Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article THALYSIA

TIIALYSIA (OxXÔSta). Les Thalysies sont une fête campagnarde en l'honneur de Déméter 1. Un texte homérique en parle comme d'une fête s'adressant à chaque dieu à son tour2, un autre texte y associe Dionysos à Déméter La fête est célébrée après la récolte des fruits le nom de cuyxot.terliçtx qu'elle porte également'. C'est donc une fête de plein été ; elle est même rapprochée, dans un texte d'Eustathe9, de celle desIALOA, qui,àAthènes tout au moins, était plus tardive encore. Les Thalysies ne nous sont guère connues que par la célèbre idylle VII de Théocrite ; encore ne nous donne-t-elle que peu de renseignements précis. La scène est à Cos Des propriétaires campagnards de Pile fêtent les Thalysies, pour remercier Déméter de ses bienfaits7. On est à la fin d'un riche été poires et pommes roulent à terre ; senteurs d'été et senteurs d'automne se mêlent'. Il n'est pas question de sacrifice, mais seulement d'un repas de fête, où les convives sont assis sur des lits de feuillage et de pampres un autel de Déméter, déesse des aires (Ouei;), avec sa statue portant dans les mains épis et pavots, complète le cadre 10 En somme les Thalysies nous apparaissent, non pas comme une fête d'un caractère public et officiel, mais comme une réjouissance campagnarde, après récolte faite, où préside la bonne déesse des moissons. Un détail cependant, que nous trouvons dans Athénée" peut mettre sur la voie d'un rite plus précis et plus important. Il nous est dit que le premier pain fait des produits de la moisson porte le nom de (Ilx,6clog, synonyme de celui de Oipyr,).ov. On peut penser que l'absorption du OrÂUCtoç 4'o; donnait, au moins à une époque ancienne, un caractère vraiment rituel au repas des Thalysia. En s'assimilant ces prémices désignées ellesmêmes sous le nom de Oxnuctx on assurait, par une opération de caractère magique, la prospérité future des sillons. Mais les Thalysies de Théocrite ne sont plus qu'une fête joyeuse, où les dons de Dionysos ne tiennent pas moins de place que ceux de Déméter '2 fête en l'honneur d'Apollon et aussi d'Artémis', célébrée au mois Thargélion, à Athènes et dans les cités ioniennes. Nous ne manquons pas de renseignements sur elle; mais cependant le sens général de la fête et ses détails ne laissent pas de donner grande prise à la discussion. Nous décrirons surtout la fête athénienne, en complétant les données que nous avons pour Athènes par celles qui se rapportent à d'autres villes. La fête était célébrée en deux jours, le 6 et le 7 du mois Thargélion (mai-juin), consacré à Apollon' : le 7 était considéré par les Détiens comme le jour de la naissance du dieu 3, comme le 6 celui de la naissance d'Artémis'. Le 6 avaient lieu une cérémonie purificatoire, un xxOoN.3 et un sacrifice à Déméter Chloé ° : le 7, désigné plus particulièrement sous le nom de Oxpyr»x, une procession et un dv 7. Le xxOtc p.dç consistait en ceci que deux personnages, les tix,t.î.xxo(, deux hommes suivant certains textes ', un homme et une femme d'après d'autres 9-étaient conduits à travers la ville et en étaient expulsés, chargés en quelque sorte des impuretés de la cité, en qualité d'émissaires, xxO4r71 . L'un, représentant les hommes, portait un collier de figues noires ; l'autre, représentant les femmes, un collier de figues blanches. L'un des deux textes principaux qui nous renseignent sur la cérémonie, celui d'Ilelladios 10, la rattache au meurtre du Crétois Androgéos; l'autre, celui d'Istres citépar Ilarpokration", à celui d'un certain Pharmakos, qui, ayant volé des coupes consacrées à Apollon, aurait été lapidé pour ce crime'. Istros ajoute que la cérémonie des Thargelies était une imitation, â,7 olt.tlt',N.xrx, de cet événement; il semble donc bien qu'il faille entendre que les uxpp.axol athéniens étaient mis à mort. Ces témoignages ont été très discutés. D'abord Stengel'3 a mis en doute que le xx0api.6ç ainsi compris ait été de TIIA 177 -THA mise chaque année, aux Thargélies athéniennes ; ce n'est que dans des circonstances particulières qu'on aurait eu recours à ces cérémonies expiatoires. Mais si Helladios ne parle pas précisément des Thargélies, le témoignage d'Istros est au contraire formel et ne peut être éludé. Aussi bien, en dehors d'Athènes, un texte d'Ilipponax d'l phèse l atteste le rapport entre les paoµxxo( et les Thargélies; ailleurs encore, si les Thargélies ne sont pas nommément désignées, on voit la purification par les papuaxo( se répéter annuellement'. Une question plus grave est de savoir si réellement les yxaµaxo( àthéniens étaient mis à mort. On a peine à l'admettre avec l'idée qu'on se fait de la douceur des moeurs attiques ; mais ce n'est là qu'un argument de sentiment et les exemples ne manquent pas, dans le monde grec, de rites barbares de ce genre, au moins à l'état de survivances A Éphèse peut-être, plus sûrement à Marseille '' et Abdère', la mort des (x.pu.zxol est attestée. Il a pu en être de même à Athènes, au moins à l'époque ancienne. Mais pour l'époque classique le contraire parait démontré. Le pseudo-Lysias, dans le discours contre Andocide7, comparant celui qu'il attaque à un tp«pp.xxs, parle en termes véhéments de son expulsion, nullement de sa mise à mort. Même conclusion à tirer d'un texte du dialogue platonicien intitulé Minos'. Par d'ingénieuses déductions que nous ne reproduisons pas ici, M. l'arnell° trouve encore dans le Phédon une nouvelle preuve du caractère non sanglant du xx01ppalg athénien. Et d'autre part aucun des textes où on peut trouver la mention de la mise à mort n'offre de certitude; un texte d'Eupolis est tout à fait vague10; les témoignages des scoliastes d'Aristophane 11 et de Suidas 12 semblent reposer sur un contresens13. Reste le texte d'Istros : mais il n'y est question que d'une imitation de l'histoire du bandit Pharmakos, que sans contredit les Thargélies athéniennes ne prétendaient nullement reproduire. Concluons que les ?«pu.xxo(, à Athènes et à l'époque classique, étaient simplement promenés à travers la ville et expulsés du territoire. Quels personnages jouaient le rôle de ?upp.axo(? Pour Athènes, aucun texte ne nous dit que ce fussent des criminels; c'étaient: seulement des misérables, pauvres diables et déshérités de la nature 11; d'où la signification injurieuse des mots xx0xµ0i, 9xpp.xz ç, ^EOi',Irr ct, par lesquels on les désignait. A ce que nous savons des tpxp.uzo(athéniens, des textes se rapportant à d'autres villes ajoutent quelques traits nouveaux. Ainsi des vers du satirique Hipponaxüd'Éphèse 14 nous apprennent qu'on frappait les v,apuaxo( défilant parmi la foule, avec des rameaux de figuier et des branches d'oignons (peut-être le texte est incertain16 sur les organes sexuels); d'où le nom de xpaôgr (rT,ç 17 donné aux uxpp.ar.o(. Un texte d'Ilésychius parle aussi d'un chant, xpaô(riç vdp,o,1B, qui accompagnait la « conduite » faite aux tpaop.aro(. Enfin le texte d'Hipponax pour Éphèse i9 et un texte de Servius pour Marseille 20 nous apprennent IN. que dans ces deux villes les individus qui devaient jouer le rôle de ifapp.axo( étaient préalablement nourris et même magnifiquement traités aux frais de la cité. Tous ces traits doivent tenir leur placedans une explication d'ensemble des rites purificatoires des Thargélies. Le 6 Thargélion on offrait aussi un sacrifice à Déméter Chloé21. On lui sacrifiait un bélier, xptd5, et peut-être aussi une brebis, O-ij)■Etx ; ce second point n'est pas assuré". Cette cérémonie, tout à fait indépendante de celle du xa0a?µ.6ÿ, se déroulait au sanctuaire de Gê et Déméter Chloé, sur le versant sud de l'Acropole, en contre-bas des Propylées 23. L'inscription de la tétrapole attique, publiée par de Prott mentionne aussi, en même temps que le sacrifice du xptd; et peut-être de la Oi ei à Déméter, celui d'un porc,'otpo6, aux Moires. Les cérémonies du 7 Thargélion consistaient, en une rtop.7 ii et un 7cw 2°. Dans la procession on portait les prémices de ceux des fruits de la terre arrivés à maturité96, le mot de Oaoyrlalx désignant les prémices ellesmêmes27, et celui de Oxpyv1Xo; le vase qui les renfermait". Peut-être la procession dont parle Porphyre2'1, et qui s'adresse à Hélios et aux Heures, est-elle à identifier avec la aop.7etl des Thargélies : Hélios serait ici un autre nom d'Apollon [sou]. Un scoliaste d'Aristophane parle aussi de l'E1p:r;ié'I [HIBÈsIôNÈ] à Hélios et aux Heures, aux Pyanepsies et aux Thargélies 30. Pour cQ qui est du lieu de la procession, comme il est dit que les chorèges vainqueurs (v. plus loin) aux Thargélies élevaient leurs trépieds près du Pythion 31, il est vraisemblable qu'elle se déroulait dans les parages de ce sanctuaire, sur la rive droite de l'Ilissos. L «'1dv des Thargélies nous est assez connu par les documents épigraphiques. Il était réglé par le premier archonte 32, peut-être avec l'aide des 67Ctp.EÂ7ITai33. Il comportait des chœurs cycliques u d'hommes et d'enfants, équipés et dirigés à grands frais par les chorèges36. Nous avons des listes de chorèges vainqueurs en plus grand nombre pour les chœurs d'enfants; il s'y trouve des noms connus, celui par exemple de Léogoros et celui d'un fils du démagogue Cléon3'. Deux tribus se réunissaient pour équiper un choeur37 ; c'est-à-dire qu'il y avait 5 chœurs pour les 10 tribus attiques; dans chaque groupe il semble que ce fût alternativement à l'une et à l'autre à nommer le chorège, que les groupes de tribus fussent tirés au sort pour deux ans ou pour un temps plus long". L'OE'(ds avait lieu sans doute près du temple d'Apollon Pythien; en fait on a trouvé dans cette région plusieurs inscriptions agonistiques qui doivent se rapporter aux Thargélies. Tout ce qui précède nous montre que les Thargélies étaient une des fêtes importantes du calendrier attique. D'autres faits le prouvent encore : nous savons par Démosthène que les jours de la fête étaient parmi ceux où les débiteurs insolvables ne pouvaient être poursuivis 39. C'est aux Thargélies, d'autre part, que se faisait T11A -17g TIIE l'introduction des enfants adoptifs dans la phratrie du père'. Les Thargélies enfin étaient l'une des fêtes où-se faisaient les proclamations de décrets honorifiques 2. Nous avons eu l'occasion de parler des Thargélies en dehors de l'Attique. A côté de cités comme Abdère et Marseille, où il est bien question de purifications revenant à une époque déterminée, ruais non précisément des Thargélies, on troûve la fête à Éphèse', à Milet et aussi dans une ville du Pont-Euxin, peut-être Apollonia Quel est le sens général des Thargélies attiques et ioniennes? II s'y trouve des éléments très divers, guère susceptibles d'une explication. Il nous semble qu'il faut, pour Athènes, partir de ce point que la fête des Thargelia proprement dite est la fête du 7 : procession, eirésiônè, ydv. C'est une cérémonie d'offrande des fruits de la terre, dans leur première maturité, à Apollon, dieu national des Ioniens, H Otoç et IIx't Cio;, adoré aussi sous la forme d'Apollon-Hélios. Le sacrifice du 6 à Déméter Chloé, protectrice de la végétation, est de même nature et de même signification. D'un caractère tout différent est la cérémonie du xxOxpµd;. Et là même on distingue comme deux couches, deux étages de rites. Le sens le plus net de la cérémonie est en effet celui-ci, qu'on charge les 9api.xxo( de tous les maléfices qui pèsent sur la cité et les champs. Mais des pratiques comme celle qui consiste à frapper les pxo;l.xxo( avec des branches de figuier et d'autres fruits de la terre semblent bien ressortir à un ordre de croyances tout différent, où les oxp)..xxo ne sont plus des boucs émissaires, mais les personnifications de la force végétative, la flagellation servant à en promouvoir la puissances. Et sans doute, dans les cérémonies du 6 comme du 7 Thargélion, il s'agit toujours de protéger et de fortifier la croissance des fruits de la terre; ruais les moyens employés à ce faire et les croyances qu'ils supposent sont tout dissemblables. Notons d'autre part que les cérémonies du xa9aaud; n'ont presque aucun lien spécial avec Apollon ; l'histoire du bandit Pharmakos est venue là pour raccorder à la religion apollinienne des rites primitivement sans rapport avec elle 7. Comme Apollon, flans la religion classique, est le dieu qui envoie les épidémies, les fléaux collectifs, la même cérémonie magique qui servait à écarter de la terre de tels maléfices, comme à promouvoir la vie végétative, put se ranger au culte de cette divinité, et, prenant un caractère plus net de rite expiatoire, s'accoler aux fêtes qui sont vraiment le propre d'Apollon. On aurait ainsi dans les Thargelia de l'époque historique un exemple assez net, où les joints se laissent voir encore, de l'association des pratiques de la vieille magie préhellénique à celles de la religion olympienne celleslà représentées par le xxOaçlr.6ç du 6 Thargélion, celles-ci par les Thargélies proprement dites, procession et jeux à forme classique. Éiul.E CA11E:N.