TÉTRAPOLIS (TETpzro),t,). Nom donné à une asso
ciation qui comprenait au nord-est de l'Attique, dans une petite plaine encadrée par les ramifications orientales du Parnès et l'extrémité septentrionale du Pentélique, les quatre bourgades de Marathon, Tricorynthos (plutôt que Tricorythos), Oinoè et Probalinthos. On s'est demandé si la Tétrapolis n'était pas tout simplement un grand y€vos ' ; mais plusieurs inscriptions prouvent qu'elle était bien le groupement des quatre dèmes nommés ci-dessus'. Elle constituait un xotvdv 3 qui fut politique à l'origine et garda par la suite un caractère religieux [rolvov].
L'importance historique de ce xotvdv tient à ce qu'il nous fournit le meilleur exemple des tentatives d'union restreinte qui précédèrent en Attique le synaecisme total. On surprend ailleurs quelques traces du même phénomène 4. Dans l'Épacrie voisine se constituèrent une association de trois communes et une Amphictyonie de Zeus Ilèkaleios ayant pour centre Ilèkalè ° ; Pallène, Gargettos et Pitthos se placèrent sous la protection commune d'Athèna Pallènis' ; la Mésogée créa une petite cité qui plus tard, fondue dans la grande, ne cessa pas d'avoir des fonctionnaires propres et de rédiger des décrets 8 ; les dèmes industriels des Crôpidai, des Pèlèkes et des Eupyridai formèrent une TptxwFi.t« qui conserva son Totxt~f,«o~o5 9 ; aux environs immédiats d'Athènes une TETp«xw,l.:a se développa autour d'un sanctuaire d'IIèraclés 10. Mais nulle part les légendes et les institutions n'ont mieux perpétué que dans la Tétrapolis les souvenirs et les survivances de ces réalités très anciennes.
Comme toute la côte orientale de l'Attique depuis Thoricos, la baie de Marathon fut atteinte à l'époque préhistorique par le grand courant de civilisation qui de la Crète rayonnait sur le pourtour de la mer Égée. La
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population indigène avait depuis longtemps accepté la religion minoenne avec le culte du taureau, lorsque se présentèrent pour la première fois dans le pays des bandes d'Hellènes. C'étaient des Ioniens. D'après la légende, Xouthos, fils d'Hellen, les établit sur cette côte en la défendant contre les Chalcodontides de l'Eubée'. Tandis que son fils Ion, l'ancêtre du yivoç des 'Iwvd t, occupait le canton de Potamoi, où il fut enterré', et que son petit-fils se donnait pour capitaleThoricos3, la partie septentrionale du pays conquis fournissait aux quatre tribus des Ioniens un centre nettement circonscrit et se prêtant bien à former un petit État à quatre bourgades '.
A la Tétrapolis ionienne est intimement unie le nom de Thésée, fils d'Aigeus. Ce héros est un immigré, un étranger, ,tr7i),u; x2i évr, ' ; il a promené dans toute l'Attique sa force triomphante ; mais, quelle que soit son origine, si loin que l'entraînent ses exploits, sa légende se localise dans ce coin de Marathon '' (TIIESELSJ. A Marathon, il triomphe du taureau crétois qui dévastait les campagnes ; à Marathon, il conclut son pacte d'amitié avec Peirithoos 8 ; à Marathon, il est rejoint par les Hèraclides; désireux d'opposer à Eurysthée l'alliance de son bras 9, et, quand Eurysthée prend l'offensive, il peut bien traverser l'Attique sans rencontrer de résistance, mais il est arrèté à Gargettos, et sa tête, trophée sanglant, est enterrée à Tricorynthosf0. Ce combat de Gargettos nous apprend que le royaume de Thésée dépassa les frontières de la Tétrapolis au sud. 11 s'étendit aussi au nord-ouest, en amont de la Charadra, dans la Diacrie : de ce côté, Thésée vient à Aphidna cacher dans le palais maternel IIélène qu'il a enlevée avec l'aide de Peirithoos ". Les combats livrés par Thésée à Dékélos, éponyme de Décélie 12, à Pallas, le géant de la montagne, et aux Pallantides de Pallène 13, à l'Erechthéide Ménestheus 1', semblent bien les épisodes des guerres de con_ quête entreprises par les immigrés contre les indigènes. Si Thésée, le héros de la Tétrapolis, doit être regardé, selon l'opinion générale de l'antiquité, comme l'organisateur du syneecisme attique''', il faut conclure delà que l'union de l'Attique s'est faite, non par l'annexion de la Tétrapolis à l'Acropole athénienne, mais par la victoire de la Tétrapolis sur toute l'Attique. En tout cas, la. mémoire du héros resta pendant des siècles attachée à son petit pays. L'érudition des atthidographes y contribua moins encore que l'imagination populaire : le jour de la bataille de Marathon, un grand nombre d'Athéniens crurent voir le fantôme de Thésée en armes s'élancer contre les barbares et, sur le tableau de Polygnote qui représentait la scène, Thésée « semblait surgir du sol » 76. Cepen
riant la renommée de Thésée ne se répandit dans toute l'Attique que pendant la seconde moitié du vie siècle 17, lorsque le grand homme des Diacriens, Pisistrate, fut devenu le maître en remportant, lui aussi, sa victoire de Pallène.
Les bourgades de la Tétrapolis formèrent donc longtemps une de ces communautés indépendantes que Thucydide décrit d'un trait rapide, quand il nous dit que l'Attique était alors divisée « en cités ayant chacune leur prytanée et leurs archontes» u. La légende confirme les paroles de l'historien : elle fait de Thésée le chef de la Tétrapolis, comme elle assigne à ses adversaires les villes de Pallène, de Décélie et d'Athènes, comme elle nomme Eumolpos d'Éleusis, Képhalos de Thoricos, Porphyrion d'Athmonon et Colainos de Myrrhinonte 19. Dans la Tétrapolis, le synoecisme ne fit pas disparaître complètement la constitution primitive. Nous n'avons toutefois sur l'organisation de la Tétrapolis à l'époque historique que des renseignements bien fragmentaires. Le vieux groupe maintint son unité en entrant dans les cadres de la constitution clisthénienne : à lui seul, il forma la trittys côtière de la tribu ..Santis et, par conséquent, ne cessa jamais de fournir à la marine athénienne des équipages recrutés uniquement parmi ses gens 20. Les quatre dèmes avaient chacun son rang de préséance officiel t. Marathon venait en tête, suivi de Tricorynthos, Oinoè et Probalinthos 21. Le xotvdv avait ses assemblées. Elles se réunissaient peut-être sur une agora spéciale, plus probablement sur l'agora de Marathon Elles ren_ daient des décrets rédigés d'après des formules étrangères au protocole athénien 23, sanctionnés par des amendes, gravés sur des stèles qu'on dressait dans un sanctuaire locale` et dont une copie était quelquefois envoyée dans un temple du voisinage2' ou sur l'Acropole d'Athènes26. Elles s'occupaient des relations à entretenir avec le temple d'Ilècalè en Épacrie 27, avec le temple et la ville de Delphes20; elles réglaient les statuts des fondations pieuses29 ; elles votaient les fonds nécessaires, soit pour la célébration des cultes, les offrandes et les sacrifices, soit pour la gravure et l'érection des stèles 30 Le xo;vdv avait ses fonctionnaires, tenus de lui rendre des comptes". Au Ive siècle, le premier d'entre eux était toujours l'archonte, magistrat éponyme de la communauté 32. On voit à la même époque dédier une offrande à Dionysos par quatre hiéropes, représentants des quatre dèmes 33 Plus tard, la Tétrapolis nomma aussi des délé
gués extraordinaires : le 72pcSÔEUT-q; ou les -pssEu-r2(
qu'elle envoyait à Delphes 34, les théôres et les pythaïstes qu'elle adjoignait à la pythaide d'Athènes 36. Au me siècle,
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après la guerre de Chrémonides, lorsque la domination macédonienne crut devoir imposer à l'Attique un régime de décentralisation, il n'y avait pas de groupement local qui, par ses traditions séculaires, par son organisation éprouvée, fût plus apte à fonctionner que la Tétrapolis. Tout naturellement, elle se distingua par l'ardeur de son activité administrative et par l'indépendance de sa politique religieuse. Ce fut, pendant quelques années, un véritable renouveau.
La célébration de cultes nombreux et variés, telle était la préoccupation constante des Tétrapolitains. De ce zèle pieux nous avons conservé un précieux témoignage : une inscription gravée dans la première moitié du Iv` siècle 1 porte les fastes sacrés, le calendrier liturgique de la communauté et de ses quatre dèmes. Sur deux colonnes sont énumérées des fêtes, avec indication des cérémonies et surtout des sacrifices rituels, des victimes à offrir et de leur prix. La première colonne est réservée aux fêtes du xotvov; la seconde, à celles des dèmes. D'abord les fêtes annuelles, qui sont classées par trimestres; puis les fêtes célébrées tous les deux ans, qui sont réparties en séries ou 3oauo6évat 2. Le nombre de ces fêtes était considérable. La partie de l'inscription restée intacte a encore une cinquantaine de lignes pour une vingtaine de fêtes ; mais on peut juger de ce qui manque par cette simple remarque : sur la seconde colonne ne figurent plus que les fêtes de Marathon, à peu près au complets, et le commencement des fêtes annuelles de Tricorynthos On comprend donc que l'atthidographe Philochore, devin de son métier et grand amateur d'antiquités religieuses, ait écrit un traité sur la Tétrapolis". Et aujourd'hui encore l'histoire des cultes pratiqués dans ce coin de l'Attique présente un intérêt plus que local.
Dès les temps les plus reculés, la région de Marathon fut une terre sacrée. Les Grecs disaient qu'elle s'appela d'abord Ilyttènie (`l-r-r-r,v(x y-1) ou 'Manie (TcTaviç parce qu'elle était le séjour d'llyttènios6ou de Titènios le seul des Titans qui refusa de prendre part à la guerre contre les dieux. En réalité, les premières divinités du pays sont de beaucoup antérieures à l'apparition même de la race hellénique. Nulle part en Grèce la religion de la Crète minoenne n'a laissé de traces plus manifestes. Le taureau qui fut amené par l'llèraclès crétois de Cnossos en Argos et qui cri sortit pour dominer la plaine de Marathons, le taureau qui laissa peut-être son nom au dème de Probalinthos 9, le taureau dont la légende attique rappelait les rapports avec Androgée, fils de Minos, et qui obligea les indigènes à payer tribut au
labyrinthe de Cnossos 10, le taureau qui, après avoir longtemps répandu la terreur, fut mis à mort par Thésée" comme le Minotaure de Crète, n'était lui-même qu'un Minotaure, un dieu tauromorphe12. La déesse adjointe à ce dieu, la Vierge ou `E),nwriç 13 enlevée par le taureau, reçut en Crète le nom d'Europe llellôtis 14, mais y porta aussi celui d'Artémis Tauropole" ; à Marathon, et dans toute la Tétrapolis (comme à Corinthe), ce fut, dès avant l'époque homérique t6, une Athènaia IIellôtis17, analogue à l'Artémis adorée dans le voisinage, cette Artémis Tauropole ou Taurique de Braurou 1s qu'on représentait montée sur un taureau 19 [DIANA, fig. 23h61 et dont le culte, desservi par une prêtresse20, était célébré par les
femmes 21.
Les Ioniens apportèrent dans la Tétrapolis leur Dionysos, le dieu qu'ils fêtaient de tout temps le 12 Anttlestèrion 22 et qu'ils joignaient à Zeus Phratrios et à Athèna Phratria dans leurs Apatouria 23. Il ne s'agit pas du dieu qui répandit plus tard la joie en Attique, mais d'un dieu sombre, de Dionysos Mélanaigis 24, analogue au Dionysos Pélagios, dominateur des vagues (myes). Les « enfants d'Aigis » formaient une des tribus ioniennes (les Aiytxooetç), et c'est comme fils de leur dieu que Thésée leur commande 2ü. Mais, si Aigeus ne survécut pas à la victoire de son fils, il n'en fut pas de même de Dionysos. Le dieu à qui était consacrée la plante dont le nom était celui de Marathon, le fenou il26,resta toujours le grand dieu du xotvdv 27. Les quatre dèmes de la Tétrapolis célébraient son culte en commun dans le Dionysion de Marathon 28 : chacun d'eux y envoyait son hiérope ; on y consacrait les dédicaces, on y exposait les décrets de la communauté 29. Comme en beaucoup d'autres endroits, la déesse Aellôtis, hellénisée sous la forme d'Athènaia, devint peut-être la parèdre de Dionysos ; en tout cas, son culte subsista : au iv' siècle encore, les gens de Marathon, pour commencer l'année, et ceux de toute la Tétrapolis pour la finir, se réunissaient à l'Ilellôtion 36 pour la célébration des Uellôtia 31 )IELLOTIA].
Mais la Tétrapolis ionienne eut aussi des relations particulièrement étroites avec Apollon, dieu des migrations et père commun des Ioniens. Pour aller de Délos à Delphes ou vice versa, le dieu trouvait sur la côte orientale de l'Attique le point d'atterrissage et d'embarquement le plus commode. Il est là chez lui 32. Quand Thésée va combattre le Minotaure, il se place sous la protection d'Apollon Delphinien 33; quand il a pris le taureau de Marathon, c'est à Apollon Delphinien qu'il le sacrifie31; c'est devant Apollon Delphinien qu'il vient se justifier d'avoir tué les Pallantides 35. Ainsi les vieilles puissances
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du ciel et de la terre cédaient la place àleurs jeunes vainqueurs. Aigeus disparut lui aussi ; mais lui du moins pouvait s'assurer une place dans le Delphiniori De la Tétrapolis le culte du nouveau dieu ne se propagea pas seulement à toute l'Attique 2. Thésée se rendit lui-même à Délos, après la mort du Minotaure, pour y célébrer les jeux, et il y dansa pour la première fois la danse de la « grue » autour de l'autel « cornu » 3. Aussi la Tétrapolis est-elle toujours restée un séjour de prédilection pour Apollon. D'après le calendrier liturgique, un sacrifice extraordinaire d'une chèvre y est offert, dans la deuxième décade du premier mois (Hécalombaion), en l'honneur d'Apollon Apotropaios 4, et. dans le premier mois du quatrième trimestre (Mounychion), à un dieu Nymphagète, qui doit être également Apollon Jusqu'à la fin de la période historique, c'est par l'entremise de la Tétrapolis qu'Athènes correspondait avec le dieu de Délos et de Delphes ; c'est de là qu'elle faisait partir les théories qu'elle envoyait aux fêtes de l'un et de l'autre sanctuaire. Il y avait un Délion à Marathon, où le devin observait tous les jours les présages avant de donner à la galère sacrée le signal du départ pour Délos° : quand Philippe fit enlever par ses croiseurs la Paralos de Marathon, les Athéniens crièrent au sacrilège 7. De même, il y avait un Pythion à Oinoè où l'ambassade des pythaïstes attendait les résultats de l'hiéroscopie pour s'engager en Béotie et en Phocide 3. Les relations avec Delphes cessèrent un moment ; vers le milieu du me siècle, les Macédoniens, exclus de l'Amphictyonie delphienne, entraînèrent dans cette excommunication Athènes, leur sujette. Mais immédiatement après la chute de la domination macédonienne en 229, tandis qu'Athènes tardait à renouer officiellement avec le dieu de Pytho, ses fidèles Tétrapolil.ains résolurent, en souvenir d'une étroite « parenté » (oixEtiTr,;), de renouveler les sacrifices et les honneurs qu'ils lui avaient voués « depuis l'origine » (ii àpy gis), et ils envoyèrent pour leur compte à Delphes des députés chargés d'en donner l'assurance au dieu et à la ville. Pour reconnaître un si beau zèle, les Delphiens votèrent, dans un intervalle d'une trentaine d'années, plusieurs décrets pour accorder aux Tétrapolitains, avec les éloges et la couronne de laurier sacré, la promanteia à perpétuité, le droit d'offrir les premiers sacrifices avec les Delphiens eux-mêmes xxrx Tx 77xTpta, la proédrie à tous les jeux, sans compter les honneurs décernés spécialement aux députés 9. Et tous les Athéniens étaient fiers du prestige dont jouissaient leurs compatriotes : ils conservaient précieusement dans leur Trésor et y exposaient aux yeux des pèlerins, à une place de choix, les pierres on étaient gravés ces titres de gloire t0. Aussi, quand la coutume des pythaïdes athéniennes fut rétablie, la république ne manqua-t-elle pas de
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faire une large place dans les rangs des théores et des pythaïstes, en même temps qu'aux noms les plus illustres de la noblesse sacerdotale, aux représentants des familles tétrapolitaines" [PVTfilA, p. 793].
1l n'est pas sans intérêt pour l'histoire des migrations helléniques de constater la présence d'llèraclès le Dorien parmi ces divinités ioniennes de la Tétrapolis. Les Marathoniens prétendaient même qu'ils avaient été les premiers à lui accorder les honneurs divins 12. L'emplacement de l'llèracleion, dans l'enceinte duquel les Athéniens campèrent en 490 avant la bataille A3, a été reconnu à l'extrémité occidentale de la plaine, dans le vallon d'Avlona'4. Les fêtes qu'on y célébrait attirèrent l'attention de Pindare et des Atthidographes : une bonne partie des détails que donne Athénée sur le ministère et le recrutement des parasites viennent d'un chapitre consacré à l[èraelès dans la Tz-red':o),tç de Philochore 15. On expliquait ce culte d'IIèraclès par d'anciennes relations de la Tétrapolis avec les Ifèraclides et les Doriens en général. Chassés par Eurysthée, les 1[èraclides cherchèrent un asile auprès de Thésée et l'aidèrent à repousser leur ennemi ". La fontaine Macaria rappelait la fille d'Hèraclès qui s'était dévouée pour fixer la victoire ". De la Tétrapolis au Péloponèse, ces légendes trouvèrent un tel crédit qu'à la fin du v° siècle les Spartiates, dans leurs incursions en Attique, témoignaient encore leur reconnaissance aux Tétrapolitains par des ménagements exceptionnels 76.
Avec les dieux qui rappelaient le passé lointain du pays, d'autres, moins caractéristiques, étaient adorés dans la Tétrapolis. Zeus, qui était à Marathon le dieu des hauts lieux (Hypatos)10 et le dieu de la végétation (Anthaleus) 20, était pour les Tétrapolitains le dieu des bornes (Orios), assisté d'une parèdre (Oria), et recevait à ce titre le dernier sacrifice régulier de l'année 21. Peutêtre aussi est-ce lui, avec l'épithète d'Agoraios, qui avait son siège sur la place publique 22. Les divinités chthoniennes tenaient une grande place dans la vie religieuse de la Tétrapolis. Les Marathoniens offraient régulièrement des sacrifices à Gè en Posidéon, en Gamélion et en llaphébolion 23 ; à la Corotrophos en Boédromion, en Gamélion et en Skirophorion2'`; àl'Achaia et aux Moirai en Thargélion26; à Daira en Gamélion26. Ils immolaient des victimes tous les deux ans, dans la seconde pall.oar„ à Dèmèter i leusinienne, à Corè, à la Corotrophos, à Chloè27. Les Tricorynthiens pratiquaient également le culte de la Courotrophos 2s. II n'est donc pas étonnant que l'hleusinion de Marathon ait été témoin de cérémonies célébrées au nom du xolvôv 28.
Le calendrier liturgique de la Tétrapolis mentionnait bien des divinités encore qu'on ne peut plus reconnaitre 30. Quant aux héros, ils pullulaient. Marathon était encombré de petites chapelles qui s'offraient à la dévo
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tion populaire. Il y avait des héros isolés, comme Iolaos', Ilytènios 2, Galios 3 ; d'autres étaient groupés en famille, comme les Tritopatreis4 et les Acamantess ; le plus grand nombre, tels que Phéraios 6 et Néanias
étaient accouplés à des héroïnes, moins honorées que leurs époux 8. Les textes littéraires parlent d'un héros éponyme, Marathon ou Marathos9, d'un héros protecteur des labours, Ichetlos10, d'unriowç iarpdç appelé Aristomachos et enseveli près du Dionysion ", des Athéniens morts à la bataille de Marathon qu'on honorait par des cérémonies funèbres f2. Le héros par excellence, « le héros » anonyme ", était probablement Thésée, avec Ilècalè pour héroïne". Le nom seuld'IIyttènios, éponyme de l'IIyttènie, les rapports d'Ioalos avec Héraclès, l'importance de Thésée dans la légende de la Tétrapolis indiquent suffisamment que plusieurs de ces chapelles n'étaient pas exclusivement réservées au dème de Marathon, mais recevaient à dates fixes les hommages du
vernement d'un quart (de province ou d'État). L'institution, et le titre de tétrarque qui en découlait, se rencontrent dans plusieurs régions, à différentes époques.
C'est en Thessalie que les tétrarchies apparaissent le plus tôt 2. Deux traditions existaient à ce sujet dans l'antiquité, faisant remonter toutes deux le partage du pays à la race d'Héraklès, mais l'une plus précisément à Thessalos 3, l'autre à Aleuas le Rouget; cette dernière l'emporta et elle n'a rien d'invraisemblable. La Thessalie se divise naturellement en quatre districts : Pélasgiotide et Thessaliotide, qui relevaient directement de la ligne thessalienne [noINoN] ; Phthiotide et Ilestiaeotide, peuplées de tributaires, qui en dépendaient indirectement'. Cette division en p.orpett servait de base à l'organisation militaire et financière ; le lien fédéral restait lâche; l'assemblée ne se réunissait souvent que pour l'élection du TAGOS. Ce dernier titre tomba en discrédit, fut remplacé par celui d'âpzwv qui avait une allure plus démocratique. Quand la Thessalie passa sous la tyrannie d'Alexandre de Phères, celui-ci restaura le titre de tige et le prit pour lui ; alors le parti des Aleuades appela les Thébains, qui renforcèrent le koinon : chaque Tetpâ; eut son polémarque, son hipparque et probablement quatre pézarques ; ces dignitaires prêtaient serment,
dans les traités, au nom de leurs tétrarchies respectives 7. Alexandre reconquit pour un instant la prépondérance ; mais Philippe de Macédoine survint, assuma le titre d'xp1wv enautomne 31148 et fit des tétrarchies la base d'une forte organisation du pays9; il donnait pour prétexte de vouloir assurer l'autonomie de la contrée et rendre impossible un retour offensif des tyrans de l'hères i0. Les affaires générales furent discutées dans quatre diètes provinciales, présidées chacune par son tétrarque. Celui-ci, nommé par le roi de Macédoine ou élu (on ne sait, mais peu importe "), fut toujours un agent véritable de Philippe'', qui trouva d'ailleurs des partisans même parmi les descendants des tétrarques des temps anciens, comme ce personnage dont une inscription de Delphes 13 nomme le grand-père, tétrarque de Thessaliotide".
C'est peut-être pour avoir faussement attribué à Philippe la création des tétrarchies thessaliennes, qu'on a vu dans les tétrarchies en général, notamment dans celles de Galatie", une institution macédonienne". Il n'en est rien. Ces dernières out été introduites en Anatolie par les bandes gauloises qui s'y installèrent dans la première moitié du me siècle et apportèrent ce régime de leur pays d'origine. Mommsen a établi " qu'il convenait d'en rapprocher très étroitement les quatre pagi des Helvètes, seuls parmi les Celtes d'Europe qui se prêtent à la comparaison f8. Ces Galates immigrés appartenaient à trois races : les Trocmes, les Tolistoboïens et les Teetosages 19 ; elles se partagèrent le pays 20 qui garda le nom de Galatie. Chacune était répartie en quatre tétrarchies, et chaque tétrarchie avait son chef propre, pour les opérations de justice et de guerre, comme l'indiquent
les noms de ses subordonnés : lIXX TÇ, TpxTOtp11),xÿ, u;;o aTpxru é),x;. Dans le même groupe ethnique, les quatre tétrarques exerçaient ensemble une sorte de haute direction, et un conseil supérieur, de cent membres, semble-t-il", administrait avec eux et sous leur impulsion les affaires communes22; c'était en particulier une haute juridiction pour les affaires capitales ( ?cuitai). Quand les trois conseils fusionnaient, c'était au lieu dit Apuv€ ttezov 23. L'histoire ne dit pas les noms spéciaux des douze tétrarchies ; Pline 2" mentionne les 1toturi, A mbitouti, qui représentent peut-être des clans ou de menues peuplades en rapport de clientèle avec les trois souches principales25. Ce que Strabon rapporte de toute cette
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organisation fait voir que, contrairement aux tribus, tpulct , une tétrarchie pouvait entreprendre des opérations de guerre indépendantes '. En somme, c'étaient des bandes de compagnons, fédérées pour la rapine, mais l'institution gardait un certain caractère aristocratique
le tétrarque, à vie comme un roi', eut souvent un pouvoir héréditaire 3 ; d'autres fois, il semble que l'élection ait été d'usage, mais limitée à une famille 4. En 86, la plupart des tétrarques furent mis à, mort par Mithridate', avec femmes et enfants. Vers 63, Pompée remplaça la principauté de clan par celle de race; il y eut donc trois tétrarques pour toute la Galatie ; le nolri ne convenait plus, mais il fut conservé cependant ; il ne devait être d'ailleurs que la traduction d'un mot gaulois, car la langue celtique survécut très longtemps dans la contrée. Puis Pompée accrut la part de l'un des trois, Déjotarus6, qui finit par être le seul maître; ce fut la fin des tétrarchies en Asie Mineure'.
On en retrouve assez longtemps en Syrie-Palestine mais là ce fut l'effet d'une simple fantaisie de chefs romains. Ce terme désigne alors une petite principauté indépendante, dont le possesseur est inférieur à un roi, pour le rang et'la puissance. Antoine, en particulier, soucieux de se créer en Orient des sortes de clients, avait octroyé à beaucoup de princes des royaumes et des tétrarchies notamment à Hérode le Grand et à son frère Phasael70; en 020 av. J.-C., Phéroras devint tétrarque de Pérée", puis Soèmos tétrarque au Liban '2 ; les tétrarchies foisonnaient dans, la région de la Décapole 13. Toutes avaient envoyé des auxiliaires à l'armée de Varus''' et s'étaient tenues plus tard aux ordres de Corbulon ". Les tétrarques sont souvent mentionnés à côté des roitelets de la contrée 1"; pratiquement on faisait entre les deux catégories peu de différence ; le premier titre est rare dans les inscriptions " ; les princes iduméeus de Tibériade le prennent sur leurs monnaies "6, ainsi que ceux de Chalcis, qui y ajoutent la qualité de grand-prêtre («p7tEpeéç) 1s
On nommait, à l'époque macédonienne, TE.paE'(ot itc7rut la réunion de quatre compagnies de cavalerie (),dzot)20, sous un TErpzpz.rrç. Chez les Byzantins, cc titre est donné au chef de l'arrière-garde ".
Les modernes appellent tétrarchie le gouvernement à quatre têtes imaginé par Dioclétien; les auteurs anciens ont ignoré cette acception. VICTOR CIIAPOT.
TÉTRAS, TÉTRANS. Monnaie de bronze de la
Sicile et de l'Italie méridionale qui valait les quatre
douzièmes de la litra ou 4 onces, comme le trions du système latin [LITRA] 1. F. L.