèges sacerdotaux ou à des confréries religieuses, comme les Vestales: « collegia sacerdotum item que virgines liabent agros et territoria » 12. J. TouTaix.